EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 27 octobre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Jacques Chiron et Bernard Lalande, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Économie » (et articles 52, 53 et 53 bis ) et le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

M. Bernard Lalande , rapporteur spécial . - La mission « Économie » rassemble une série de d'instruments destinés à soutenir la croissance des entreprises, et notamment des PME de l'artisanat, du commerce et de l'industrie, sous forme de subventions, de prêts, de garanties ou encore d'exonérations fiscales. Elle porte aussi les crédits des administrations, autorités administratives indépendantes (AAI) et des opérateurs chargés de la mise en oeuvre de ces politiques.

Les crédits demandés au titre de l'année 2016 s'élèvent à 1,7 milliard d'euros, en baisse de 4,7 % (- 83 millions d'euros) : l'effort de maîtrise des dépenses publiques est supérieur de 51 millions d'euros à ce qui était prévu dans la programmation triennale.

Le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » porte à lui seul la moitié de ces crédits. Les dépenses de personnel et de fonctionnement et les subventions aux différents opérateurs affichent une stabilité globale : de fait, ces dépenses sont relativement rigides, même s'il reste des marges de manoeuvre, par exemple du fait de la fusion entre Ubifrance et l'agence française des investissements internationaux (AFII) en un opérateur commun dénommé Business France.

L'effort budgétaire repose donc principalement sur une réduction des aides aux entreprises, ce qui est une occasion de rationaliser des dispositifs complexes, éclatés, et peu évalués.

La dotation du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac), par exemple, baisse à 15 millions d'euros en 2016. Grâce à la réforme de son fonctionnement, en 2014, il est passé d'une logique de guichet, propice aux effets d'aubaine, à une logique d'appels à projets, ciblés sur des chantiers porteurs, dans les zones rurales et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Depuis la suppression du comité professionnel de la distribution des carburants (CPDC), les aides aux stations-service de proximité sont prises en charge par le Fisac. La poursuite de ces aides, souvent très importantes pour le maillage territorial, doit beaucoup à la mobilisation du Sénat l'année dernière, et particulièrement de la présidente Michèle André. Toutefois, deux interrogations demeurent : comment adapter les critères d'éligibilité au Fisac, très restrictifs, aux spécificités des stations-service ? Et qu'en est-il des 2 200 dossiers en stock ? L'enveloppe de 12,5 millions d'euros que le Gouvernement s'est engagé à débloquer ne figure nulle part dans le programme.

Quant au programme 220, qui porte les crédits de l'Insee, il représente 437 millions d'euros en 2016, en baisse de 2,6 %. Les économies sur les dépenses de fonctionnement et de personnel auraient pu être encore plus importantes si le déménagement vers le nouveau centre statistique de Metz ne connaissait pas quelques vicissitudes.

Le programme 305 représente 427 millions d'euros. Sa forte baisse, de 7,7 %, est imputable à la diminution tendancielle de la subvention à la Banque de France, notamment grâce aux gains de productivité et à l'allègement des procédures de surendettement. La subvention est passée de 317 millions d'euros en 2011 à 252 millions d'euros en 2016. Quelques progrès sont également constatés dans le regroupement des services économiques à l'étranger.

Le programme 343 porte la participation de l'État au plan « France très haut débit », qui déploiera un réseau de fibres optiques à très haut débit sur l'intégralité du territoire d'ici 2022, avec un objectif intermédiaire de 50 % des foyers en 2017. Le déploiement des nouveaux réseaux à très haut débit représente plus de 22 milliards d'euros d'investissement sur les dix prochaines années, soit : 6 à 7 milliards d'euros investis par les opérateurs privés pour assurer la couverture des 3 600 communes les plus denses, avec 55 % des locaux à usage professionnel regroupés sur 10 % du territoire ; 13 à 14 milliards d'euros investis dans les « réseaux d'initiative publique » (RIP) déployés par les collectivités territoriales, l'État apportant pour sa part 3 milliards d'euros d'ici 2022, soit près de la moitié du financement public. Deux outils sont prévus à cette fin : le fonds national pour la société numérique (FSN) et le programme 343, qui prendra le relais à partir de 2015, sur un montant de financement de 2,1 milliards d'euros à l'horizon 2022. Pour 2016, 188 millions d'euros sont débloqués, après les 1 412 millions d'euros prévus en 2015 et avant les 150 millions d'euros en 2017.

Même si nous soutenons avec force le plan « France très haut débit », nous conservons deux réserves. D'une part, le délai de dix ans prévu pour la couverture du territoire semble trop long au regard de la rapidité des transformations induites par la révolution numérique. D'autre part, les abonnés qui bénéficieront d'une couverture plus rapide au titre de la zone dense, fin 2017, ne contribuent pas directement au financement d'un meilleur déploiement dans les zones non denses pour réduire la fracture numérique. Par conséquent, nous suggérons de mettre en place un dispositif de « péréquation numérique », qui pourrait prendre la forme d'une contribution prélevée sur les abonnements à Internet des particuliers et entreprises bénéficiant de la couverture en zone dense, et dont le produit serait affecté au financement des réseaux d'initiative publique dans les zones les moins rentables.

S'agissant du numérique, notre commission des finances a constitué un groupe de travail transversal et non partisan, qui a présenté deux rapports, le 17 septembre 2015 : « L'économie collaborative : propositions pour une fiscalité juste, simple et efficace », et « le e-commerce : propositions pour une TVA payée à la source ». Nous présenterons ces propositions aujourd'hui à Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique.

Enfin, le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » porte les 200 millions d'euros de crédits du fonds pour le développement économique et social (FDES), réactivé en 2014. Il soutient des PME industrielles qui peinent à trouver des financements, mais qui sont viables sur le long terme. Nous estimons que l'État est ici dans son rôle : il ne faut pas laisser les aléas de la crise détruire des industries et des emplois qui ont un avenir.

Les crédits budgétaires de la mission « Économie » (1,7 milliard d'euros) apparaissent bien modestes au regard des 20 milliards d'euros de dépenses fiscales qui y sont rattachées. La principale est bien sûr le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui est monté en puissance et représente à lui seul 13 milliards d'euros. Le rapport 2015 du comité de suivi du CICE fait par France Stratégie montre, dans une enquête, que ce crédit d'impôt est plébiscité par les entreprises, qui peuvent l'affecter comme elles le veulent : dans le secteur des services, 54 % l'utilisent pour créer des emplois, et 35 % dans le secteur de l'industrie ; 46 % l'utilisent pour augmenter les salaires dans les services, et 31 % dans l'industrie ; 53 % s'en servent pour conforter leurs résultats d'exploitation dans les services, et 52 % dans l'industrie ; 61 % l'emploient pour investir dans les services, et 65 % dans l'industrie. Enfin, elles sont 35 % dans les services et 25 % dans l'industrie à considérer que le CICE peut permettre une baisse du prix de vente, ce qui signifie qu'il ne sert pas à augmenter la marge.

D'après France Stratégie, le CICE est à 70 % consommé par les micro-entreprises, les PME et les ETI, et seulement 30 % par les grandes entreprises : il convient donc de modérer les critiques qui avaient été faites à ce sujet. Néanmoins, la limite de 2,5 % du SMIC ne bénéficie pas aux entreprises qui versent des salaires élevés - sans pour autant que leurs résultats s'en ressentent, car celles-ci sont souvent exportatrices, et bénéficient donc de compléments de subventions ou d'exonérations particulières. Dans l'ensemble, le CICE a un effet de levier intéressant.

Nous saluons également le suramortissement de 40 % annoncé par le Premier ministre, en avril dernier, et qui vise spécifiquement les investissements productifs. Cette mesure, complémentaire du CICE, est proche dans son esprit de notre proposition de l'an dernier, qui avait été adoptée à la quasi-unanimité du Sénat.

D'autres dépenses fiscales apparaissent mal calibrées, même s'il est difficile d'être complet. Par exemple, l'amortissement exceptionnel des logiciels acquis par les entreprises représente 90 milliards d'euros pour 2 400 bénéficiaires, soit en moyenne 37 500 euros par entreprise, ce qui suggère que de grands groupes en tirent un avantage substantiel. Il pourrait être opportun de limiter son bénéfice aux PME et aux ETI, et le cas échéant d'utiliser les ressources libérées pour favoriser des investissements innovants. Nous ferons des propositions à ce sujet.

M. Jacques Chiron , rapporteur spécial . - L'article 52, qui est rattaché à la mission « Économie », crée un fonds de péréquation de 20 millions d'euros entre les chambres de commerce et d'industrie (CCI). Les ressources des CCI sont en forte baisse, avec un plafonnement de leur taxe affectée (925 millions d'euros cette année), deux prélèvements exceptionnels ayant en outre été opérés sur leur trésorerie, à hauteur de 170 millions d'euros en 2014 et de 500 millions d'euros en 2015. Cette contrainte a conduit les CCI à s'engager dans un grand mouvement de réorganisation et de rationalisation, pour mettre fin à certains excès, conformément à l'esprit de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services. Toutefois, cette situation a également provoqué dans certaines chambres des difficultés financières ponctuelles. Beaucoup d'autres ont dû repousser ou annuler des investissements. Surtout, la répartition actuelle de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA-CVAE), qui alimente les CCI, repose sur des critères historiques figés en 2010, qui ne tiennent pas compte de la dynamique économique réelle des territoires ni des besoins des entreprises. D'où l'importance d'un dispositif de péréquation à l'échelle nationale.

Concrètement, l'article crée un fonds de 20 millions d'euros alimenté par la taxe affectée, qui aurait vocation à financer des projets spécifiques d'investissement des chambres, et à contribuer à la solidarité financière entre les CCI. Les aides seraient attribuées par délibération de l'assemblée générale de CCI France, l'établissement fédérateur du réseau. Les montants non utilisés en fin d'exercice seraient reversés au budget de l'État.

Nous sommes évidemment favorables à une telle proposition, mais avec deux réserves. D'une part, le montant de 20 millions d'euros est très faible : afin d'éviter tout saupoudrage entre des centaines de projets, nous vous proposons de préciser que les aides sont affectées à « des projets structurants de portée régionale ou nationale », comme par exemple les chantiers du plan « CCI de demain », qui prévoit notamment un guichet unique numérique.

D'autre part, la solution proposée par cet article ne peut être que transitoire, dans l'attente d'une refonte globale des modalités de répartition de la taxe affectée entre les CCI, pour tenir compte de la réalité économique. Toutefois, une telle réforme ne peut être envisagée qu'après un examen détaillé des missions accomplies par les CCI, et en tout état de cause après leur regroupement prévu en 2017 pour s'adapter à la nouvelle carte des régions.

L'article 53 comporte quant à lui deux parties. La première crée trois taxes affectées au profit de trois centres techniques et industriels (CTI) : celui de la fonderie (CTIF), l'Institut des corps gras (ITERG), et le CTI de la plasturgie et des composites (CTIPC), créé cette année. Ces taxes se substitueraient à un financement par dotation budgétaire. L'assiette est constituée par les produits fabriqués par les filières, et finance essentiellement des missions de recherche et développement, ainsi que des transferts de technologie.

http://www.senat.fr/senateur/chiron_jacques11042g.html Le financement par taxe affectée est une solution pertinente pour les CTI et pour les comités professionnels de développement économique (CPDE) qui leur sont assimilés. Ce modèle devrait être étendu aux trois organismes demeurant financés par une dotation budgétaire. La taxe affectée présente plusieurs avantages : stabilité des assiettes et donc des recettes, assujettissement des importations et plus grande implication des entreprises. Ces trois taxes sont conformes à l'article 16 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP), qui prévoit que les taxes affectées sont justifiées dès lors qu'elles répondent à une logique sectorielle. Elles sont plafonnées par l'article 14 du projet de loi de finances, qui fait suite à l'article 46 de la loi de finances initiale du 28 décembre 2011.

La deuxième partie de l'article 53 harmonise les dispositions applicables à l'ensemble des taxes affectées aux CTI et aux CPDE. L'harmonisation porte d'abord sur les modalités de recouvrement, la principale innovation étant que la direction générale des finances publiques (DGFiP) prenne le relais des professionnels en cas de non-paiement de la taxe.

Mais surtout, l'harmonisation consiste à restreindre les actions finançables par la taxe affectée aux seules missions de recherche-développement et de transfert de technologie. Ce dernier point nous semble problématique : depuis longtemps, le succès des CTI et les CPDE repose sur des actions bien plus larges en faveur des entreprises de leur filière : campagnes de promotion en France et à l'international, aides à l'exportation etc. Ces aides sont très importantes pour les filières composées d'un grand nombre de PME faisant face à une concurrence internationale exacerbée. Par exemple, le CPDE du cuir aide toute la filière, pour laquelle le traitement de la peau est le plus important, et commence dès l'élevage des veaux. Notre cuir est de meilleure qualité car en France, on aime manger des veaux de neuf mois, à la différence de l'Italie ou de l'Espagne. Pour des peaux de qualité, la filière aide les éleveurs à remplacer les fils barbelés par des clôtures électriques, et à garder des étables propres pour éviter les champignons.

Afin de préserver cet équilibre, nous vous proposons un amendement qui vise à permettre que les taxes affectées financent l'ensemble des missions des CTI et des CPE - mais sous la stricte condition, et c'est une nouveauté, qu'il s'agisse de missions d'intérêt général, comme pour tout financement public.

Nous vous invitons à adopter sans modification les crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », et à adopter les articles 52 et 53 modifiés par nos deux amendements.

L'amendement n°1 concentre l'effort financier du fonds de péréquation et d'investissement des CCI sur un nombre restreint de projets structurants, de portée nationale ou régionale, pouvant contribuer à la modernisation du réseau consulaire. Les aides ne seraient pas réservées aux seules CCI de région ou à la tête de réseau, elles demeurent librement attribuées à tout projet ou demande d'aide pertinente, par une délibération de l'assemblée générale de CCI France, dans des conditions précisées par décret, comme le prévoit le texte initial. Cela correspond à une demande de CCI France.

Avec l'amendement n° 2, les taxes affectées aux CTI et aux CPEDE pourraient financer des actions correspondant à toutes leurs missions d'intérêt général. Les opérations financées par des ressources publiques devront toujours être précisées par décret en Conseil d'État, contrôlées par la tutelle. Les taxes affectées étant soumises à un plafonnement, le risque de dérive financière est écarté.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - La mission « Économie » est une mission importante, avec de très nombreuses dépenses fiscales rattachées. Nous avions été très préoccupés l'an dernier par le plafonnement des ressources et le prélèvement sur le fonds de roulement des CCI. Je remarque que le fonds de péréquation des CCI réalise des investissements et aide les chambres de commerce en difficulté, ce qui sous-entendrait que les prélèvements des années précédentes ont créé des difficultés dans certaines chambres.

Il est envisagé de créer trois taxes affectées, selon le principe que l'industrie financerait ses propres politiques : pourquoi pas. Mais il y a un problème de principe : le Gouvernement, qui dit vouloir supprimer des petites taxes, en crée trois ! Ceci n'est pas conforme à la loi de programmation des finances publiques, qui prévoit la suppression d'une taxe affectée pour toute nouvelle taxe créée. Voyez par ailleurs la complexité de l'article 53 - sa lecture prendrait une demi-heure, je vous l'épargnerai en séance. J'ai reçu la fédération des industries mécaniques, qui se plaint de multiples taxes avec un calcul compliqué d'assiette. Une pièce comportant du plastique et du métal sera-t-elle assujettie aux taxes sur le plastique et à celles sur le métal ? Et l'on prétend simplifier le code général des impôts ! On pourrait trouver des assiettes et des rédactions plus claires.

M. Francis Delattre . - On centre enfin le discours sur l'entreprise, créatrice de richesses et d'emplois. Votre tonalité est excellente, mais je suis plus circonspect sur ce qui est en fait un « fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) » des CCI. Les grandes CCI vont payer pour les autres. Voyez l'exemple de la formation professionnelle, sur laquelle les CCI sont en pointe : les riches CCI de la région parisienne pourraient aider celle du Gard ou celles des territoires du nord et de l'est francilien, mais en pratique elles ont souvent des charges importantes pour les grandes écoles comme HEC ou l'Essec. Si vous réduisez les moyens des CCI, elles n'économiseront pas sur ces écoles, elles fermeront des formations.

Je ne peux qu'approuver le ministre de l'économie, Emmanuel Macron, qui estime que tout est à refaire pour le financement de notre économie. La non-déductibilité fiscale des intérêts des prêts contractés par les ETI et les PME pour investir a fait des dégâts considérables : pourquoi ne pas la supprimer ? Les ETI dépendent à 90 % des prêts bancaires pour se financer. Nous approuverions tous un tel amendement. Le président de la République a convenu que la suppression de la TVA sociale était une erreur, voilà la deuxième erreur ! Il explique ensuite à la télévision qu'il accorde 200 millions d'euros d'aide aux PME et aux ETI - soit une goutte d'eau. Les grands groupes mondiaux, qui empruntent sur les marchés mondiaux, n'ont pas ce problème.

15 millions d'euros pour le Fisac, c'est un peu ridicule. S'agissant de l'article 53, ces trois taxes sont d'une grande complexité. Compte tenu de ces remarques, il sera difficile d'adopter votre rapport.

Mme Marie-France Beaufils . - Quels sont les effets d'aubaine sur le Fisac ? Dans mon agglomération, le niveau d'accompagnement des projets des collectivités territoriales avait beaucoup diminué ces dernières années. On réduit fortement les capacités d'intervention d'un organisme très important, Epareca (établissement public national pour l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux), qui accompagne la création des centres commerciaux dans les zones urbaines sensibles.

Il est difficile d'avoir une vision claire en raison de la diversité des modes d'intervention. Je m'abstiendrai donc sur le vote des crédits, mais j'irai plus loin dans l'analyse. Les centres techniques et industriels, avec lesquels j'avais travaillé sur le secteur du bois et de l'ameublement, réalisent un travail intéressant. Sachons être attentifs à leur rôle et à la continuité de leur action.

Le préfinancement des CICE est un élément non négligeable. Quant à l'affectation des sommes par les entreprises, nous ne disposons pour l'instant que des intentions exprimés : il ne faut pas s'y fier aveuglément. En réponse à une question d'actualité, le Gouvernement a rappelé l'ampleur du CICE attribué à Air France : on ne peut pas dire que la compagnie en fasse une utilisation particulièrement exceptionnelle...

Nous nous interrogeons sur la manière dont nos interlocuteurs économiques utilisent le CICE. Souvent le comptable d'une petite entreprise y voit une aubaine pour sa trésorerie. Est-il un bon outil ? Ne faudrait-il pas changer la manière dont les entreprises le considèrent dans leur résultat financier ? Les entreprises soumises à la compétition internationale ne sont pas celles que cible le CICE.

M. Maurice Vincent . - Le plan sur le déploiement du très haut débit est très important. Il est indispensable d'accélérer l'équipement des entreprises et des ménages qui en ont besoin. J'ai été saisi par plusieurs présidents d'intercommunalité de mon département sur le surdimensionnement - et le surcoût conséquent - des infrastructures de très haut débit, y compris, parfois, pour des résidences secondaires au fond des bois. Comment justifier des dépenses considérables pour des populations qui n'utilisent presque jamais le réseau ? Définissons des priorités pour les agriculteurs, les artisans, les commerçants et les ménages le souhaitant.

M. François Marc . - Nous devons opérer un tri dans les nombreuses missions. Les rapporteurs ont expliqué en quoi le CICE, principale dépense fiscale, est une réussite. L'Insee a publié une étude sur l'évolution comparée du coût du travail, dont la presse du matin se fait l'écho ; celle-ci nous apprend que si le Gouvernement n'avait pas mis en oeuvre le CICE en 2012, le désavantage comparatif aurait pu se creuser, les coûts de production se renchérir et la France décrocher dans la compétition mondiale... Quel bel hommage !

La subvention allouée à la Banque de France revient de 317 millions à 252 millions d'euros en 2016, grâce aux gains de productivité réalisés dans le traitement du surendettement. Cela semble énorme. Les missions de la Banque de France ont-elles changé, avec davantage missions de contrôle et de régulation reprises par la Banque centrale européenne (BCE) ?

Le plan France très haut débit sera subventionné à hauteur de 3 milliards d'euros par l'État, par le biais du programme 343, à horizon 2022. Seules sont prévues des autorisations d'engagement (AE) à ce stade : 1 412 millions d'euros en 2015, 188 millions d'euros en 2016, et 150 millions d'euros en 2017. A-t-on des éléments de programmation au-delà ?

M. André Gattolin . - Je partage l'avis de Maurice Vincent sur le très haut débit. N'est-il pas démagogique de prétendre que chaque citoyen doit avoir accès partout à internet ? Est-ce le rôle de l'État de financer cela ? Ce plan de 20 milliards d'euros ne suffira même pas. Il faudrait établir des priorités, avec un maillage des villes et ces centres-bourgs, là où les entreprises sont ou veulent s'installer - et non dans un chalet de haute montagne. Dans une grande ville américaine, vous aurez souvent des difficultés à accéder au très haut débit. Le rapport de Pierre Collin et Nicolas Colin, remis en janvier 2013, soulignait que le déploiement profiterait d'abord aux entreprises collectant des données personnelles, et donc avant tout à Google. Il faut régler la question de la fiscalité internationale avant de développer un équipement universel.

François Marc citait l'étude de l'Insee sur le CICE : on est dans la projection, soyons plus prudents que Le Figaro . L'Insee est remercié pour ses bonnes études : on taille dans ses crédits ! Cela affectera-t-il ses établissements régionaux ? Vont-ils être regroupés ? Un État qui décide se fonde sur de bons instruments indépendants. À trop tailler, on obère l'avenir : Vincent Capo-Canellas a montré comment Météo France n'a pas acheté le supercalculateur dans lequel le Royaume-Uni a su investir malgré ses restrictions budgétaires. Or voilà qu'on demande au Crédoc (centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie) de créer ses ressources propres en produisant des études contestées pour de grands groupes. Doit-on faire de telles économies sur un organisme important ?

M. Thierry Carcenac . - Le programme 343 « Plan France très haut débit » est très important. L'Europe souhaite que tous les pays de l'Union européenne bénéficient du très haut débit ; la déclinaison en France se fait au niveau régional ou départemental, grâce aux schémas d'aménagement. Entre le haut débit et le très haut débit, il y a de la marge mais diverses difficultés surgissent, comme celle de la récupération de la TVA.

Il se passe en général deux ans entre le montage des dossiers et leur approbation par le fonds de solidarité numérique (FSN). C'est sans doute ce qui explique qu'aucun crédit de paiement ne soit prévu sur le triennal. Une fois que la fibre optique arrive à domicile, il faut encore trouver un opérateur et des abonnés. Nous devrons donc déterminer les besoins sur le territoire. Nous avons libéralisé le secteur de la téléphonie : dans certaines communes, les opérateurs ne voulaient retenir que certains quartiers. La discussion a duré un an pour que l'opérateur historique accepte de couvrir toutes les communes de la communauté d'agglomération.

L'an dernier les chambres d'agriculture se sont lancées dans la péréquation, avec la création d'un fonds spécifique à cet effet. Cette année, l'article 52 instaure un fonds de péréquation entre les CCI. Votre amendement propose de remplacer les mots « projets spécifiques » par « projets structurants de portée nationale ou régionale ». Des CCI financent des lignes aériennes : si leurs moyens diminuent, elles demanderont aux collectivités de financer ces lignes qui permettent d'aménager le territoire. Le fonds de péréquation ne pourrait-il les prendre en compte ?

M. Éric Doligé . - Il est toujours facile d'accroître les prélèvements sur les citoyens, les entreprises ou les collectivités puisqu'il suffit d'augmenter des taux ou de créer des taxes. Bien évidemment, nous avons contesté le CICE lors de sa création car ce dispositif nous semblait très compliqué. Un journal du matin...

M. François Marc . - Un grand journal !

M. Éric Doligé . - ... se satisfait des retours : encore heureux que le CICE ait des effets positifs !

La création d'un fonds de péréquation entre les CCI s'impose, compte tenu des prélèvements importants qui les ont frappées. Reste que les collectivités devront prendre la relève car les actions des CCI ont beaucoup diminué ces dernières années. Le financement par taxes affectées est en forte diminution comme le montre le tableau de la page 49 : ces taxes sont passées de 1 268 millions d'euros en 2014 à 925 millions d'euros en 2016. La tendance baissière est très nette. Disposez-vous de projections pour l'avenir ? Que vont devenir les CCI ? Elles ont accepté les prélèvements sur leurs réserves, mais ceci s'est fait aux dépens des investissements futurs, comme cela a été le cas dans mon département. Le Gouvernement nous dit que les prélèvements portaient sur des réserves : en fait, ils ont empêché des projets de voir le jour.

M. Marc Laménie . - Le poids des dépenses fiscales nous interpelle ; le programme 220 me surprend car le coût des études statistiques de l'Insee est très important : 437 millions d'euros ! Je peux aussi vous assurer que les parlementaires qui assistent aux assemblées générales des CCI se font interpeller ; il faut prendre en compte cette inquiétude légitime.

M. Michel Bouvard . - Comment le préfinancement du CICE par Bpifrance va-t-il évoluer ? Quel en sera le coût pour le budget de l'État ? Le président de Bpifrance nous a indiqué qu'une rémunération était liée à ce préfinancement.

M. Bernard Lalande , rapporteur spécial . - Avec le CICE, nous voulions que les entreprises puissent investir, innover, embaucher et exporter. Il fallait trouver un mode de financement original qui ne puisse être contesté par la Commission européenne et qui bénéficie à toutes les entreprises, de la plus petite à la plus grande. De plus, cette aide ne devait pas distinguer entre les entreprises. Il fallait aussi tenir compte du fait que les acheteurs allaient immédiatement demander à bénéficier de cette diminution des charges qui augmentait la marge des entreprises : comme dans le monde agricole, à chaque subvention, le marché réclame sa part.

Le CICE est progressivement monté en puissance. Certes, il y a eu des effets d'aubaine, des imperfections, et toutes les entreprises en ont bénéficié, de sorte que nous n'avons pas ciblé les entreprises exportatrices. Cependant, notre culture économique nous porte à ne regarder que les entreprises du CAC 40 alors, que le tissu économique est fait de PME et d'ETI, qui bénéficient également du CICE et ne l'utilisent pas pour leurs actionnaires.

Michel Bouvard nous a interrogés sur le préfinancement du CICE par Bpifrance. Le comité du suivi note un ralentissement depuis le début de cette année, après deux années de progression : au cours du premier trimestre, la diminution a été d'environ 30 %, alors que ce préfinancement s'élevait en 2013 puis en 2014 à 5 milliards d'euros. La reprise de l'activité a réduit les demandes de préfinancement : les entreprises ont bénéficié du CICE, qui répond bien à leurs attentes.

Le plan France Très haut débit en est pour l'instant au stade des études. L'objectif du Gouvernement est de desservir 55 % de la population en 2017. Pour répondre à François Marc, 1,5 milliard d'euros sera dépensé d'ici là. Les zones rurales seront, quant à elles, desservies à l'horizon 2022. Lorsque le minitel a été installé, tout le monde en a bénéficié, jusqu'aux plus lointains villages des montagnes corses, comme on l'avait fait pour l'eau et l'électricité. Aujourd'hui, la sauvegarde des territoires ruraux passe par le très haut débit. On peut très bien vouloir monter un e-commerce en montagne. Le délai de dix ans nous semble trop long : c'est pourquoi nous proposons une péréquation de la redevance pour améliorer le financement du plan France Très haut débit.

Pour l'Insee, le transfert à Metz pose encore problème, certains agents ayant refusé la mobilité territoriale.

La mission « Économie » diminue de 4,7 %, mais, malgré cet effort, elle s'attèle à des sujets d'avenir comme le très haut débit. Notre amendement sur les CCI est de bon sens. Il évitera ce qu'on a appelé les effets d'aubaine en parlant du Fisac - s'agissant de ce dernier, d'ailleurs, certaines collectivités attendent toujours de toucher les fonds.

M. Jacques Chiron , rapporteur spécial . - En 2014 et 2015, 670 millions d'euros ont été prélevés sur la trésorerie des CCI : j'observe qu'aucune d'entre elles n'a mis la clé sous la porte. Ensuite, taxe additionnelle a la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), affectée aux CCI, a diminué. Le niveau de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (CFE) a en revanche été maintenu. Demain, c'est seulement la répartition de 20 millions d'euros sur une enveloppe totale de 376 millions d'euros qui sera différente : il faut relativiser !

Le rapporteur général a émis des réserves sur l'article 53, en évoquant l'absence de suppression corrélative d'autres taxes. Nous créons trois taxes qui vont produire 3 millions d'euros de recettes, mais nous réduisons de 130 millions les taxes affectées aux CCI. La balance est bonne, il n'y a pas contradiction avec l'esprit de l'article 16 de la loi de programmation des finances publiques.

Les chambres d'agriculture ont consenti les efforts nécessaires entre 2010 et 2014. Elles ont mis en place des outils nationaux pour comparer leurs coûts respectifs, ce que n'ont pas fait les CCI, alors que certaines coûtent beaucoup plus cher que d'autres. Un récent rapport de l'Assemblée nationale, et un autre du Sénat, préconisent que les prélèvements sur les CCI arrivent à leur terme d'ici un an ou deux ; elles seront alors mieux gérées.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification des crédits de la mission « Économie ».

Elle a décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

Article 52

La commission a adopté l'amendement n° 1 et a décidé de proposer au Sénat d'adopter l'article 52 ainsi modifié.

Article 53

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je ne pourrai pas voter l'article 53 en l'état. Sont soumises à la taxe les chaudières d'une température supérieure à 130 degrés et d'une puissance supérieure à 11 300 kilowatts, les récipients de 50 à 300 litres sans dispositif mécanique ou thermique, sans parler des porte-jarretelles en dentelles ou des déshabillés en maille. L'article continue ainsi sur huit pages et pour un rendement de 3 millions d'euros. Et ceci au moment où la direction générale des finances publiques, chargée de contrôler tout cela, va perdre 2 130 postes...

M. Jacques Chiron , rapporteur spécial . - Le texte, demandé par les fédérations, a l'avantage de concerner également des produits importés.

La commission a adopté l'amendement n° 2 et a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter l'article 53.

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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen définitif de la mission « Économie » (et articles 52, 53 et 53 bis ) et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Nous avons adopté sans modification ces crédits le 27 octobre. En première délibération, l'Assemblée nationale les a augmentés de 3,6 millions d'euros dans le cadre du regroupement des crédits en lien avec le développement économique et de la création de l'Agence France Entrepreneur, avant de les minorer de 5 millions d'euros en seconde délibération. Elle a également modifié l'article 52 que nous avions amendé et l'article 53 - que nous avions également amendé avant de le rejeter. Enfin, elle a adopté un amendement portant article additionnel, devenu l'article 53 bis .

Je vous propose d'adopter les crédits de la mission tels que modifiés par l'amendement de crédit que va nous présenter le rapporteur spécial Bernard Lalande.

M. Bernard Lalande , rapporteur spécial . - Les aides aux stations-service de proximité ont été reprises par le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac). Il reste quelque 2 200 dossiers en suspens ; le Gouvernement s'est engagé à débloquer une enveloppe exceptionnelle de 12,5 millions d'euros, annonce confirmée par le Président de la République. Cependant, ces crédits ne figurent nulle part. L'amendement A3 ouvre donc 12,5 millions d'euros sur les crédits du programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je propose la suppression de l'article 53 pour des raisons de principe. Le Gouvernement a annoncé la suppression de petites taxes pour un montant de 1 milliard d'euros. L'inspection des finances a soumis à un examen approfondi 177 d'entre elles. L'article 53, qui crée de nouvelles taxes, est en contradiction avec l'engagement du Gouvernement et avec la loi de programmation des finances publiques 2014-2019, qui dispose qu'une nouvelle affectation s'accompagne de la suppression d'une ou de plusieurs taxes de rendement équivalent dans le même champ ministériel. Les trois nouvelles taxes ont une assiette extrêmement complexe : cela n'est pas opportun, à l'heure où la DGFiP réduit ses effectifs - encore 2 000 ETP de moins cette année. L'article 53 est illisible.

M. Richard Yung . - Quel montant représente l'ensemble des petites taxes ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Environ 3 millions d'euros. Elles produisent plus de paperasse que de recettes.

La commission a adopté l'amendement de crédits présenté par Bernard Lalande.

Elle a adopté l'amendement de suppression de l'article 53 présenté par le rapporteur général.

Après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, elle a proposé au Sénat d'adopter les crédits de la mission ainsi modifiés. Elle a proposé l'adoption sans modification de l'article 52, de l'article 53 bis et des crédits du compte de concours financiers. Elle a proposé la suppression de l'article 53.

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