B. DES DIVERGENCES SUR CERTAINS POINTS

1. La lutte contre la prostitution sur Internet

En première lecture, la commission spéciale du Sénat n'avait pas modifié l'article 1 er tel qu'issu de l'Assemblée nationale et relatif à la lutte contre l'utilisation d'internet comme vecteur de la prostitution. Il ne comportait donc plus la disposition controversée relative au blocage administratif des sites facilitant le proxénétisme ou la traite, supprimée par les députés en première lecture à l'instigation du Gouvernement. En revanche, en séance publique, le Sénat avait adopté, contre l'avis du Gouvernement, deux amendements identiques de Mme Chantal Jouanno et de la commission spéciale visant à rétablir cette disposition.

En deuxième lecture, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a approuvé la réintroduction de cette disposition. Elle a, en outre, adopté un amendement de sa rapporteure destiné à effectuer des coordinations nécessaires à l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Toutefois, cette disposition a de nouveau été supprimée en séance publique, une partie étant déclarée irrecevable au regard de l'article 40, l'autre étant supprimée par un amendement de M. Sergio Coronado adopté avec l'avis favorable du Gouvernement. Celui-ci a en effet estimé qu'il convenait d'évaluer le nouveau dispositif de blocage des sites terroristes et pédopornographiques avant de l'étendre à d'autres infractions.

2. Les mesures sociales à destination des personnes prostituées

À l'initiative de M. Charles de Courson, l'Assemblée nationale avait inséré en première lecture un article 1 er bis visant à ce que les formations des travailleurs sociaux intègrent les questions relatives à la prévention de la prostitution. Le Sénat avait complété le dispositif afin que la formation de ces travailleurs sociaux puisse également porter sur l'identification des situations de prostitution, de proxénétisme et de traite des êtres humains.

La commission spéciale de l'Assemblée nationale a adopté un amendement revenant en partie sur la formulation adoptée par le Sénat. Ainsi, selon l'Assemblée nationale, ce sont les travailleurs engagés dans la prévention de la prostitution et dans l'identification des situations de prostitution de proxénétisme et de traite des êtres humains qui bénéficient des formations sociales, alors que selon le Sénat, ce sont l'ensemble des travailleurs sociaux, engagés dans le processus de formation prévu par le code de l'action sociale et des familles, qui doivent être sensibilisés à ces questions au cours de leur formation.

En première lecture, le Sénat avait en grande partie réécrit l'article 3 relatif à l'accompagnement des personnes prostituées. L'Assemblée nationale a conservé l'essentiel de ces changements tout en revenant à sa position initiale sur quelques sujets ponctuels. Elle a notamment substitué à la notion de « projet d'insertion sociale et professionnelle », celle de « parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle », réintroduisant ainsi la notion de parcours, à laquelle s'était opposé le Sénat, qui avait estimé qu'il était préférable de proposer aux personnes accompagnées un projet personnalisé plutôt qu'un parcours linéaire et prédéfini. Le Sénat avait ouvert à l'ensemble des associations ayant pour objet l'aide et l'accompagnement des personnes en difficulté la possibilité d'être agréées pour élaborer et mettre en oeuvre le projet d'insertion sociale et professionnelle. L'Assemblée nationale a préféré restreindre cette possibilité aux seules associations qui aident et accompagnent les personnes prostituées. Enfin, elle a assoupli les règles de composition de l'instance chargée d'assurer le suivi du projet d'insertion sociale et professionnelle en supprimant la référence au fait que les collèges qui la composent
- représentant de l'État, des collectivités territoriales, des services de justice, des professionnels de santé et associations - devraient être de taille égale.

À l'article 3 bis , relatif à l'extension de la liste des publics prioritaires pour l'attribution de logements sociaux, l'Assemblée nationale n'a adopté que des amendements de coordination et de cohérence par rapport aux modifications introduites à l'article 3.

À l' article 15 , l'Assemblée nationale a prévu que serait dispensée dans l'enseignement secondaire une information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la « marchandisation des corps ». Estimant que cette dernière expression relevait davantage du slogan et conduirait à aborder des sujets dépassant le cadre de l'éducation sexuelle, le Sénat avait préféré que soient abordés les enjeux liés aux représentations sociales du corps humain. L'Assemblée nationale a rétabli la notion de « marchandisation des corps » en seconde lecture.

3. La lutte contre la criminalité liée à la prostitution

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale n'a apporté que des modifications rédactionnelles à l'article 1 er ter qui prévoit que les personnes victimes de la prostitution peuvent bénéficier de certaines mesures de protection telles que la possibilité de déclarer comme domicile l'adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie et celle de bénéficier de mesures destinées à assurer leur protection, leur insertion et leur sécurité.

L'article 9 bis , introduit en première lecture par l'Assemblée nationale, a pour objet d'aggraver les peines encourues par les personnes auteures de faits de violence à l'encontre de personnes prostituées au cours de leur activité de prostitution. Il crée une nouvelle circonstance aggravante d'atteintes à une personne qui se livre à la prostitution, quand sont commises à son encontre certaines infractions violentes. La commission spéciale du Sénat avait supprimé cet article en considérant que le code pénal prévoyait d'ores et déjà de nombreuses circonstances aggravantes lorsque des infractions sont commises à l'encontre de personnes considérées comme étant particulièrement vulnérables. En deuxième lecture, les députés ont toutefois estimé que la notion générale de vulnérabilité, telle qu'elle est définie par le code pénal, ne protégeait pas nécessairement l'ensemble des personnes prostituées à raison de leur activité et a rétabli cet article.

Enfin, à l'article 11 , la commission spéciale du Sénat avait supprimé la possibilité pour les associations reconnues d'utilité publique de se porter partie civile sans l'accord de la victime de proxénétisme ou de traite des êtres humains. En deuxième lecture, la commission spéciale de l'Assemblée nationale a rétabli cette disposition.

4. Le droit au séjour des personnes prostituées étrangères

L'article 6 proposait notamment de créer un nouvel article L. 316-1-1 au sein du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), prévoyant qu'une autorisation provisoire de séjour (APS) d'une durée de six mois peut être délivrée à l'étranger victime de proxénétisme ou de traite qui, ayant cessé l'activité de prostitution, est engagé dans le parcours de sortie de la prostitution mis en place par l'article 3, cette APS étant renouvelable pendant toute la durée du parcours de sortie de la prostitution.

Le Sénat avait adopté en première lecture des amendements visant à faciliter la délivrance et le renouvellement de ce document . Il avait ainsi supprimé la condition de cessation de l'activité de prostitution, prévu une délivrance de plein droit de cette autorisation provisoire et relevé sa durée de validité à un an au lieu de six mois. En deuxième lecture, les députés sont revenus sur l'ensemble de ces modifications, estimant qu'il était essentiel que la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », délivrée en application de l'article L. 316-1 du CESEDA aux victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme qui dénoncent et aident à démanteler les réseaux, soit plus attractive que l'autorisation provisoire de séjour délivrée en application du nouvel article L. 316-1-1 aux personnes prostituées seulement engagées dans le parcours prévu à l'article 3.

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