TRAVAUX DE LA COMMISSION
AUDITION DES MINISTRES

Audition de M. Christian ECKERT, secrétaire d'État au budget

Réunie le jeudi 8 octobre 2015 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'audition de M. Christian ECKERT, secrétaire d'État au budget, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , président . - Bienvenue, monsieur le ministre. Je vous prie d'excuser l'absence de M. Milon, retenu dans son département, ainsi que celle de M. Roche, rapporteur pour la branche vieillesse. La situation des comptes sociaux est plus satisfaisante, comme vous l'avez déclaré à la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS). Les déficits sont revenus à leur niveau d'avant la crise. Un bémol à ce satisfecit : la situation d'alors n'était pas brillante et cette amélioration résulte surtout d'un niveau record des prélèvements obligatoires affectés à la sphère sociale. Les défis sont encore nombreux. Le retour à l'équilibre des régimes de base et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) n'est pas encore en vue : nous aurons encore 2 milliards de déficit en 2019. Les retraites complémentaires, comme l'assurance-chômage, appellent de la part des partenaires sociaux des mesures urgentes et difficiles. J'ai eu la surprise de constater, le jour de la dernière réunion de la CCSS, que le retour à l'équilibre de la branche retraite faisait la une d'un grand quotidien du soir. Une telle nouvelle méritait certes les honneurs de la presse mais c'était oublier un peu vite les quelque 3,7 milliards d'euros du déficit du FSV ! Aussi ne serez-vous pas surpris que celui-ci fasse aujourd'hui l'objet de plusieurs questions.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Le PLFSS pour 2016 a été examiné hier en conseil des ministres. Il ne sera discuté au Sénat que dans quelques semaines. Secrétaire d'État chargé du budget, je ne pourrai sans doute pas répondre à toutes vos questions - mais je sais que vous auditionnerez prochainement Mme Touraine. Traditionnellement, je présente plutôt les recettes et celle-ci évoque les dépenses. Le ministre des finances est aussi en charge des « comptes publics », au sein desquels les dépenses sociales sont prépondérantes, puisqu'elles avoisinent 500 milliards d'euros, sans compter les dépenses qui sont hors du champ de la sécurité sociale. Il s'agit du premier poste des quelques 1 200 milliards d'euros de dépenses publiques. D'où l'importance d'une bonne coopération entre le ministre des finances et celui chargé des affaires sociales. Ma relation de travail avec Mme Touraine est étroite et confiante.

Loin de l'augmentation, voire de l'explosion des comptes sociaux évoquée par certains, la réduction du déficit se poursuit et plus rapidement que prévu. Cela témoigne de l'efficacité de notre démarche budgétaire. Nous la prolongerons en 2016, grâce à des efforts d'économie prévus par ce PLFSS, en particulier en matière de santé, sans renoncer à nos priorités et tout en accordant de nouveaux droits aux affiliés. Ce PLFSS poursuit la mise en oeuvre de notre politique économique, puisqu'il prévoit une baisse des prélèvements sociaux et de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), en application des engagements du pacte de responsabilité et de solidarité.

Il illustre notre crédibilité budgétaire, que vous avez bien voulu reconnaître, monsieur le président - quoiqu'avec quelques nuances - puisque nos comptes sociaux se redressent et que nous enregistrons des résultats. Je vous avais présenté en mars dernier l'exécution du budget en 2014 : nous avions constaté une amélioration très nette du solde budgétaire de la sécurité sociale, qui s'établit à 13,2 milliards d'euros, soit 2 milliards d'euros de moins que prévu. Depuis, la Cour des comptes, qui a certifié pour la deuxième année consécutive les comptes de chacune des branches du régime général, a confirmé ce résultat. Le solde des comptes de l'ensemble des administrations publiques pour 2014 a été récemment révisé à la baisse par l'Insee. Il s'établit désormais à 3,9 % du PIB. En 2015, nous devrions atteindre 3,8 %. Pour l'heure, aucun signal ne nous permet de mettre en doute cette prévision. Ce sera la première fois depuis longtemps que les recettes correspondent aux prévisions - peut-être à un milliard d'euros près.

Depuis le début de la législature, le déficit de la sécurité sociale recule chaque année. Il est passé de 21 milliards d'euros en 2011 à 12,8 milliards d'euros prévus en 2015. Cela nous ramène à la situation d'avant la crise - ce qui n'est pas, je vous l'accorde, la meilleure jauge ! L'an prochain, deux des quatre branches du régime général seront à l'équilibre : la branche « accidents du travail » et la branche « vieillesse » qui devient excédentaire. Le déficit de la branche « famille » ne sera plus que de 800 millions d'euros, et l'équilibre devrait être atteint en 2017, incontestablement grâce à nos réformes. Quant à la branche « vieillesse », des calculs d'apothicaires sont faits pour savoir si l'amélioration est due à la réforme récente ou à la précédente. C'est probablement le cumul des deux - même si elles ne sont pas de même nature - qui a été efficace.

Pour la première fois, le montant de la dette sociale va reculer : la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) va rembourser 13,6 milliards d'euros, alors que le déficit qu'elle prendra en charge sera de 12,8 milliards d'euros. Cette inversion de la tendance devrait persister l'an prochain, puisque le déficit devrait être encore moindre. L'horizon de remboursement intégral de la dette sociale, fixé à 2024, ne s'éloigne plus, au contraire. Nous allons donc transférer à la Cades 23,6 milliards d'euros de dettes de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), ce qui nous portera au plafond, fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, à 62 milliards d'euros. Nous profiterons ainsi des taux d'intérêt favorables et nous nous mettrons à l'abri d'une remontée des taux, puisque la Cades, contrairement à l'Acoss, emprunte à long terme.

En 2016, la contribution des administrations de sécurité sociale au plan d'économies de 50 milliards d'euros sera de 7,4 milliards d'euros et elle se fera sans suppression de droits ni augmentation des franchises. Le rythme d'évolution des dépenses sociales en 2016 sera le plus faible enregistré : 0,5 % après 0,8 % en 2015.

Certains doutent que nous puissions parler d'économies dès lors que les dépenses augmentent. Mais les Français sont de plus en plus nombreux, ils vivent de plus en plus longtemps et les soins sont de plus en plus coûteux. Chaque année, nous comptons 200 000 Français supplémentaires. Il faut bien des maternités, des soins au coût croissant pendant une durée de vie de plus en plus longue. Par exemple, l'hépatite C nous a coûté 650 millions d'euros l'an passé. Tant mieux puisque nous avons ainsi guéri plus de 10 000 personnes - qui, du coup, n'auront plus à être soignées. D'ailleurs, le Parlement a adopté une disposition limitant le coût de ce traitement, sans laquelle nous aurions dépensé 1 milliard d'euros. En l'absence de mesures, les dépenses d'assurance maladie augmenteraient chaque année d'environ 3,8 %. En prévoyant un objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) de 1,75 %, nous prétendons avec aplomb faire des économies. Ce n'est pas de l'esbroufe, c'est ainsi que les standards européens, qu'il s'agisse de Bruxelles ou des agences de notation, apprécient ce type d'évolution.

Pour contenir les dépenses, nous allons favoriser la prévention : gratuité du dépistage du cancer du sein et des examens complémentaires, programme de prévention de l'obésité chez les jeunes enfants, gratuité et confidentialité du parcours de contraception des mineures... Nous allons également modifier les parcours de prise en charge, par exemple en soutenant la modernisation de la filière visuelle pour raccourcir les délais d'attente en ophtalmologie. Nous favoriserons l'accès aux soins des salariés précaires en soutenant la souscription d'un contrat complémentaire santé et celui des retraités par une mesure diminuant le coût des contrats souscrits par les plus de 65 ans. Nous créons la protection universelle maladie, qui sera l'une des réformes sociales importantes de cette législature. Désormais, les assurés seront tous rattachés individuellement à la sécurité sociale, et ce à vie, pourvu qu'ils continuent à remplir les conditions de résidence, qui demeurent inchangées. Leur affiliation ne dépendra plus de leur statut professionnel ni de leur situation personnelle. De nombreuses personnes bénéficient de la sécurité sociale en tant qu'ayant-droit d'un autre assuré. Comme la couverture maladie universelle (CMU) couvre des personnes qui ne sont pas des ayants-droit, cette situation n'a plus guère de sens. L'ensemble des personnes en situation régulière qui résident en France depuis plus de six mois auront droit à leur carte Vitale, ce qui simplifiera beaucoup la vie de certains assurés.

Le PLF et le PLFSS prévoient, chacun pour ce qui le concerne, de nouvelles modalités de revalorisation des prestations sociales. Beaucoup de prestations étaient indexées sur l'inflation prévue. Une correction était effectuée une fois l'inflation exacte connue. Cette règle aurait dû conduire, le 1 er avril dernier, à diminuer les prestations familiales de 0,7 % ! Nous allons harmoniser les dates de revalorisation, dont le nombre passera de cinq à deux : le 1 er octobre pour les retraites et le 1 er avril pour les autres. En cas d'inflation négative, les prestations ne pourront être diminuées.

Cette année, le Gouvernement a décidé de ne pas appliquer la formule de revalorisation. Personne n'a protesté, mais il est curieux de voir un Gouvernement ne pas appliquer la loi... À long terme, cette réforme est neutre, puisque l'inflation constatée et l'inflation prévisionnelle ont vocation à converger. En période de faible inflation, il s'agit d'une source d'économies, partagées entre l'État et la sécurité sociale, d'un montant compris entre 400 et 600 millions d'euros pour 2016.

Ce PLFSS met en oeuvre les mesures du pacte de responsabilité en prévoyant une baisse de 1,8 point des cotisations sociales pour les salaires allant jusqu'à 3,5 fois le SMIC. Certes, cette mesure entrera en vigueur le 1 er avril et non le 1 er janvier. Certains ont hurlé à la trahison. Mais en 2015 des mesures ont été prises : suramortissement pour les entreprises - qui correspond en fait à une subvention d'un montant égal à 40 % de l'investissement -, mesures concernant l'apprentissage, mesures relatives aux seuils qui déclenchent le versement transport ou des modifications de la fiscalité, modification des charges sociales sur les attributions gratuites d'actions. Cumulées, elles représentent une dépense annuelle de 1,3 milliard d'euros en faveur des entreprises. Le pacte a prévu 9 milliards d'euros de réduction d'impôts et de cotisations. C'est pour respecter ce volume que nous avons décalé de trois mois l'entrée en vigueur de la baisse des cotisations sociales, qui est une mesure à un coup, quand les 1,3 milliard d'euros que j'ai évoqués constituent un coût renouvelé chaque année. D'autres décisions auraient pu être retenues, y compris par le Parlement.

La contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui suscite de nombreux commentaires, est un impôt curieux, puisqu'il porte sur le chiffre d'affaires. Pour une entreprise en difficulté, qui ne fait pas de bénéfices mais dont le chiffre d'affaires augmente, ce n'est pas très pertinent... Aussi allons-nous poursuivre sa diminution : après un milliard d'euros en moins l'an dernier, nous souhaitons supprimer encore un milliard d'euros en augmentant jusqu'à 19 millions d'euros l'abattement sur le chiffre d'affaires que nous avions créé. Alors que 300 000 entreprises payaient la C3S, nous en avons dispensé 200 000 l'an dernier et en exemptons cette année 80 000. Seulement 20 000 entreprises continueront à y être assujetties. Il s'agit notamment des entreprises du secteur bancaire et financier. Les entreprises individuelles constituent 25 % des bénéficiaires de cette mesure, alors qu'elles ne comptent que pour 14 % de la valeur ajoutée.

Ce PLFSS tient compte des conséquences de l'arrêt de Ruyter. Nous devrons rembourser les sommes indûment prélevées pendant la période non prescrite, selon des modalités que je serai à même de vous préciser dans une dizaine de jours. En France, la CSG a toujours été classée parmi les impositions de toute nature : même si son produit est versé à la sécurité sociale, elle n'ouvre pas de droits comme une cotisation. Le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel l'ont toujours confirmé. Mais la Cour de justice de l'Union européenne a considéré, au nom du principe d'unicité du régime d'assurance sociale, qu'on ne pouvait pas prélever la CSG sur les revenus du capital d'une personne affiliée à la sécurité sociale d'un autre Etat membre. Il ne s'agit pas seulement du cas des Français qui résident à l'étranger mais aussi, et surtout, de celui des travailleurs frontaliers : la règle, en Europe, est qu'on est affilié au régime de sécurité sociale du pays où l'on perçoit ses revenus salariaux.

Pour ne pas être privé, à l'avenir, des quelques 300 millions d'euros de recettes dont il est question, nous les affecterons au FSV, qui n'est pas un régime contributif. Nous pensons ainsi nous mettre en conformité. Certains souhaiteraient que nous traitions aussi le cas des contribuables résidant aux États-Unis ou au Japon, mais l'arrêt de Ruyter ne concerne que les pays de l'espace économique européen - ce qui inclut la Suisse, le Liechtenstein et la Norvège.

Je m'abstiendrai de faire un historique du régime social des indépendants (RSI) car cela pourrait mettre mal à l'aise certain d'entre vous...

Mme Nicole Bricq . - Surtout sur certains bancs !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Nous poursuivons nos efforts de redressement et de mise aux normes du RSI. Sur le plan financier, la situation est loin d'être rétablie : rappelons que le RSI perçoit 11 milliards de cotisations et verse environ 17 milliards d'euros de prestations ! Si ses affiliés étaient au régime général, leurs cotisations seraient plus élevées. Pour l'heure le RSI fonctionne mal malgré des progrès certains, effectués sous notre pression - ou sous la vôtre. Nous avons développé la médiation, réinternalisé l'accueil téléphonique, imposé, depuis le mois d'avril, un calcul des cotisations sur l'année n-1 et non plus sur l'année n-2, harmonisé le délai de carence - mais il s'agit d'une mesure réglementaire -, travaillé sur le nombre de trimestres de retraite pour les faibles revenus et nous allons supprimer les cotisations minimales maladie pour les ressortissants du régime agricole et du RSI. Bref, nous avons pris en compte les préconisations du rapport de M. Verdier et Mme Bulteau ainsi que celles du rapport sénatorial de MM. Cardoux et Godefroy.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , président . - Merci pour la précision de cette présentation.

Quelle proportion du produit global des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et sur les produits de placement représentent, d'une part, les prélèvements sur des résidents fiscaux non-affiliés au régime français de sécurité sociale et, d'autre part, les prélèvements sur des non-résidents non-affiliés au régime français de sécurité sociale ? Quel montant la France va-t-elle être amenée à rembourser ? Vous avez évoqué un chiffre de 300 millions d'euros ; lors de la CCSS, vous aviez parlé de 150 millions d'euros... Avez-vous, sur ce même sujet, obtenu des assurances sur le fait que l'affectation au FSV des recettes des prélèvements sociaux sur les revenus du capital suffise à satisfaire à l'arrêt de Ruyter ? Le règlement sur l'unicité de législation n'opère aucune distinction entre le contributif et le non-contributif et le FSV est intégré administrativement, sinon financièrement à la caisse nationale d'assurance vieillesse. N'était-il pas envisageable d'affecter ces produits, collectés par la direction générale des finances publiques, à l'État ?

L'article 17 du projet de loi transfère par anticipation à la Cades 13,6 milliards d'euros supplémentaires, soit 23,6 milliards d'euros en tout, saturant ainsi le plafond fixé par la loi de financement pour 2011. Ce transfert laisse entière la question de la dette sociale restant en trésorerie à l'Acoss, dont le montant atteindra environ 30 milliards d'euros. Le Gouvernement envisage-t-il un nouveau transfert ? Conservez-vous l'objectif d'une extinction de la dette en 2024 ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Oui, environ 30 milliards d'euros de dettes resteront à l'Acoss. À ceux qui s'en émeuvent, je rappelle qu'en 2010 ce montant était de 60 milliards d'euros. Certains régimes reviennent à l'équilibre, ou deviennent même légèrement excédentaires. Soyons réalistes : les excédents se chiffrent plutôt en centaines de millions d'euros qu'en dizaines de milliards... Pour l'heure, le Gouvernement n'a pas prévu de stratégie supplémentaire de réduction de cette dette.

Le coût de l'arrêt de Ruyter sera d'environ 300 millions d'euros. Le PLFSS en tient compte. Il s'agit d'une évaluation car il est difficile d'obtenir les chiffres précis. Pour les plus-values immobilières, les notaires disposent des informations utiles et pourront indiquer au Trésor les montants à rembourser. Les informations sur les revenus locatifs figurent sur les déclarations d'impôts : la direction générale des finances publiques en dispose, certes, mais comment peut-elle savoir à quel régime chaque contribuable est affilié ? Je ne puis, hélas, appuyer sur un bouton pour obtenir la liste de ceux qui doivent être remboursés ! Les sommes prélevées sur les revenus des capitaux mobiliers ont été perçues par les banques, qui, pas plus que la direction générale des finances publiques, ne peuvent savoir où leurs clients sont affiliés. Bref, nous devons attendre que les contribuables se manifestent.

Nous aurions pu décider d'affecter ces sommes à l'État, ce qui aurait à coup sûr évité tout risque de contentieux. Nous avons refusé car cela aurait été contraire aux principes qui ont présidé à la création de la CSG. Bien sûr, il y a des tuyaux entre le budget de l'État et celui la sécurité sociale. D'ailleurs, la réduction des cotisations est entièrement compensée par le budget de l'État. Évitons donc de dire que le déficit de l'État se réduit moins vite que celui de la sécurité sociale ! Il baissera d'un milliard d'euros l'an prochain mais en tenant compte des cinq milliards de dépenses de la sécurité sociale qu'il prend à sa charge. Transférer la CSG au budget de l'État, quitte à la reverser la sécurité sociale, aurait été un coup de canif à la vocation de la CSG, que la Cour de Luxembourg aurait aussi pu interpréter comme un contournement de ses décisions.

Tel est notre choix. Vous dire qu'il est d'une solidité juridique totale serait exagéré.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , président. - L'intégration administrative du FSV à la Cnav débouchera-t-elle sur une intégration financière ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Non, il s'agit simplement du transfert d'une dizaine d'ETP.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , président. - C'était une recommandation de la Cour des Comptes. L'intégration financière aurait posé problème vis-à-vis de cet arrêt.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Nous distinguerons bien, au sein du FSV, ce qui est contributif de ce qui ne l'est pas. Nous affecterons les recettes à la partie non contributive du FSV.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , président . - La parole est à M. Cardoux qui préside la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss).

M. Jean-Noël Cardoux . - Vous avez évoqué le risque de dérive des taux à court terme qui pèse sur le stock de dette demeurant à l'Acoss. J'espère qu'il se réalisera le plus tard possible mais il existe. Aussi conviendrait-il de transférer au plus vite ces 30 milliards d'euros à la Cades.

En vitesse de croisière, la C3S rapportait chaque année environ 5 milliards d'euros, qui étaient affectés pour moitié au FSV et pour moitié au RSI. Pour le FSV, la compensation se fera sur les fonds de la sécurité sociale. Comment sera-t-elle faite pour le RSI qui souffre déjà d'un déficit de 6 milliards d'euros ? Le rapport que j'avais rédigé avec M. Godefroy a fait son chemin : ayant récemment représenté le président Larcher devant le Conseil économique, social et environnemental, qu'il avait saisi pour recueillir son avis sur le dysfonctionnement du RSI, j'ai constaté que le rapport établi par deux députés à la demande du Premier ministre est parvenu presque aux mêmes conclusions que nous. Il ne faut pas mélanger le poids des cotisations et la façon dont elles sont recouvrées par le RSI. Les professions indépendantes cotisent moins que les salariés, pour lesquels il faut aussi prendre en compte la part patronale. La baisse de la cotisation forfaitaire pour les nouveaux entrants me paraît une bonne décision. Le passage de l'année n-1 à l'année n-2 me convainc moins : par définition, les revenus des professions indépendantes sont très fluctuants.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 permet aux contributeurs de limiter les provisions appelées au montant qu'ils auront calculé en fonction de leurs revenus. Il en va de même, d'ailleurs, en matière fiscale. À l'inverse, en cas de gros résultat en fin d'exercice, les contributeurs ont la possibilité de calculer ses conséquences sur leur charge de RSI et de le déduire de leur résultat fiscal. Malgré nos efforts de sensibilisation de l'ordre des experts comptables à ces possibilités, elles restent peu exploitées alors qu'elles pourraient apaiser la situation. Cela dit, le fond du problème est l'obsolescence du logiciel informatique de l'Acoss et sa non-compatibilité avec les logiciels qui fonctionnaient avec les anciennes caisses. Tant que ce problème n'est pas abordé, on ne parle que de toilettage. Un gros effort s'impose.

M. Jean-Pierre Godefroy . - Je souscris pleinement à ces propos de M. Cardoux.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Je n'ai pas de certitude sur le niveau futur des taux - sinon je serais riche ! Il y a trois mois, tout le monde affirmait que les problèmes de la Grèce allaient faire exploser les taux d'intérêt. Rien de tel ne s'est produit. La France emprunte à 0,9 %, et nous tablons, prudemment, sur des taux de 1,4 % en fin d'année et de 2,6 % fin 2016. Actuellement, les emprunts à court terme se font à taux négatif ! En tout cas, les taux auxquels l'Acoss a accès sont proches de ceux qui s'appliquent à la Cades. Il est vrai que la structure des emprunts est différente. Pour l'heure, nous n'avons pas prévu d'accélérer.

La compensation de la suppression de la C3S pour le RSI sera faite par des mouvements internes de sécurité sociale. Le RSI étant désormais adossé à la caisse nationale d'assurance maladie, il y aura pas de problème de trésorerie. Je me réjouis que les principales conclusions de votre rapport soient proches de celle du rapport de M. Verdier et Mme Bulteau et que presque toutes aient été appliquées. Le n-1 vaut mieux que le n-2.

Vous avez raison, les assujettis n'utilisent pas suffisamment la possibilité d'ajuster leur versement provisionnel, non plus d'ailleurs que les contribuables : sur 30 % de personnes dont l'impôt sur le revenu diminue, seulement 2 % utilisent ce dispositif. Tant est vive la crainte de la pénalité ! Pourtant, en déclarant en ligne, on dispose immédiatement d'une simulation du montant de l'impôt. En 2014, 200 000 cotisants au RSI, soit 10 % du total, ont choisi de moduler leur cotisation : c'est un progrès substantiel. Nous avons supprimé la pénalité en cas d'erreur de calcul. La pédagogie envers les experts comptables donne des résultats mitigés.

M. Jean-Noël Cardoux . - Le président de l'Ordre avait pris le ferme engagement de communiquer sur ce dispositif. Une piqûre de rappel de votre part ou de la nôtre serait peut-être utile auprès de son successeur.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Comme vous l'avez rappelé, les indépendants s'acquittent à la fois de la part salariale et de la part employeur. Il faut y songer lorsqu'on établit des comparaisons avec les autres régimes. Nous pourrions travailler sur le mode de calcul car le pourcentage des cotisations est établi par rapport au résultat net, ce qui rompt le parallélisme des formes et donne l'impression d'un taux excessif. Le problème du logiciel est bien identifié. Vous avez raison de le mentionner : les députés ont aussi, par écrit, attiré notre attention sur ce point.

M. Jean-Marie Morisset . - Vous avez déclaré être davantage spécialiste des recettes que des dépenses. Mais un déficit résulte-t-il de recettes insuffisantes ou de dépenses excessives ? Malgré une amélioration très nette de la gestion des caisses et un recul des déficits, le Premier président de la Cour des comptes nous a annoncé que le retour à l'équilibre des comptes sociaux était repoussé à un horizon indéterminé. On entend dire que la branche vieillesse revient à l'équilibre, mais le FSV s'enfonce davantage chaque année : 3,7 milliards d'euros à présent. La Cour des comptes a recommandé de mettre fin au sous-financement structurel de ce fonds. Comment comptez-vous suivre cette préconisation récurrente ? Pour respecter un budget, une technique consiste à annuler des crédits en fin d'exercice. Confirmez-vous que le Gouvernement projette d'annuler 500 millions d'euros de crédits pour les hôpitaux ? Je n'ose le croire.

M. Jean-Pierre Caffet . - Merci, monsieur le ministre, d'avoir confirmé que la tranche 2016 du pacte de responsabilité serait bien appliquée, même si la baisse des cotisations interviendra avec un décalage de trois mois - décalage compensé par un montant équivalent de mesures en faveur des entreprises. Je partage votre analyse sur la réduction des déficits : en quatre ans, de 2010 à 2014, les déficits de la sécurité sociale ont été divisés par deux, passant de 28 à 13 milliards d'euros. Pourtant, en 2012, 2013 et 2014, la croissance a été très faible. Les économies réalisées ont donc été efficaces. On peut les désapprouver, qu'il s'agisse de l'allongement de la durée de cotisation de retraite, de la modulation des prestations familiales en fonction des revenus ou des économies programmées sur l'assurance-maladie. Mais le taux de remboursement a augmenté au cours des dernières années et le reste à charge a diminué. Ainsi, ces économies n'ont pas été faites sur le dos des assurés. En 2015, il semble que la réduction du déficit marque le pas, puisqu'elle se limite à 400 millions d'euros. De plus, elle pèsera essentiellement sur l'assurance-maladie, dont le déficit se creusera d'un milliard d'euros en 2015 alors même que l'Ondam de 2,1 % semble devoir être respecté. Que s'est-il passé ?

M. Yves Daudigny . - Merci, monsieur le ministre, pour votre optimisme, raisonné naturellement, car le contexte n'est pas facile, vu la faible progression du PIB et de la masse salariale. Aussi prévoyez-vous la poursuite des efforts. Ce PLFSS s'inscrit dans la continuité des décisions du Gouvernement et de la loi de modernisation de notre système de santé autour de trois piliers : réduction des déficits, refus de mesures défavorables aux assurés sociaux et dispositions nouvelles, telles que la garantie de paiement des pensions alimentaires ou la protection universelle maladie, qui pourrait marquer le basculement d'un système « bismarckien » de protection sociale vers un système « beveridgien ». Quelle part de la TVA finance les budgets sociaux ? Si nous transférons plus de dettes à la Cades, il faudra lui affecter davantage de recettes ou modifier la loi organique pour allonger sa durée de vie au-delà de 2025. Le taux de la CRDS est fixé à 0,5 % et sa modification semble taboue. Peut-être s'avère-t-elle nécessaire, cependant. Le rapporteur général a cité un grand quotidien du soir, dont le titre lui semblait trop optimiste. Aujourd'hui, un grand quotidien du matin titre : « La sécu transfère son déficit aux hôpitaux pour tenir ses objectifs : le Gouvernement a supprimé 425 millions d'euros de crédits. » Qu'en dites-vous ?

M. Olivier Cadic . - L'an dernier, j'avais déposé un amendement relatif à la procédure en cours devant la Cour de Luxembourg, par lequel je demandais que, pour les contribuables concernés, la CSG et la CRDS soient suspendues en 2015. Je n'ai pas été suivi. Résultat : nous avons été condamnés en février dernier, par un arrêt confirmé par le Conseil d'État en juillet. Et en septembre, alors que tous les non-résidents s'attendaient à une procédure de remboursement, voilà qu'ils reçoivent un nouvel appel de fonds ! Vous prenez cela avec un certain flegme, alors que plus de 15 000 appels téléphoniques ont été passés au centre des impôts des non-résidents, qui a cessé de répondre depuis trois semaines : on tombe sur un message enregistré, d'ailleurs très clair. Vous annoncez des remboursements pour toutes les périodes non prescrites. Pouvez-vous être plus précis ? Quelles périodes sont prescrites ? L'État aurait alors prélevé de l'argent à tort et, même après condamnation, ne le rembourserait pas !

L'article 15 du PLFSS n'assure pas la conformité des prélèvements sociaux sur le capital avec le droit de l'Union européenne. Il contrevient directement à l'autorité de la chose jugée et contourne des décisions judiciaires, dont l'arrêt de la Cour de Luxembourg. Les prélèvements sociaux sont déjà en partie affectés au FSV et à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Vous donnez l'impression de faire de la cavalerie : votre démarche amènera inévitablement à une nouvelle condamnation de la France vers 2018 ou 2019. Ne prendre en compte que les Français affiliés à un régime de sécurité sociale de l'espace économique européen, c'est une rupture d'égalité devant l'impôt ! Quant à ceux qui résident aux États-Unis, en Australie ou au Canada, ils sont en situation de double imposition. Confirmez-vous que vous n'allez rien y faire ? Vous avez avoué que ce montage n'était pas d'une grande solidité juridique...

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Dire autre chose serait prétentieux !

M. Olivier Cadic . - En 2012, j'ai écrit à la ministre que nous serions condamnés. Elle m'a répondu que ce ne serait pas le cas. C'est grave ! Vous annoncez des précisions sous huit jours sur les modalités de remboursement. Mais ce n'est pas d'hier que nous avons appris le risque de condamnation ! Quelle note donneriez-vous, sur dix, à votre administration, qui est incapable de vous dire comment nous allons rembourser ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Lorsqu'un contentieux est engagé, il n'est pas d'usage de reconnaître avant l'arrêt que l'on a tort : ce serait fragiliser notre position. Plusieurs autres condamnations ont frappé la France, qui portent sur des sommes dix à quinze fois supérieures à ce dont nous parlons : précompte mobilier, contentieux sur l'agriculture, OPCVM étrangères... Il s'agissait non de 300 millions mais de cinq à six milliards d'euros. Et les ministres n'étaient pas informés ! Nous n'avons donc pas de leçons à recevoir en matière de contentieux. D'ailleurs, quand celui-ci a-t-il commencé ?

M. Olivier Cadic . - En 2008.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Et même avant, au début des années 2000. Ce n'est donc pas la disposition prise en 2012 qui a été sanctionnée. La procédure a pris beaucoup de temps et M. de Ruyter est décédé depuis... Non, nous ne ferons pas droit aux demandes faites par les affiliés de régimes sociaux n'appartenant pas à l'espace économique européen, car nous n'avons aucun fondement juridique pour le faire. Vos propos sont contradictoires : vous considérez la CSG à la fois comme un impôt et comme une cotisation sociale.

M. Olivier Cadic . - Comment ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - Vous avez parlé d'égalité devant l'impôt. En effet, les revenus du capital perçus en France, d'origine française, doivent être assujettis à la CSG, que nous considérons, avec le Conseil constitutionnel, comme un impôt. Je n'ai pas de certitude : sur les prévisions de croissance, de taux, sur le résultat d'un procès, j'essaie de ne pas être prétentieux. J'ai vu tant d'avocats qui promettaient la victoire... Vous prétendez avoir annoncé l'issue du procès. Si vous aviez eu tort, vous en seriez-vous vanté ?

Je n'ai pas à noter mon administration, je prétends plutôt la piloter. J'ai tendance à la soutenir, même s'il m'arrive de la mettre sous pression. En cette affaire, elle rencontre des difficultés que je vous ai expliquées. Prenez, par exemple, un couple marié, où lui travaille au Luxembourg et elle en France, et qui perçoit un loyer sur un immeuble possédé en commun. Que faire ? Vous voudriez qu'en une semaine nous traitions ces sujets ? Les années non prescrites sont les années 2013, 2014 et 2015. Nous sommes en train de réfléchir à une mesure législative qui intégrerait aussi l'année 2012. En tout état de cause, les réclamations faites interrompent le délai de prescription. Nous nous efforçons de gérer cette situation au mieux et en toute transparence.

Les transferts de TVA à la sécurité sociale s'élèvent à 8 ou 9 milliards d'euros, montant relativement stable. Par ailleurs, la sécurité sociale transfère à l'État environ 4,5 milliards d'euros d'allocations logement, pour compenser les exonérations de cotisations. Sur le transfert de la dette de l'Acoss à la Cades, je n'ai pas encore de position arrêtée. En tout cas, nous n'avons pas aggravé la dette de l'Acoss.

Le FSV est très sensible à la situation du chômage. Vu le nombre de créations d'emplois industriels, la situation devrait s'améliorer.

Les mises en réserve sur les dépenses hospitalières, d'un montant de 500 millions d'euros, ne font l'objet d'aucune mesure particulière. Les 425 millions d'euros évoqués par les médias sont une partie de l'effort supplémentaire prévu dans le cadre du programme de stabilité transmis en août 2015. Nous avons abaissé l'Ondam de 182,3 à 181,9 milliards d'euros et nous rectifierons ces montants dans le PLFSS. Cet effort correspond largement à la pérennisation de la sous-exécution de 300 millions d'euros constatée en 2014.

La réduction du déficit en 2015 a peut-être été un peu faible, mais les résultats de 2014 ont été meilleurs que prévu, ce qui génère un effet de base pour l'année suivante. Et je répète que c'est la cinquième année consécutive que l'Ondam est respecté. Que ceux qui expliquent qu'il faut réduire les dépenses publiques de 100 milliards d'euros m'expliquent où ils trouvent les économies !

Mme Aline Archimbaud . - Merci pour vos explications. Existe-t-il un moyen de calculer les économies générées par les mesures de prévention, ou par celles qui facilitent l'accès à la santé ? Le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique a constaté qu'après un an, les familles ayant accès à la CMU-C sont moins malades, ce qui réduit les dépenses de santé. Lutter contre le non-recours aux soins, aussi, générerait des recettes : un rapport de l'Igas, que nous a présenté M. Chérèque en mai dernier, a montré que des sommes prévues pour l'aide sociale ne sont pas utilisées. Bien sûr, les budgets sont conçus de manière annuelle...

M. Gilbert Barbier . - Je vous félicite, monsieur le ministre, pour l'habileté sémantique avec laquelle vous avez présenté ce PLFSS. Il s'agit, je suppose, du langage de Bruxelles. Je ne crois pas que les Français le parlent. Ils voient plutôt, pour citer un hebdomadaire satirique, une baisse de la hausse...

Mme Nicole Bricq . - C'est déjà pas mal !

M. Gilbert Barbier . - Il y a sur les comptes de l'Acoss quelque 25 milliards d'euros qui ne correspondent pas à ses besoins courants. M. Daudigny a évoqué plusieurs pistes : augmenter le taux de la CRDS, allonger la durée de vie de la Cades ou imaginer d'autres solutions fiscales. Qu'en pensez-vous ? Vous êtes optimiste mais, pour les retraites, il y aura un passage difficile dans cinq à sept ans. Quelles sont les perspectives ? La prise en charge des maladies lourdes aggrave-t-elle le déficit ? On est passé du taux K au taux L, puis au taux W... N'est-ce pas trop complexe ? Les dépenses consacrées à certaines pathologies, comme le cancer, vont exploser. Mieux vaudrait que les prévisions soient faites par le spécialiste des recettes...

M. Dominique Watrin . - Merci pour vos réponses claires, monsieur le ministre. Vous avez reconnu qu'en 2016 l'État verserait 5 milliards d'euros à la sécurité sociale pour compenser les exonérations de cotisations sociales des entreprises, notamment au titre de la branche famille. Nous arrivons à presque 30 milliards d'euros d'exonérations, ce n'est pas rien ! Encore ce chiffre ne tient-il pas compte du crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice)... Ces exonérations devraient être modulées en fonction des politiques d'emploi, de salaires et de formation des entreprises. La Cour des comptes, qui n'est pas d'extrême gauche, commence à s'interroger sur l'efficacité de cette politique sur l'emploi et sur son coût. Elle souligne le manque d'outils fiables pour mesurer les effets des exonérations de cotisations sociales sur les emplois à bas salaires, et pointe l'apparition d'une trappe à bas salaires. Quelles conséquences en tirez-vous ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Comment mesurer l'effet de la prévention ? Question délicate ! Les budgets sont annuels. Je ne sais comment vous répondre, étant concentré sur les recettes plutôt que sur les dépenses. Un de mes interlocuteurs m'a récemment confirmé que cet été la chaleur avait causé une légère surmortalité : en fait, la date du décès des personnes les plus fragiles est un peu avancée par la canicule. Certains vont jusqu'à en analyser les conséquences sur les dépenses de retraites. Voilà à quelles réflexions affreuses peut mener l'exigence de tout chiffrer. Dans le même esprit cynique, on pourrait dire qu'une meilleure prévention accroît l'espérance de vie, ce qui coûte plus cher en termes de retraites !

Baisse de la hausse, peut-être, mais où souhaitez-vous faire des économies ? Quelles dépenses supprimez-vous ? Les Français comprennent bien que, s'ils sont de plus en plus nombreux, qu'ils vivent de plus en plus longtemps et que les soins coûtent de plus en plus cher, les dépenses d'assurance-maladie ont vocation à augmenter. Contenir cette hausse est, en soi, un bon résultat.

Vous évoquez à nouveau l'Acoss. Certains gouvernements avaient prélevé une somme importante dans le fonds de réserve des retraites et allongé la durée de remboursement de la dette...

M. Gilbert Barbier . - Regardons vers l'avenir !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Le passé éclaire l'avenir. Nous verrons s'il faut puiser dans le fonds de réserve des retraites. Il n'est pas actuellement dans notre intention de le faire, ni d'augmenter la CRDS ou de changer les paramètres d'affectation des recettes. La réduction des déficits devrait produire ses effets.

Mesurer l'efficacité des exonérations de cotisations sociales n'est pas simple. Nous vous avons envoyé un très bon rapport sur le sujet en juillet. Ce PLFSS comporte aussi une réforme des exonérations de cotisations outre-mer. Je vois d'ici le débat : celles-ci sont parfois devenues moins favorables que le droit commun ! Nous allons donc les retravailler.

Mme Nicole Bricq . - Difficile !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État . - Certaines exonérations vont jusqu'à des salaires de 6 500 euros ! Pour éviter des trappes à bas salaires, nous avons toujours veillé à ce que nos dispositifs aient des sorties en sifflet, plutôt qu'en marches d'escalier. Globalement, les taux de marge des entreprises se reconstituent et dans certains secteurs, l'activité repart. Nous ne comprenons pas toutes les évolutions des recettes. Par exemple, au premier trimestre, la masse salariale a crû de 0,9 %, sans que la croissance soit extraordinaire : du jamais vu ! Cette hausse continue au deuxième trimestre. Bref, il y a de l'espoir...

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , président. - Merci pour la précision et la franchise de vos réponses.

Audition de Mme Marisol TOURAINE, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Réunie le mercredi 14 octobre 2015 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'audition de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

M. Alain Milon , président . - Nous poursuivons nos travaux en accueillant Mme la ministre des affaires sociales, venue nous présenter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes . - Le PLFSS pour 2016 marque une étape nouvelle dans l'action du Gouvernement visant à moderniser notre système de protection sociale en créant de nouveaux droits qui répondent à l'évolution de la société et des attentes des Français, et en réduisant les déficits de manière structurelle, afin de garantir la pérennité de ce système.

Les résultats sont là. Les droits progressent : le reste à charge diminue régulièrement depuis 2012. Il est passé de 9,1% en 2011 à 8,5% en 2014, alors même qu'il n'avait cessé d'augmenter au cours des cinq années précédentes. Le déficit de la sécurité sociale diminue : nous l'avons déjà réduit de 40 % en trois ans. L'enjeu, avec ce PLFSS, est de poursuivre et d'amplifier ce mouvement. Cela passe d'abord par des mesures structurantes qui feront progresser durablement les droits sociaux et l'accès aux soins de nos concitoyens.

Nous instaurons la protection universelle maladie, soixante-dix ans après la création de la sécurité sociale et plus de quinze ans après la création de la couverture maladie universelle, parce que plusieurs millions de Français peinent, chaque année, à faire valoir concrètement leur droit à l'assurance maladie. La protection universelle maladie n'est pas un droit nouveau, mais un ensemble de dispositions rendant plus facile de faire valoir ses droits. Qu'il s'agisse d'un changement de situation professionnelle, de situation familiale ou de domicile, les Français doivent parfois affronter un véritable parcours du combattant. Cette rupture dans les droits n'est pas acceptable.

C'est pourquoi nous prenons des mesures très concrètes qui sont autant de simplifications radicales. Les conditions requises pour ouvrir droit à remboursement seront simplifiées. Les changements de caisse de sécurité sociale se feront sur internet en deux ou trois clics. Tout majeur deviendra un assuré à part entière, sans passer par la case ayant droit : l'on ne sera plus l'ayant droit de son conjoint ou de ses parents, la carte Vitale pourra être obtenue dès douze ans.

Les cotisations minimales maladie que doivent acquitter les travailleurs indépendants et les exploitants agricoles seront supprimées. Cet allègement concernera de très nombreux travailleurs qui perçoivent de faibles revenus pour leur activité. A prélèvement inchangé, nous relevons la cotisation minimale vieillesse des travailleurs indépendants afin de garantir une validation d'au moins trois trimestres de retraite par année travaillée, même les mauvaises années. En 2012, un travailleur indépendant connaissant une année difficile n'avait la certitude de valider qu'un seul trimestre. Certains annoncent le grand soir de la protection sociale des indépendants, après avoir provoqué les dégâts que l'on sait lors de la mise en place de leur régime social. De notre côté, nous agissons très concrètement depuis trois ans pour offrir aux indépendants une protection sociale plus juste. Les prélèvements auront baissé, de façon très significative, pour les 70 % d'entre eux qui ont les revenus les moins élevés, avec une protection sociale renforcée. J'ai la conviction que le niveau de la couverture sociale des travailleurs indépendants constitue un enjeu d'avenir, car les mutations de l'économie peuvent conduire davantage de personnes à travailler dans ce cadre.

Deuxième avancée, la généralisation de l'accès à une complémentaire santé de qualité. Cela concerne d'abord les salariés précaires, c'est-à-dire ceux qui sont en contrat à durée déterminée très court ou qui travaillent simultanément chez plusieurs employeurs. Concrètement, l'employeur leur versera une aide individuelle destinée à faciliter l'acquisition d'une complémentaire santé. Ces travailleurs auront ainsi les mêmes droits que les autres salariés à partir du 1 er janvier 2016, puisqu'il sera alors obligatoire pour toute les entreprises de mettre en place une complémentaire santé.

Nous nous adressons aussi à ceux qui sont assurés individuellement. C'est le cas des plus de 65 ans qui sont confrontés à une hausse du coût de leur complémentaire. Deux mesures concrétisent cet engagement fort de solidarité : nous rendons plus attractif le dispositif issu de la loi Evin de 1989 et nous mettons en place une sélection non fermée de contrats de complémentaire santé par mise en concurrence pour que les plus de 65 ans bénéficient d'une complémentaire moins chère ou apportant de meilleures garanties. L'examen du texte par le Parlement permettra de répondre aux inquiétudes, de préciser les objectifs et le fonctionnement de ces mesures. Leur sens et leur ambition est de permettre aux personnes âgées d'accéder à des contrats moins chers et de meilleure qualité car un nombre croissant d'entre elles n'ont pas de complémentaire santé. Ces deux objectifs sont indissociables.

Nous renforçons la prévention et l'accès aux soins de premier recours dans nos territoires. Nous lançons notamment une expérimentation fondée sur le repérage, par le médecin traitant, d'un risque d'obésité chez les enfants de trois à huit ans et la prise en charge financière de bilans d'activité physique et de l'intervention de diététiciens et de psychologues. Dans le même esprit, nous renforçons l'accès des mineures à la contraception, déjà entièrement prise en charge par l'assurance maladie depuis 2013. La consultation, la prescription et les analyses biologiques qui y sont liées seront désormais gratuites et confidentielles. Enfin, comme je l'ai annoncé à l'occasion du lancement d'Octobre rose, nous étendons la prise en charge intégrale du dépistage du cancer du sein aux examens supplémentaires que doivent faire les femmes présentant un risque élevé ou très élevé. Cela fera l'objet d'un amendement du Gouvernement.

Enfin, ce PLFSS accentue le virage ambulatoire, ce qui est cohérent avec le projet de loi de modernisation de notre système de santé et améliorera l'accès aux soins. Concrètement, nous confortons le modèle retenu dans certaines régions pour financer la permanence des soins ambulatoires. En outre, nous renforçons le développement de l'offre de soins visuels sans dépassements d'honoraires en soutenant la modernisation des cabinets d'ophtalmologistes et la mise en place de binômes entre orthoptistes et ophtalmologistes. Nous avions engagé ce débat lors du vote de la loi de modernisation de notre système et je vous avais indiqué que certaines mesures figureraient dans le présent PLFSS.

Nous généralisons la garantie des impayés de pension alimentaire. Cette mesure était expérimentée dans plusieurs départements et nous avons constaté son rôle indispensable dans le soutien aux familles monoparentales dont le conjoint est défaillant. Désormais, la garantie d'une pension alimentaire minimale de cent euros par enfant sera mise en place. Les moyens de recouvrement des pensions non ou irrégulièrement payées seront en outre renforcés.

Enfin, ce PLFSS comporte un engagement fort en direction des personnes âgées et des personnes handicapées. L'Ondam médico-social progressera en 2016 davantage que les autres objectifs de dépense. Concrètement, nous augmentons les moyens médico-sociaux de 405 millions d'euros, qui permettront notamment de poursuivre la médicalisation des Ehpad. Vous êtes nombreux à connaître, en tant qu'élus de terrain, la situation de certaines familles, contraintes de se tourner vers la Belgique par exemple pour trouver une solution d'accueil à leur enfant. C'est pourquoi je viens d'annoncer que 15 millions d'euros supplémentaires permettront de trouver des solutions concrètes, adaptées et, surtout, de proximité, à nos concitoyens en situation de handicap.

Ce PLFSS pour 2016 marque également une nouvelle étape du redressement des comptes sociaux. Réduire les déficits est une exigence vis-à-vis des Français et de notre modèle social. En trois ans, nous sommes parvenus à réduire très fortement le déficit de la sécurité sociale. Entre 2011 et 2015, le déficit du régime général et du fonds de solidarité-vieillesse (FSV) aura diminué de plus de huit milliards d'euros. Si la conjoncture économique a pu ralentir le rythme, la direction est restée la bonne et les résultats sont là : le déficit a été réduit de 40 %. Avoir su maîtriser les dépenses est un motif de fierté.

En 2014, alors que nous avons pris en charge pour la première fois les traitements innovants de l'hépatite C qui ont entraîné des dépenses importantes - plusieurs centaines de millions d'euros - l'Ondam a été respecté. En 2015, alors que le coût des traitements innovants de l'hépatite C a continué de progresser avec une nouvelle génération de produits plus efficace, l'Ondam sera à nouveau tenu.

Nous prolongerons cette dynamique en 2016. Nous devrions ramener le déficit du régime général et du FSV sous la barre des 10 milliards d'euros. La Cnav devrait revenir à l'équilibre, pour la première fois depuis 2005. En 2016, le déficit de l'assurance maladie sera d'environ 6 milliards d'euros. C'est trop, mais c'est 2,6 milliards de moins qu'en 2011.

En ce qui concerne l'assurance maladie, je porte une double détermination depuis 2012 : engager des réformes structurelles, d'une part, ne jamais recourir aux franchises ou aux déremboursements, d'autre part. Pour 2016, nous avons défini une progression de l'Ondam de 1,75 %, ce qui représente un effort historique de 3,4 milliards d'euros, contre 3,2 milliards en 2015. Nous atteindrons cet objectif en mobilisant les quatre axes structurants qui nous permettent déjà de maîtriser les dépenses depuis 2012.

Il s'agit d'abord de lutter contre le gaspillage en évitant les actes inutiles ou redondants, comme les examens pré-anesthésiques, les examens biologiques ou le recours aux transports sanitaires. Nous attendons, comme en 2015, 1,2 milliard d'euros d'économies à ce titre en 2016. Il s'agit ensuite de faire baisser les prix des produits de santé et de développer les génériques. Nous avons pris l'engagement l'an dernier de stabiliser les dépenses de médicaments remboursés entre 2015 et 2017. Stabiliser, ce n'est pas diminuer drastiquement, comme je l'entends parfois : cela suppose déjà un effort. Nous trouverons les ressources pour développer des traitements innovants et les rendre accessibles à tous les patients à cette condition. Pour cela, nous reconduirons en 2016 les dispositifs de régulation des prix adoptés l'an dernier : la clause de sauvegarde permanente, le taux L et le mécanisme de régulation spécifique aux traitements de l'hépatite C. Nous poursuivrons aussi le recours aux génériques. Les médecins, en ville comme à l'hôpital, seront davantage incités à les prescrire et une campagne de communication sera lancée dans le courant du premier semestre 2016 pour sensibiliser les Français. Les pharmaciens, eux, sont engagés depuis longtemps dans cet effort. Il importe à présent de sensibiliser les Français pour faciliter le dialogue entre les professionnels de santé et leurs patients. Grâce aux baisses de prix et au développement des génériques, nous attendons un milliard d'euros d'économies en 2016, ce qui est proche des montants réalisés l'an dernier.

Nous allons aussi accroître l'efficience de la dépense hospitalière, notamment grâce aux économies d'échelle. Cette dynamique a été engagée il y a plusieurs années : l'hôpital n'est pas resté à l'écart des efforts demandés aux professionnels de santé. Les professionnels et les hôpitaux ont engagé un effort sans précédent d'évolution de leurs organisations et de leurs pratiques.

Le projet de loi de modernisation de notre système de santé prévoit, avec les groupements hospitaliers de territoires, de doter les hôpitaux d'outils nouveaux pour accompagner ces évolutions : à ce titre, 700 millions d'euros sont attendus en 2016, contre 500 millions d'euros l'an dernier. Ces économies permettent de maîtriser l'évolution de l'Ondam hospitalier, dont, pour la première fois depuis plusieurs années, l'évolution correspondra à celle de l'Ondam général : 1,75 %.

Ce PLFSS traduit aussi plusieurs engagements forts. Les ressources dédiées à la prise en charge à l'hôpital des personnes précaires seront sensiblement renforcées en 2016, en particulier dans les établissements les plus mobilisés pour ces prises en charge. En ce qui concerne les soins palliatifs, je présenterai prochainement le plan triennal souhaité par le Président de la République. Sans attendre, le PLFSS prévoit une enveloppe de 40 millions d'euros supplémentaires pour réduire les inégalités d'accès, dont nous savons qu'elles restent fortes.

Enfin, la transformation de l'hôpital passe aussi par une réforme profonde de son financement. Cette réforme a été engagée dès 2012, avec des dispositifs de soutien aux activités isolées ou la mise en oeuvre d'un financement à la qualité. Je poursuis cette dynamique dans ce PLFSS, avec la mise en place d'un modèle de financement innovant pour les soins de suite et de réadaptation (SSR) : la dotation modulée à l'activité. Concrètement, il s'agit de mettre un terme au « tout T2A » en instaurant davantage de dotation dans les financements pour plus de stabilité.

Enfin, nous favorisons le virage ambulatoire. L'innovation génère une progression très rapide dans ce domaine et permet aux patients de rester plus longtemps chez eux, auprès de leurs proches. Nous avons déjà beaucoup progressé : le taux de chirurgie ambulatoire est passé de 40 % en 2012 à 45 % en 2014. L'objectif que j'ai fixé d'une intervention chirurgicale sur deux en ambulatoire est en donc en passe d'être atteint. Avec ce texte, nous continuons à soutenir les soins de ville. Les ressources qui leur sont effectivement allouées augmenteront de 2 %. Cette progression, nettement supérieure à celle de l'Ondam global, témoigne de notre engagement à tourner davantage notre système de santé vers la ville. Nous prévoyons 500 millions d'euros d'économies liées au virage ambulatoire en 2016. C'est un peu plus que les 400 millions d'euros réalisés en 2015.

Le PLFSS est actuellement examiné par l'Assemblée nationale en commission et dans quelques semaines, c'est vous qui aurez la responsabilité de l'étudier. Je veux vous dire mon entière disponibilité, celle de mes équipes et de mes services, pour travailler avec vous, ainsi que ma totale détermination à porter ce texte de progrès pour les Français et de modernisation pour notre modèle social.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général . - Comment ne pas saluer l'effort de réduction des déficits ? Il a commencé il y a un certain temps, et il est vrai, comme l'a souligné la Cour des Comptes, qu'il se ralentit cette année. Quoi qu'il en soit, vous avez agi sur les dépenses. C'est exactement ce que notre commission avait souhaité l'an dernier. Vous avez amplifié un mouvement déjà amorcé, notamment sur les actes redondants et inutiles, qui constituent un gisement considérable d'économies, tout comme le virage ambulatoire. Vous nous avez présenté des mesures intéressantes, et en particulier celles relatives à la liaison entre ville et hôpital, porteuse elle aussi d'économies et de meilleur suivi des patients.

L'article 4 du PLFSS propose des adaptations de la clause de sauvegarde de l'Ondam. Cette réforme accroît la complexité du dispositif et son imprévisibilité : ni les entreprises ni les administrations concernées ne sont en mesure de dire si le taux L se déclenchera en 2015. Pourquoi ne pas revenir à des montants bruts de chiffre d'affaires en les pilotant par le taux d'évolution ?

Comment les caisses percevront-elles les cotisations qui leur sont dues si elles ont parmi leurs affiliés des personnes relevant des cotisations sociales d'entreprise, des professions indépendantes, d'anciens ayants droit et des personnes relevant de la couverture maladie universelle ?

Pourquoi l'article 48 prolonge-t-il les dérogations à la T2A, alors qu'il s'agit d'une inégalité entre les établissements ?

Mme Colette Giudicelli , rapporteure pour le secteur médico-social . - L'article 46 du projet de loi prévoit le transfert du financement des dépenses de fonctionnement des établissements et services d'aide par le travail (Esat) de l'Etat vers l'assurance-maladie. N'aurait-il pas été préférable de maintenir un financement par l'Etat, dans la mesure où ces structures ont une vraie vocation d'insertion dans l'emploi des personnes handicapées et de production de biens et de services marchands ? Comme l'aide au poste restera financée par l'Etat, leur pilotage ne sera-t-il pas plus difficile ? Quelles garanties l'Etat apportera-t-il à la CNSA pour assurer une compensation pérenne de ce transfert ? Il s'agit surtout de trisomiques, parfois recrutés par les villes. Certains n'ayant plus de parents, la situation serait catastrophique si les Esat ne pouvaient plus les accueillir.

M. Gérard Roche , rapporteur pour la branche vieillesse . - On ne peut que se réjouir de l'amélioration des comptes du régime de retraite. En 2010, le déficit était de 11 milliards d'euros ! La réforme de cette année-là et la loi de 2014 ont bien eu des effets. Le déficit des caisses complémentaires de retraite est entre les mains des partenaires sociaux. Le FSV, lui, enregistre toujours plus de trois milliards d'euros de déficit, car il doit compenser les cotisations de ceux qui n'ont pas de travail. Vous avez prévu par décret de l'intégrer à la Cnav. Si celle-ci devient excédentaire, devra-t-elle absorber une part de son déficit ? Est-ce la cause de votre décision ? Une compensation financière de l'Etat est-elle prévue ? La loi sur la pénibilité affectera-t-elle l'équilibre financier des régimes de retraite dans les prochaines années ?

Mme Marisol Touraine, ministre . - Ce texte est plus important que ce qu'il contient, car il est l'occasion de mesurer les efforts engagés dans les précédents PLFSS. Notre ligne constante a été de garantir la qualité des soins et celle des droits auxquels nos concitoyens peuvent prétendre, tout en restructurant notre protection sociale, en particulier l'assurance-maladie et la branche vieillesse, afin de rétablir les comptes. Tout cela réclame de la persévérance. Trop souvent, les commentateurs ne se soucient pas de la manière dont nous inscrivons notre action dans la durée. Indépendamment des mesures d'économie, les choix répétés d'année en année produisent des résultats.

La clause de sauvegarde fait l'objet de discussions avec les industriels. Au sein d'un cadre financier global défini par la loi, le mécanisme de régulation ne changera pas, mais son seuil de déclenchement sera connu début 2016.

La généralisation de la couverture maladie ne supprime en aucun cas les régimes existants : nous ne construisons pas un régime unique. Nous pensons simplement que c'est aux régimes de suivre leurs affiliés et non l'inverse. Actuellement, le régime général sert de dernier recours. A cet égard, rien ne changera, et il n'aura pas plus de mal qu'aujourd'hui à percevoir les cotisations. Un étudiant qui devient salarié, ou un détenu qui retrouve la liberté, doit parfois compter six mois avant de pouvoir faire valoir ses droits. Une femme mariée qui divorce, et qui était ayant droit de son mari, le reste pendant un an avant de bénéficier de la CMU si elle n'a pas d'activité professionnelle propre. Ces ruptures sont parfois difficiles. Pourquoi demander aux gens de démontrer leurs droits, puisque ceux-ci sont acquis ?

Vous évoquez une différence de statut entre des établissements qui ne justifierait pas des règles différentes. Il ne s'agit pas de prolonger une dérogation à la T2A mais de définir un calcul de la participation des assurés sur la base des tarifs T2A. En 2016, l'application de ce calcul entraînerait des pertes de plus d'un million d'euros pour les établissements de santé et provoquerait des changements de situations très brutaux. Le financement des établissements de santé doit évoluer pour incorporer une part forfaitaire indépendante de leur activité.

L'évolution du financement des Esat est très favorablement accueillie par les acteurs du secteur, puisque les différents établissements gérés par un même organisme auront un seul financeur, ce qui facilitera le passage d'un mode de prise en charge à l'autre. La mesure entrera en vigueur en 2017 et sera durablement compensée à l'assurance maladie. L'aide aux postes, qui reste financée par l'Etat, est une dépense de nature très différente de celle qui est transférée à l'assurance maladie. Il s'agit de financer des places et non l'activité elle-même. L'objectif recherché est d'aider le parcours de personnes handicapées d'un établissement à un autre.

Oui, nous devons nous réjouir des bonnes nouvelles concernant l'assurance vieillesse, qui n'a pas été à l'équilibre depuis douze ans. L'avenir des retraites est sans doute le sujet de préoccupation majeur des Français. A quelques jours des négociations entre les partenaires sociaux, nous souhaitons que ceux-ci trouvent un accord. Le rapprochement entre le FSV et la Cnav ne porte que sur la gestion et la gouvernance. Il ne s'agit en aucun cas d'une intégration financière du FSV à la Cnav. Ce qui relève de la solidarité restera bien distinct de ce qui relève du contributif et de l'assuranciel. Seules les règles de gestion seront homogénéisées. La pénibilité est financée par une cotisation dédiée. Son coût sera identifié. Les premiers points seront accumulés sur le compte pénibilité cette année. Ce n'est qu'à partir de fin 2016 que les premiers bénéficiaires se manifesteront. Une compensation intégrale sera versée à la Cnav, selon une montée en charge progressive.

M. Yves Daudigny . - Je salue l'objectivité du rapporteur général, qui tire toute sa finesse - comme la musique - des bémols qu'il sait apporter à ses constats. Je salue aussi la détermination habituelle de la ministre et la cohérence des dispositifs qui, année après année et texte après texte, sont progressivement mis en place.

Le rétablissement des équilibres s'opère grâce à de nouvelles recettes, mais aussi par la maîtrise des dépenses. Ainsi, la maîtrise de l'Ondam entre 2013 et 2015 représente dix milliards d'euros de moindre progression des dépenses. Comme nous pouvons attendre le même résultat pour 2015-2017, il y va de vingt milliards entre 2012 et 2017, - et je ne prends pas en compte l'exercice 2012, voté par la majorité précédente.

Pour la troisième année consécutive, en 2014, la part des dépenses de soins à la charge des ménages a reculé pour s'établir à 8,5 % contre 9,1 % en 2011. Cette diminution correspond à 1,1 milliard d'euros de réduction pour les patients.

Pour la première fois depuis 2006, la part mise à la charge des complémentaires a à nouveau baissé en 2014 et la part prise en charge par la solidarité nationale a augmenté, passant de 77,2 % en 2011 à 78 % en 2014. Tous les types de soins sont concernés, mais surtout les secteurs où la part de la prise en charge publique est inférieur à la moyenne ; en médecine de ville, la part de la solidarité nationale a augmenté de 0,5 point en 2014.

Je souscris aux objectifs que vous avez énoncés, mais le dispositif proposé dans l'article 21 aura pour conséquence inévitable une segmentation du marché des complémentaires santé. La mise en concurrence pourrait produire un effet dumping, de nature à fragiliser certaines mutuelles ; ces dernières auraient souhaité une forme de labellisation. Prévoyez-vous des modifications du texte à l'Assemblée nationale pour faire en sorte que le dispositif conjugue ces deux objectifs contradictoires que sont la mise en concurrence et la solidarité nationale ?

M. Philippe Mouiller . - La croissance prévue de l'Ondam est-elle à même de pallier le manque de places dans certains établissements accueillant les personnes handicapées, en particulier les autistes ? Il manque 50 000 places pour ces derniers.

Vous prévoyez un apport de 15 millions d'euros pour les établissements transfrontaliers, afin éviter le départ de nombreuses personnes handicapées vers des établissements belges. On estime à 250 millions d'euros le montant qui correspond, pour l'assurance maladie et les départements français, à ces places dans les établissements frontaliers concernés. Pourquoi ne pas consacrer ces sommes à la création de places supplémentaires ?

Enfin, quelles mesures avez-vous prévues dans le PLFSS pour lutter contre la désertification médicale touchant les zones rurales ?

M. Michel Amiel . - Il conviendrait de mettre en place une tarification spécifique pour les unités de soins palliatifs et les équipes mobiles intervenant en Ehpad ; aucune dépense supplémentaire n'en résulterait, car les personnes qui sortent du dispositif sont soit hospitalisées, soit placées en réanimation. Nous améliorerions ainsi la culture de soins palliatifs, qui fait défaut dans notre pays.

M. Jean-Marie Morisset . - Après avoir promis l'équilibre pour 2017, vous reportez le terme à 2020 - et le Haut Conseil des finances publiques et la Cour des comptes restent sceptiques. Nous verrons...

La suppression des exonérations sociales pour les zones de revitalisation rurales (ZRR) concerne-t-elle seulement les contrats à venir ? Les intervenants du secteur médico-social s'en inquiètent. Comment les 15 millions d'euros annoncés pour l'accueil des personnes handicapées seront-ils utilisés ? Les départements frontaliers ne sont pas seuls concernés par l'exode. Prévoyez-vous une dotation supplémentaire par lit ?

Quelles mesures pour la démographie médicale ? Nous attendons une aide pour le maintien des médecins en zone rurale.

Le dernier rapport de la Cour des comptes préconise, dans sa recommandation 36 relative aux infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes, la mise en place d'un forfait par patient ; dans la suivante, une enveloppe par médecin. Quelle option allez-vous prendre ?

M. Daniel Chasseing . - L'augmentation de 400 millions d'euros des sommes allouées à la médicalisation des Ehpad est une mesure bienvenue, d'autant que l'explosion des indicateurs Pathos met en évidence le besoin d'infirmiers et d'aides-soignants pour les autistes, mais aussi pour la formation de personnes en maisons d'accueil spécialisées (MAS).

Un grand nombre d'Ehpad, de foyers ou de MAS sont gérés par des associations, qui bouclent souvent leur budget grâce aux exonérations prévues pour les ZRR. Leur suppression appellerait une adaptation conséquente de la dotation.

Avec 15 000 médecins retraités qui travaillent, et 25 % des jeunes médecins qui ne s'installent pas, le déficit atteindra environ 10 % en 2020 ; nous ne retrouverons la situation actuelle qu'en 2030. Les médecins roumains ne suffiront pas à résorber le déficit. Comme je l'ai dit à deux présidents de la République, il est nécessaire d'augmenter le numerus clausus de 5 à 10 % sur cinq ans.

Mme Marisol Touraine, ministre . - L'indéniable progrès que représente l'élargissement de l'accès des salariés d'entreprise à une complémentaire santé en entreprise s'accompagne mécaniquement d'une segmentation. Un fonds pour l'ensemble des non-salariés pourrait être imaginé. Les retraités voient le coût de leur complémentaire augmenter fortement en quittant leur entreprise, parce qu'ils reprennent alors à leur charge la part de l'employeur, d'où l'idée de la mise en concurrence. Il est par conséquent indispensable de faire évoluer le texte pour prendre en compte la qualité de la garantie, et pas seulement le coût, afin que les retraités puissent se repérer dans les offres. L'aide au paiement d'une complémentaire santé a entraîné des baisses de prix pouvant atteindre 40 %. Le dispositif, ici, est différent puisque le nombre de contrats sélectionnés n'est pas limité : il suffira de répondre aux critères de l'appel d'offres. Ne laissons pas le dumping et les offres low cost s'immiscer dans le marché.

L'Ondam apportera 60 millions d'euros en 2015 pour le plan autisme, monsieur Mouiller ; 14 000 places en établissement seront ouvertes aux personnes en situation de handicap d'ici quatre ans, dont 4 500 pour les autistes. Les 15 millions d'euros que j'ai évoqués viendront en sus pour financer des interventions directes auprès des personnes, un renforcement du dispositif d'accueil dans les établissements et la création de places dans les services spécialisés ou les établissements médico-sociaux. Ils amorcent la mise en place du dispositif « Zéro sans solution », traduction de l'engagement de proposer une solution adaptée à chacun. Quant aux ZRR, l'exonération pour les organismes d'intérêt général n'est pas touchée. En outre, la mesure concerne les nouveaux entrants, les personnes embauchées à compter du 1 er octobre 2015.

Je conviens avec vous que les soins palliatifs ne peuvent être strictement encadrés par la tarification à l'activité. La dotation modulée à l'activité offre des possibilités d'exploration de mécanismes de financement au parcours. Sa mise en place interviendra en priorité dans le secteur des soins palliatifs. Le financement des équipes mobiles par le fonds d'intervention régional (FIR) est global, et non corrélé au nombre d'interventions. Dans le cadre du plan « soins palliatifs », au moins trente équipes seront créées dès 2016. La prise en charge en soins palliatifs à l'hôpital sortira, quant à elle, de la tarification à l'activité et sera financée par d'autres mécanismes.

Le transfert d'une partie des soins de l'hôpital à l'ambulatoire se traduit inévitablement par une augmentation des dépenses en soins infirmiers et en kinésithérapie. Il convient néanmoins de s'assurer que ces dépenses correspondent à des soins utiles et nécessaires. Le développement de l'ambulatoire ne saurait justifier toutes les dérives.

La démographie médicale a été longuement évoquée lors de l'examen du projet de loi sur la santé ; en 2020, la situation sera plus favorable. Faire évoluer le numerus clausus est inutile si les nouveaux médecins viennent s'installer en face de mon ministère... La question ne se pose que dans les régions en déficit. Il ne faut pas tout attendre du numerus clausus. Des mesures existent déjà, d'autres seront prises dans les prochaines semaines dans le cadre du pacte territoire santé II. Ce que nous faisons pour les ophtalmologistes est destiné à favoriser leur présence dans les territoires ruraux sous-dotés (il n'y a pas de véritables déserts médicaux en France).

Mme Catherine Procaccia . - Je forme le voeu que le prix ne soit pas le seul critère de choix des complémentaires santé ; la qualité de service et la rapidité d'intervention sont essentielles, à plus forte raison dans le cadre de la généralisation du tiers payant. L'expression de « sélection non fermée par voie d'appel d'offres » n'est-elle pas quelque peu alambiquée ?

Avez-vous prévu la suppression de la délégation de gestion à la mutuelle des étudiants (LMDE) ? D'après M. Bapt, une loi est indispensable. J'ai été un peu surprise par une campagne d'affichage de la LMDE annonçant que les adhérents étaient désormais directement pris en charge par l'assurance maladie... Enfin, contrairement aux assurances de l'ancienne ministre de l'enseignement supérieur devant le Sénat, les étudiants sont encore assurés à partir du 1 er octobre, et non du 1 er septembre.

Avez-vous évalué l'économie que représentent à moyen terme les nouveaux médicaments contre l'hépatite C ? Elle est réelle, puisque les malades le resteront moins longtemps.

M. Gilbert Barbier . - La réduction des dépenses est en réalité un ralentissement de leur hausse : d'après vous, la tendance normale serait de 3,6 % par an ; mais en prenant en compte certaines données comme l'inflation presque nulle ou le prix bas du pétrole, ce chiffre est ramené à 1,7 %.

Vous avez évoqué les observations de la Cour des comptes sur les dépenses en soins infirmiers et en kinésithérapie. L'augmentation s'explique-t-elle exclusivement par le transfert de l'hospitalier à l'ambulatoire ? En dépit des normes édictées par la Haute Autorité de santé, les prescriptions de ce type de soins après la sortie de l'hôpital varient considérablement. Il y a là un problème qualitatif. Quant au sous-objectif soins de ville, je suis quelque peu perplexe. Vous affichez un objectif de croissance de 1,7 %, et de 2 % en fait.

En Franche-Comté, quatre gynécologues ont cessé leur activité cette année, pour un poste d'interne en gynécologie médicale créé. La situation est tout aussi difficile en pédiatrie. Il faudrait revoir la carte des postes d'interne compte tenu de la densité des spécialistes : il n'y a plus d'oncologue dans le Jura.

M. Jean-Louis Tourenne . - Je salue votre détermination, madame la Ministre. Une baisse du déficit conjuguée à une amélioration de l'accès aux soins : je ne boude pas mon plaisir.

Certains salariés français, comme ceux de Condor Ferries, vivent et travaillent en France mais dépendent désormais, pour leur couverture sociale, du bon vouloir de leur employeur basé à Guernesey, qui choisit souvent le moins-disant. C'est pour eux un changement douloureux.

Les urgences souffrent d'embolisation. Dans 80 % des cas, les pompiers interviennent pour des secours à la personne, le plus souvent à domicile, et pour des pathologies comme des crises d'angoisse ou des malaises vagaux ; en l'absence d'un médecin, la loi les oblige à orienter ces personnes vers les urgences. De plus, le 15 ou le 115, qui devraient rassurer ce type de patients ou les orienter vers le Samu, les dirigent vers les urgences. Dans mon département, ce sont cent personnes par jour, plus le week-end, qui arrivent ainsi aux urgences où elles n'ont rien à faire.

Mme Françoise Gatel . - Il ne suffit pas d'augmenter le numerus clausus : il faut mailler le territoire. Les communes, les intercommunalités construisent des maisons de santé qui restent parfois vides. Je prends acte de votre volonté de développer les soins palliatifs. Comment corriger les inégalités territoriales dans l'accès à ces soins ? Enfin, qu'en est-il des expérimentations en cours de services bucco-dentaires en Ehpad ?

Mme Annie David . - Je regrette que le PLFSS 2016 prolonge une politique d'austérité loin de répondre aux besoins et qu'il soit construit sur une approche comptable. Vous limitez les dépenses et réduisez les ressources en diminuant, voire en supprimant des cotisations sociales patronales. Pour les soixante-dix ans de notre sécurité sociale, ce n'est pas un beau cadeau.

Baisser les cotisations patronales n'a guère de résultats sur l'emploi, pourquoi continuer dans cette voie ? Par quels financements compensez-vous la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) qui représente 18 % des cotisations patronales ?

L'Ondam est le plus faible jamais présenté ; si vous n'atteignez pas l'objectif de baisse des dépenses pour les médicaments, il est à craindre que l'ajustement s'effectue, sous la pression du comité de surveillance, au détriment des assurés sociaux et des personnels hospitaliers. Enfin, le PLFSS confie à l'Urssaf de nouvelles missions, mais la convention d'objectifs et de gestion de l'organisme ne lui donne pas les moyens de les assurer. Comment allez-vous faire ?

Une remarque de satisfaction sur l'installation des médecins. Je défends en effet une politique plus ferme - vous m'aviez, monsieur le Président, accusée de remettre le STO au goût du jour ; je suis plus modérée, mais ces mesures sont nécessaires.

M. Michel Forissier . - Nous souscrivons à vos objectifs mais nous avons des doutes sur vos capacités à les financer. Vous avez évoqué l'accès aux soins des plus fragiles : les populations jeunes des quartiers relevant de la politique de la ville, les personnes âgées à domicile, les personnes écartées de l'emploi. Il est nécessaire de financer des soins et des actions de prévention auprès de ces publics qui, par définition, ne peuvent y contribuer. Vous n'avez rien dit de l'accompagnement des personnes âgées à domicile ; or il y a là une cause nationale à défendre.

M. Georges Labazée . - La loi arrive.

M. Michel Forissier . - Elle viendra en son temps ; mais quels sont les objectifs prévus à cet égard dans le projet de loi de financement ? Les collectivités territoriales se désengagent de la prévention. Pour ma part, je crois à la prévention de l'obésité, pour laquelle j'ai engagé voilà quatorze ans, avec une dizaine de communes réparties sur le territoire, l'action « Vivons en forme » mobilisant l'éducation nationale, la communauté médicale des territoires concernés autour d'actions du projet éducatif de territoire. De telles initiatives ont évidemment des incidences sur le budget des collectivités territoriales et appellent une implication financière à la mesure des actions de prévention.

Je crois aux études d'impact et aux graphiques plutôt qu'aux grands discours. Les courbes doivent évoluer dans le bon sens. Nous avons besoin d'un suivi technique et non, comme c'est souvent le cas, littéraire.

Mme Marisol Touraine, ministre . - Dans la formule d'une sélection non fermée par appel d'offres, « non fermée » signifie que le nombre de candidats retenus n'est pas prédéterminé. Je veux rassurer Mme Procaccia sur la délégation de gestion, l'article 39 n'en codifie pas les dispositions, il ménage la possibilité d'un retrait en cas de défaillance. Il ne s'agit pas d'une suppression générale de la délégation ; je suis prête à ce qu'un amendement le précise. La réussite de l'adossement de la LMDE au régime général a rendu nécessaire une ouverture de la couverture au 1 er octobre, mais dès l'année prochaine elle sera ouverte au 1 er septembre par un décret d'application de l'article 39.

Les nouveaux médicaments contre l'hépatite C auxquels Mme Procaccia a fait référence représentent un coût net de 600 millions d'euros en 2015. A moyen terme, les services d'hépatologie auront moins de malades atteints du VHC ; mais le temps médical libéré sera réorienté vers d'autres maladies. Nous attendons un gain plus qualitatif que financier.

M. Barbier me demande comment je peux attendre une économie par rapport à la progression naturelle des dépenses de santé, estimée à 3,6 %, alors que l'inflation est presque nulle. Il faut prendre en compte l'accroissement et le vieillissement de la population et les innovations en matière de santé, comme la télémédecine, dont la diffusion représente un coût.

Quant aux actes redondants, il faut en effet respecter les référentiels mis en place. Il existe des programmes d'accompagnement et de contrôle des professions de santé, en particulier pour la médecine de ville et la kinésithérapie. Dans cette dernière spécialité, le respect des référentiels a entraîné une économie de 50 millions d'euros.

L'Ondam pour la médecine de ville augmente de 2 %. Le chiffre de 1,7 % fait référence à la prise en charge par l'assurance maladie des cotisations sociales de certains professionnels de santé : la baisse de celles-ci entraîne automatiquement une baisse du montant de celle-là.

En gynécologie médicale, monsieur Barbier, j'ai ouvert 68 postes en 2015 et 51 en 2014, malgré l'idée très répandue que la gynécologie obstétrique suffisait à répondre aux besoins.

L'article 19 assure l'affiliation de salariés comme ceux de Condor Ferries au régime général. Nous sommes vigilants sur la couverture sociale de nos compatriotes qui travaillent pour des entreprises étrangères et signons, le cas échéant, des conventions avec les pays dont ces entreprises ressortissent.

En dix-huit mois, les relations entre les blancs et les rouges, entre les urgentistes et les pompiers se sont renforcées. Lors de mes déplacements pendant la canicule ou pendant la grippe, j'ai remercié les pompiers. La prochaine étape est d'orienter la régulation vers les professionnels de santé de ville, soit en intégrant des médecins dans les équipes de pompiers, soit en dirigeant les patients vers des maisons médicales de garde.

Les inégalités territoriales en matière de soins palliatifs sont un enjeu important du plan à venir, dont l'un des quatre axes est la priorité à donner aux régions où l'offre est insuffisante. Il conviendra d'abonder les FIR pour développer la prise en charge de proximité à domicile ou en Ehpad et développer la formation.

Dix expérimentations de soins bucco-dentaires en Ehpad ont été portées à ma connaissance, qui portent à la fois sur la prévention dans les Ehpad et sur les soins dans le Buccobus. Une évaluation sera conduite avec l'ordre des chirurgiens-dentistes, qui semble satisfait des premiers résultats.

Je veux bien établir des courbes pour M. Forissier, mais en attendant, nous avons engagé des actions en direction des personnes âgées et augmenté le nombre d'heures d'aide à domicile allouées par l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour un coût moindre. C'est aussi l'initiative Monalisa contre l'isolement des personnes âgées ; ce sont les parcours Paerpa (personnes âgées en risque de perte d'autonomie), mis en place dans huit régions. Enfin, les personnes âgées bénéficient, au même titre que les autres, de nos actions en matière de transport sanitaire et d'intervention à domicile ; elles ne font pas l'objet d'un Ondam à part.

Je ne vois pas ce que nous gagnerions à un dérapage des dépenses, madame David, parce qu'il entraînerait des coupes non maîtrisées. Je comprendrais parfaitement que vous contestiez notre volonté de dégager des économies sur le prix des médicaments, la mutualisation de certaines fonctions des hôpitaux ou la lutte contre les actes redondants ; mais non, nous ne manions pas le rabot.

Mme Annie David . - Vous caricaturez...

Mme Marisol Touraine, ministre . - C'est un effort d'économie, de réorganisation de nos activités, j'ai plus conscience que personne de la difficulté de l'exercice et des contraintes qu'il emporte. Nous devons l'accompagner, changer certaines habitudes de travail. Notre objectif est ambitieux mais réaliste.

L'extension des missions de l'Urssaf, d'ailleurs marginale, se traduira par l'intégration des personnes qui assurent pour le moment ces missions. Enfin, la baisse des cotisations sociales patronales liée au pacte de responsabilité sera compensée par l'Etat à l'euro près. Désormais, les allocations logement seront versées par ses soins et non plus l'assurance maladie. Cela accroît la tuyauterie, et je reconnais que nous devrons rendre le financement plus lisible.

M. Alain Milon , président . - Je vous remercie.

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