AUDITION DE L'AGENCE CENTRALE DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE (ACOSS)

Audition de M. Jean-Louis REY, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale

Réunie le mercredi 14 octobre 2015 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'audition de M. Jean-Louis Rey, directeur général de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) accompagné de M. Alain Gubian, directeur financier sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

M. Alain Milon , président . - Nous poursuivons nos auditions avec M. Jean-Louis Rey, directeur général de l'Acoss, accompagné de M. Alain Gubian, directeur financier. Nous avons souhaité faire le point sur l'évolution des recettes, sur la situation de la trésorerie ainsi que sur les transferts de dette à la Cades.

M. Alain Gubian, directeur financier de l'Acoss . - Par rapport aux prévisions de la commission des comptes de septembre 2014, nous avons enregistré un surcroît de recettes de 500 millions d'euros de cotisations, notamment sur le champ des travailleurs indépendants et de 400 millions d'euros de CSG, notamment sur les revenus de remplacement. Il n'y a pas de changement majeur sur les hypothèses économiques.

En revanche, pour 2015, le taux d'évolution de la masse salariale avait été estimé à 2 % en LFSS ; il a été révisé à 1,3 % en juin dernier et à 1,7 % par la commission des comptes de septembre, taux repris dans le PLFSS. Cette évolution est cohérente avec les remontées d'informations des Urssaf. Nous avons assisté à une très forte hausse de la masse salariale au premier trimestre de 0,9 % et à un contrecoup avec une évolution de 0,3 % au deuxième trimestre. L'hypothèse de 1,7 % pour l'année est donc tout à fait crédible.

Cette hypothèse crédible conforte celle d'une hausse des cotisations de 600 millions d'euros pour l'année 2015. On observe un petit retrait sur la CSG lié à un fort recul sur les produits de placement mais un léger mieux sur les revenus d'activité. Il y a peu de changement entre les prévisions de juin et celles de septembre.

Vous nous avez interrogés sur l'élasticité. C'est un sujet technique sur lequel je relèverai simplement que, quand l'écart entre le Smic et le salaire moyen par tête se creuse de 1 %, on observe un effet sur les allègements de l'ordre de - 3 %. L'effet est bien sûr inverse lorsque le Smic évolue plus vite que la moyenne des salaires.

Pour ce qui concerne les reprises de dette, le schéma arrêté en 2011, après la reprise des déficits anciens, prévoyait un plafond global de reprise des déficits de la Cnav et du FSV de 62 milliards d'euros pour les années 2011 à 2018. Les mesures prises pour le retour à l'équilibre de la branche vieillesse ayant porté leurs fruits, la loi de financement pour 2014 a élargi le champ des reprises aux autres branches. C'est ainsi qu'en 2015, sur une reprise de dette de 10 milliards, 4,4 milliards correspondaient aux reprises des déficits de 2012 de la Cnam et de la Cnaf, 0,3 milliard à l'ajustement des déficits 2013 de la Cnav et du FSV et un peu de déficit Cnam, et 5,3 milliards aux déficits 2014 de la Cnav et du FSV.

A la fin de l'année 2015, 18,3 milliards de déficits resteront portés en trésorerie à l'Acoss, pour l'essentiel des déficits 2013 et 2014 de la Cnam et de la Cnaf.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 propose de reprendre dès 2016 les montants de dettes dont la reprise était programmée en 2016, 2017 et 2018 pour un montant total de 23,6 milliards d'euros. La Cades doit être capable de lever sur les marchés 13,6 milliards de plus que les années précédentes, ce qui nécessite un calendrier de reprise sur neuf mois.

Cette mesure est une très bonne chose sur le plan économique. La Cades bénéficie de taux très faibles et pourra sécuriser pour le risque de taux une part importante de la dette. Ceci, même s'il est possible actuellement, à court terme, d'emprunter à des taux négatifs pour l'emprunteur. L'Acoss, comme les autres administrations publiques, a une excellente note à court terme.

M. Jean-Louis Rey, directeur général de l'Acoss . - A titre d'exemple, les 28,5 milliards d'euros empruntés en moyenne par l'Acoss en 2015 ont représenté un gain compris entre 5 et 10 millions d'euros.

M. Alain Gubian . - A ce stade, la reprise des déficits résiduels de l'année 2016 et des années suivantes n'est pas organisée.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - Quels sont les montants en cause ?

M. Alain Gubian . - A la fin 2016, il restera 8,2 milliards de déficits des années antérieures auxquels s'ajouteront les déficits non repris de l'année 2016, pour un total de 30 milliards à la fin de période de programmation. Il s'agit de la dette du régime général, à laquelle il convient d'ajouter 4 milliards de dette du régime agricole.

Le plafond d'emprunt de l'Acoss est ajusté au calendrier de reprise de dette. De 36,3 milliards en 2015, il est porté à 40 milliards, sous l'effet de la dette de la branche vieillesse du régime agricole, jusqu'à la mi-année. Il est ensuite abaissé à 30 milliards d'euros, une fois la reprise de dette opérée.

Voici les principales observations qu'appellent les questions que vous nous aviez adressées.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - La rédaction de l'article 11, relatif à la proportionnalité des redressements lorsque les régimes de protection sociale complémentaire d'entreprises perdent le bénéfice de l'exclusion d'assiette, vous semble-t-elle suffisamment claire pour être véritablement protectrice des cotisants. Il y est notamment fait mention de « tout autre document » ou encore de « méconnaissance des règles d'une particulière gravité ».

L'article 12 prévoit le transfert aux Urssaf du recouvrement des cotisations maladie des professions libérales, jusqu'ici assuré par les organismes conventionnés du RSI. Ce transfert vous semble-t-il pouvoir s'opérer sans répéter la crise de l'interlocuteur social unique ?

Dans le cadre de la protection universelle maladie, comment procéderont les différents régimes pour retracer les cotisations ouvrant des droits?

M. Jean-Louis Rey . - L'article 11 permet la proportionnalité des redressements opérés lors du contrôle des régimes complémentaires d'entreprise. L'enjeu est important car l'assiette est considérable, 18,3 milliards, avec un enjeu de 5,3 milliards d'euros de cotisations en 2015. Nous sommes très favorables à cet article car ces contrôles sont source de difficultés permanentes. Le cadre légal actuel ne permet pas la proportionnalité, cet article va donc dans le bon sens. La notion de « tout autre document justificatif » est déjà connue, notamment aux articles R. 242-1 et suivants du code de la sécurité sociale, elle ne soulève pas de difficulté particulière. Les entreprises y sont habituées, il n'y a pas de liste de pièces justificatives. En revanche la notion de « méconnaissance d'un particulière gravité »  est nouvelle et n'est pas définie. Une première solution serait, qu'au minimum, une circulaire indique les cas précis dans lesquels elle peut s'appliquer. L'autre solution serait d'y renoncer en considérant que le premier cas visé par l'article est suffisant.

Pour ce qui concerne l'article 12, je suis surpris que vous me parliez de l'ISU. Cet article ne met pas les professions libérales dans l'ISU. Seules les Urssaf seront acteurs de ce recouvrement, par une délégation complète du RSI. Un des enjeux, que vous avez bien identifié, est celui des flux retours d'informations sur les cotisations effectivement recouvrées vers les organismes conventionnés pour qu'ils puissent servir les prestations. C'est un sujet que nous avons traité avec le RSI et nous sommes aujourd'hui en mesure d'assurer des flux retours de qualité. Je ne suis pas en mesure de vous dire quel est le nombre de personnels qui pourrait être concerné par une intégration aux Urssaf. Il est probable qu'à l'issue du processus, ils seront peu nombreux. Les deux organismes concernés ont une activité en Ile-de-France où l'Urssaf emploie 2 700 personnes et a la capacité d'absorber quelques dizaines d'unités. Je n'ai pas le souvenir qu'une indemnité ait été versée aux organismes conventionnés lors du transfert à l'ISU du recouvrement des cotisations des travailleurs indépendants mais ce serait à vérifier.

Avec la protection universelle maladie (Puma), la cotisation à la CMU de base va disparaître au profit de la cotisation Puma, due individuellement et assise sur les revenus du capital. Pour la gestion de la nouvelle cotisation, un flux d'information sera organisé directement depuis la DGFIP et n'impliquera plus les CPAM. Ce seront les Urssaf qui interrogeront chaque année les intéressés sur leur régime d'affiliation.

M. Jean-Noël Cardoux . - Pouvez-vous préciser la composition du stock résiduel de dette de 30 milliards, dont je voudrais rappeler qu'il reste exposé à une hausse des taux d'intérêt à court terme, qui finira forcément par intervenir, la situation idyllique actuelle n'étant pas appelée à perdurer ? La principale source de dysfonctionnement du RSI réside dans l'inadaptation des systèmes d'information utilisés. Où en sommes-nous de ce chantier ?

Mme Annie David . - L'ensemble des chiffres annoncés et les questions du rapporteur général figureront bien au compte-rendu ?

Mme Pascale Gruny . - Je voudrais des précisions sur l'état d'avancement de la déclaration sociale nominative. Elle est présentée comme une source de diminution du travail administratif des entreprises mais c'est aussi le cas pour les Urssaf. Elle représente un coût pour les entreprises, qui doivent investir de l'ordre de 10 000 euros. Pour les plus petites, c'est difficile.

M. Alain Gubian . - A la fin de la période visée par l'annexe C, en 2018, la dette portée par l'Acoss serait de 30 milliards d'euros, auxquels il faut ajouter 4 milliards d'euros de dette agricole. L'Acoss porte cette dette pour optimiser la trésorerie de la MSA mais cela ne résout pas le problème sur le fond.

M. Jean-Louis Rey . - La CCMSA entretient une relation traditionnelle avec le Crédit agricole, aujourd'hui présent au sein d'un pool bancaire, mais les conditions sont plus onéreuses qu'un financement sur les marchés.

Mme Nicole Bricq . - C'est de bonne gestion.

M. Alain Gubian . - Nous sommes optimistes quant à l'évolution des taux courts à horizon de l'année qui vient, en raison de la faiblesse de la croissance. En cela, les prévisions sont difficiles.

M. Jean-Noël Cardoux . - Ne serait-il pas opportun de relever le plafond des transferts à la Cades afin d'anticiper un dérapage des taux ?

M. Jean-Louis Rey . - Cela impliquerait de lui attribuer des ressources supplémentaires. C'est une équation de prélèvements obligatoires.

Il y a de réels problèmes de systèmes d'information pour gérer l'ISU ; ils sont anciens et doivent évoluer. L'essentiel des opérations de recouvrement s'effectuent dans des conditions normales. Le système d'information n'est pas défaillant, sinon cela ne serait pas tenable, mais les choses doivent évoluer. Dans les deux années qui viennent, des avancées technologiques significatives seront opérées. D'ici à 2018, le système d'information ne sera plus un sujet. Le sujet est pris en main en étroite concertation avec le RSI.

50 000 entreprises mettent en oeuvre la déclaration sociale nominative. Ce nombre est certes inférieur au 1,5 million attendu. Mais ces entreprises emploient 9 des 17 millions de salariés. La DSN fonctionne très bien. Passé un temps de 2 à 3 mois d'apprentissage, il n'y a pas de difficultés particulières. Nous allons reporter d'un an la généralisation prévue au 1 er janvier 2016. Il y a deux difficultés dans ce dossier. La première, c'est la difficulté des éditeurs de logiciel à mettre sur le marché de bons produits. Ils ont sous-estimé l'ampleur de la tâche et les premiers produits n'étaient pas au niveau. Ce sujet est sur le point d'être clos. La seconde difficulté, c'est le comportement des experts comptables qui n'ont pas donné les signes nécessaires pour accompagner cette réforme. Il ne s'est rien passé depuis un an. Seules 450 entreprises sont accompagnées par un expert-compatble. Ces professionnels ont été resensibilisés il y a quelques jours et ont pris des engagements. Leurs logiciels sont prêts, c'est une question plus politique. Cette profession vit de la complexité.

Mme Pascale Gruny . - Il en reste, qu'ils ne s'inquiètent pas !

M. Jean-Louis Rey . - C'est de la sociologie. Pour ce qui concerne les logiciels, 10 000 euros, c'est totalement exorbitant pour mettre en place la DSN. Il n'y a aucune autorité de régulation de la qualité et du coût des logiciels.

Les entreprises qui ont intégré la DSN en sont très satisfaites et commencent à calculer leur retour sur investissement. C'est une vraie simplification. Dans l'immédiat, le retour est moindre pour les organismes de recouvrement, qui ont réalisé de gros investissements mais, dès l'année prochaine, avec la suppression de la DADS, il y aura des bénéfices pour tout le monde. D'ici à quelques années, on pourra en tirer.

M. Alain Milon , président . - Les experts-comptables n'ont rien à ajouter ?

M. Jean-Noël Cardoux . - Je suis tout à fait d'accord. J'ai moi-même été pris à partie pour mon intervention à la tribune du Cese, où je représentais le président Larcher pour la présentation du rapport qu'il avait demandé sur le RSI, pour avoir rappelé l'engagement pris devant notre collègue Jean-Pierre Godefroy et moi-même, par le président de l'ordre, qui a changé depuis, engagement qui n'a pas été suivi d'effet. Il s'agissait d'inciter, via l'édition d'une norme professionnelle, à recourir à un dispositif dont je suis persuadé qu'il est de nature à répondre à bien des difficultés : la possibilité de limiter, sous sa responsabilité, ses acomptes et de passer, lors du constat d'un bon résultat, les cotisations sociales en provisions afin d'en limiter l'impact fiscal. Je ne peux pas contredire ce que vous exprimez.

M. Alain Milon , président . - Il me reste à vous remercier pour l'intérêt de votre exposé et de vos réponses.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page