II. LES ORDONNANCES DE 2014 PORTANT RÉFORME DU DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ

En vertu de l'article 2 de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, le Gouvernement a été autorisé à procéder par ordonnance à d'importantes réformes du livre VI du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises, tant en matière de prévention que de traitement des difficultés des entreprises.

Sur ce fondement, deux ordonnances ont été prises 23 ( * ) dans le délai d'habilitation de neuf mois :

- l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives (117 articles) ;

- l'ordonnance n° 2014-1088 du 26 septembre 2014 complétant l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives (14 articles).

Assortie du décret n° 2014-736 du 30 juin 2014, la première ordonnance du 12 mars 2014 est entrée en vigueur le 1 er juillet 2014. Sauf exceptions, elle ne s'est pas appliquée aux procédures en cours. La seconde est entrée en vigueur dès sa publication.

Le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 12 mars 2014 a été déposé au Sénat le 30 juillet 2014 (n° 786, 2013-2014), tandis que le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 26 septembre 2014 a été déposé au Sénat le 18 février 2015 (n° 295, 2014-2015). Ils proposent tous les deux une ratification « sèche », sans modification des dispositions issues des ordonnances.

Cependant, votre rapporteur observe que le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXI ème siècle, déposé sur le Bureau du Sénat le 31 juillet 2015 et bientôt examiné par votre commission, propose de modifier, dans son article 50, certaines dispositions du livre VI du code de commerce issues des ordonnances précitées ou connexes à celles-ci.

A. LES TERMES DE L'HABILITATION À LÉGIFÉRER PAR ORDONNANCE

La loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 précitée avait été examinée par votre commission, sur le rapport de notre collègue Thani Mohamed Soilihi 24 ( * ) , avant d'être adoptée par le Sénat.

S'agissant du recours à une ordonnance pour réformer de nombreuses dispositions du droit des entreprises en difficulté, notre collègue avait indiqué dans son rapport :

« Même s'il estime que la réforme du droit des entreprises en difficulté mériterait un projet de loi à part entière plutôt que le renvoi aux ordonnances, votre rapporteur tient à souligner le précédent de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, dernière réforme d'ampleur dans ce domaine, prise sur le fondement de l'article 74 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, trois ans après la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises. Votre rapporteur constate toutefois que l'habilitation figurant dans la loi du 4 août 2008 était plus précise que celle qui figure aujourd'hui dans le présent projet de loi quant aux mesures envisagées. »

Le texte de l'habilitation, particulièrement étendue, est rappelé dans l'encadré ci-après.

Article 2 de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014
habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises

Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi afin :

1° De favoriser le recours aux mesures ou procédures de prévention relevant du livre VI du code de commerce ou du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime et d'améliorer leur efficacité en :

a) Élargissant leur champ d'application, notamment en permettant au président du tribunal de grande instance de recourir au mécanisme de l'alerte et en améliorant la procédure d'alerte par le commissaire aux comptes ;

b) Prévoyant des dispositions incitant les débiteurs à recourir à de telles mesures ou procédures, en modifiant les conditions auxquelles des délais de grâce peuvent être accordés par le président du tribunal, en renforçant les droits des créanciers recherchant un accord négocié et l'efficacité de cet accord, en réputant non écrites les clauses contractuelles qui font obstacle au recours à un mandat ad hoc ou à une conciliation et en introduisant des dispositions assurant la régulation des coûts de ces procédures et une prise en charge équilibrée des rémunérations allouées aux intervenants extérieurs ;

2° De faciliter la recherche de nouveaux financements de l'entreprise bénéficiant d'une procédure de conciliation et d'améliorer les garanties pouvant s'y rattacher, sans porter atteinte aux intérêts de l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés ni remettre en cause le privilège des créances des salariés ;

3° De renforcer l'efficacité de la procédure de sauvegarde en adaptant les effets de l'ouverture de la procédure de sauvegarde sur la situation juridique du débiteur et de ses partenaires, d'assouplir les conditions d'ouverture de la procédure de sauvegarde financière accélérée et de créer une procédure de sauvegarde, incluant les créanciers non financiers, ouverte en cas d'échec d'une procédure de conciliation ;

4° De promouvoir, en cas de procédures collectives, la recherche d'une solution permettant le maintien de l'activité et la préservation de l'emploi par des dispositions relatives à une meilleure répartition des pouvoirs entre les acteurs de la procédure, au rôle des comités de créanciers, à l'amélioration de l'information des salariés et aux droits des actionnaires ;

5° D'assouplir, de simplifier et d'accélérer les modalités de traitement des difficultés des entreprises en cessation des paiements dont la situation est irrémédiablement compromise en les assortissant de mécanismes de contrôle, de créer une procédure spécifique destinée aux débiteurs qui ne disposent pas de salariés ni d'actifs permettant de couvrir les frais de procédure et de faciliter la clôture pour insuffisance d'actif lorsque le coût de la réalisation des actifs résiduels est disproportionné ;

6° D'améliorer les procédures liquidatives en :

a) Précisant les modalités de cession de l'entreprise ;

b) Dissociant la durée des contraintes imposées au débiteur de celle des opérations de réalisation et de répartition de son actif ;

c) Supprimant les obstacles à une clôture de la procédure pour extinction du passif, comme celui résultant de la dissolution de plein droit de la société dès l'ouverture de la procédure prévue au 7° de l'article 1844-7 du code civil ;

d) Clarifiant les conditions d'une clôture pour insuffisance d'actif ;

7° De renforcer la transparence et la sécurité juridique du régime procédural prévu au livre VI du code de commerce, notamment en :

a) Précisant et complétant les critères de renvoi d'une affaire devant une autre juridiction pour tenir compte de l'appartenance du débiteur à un groupe ou de l'importance de l'affaire ;

b) Améliorant l'information du tribunal et de son président et en permettant une meilleure prise en compte d'autres intérêts que ceux représentés dans la procédure ;

c) Précisant les conditions d'intervention et le rôle du ministère public et des organes de la procédure ;

d) Clarifiant la compétence et les pouvoirs du juge-commissaire et en adaptant en conséquence son statut juridictionnel ;

e) Améliorant les modalités de déclaration des créances et de vérification du passif ;

f) Tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-286 QPC du 7 décembre 2012 (société Pyrénées services et autres), relative à la saisine d'office du tribunal de commerce ;

8° D'adapter les textes régissant la situation de l'entreprise soumise à une procédure collective, notamment en cas de cessation totale d'activité, en harmonisant les dispositions du livre VI du code de commerce et les dispositions correspondantes du code du travail.


* 23 Il est rare que plusieurs ordonnances soient prises successivement sur le fondement d'une même habilitation.

* 24 Rapport n° 201 (2013-2014). Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/rap/l13-201/l13-201.html.

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