Rapport général n° 164 (2015-2016) de M. Serge DASSAULT , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2015

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N° 164

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2015

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2016 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 13

ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : ACCORDS MONÉTAIRES INTERNATIONAUX

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE

Rapporteur spécial : M. Serge DASSAULT

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André, présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung, vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc, secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 3096, 3110 à 3117 et T.A. 602

Sénat : 163 et 165 à 170 (2015-2016)

PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. La mission « Engagements financiers de l'État »

La dette de l'État va poursuivre en 2016 son inexorable hausse

1. L'encours de la dette négociable de l'État devrait passer de 1 584,6 milliards d'euros fin 2015 à 1 647,1 milliards d'euros fin 2016, soit une augmentation de 3,9 %.

2. De 2008 à 2016, la dette de l'État aura connu une hausse sans précédent de 62 % .

3. La dette de l'État est détenue à 64 % par des non-résidents , ce qui témoigne malgré tout d'une relative confiance dans la signature de la France. Mais cette confiance est fragile , comme le montrent les analyses des agences de notation, et notamment celle de Moody's qui a une nouvelle fois dégradé la note de la France le 18 septembre dernier.

4. Seule une politique de baisse des dépenses publiques beaucoup plus ambitieuse que celle que mène actuellement le Gouvernement permettrait de faire diminuer durablement le fardeau de la dette de l'État .

Des besoins de financement qui atteindront un niveau record en 2016

5. L'État devra emprunter en 2016 200,2 milliards d'euros , dont 72 milliards pour financer le déficit de l'année et 127 milliards pour amortir ses emprunts de moyen et long terme arrivant à échéance .

6. La souscription de nouveaux emprunts de moyen et long terme permettra de couvrir près de 94 % de ce besoin de financement.

La charge de la dette n'augmentera « que » de 2,1 milliards d'euros en 2016 en raison du niveau historiquement bas des taux d'intérêt

7. Cette année encore, la charge de la dette, héritage de décennies de déficits budgétaires, constituera la deuxième dépense de l'État, loin devant d'autres missions essentielles telles que la Défense ou l'enseignement supérieur et la recherche.

8. En dépit du maintien des taux d'intérêt à un niveau exceptionnellement faible , la charge de la dette va augmenter en 2016 en raison de la hausse de l'encours de la dette.

9. Toute augmentation imprévue des taux d'intérêt provoquerait rapidement une hausse insoutenable de la charge de la dette .

Les autres programmes de la mission

10. Les crédits du programme 114 « Appels en garantie de l'État » diminuent de 20,2 % à 150 millions d'euros en AE et en CP en raison de la baisse des dépenses d'assurance prospection, de garantie du risque économique et de garantie du risque exportateur de la COFACE.

11. Le programme 145 « Épargne » voit quant à lui ses crédits diminuer de 25 % en AE et en CP à 354 millions d'euros en raison de l'évolution du marché de l'immobilier, des taux d'intérêt des prêts PEL qui demeurent trop peu attractifs et de l'impact de la réforme de l'épargne-logement de mars 2011 qui impose la souscription d'un prêt d'épargne-logement destiné au financement d'une résidence principale de 5 000 euros minimum pour bénéficier du versement de la prime.

12. Les crédits du programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats structurés à risque » devraient être doublés et atteindre 3 milliards d'euros pour permettre de prendre en charge la grande majorité des surcoûts d'indemnités de remboursement anticipé des emprunts à risque adossés à la parité euro-franc suisse souscrits par des administrations publiques locales provoquée par la décision de la Banque nationale suisse de laisser s'apprécier sa monnaie par rapport à l'euro le 15 janvier 2015.

13. Les programmes 336 « Dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité » et 338 « Augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement » ne sont pas dotés de crédits en 2016 .

II. Les comptes spéciaux

14. En ce qui concerne le compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » une circulaire commune de la direction générale du Trésor et de la direction du budget en date du 27 juillet 2015 est venue mettre en oeuvre plusieurs mesures préconisées par le rapport d'information n° 602 (2013-2014) de notre collègue Jean-Claude Frécon , en particulier la définition d'une doctrine d'octroi des avances ainsi qu'un renforcement du rôle de l'AFT en cas de modification de l'échéancier de remboursement.

15. Le compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux » est dédié à la coopération monétaire avec la zone franc. Il n'est, comme les années précédentes, pas doté et ne fait l'objet d'aucun projet annuel de performances.

16. Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Participation de la France au désendettement de la Grèce » permettra le versement par la France de 325,6 millions d'euros à la Grèce en 2016 au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs.

PREMIÈRE PARTIE : MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT »

Le présent projet de loi de finances prévoit que l'État consacrera 45,1 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 45,2 milliards d'euros de crédits de paiement à la mission « Engagements financiers de l'État » en 2016 .

La maquette de la mission est identique à celle du projet de loi de finances pour 2015, qui avait vu le rattachement à la mission du programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats structurés à risque ».

La mission « Engagements financiers de l'État » comprend cinq programmes d'importance très inégale et dont les finalités sont très différentes les unes des autres :

- Le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État », sur lequel insistera plus particulièrement votre rapporteur, regroupe les crédits nécessaires au paiement des intérêts de la dette de l'État. Il représente à lui seul 98 % des crédits de paiement de la mission ;

- Le programme 114 « Appels en garantie de l'État » rassemble les crédits qui correspondent à des garanties accordées par l'État à certains secteurs d'activité (agriculture, exportations, aides aux entreprises) ;

- Le programme 145 « Épargne » finance principalement les primes d'épargne logement versées par l'État lors de la clôture de plans d'épargne logement (PEL) ou de la mobilisation de comptes épargne-logement (CEL) ;

- Le programme 168 « Majoration de rentes » sert des majorations légales acquises par le passé et a vocation à s'éteindre lors des vingt prochaines années ;

- Le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats structurés à risque » finance le fonds de soutien aux collectivités territoriales et à leurs groupements ayant souscrit des emprunts structurés , créé par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014. À ce programme est rattaché un fonds de concours alimenté à hauteur de 11,5 millions d'euros par an depuis 2014 par la Société de financement local (SFIL) et sa filiale la Caisse française de financement local (CAFFIL) à hauteur de 10 millions d'euros d'une part, Dexia à hauteur de 1,5 milliard d'euros d'autre part.

Les programmes 336 « Dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité » et 338 « Augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement » ne sont pas dotés de crédits en 2016 .

Évolution en valeur et à périmètre courant des crédits de paiement de la mission

(en euros)

Programmes et actions

LFI 2015

PLF 2016

Variation

PLF 2016 / LFI 2015

117 - Charge de la dette et trésorerie de l'État

44 337 000 000

44 452 000 000

0,3 %

1 - Dette négociable

43 401 000 000

43 532 000 000

0,3 %

3 - Trésorerie

936 000 000

920 000 000

-0,2 %

114 - Appels en garantie de l'État

187 966 523

150 000 000

-20,2 %

1 - Agriculture et environnement

1 000 000

1 000 000

-

2 - Soutien au domaine social, logement, santé

10 000 000

16 900 000

69 %

3 - Financement des entreprises et industrie

10 000 000

4 000 000

-60 %

4 - Développement international de l'économie française

149 300 000


127 600 000

-44 %

5 - Autres garanties

17 666 523

500 000

-99 %

145 - Épargne

476 700 000

354 000 000

-25,7 %

1 - Épargne logement

474 342 650

352 203 000

-25,7 %

2 - Instruments de financement du logement

2 357 350

1 797 000

-23,8 %

168 - Majoration de rentes

168 000 000

151 000 000

-10,1 %

1 - Participation de l'État aux majorations de rentes viagères

168 000 000

151 000 000

-10,1 %

336 - Dotation en capital du mécanisme européen de stabilité (MES)

-

-

-

1 - Dotation en capital du MES

-

-

-

338 - Augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement

-

-

-

1 - Augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement

-

-

-

344 - Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque (LFI 2014 retraitée)

50 000 000

100 000 0000

100 %

1- Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque (LFI 2014 retraitée)

50 000 000

100 000 000

100 %

Totaux pour la mission

45 219 666 523

45 207 000 000

0,0 %

Source : projet annuel de performances pour 2016

Après les modifications apportées par l'Assemblée nationale, (voir infra ), les crédits de la mission s'établissent à 44,6 milliards d'euros en AE et 45,15 milliards d'euros en CP.

I. LE PROGRAMME 117 « CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L'ÉTAT »

Le programme 117 regroupe les crédits que consacre l'État au paiement des intérêts des emprunts qu'il a souscrits pour financer ses déficits successifs .

Ces crédits devraient atteindre en 2016 44,5 milliards d'euros , soit une hausse de 5 % par rapport à la prévision révisée pour 2015 (42,4 milliards d'euros).

Les crédits de l'action 01 « Dette » correspondent à la charge d'intérêt des emprunts de moyen-long terme de l'État et devraient s'élever à 43,53 milliards d'euros , soit une hausse de 5 % par rapport à la prévision révisée pour 2015.

Les crédits de l'action 02 « Trésorerie » représentent le coût pour l'État de son financement infra-annuel. Ce coût devrait atteindre 920 millions d'euros en 2016 .

L'ensemble de ces crédits sont situés en dehors du périmètre de la norme étroite d'évolution des dépenses (norme « zéro valeur »).

A. LA DETTE DE L'ÉTAT VA CONTINUER SON INEXORABLE PROGRESSION EN 2016

1. L'encours de la dette aura augmenté de 62 % entre fin 2008 et fin 2016

La dette de l'État résulte de l'accumulation des déficits budgétaires qui se sont succédés sans discontinuer année après année depuis maintenant plus de quarante ans. Pour mémoire, plus aucun budget n'a été exécuté en équilibre depuis 1974.

À la fin août 2015, l'encours de la dette négociable de l'État s'élevait à 1 574,1 milliards d'euros en valeur actualisée, pour 1 554,8 milliards d'euros d'encours nominal réparti comme suit :

- les titres de maturité résiduelle supérieure à 10 ans représentent 336,5 milliards d'euros , soit 21,6 % de l'encours ;

- les titres de maturité résiduelle comprise entre 5 et 10 ans représentent 400,4 milliards d'euros , soit 25,8 % de l'encours ;

- les titres de maturité résiduelle comprise entre 2 et 5 ans représentent 381,5 milliards d'euros , soit 24,5 % de l'encours ;

- les titres de maturité résiduelle inférieure à 2 ans représentent 436,4 milliards d'euros , soit 28,1 % de l'encours, dont 158,4 milliards d'euros de BTF, soit 10,2 % de l'encours nominal.

Au total, la durée de vie moyenne de la dette négociable au 31 août 2015 était de 7 ans et 32 jours .

Les titres composant la dette négociable de l'État

« La composition de la dette de l'État a été rationalisée par la création de trois catégories de titres standardisés, les valeurs du Trésor : les OAT, les BTAN et les BTF. Ces titres, dont la coupure nominale est de 1 euro, se distinguent par leur maturité à l'émission.
À compter du 1 er janvier 2013 et dans un souci de simplification, les nouveaux titres de références créés sur le moyen terme (de maturité 2 ans et 5 ans) seront désormais émis sous la forme d'OAT (Obligation Assimilable du Trésor) , comme pour les titres de long terme (10 ans et plus). La dénomination spécifique de BTAN (Bon du Trésor à intérêts Annuels) pour les titres de moyen terme n'a en effet plus l'utilité qu'elle avait à l'origine. Les souches de BTAN existantes continueront à être abondées et leur liquidité sera ainsi assurée.

Les obligations assimilables du Trésor (OAT) sont le support de l'endettement à moyen et long terme de l'État. La maturité de ces titres est comprise entre deux et cinquante ans. La plupart des OAT sont à taux fixe et remboursables in fine. Mais le Trésor émet aussi des obligations à taux variable (OAT TEC 10 indexées sur le taux de l'échéance constante à 10 ans) et des obligations indexées sur l'inflation (OATi, OATei).

Les OAT long term e sont émises par adjudication le premier jeudi de chaque mois ; l'État adjuge à cette occasion une ligne à taux fixe d'échéance 10 ans, et si les conditions de marché s'y prêtent, d'autres lignes d'OAT à taux fixe. L'échéance des OAT et la date de paiement du coupon sont fixés au 25 du mois.

Les OAT moyen terme et indexées (TEC 10, OATi, OATei) sont émises par adjudication le troisième jeudi de chaque mois, dans la cadre d'un calendrier annuel publié à l'avance ; l'État émet à cette occasion au moins une ligne d'échéance 2 ou 5 ans.

Les bons du Trésor à intérêt annuel (BTAN) représentaient, jusqu'au 31 décembre 2012, l'endettement à moyen terme de l'État. Leur maturité à l'émission était de deux ou cinq ans. Le dernier BTAN arrivera à échéance le 25 juillet 2017.

Les bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF) sont l'instrument de gestion de trésorerie de l'État. Ils servent à couvrir les fluctuations infra-annuelles de la trésorerie de l'État, qui découlent pour l'essentiel du décalage entre le rythme d'encaissement des recettes et celui du paiement des dépenses, et de l'échéancier d'amortissement de la dette. La maturité des BTF à l'émission est de moins d'un an. Ils sont émis chaque lundi par voie d'adjudication, dans le cadre d'un calendrier trimestriel publié à l'avance et précisant les échéances des bons qui seront mis en adjudication. Un BTF à 3 mois est émis chaque semaine ; s'y ajoute, selon les cas, une émission de BTF semestriels ou annuels. Certains BTF peuvent être émis hors calendrier pour des durées de 4 à 7 semaines en fonction des besoins de trésorerie. »

Source : Agence France Trésor

Selon le projet annuel de performances pour 2016, l'encours nominal de la dette négociable de l'État passera de 1 584,6 milliards d'euros fin 2015 à 1 647,1 milliards d'euros fin 2016, soit une augmentation de 3,9 % . Cette hausse correspond au plafond de la variation de la dette à moyen et long termes 1 ( * ) (60,5 milliards d'euros), à l'évolution du coût d'indexation (2 milliards d'euros), tandis que la dette à court terme resterait stable.

La progression de l'encours de la dette nominale ralentit par rapport au paroxysme de la crise économique et financière de 2008-2009, en raison de la réduction très progressive du déficit de l'État : elle s'élève à 3,7 % entre 2014 et 2015, après 4,8 % entre 2013 et 2014, 5,3 % entre 2012 et 2013, 5,6 % entre 2011 et 2012, 6,8 % entre 2010 et 2011 et 7,1 % entre 2009 et 2010.

Toutefois, votre rapporteur tient à souligner qu'entre la fin 2008 et la fin 2016 , l'encours de la dette de l'État devrait avoir augmenté de 630,5 milliards d'euros , soit une très forte hausse de 62 % .

Alors qu'il devrait s'attaquer frontalement à ce problème en réduisant massivement les dépenses publiques , le Gouvernement se limite à freiner leur croissance tendancielle, se résignant à maintenir un déficit quasiment inchangé en 2016 (72 milliards d'euros) par rapport à 2015 (73 milliards d'euros).

Évolution de l'encours de la dette négociable de l'État

(en milliards d'euros)

encours

fin
2010

fin
2011

fin
2012

fin
2013

fin
2014

fin
2015
(prévision)

Fin
2016
(prévision)

Ensemble de la dette - valeur nominale

1 212,3

1 293,9

1 365,5

1 437,6

1 507,2

1 565,3

1 625,8

OAT & BTAN

1 025,2

1 116,1

1 198,9

1 263,8

1 331,9

1 404,8

1 465,3

BTF

187,1

177,8

166,6

173,8

175,3

160,5

160,5

Supplément d'indexation à la date considérée

16,7

19,1

20,7

20,2

20,4

19,3

21,3

Ensemble de la dette - valeur actualisée (1)

1 229,0

1 313,0

1 386,2

1 457,2

1 527,6

1 584,6

1 647,1

variation d'une année à l'autre

+81,0

+84,0

+73,2

+71,0

+70,4

+57,0

+62,5

(1) Nominal pour les titres à taux fixe ; nominal + supplément d'indexation à la date considérée pour les titres indexés

Source : projet annuel de performances pour 2016

2. 63,9 % de la dette négociable de l'État est détenue par des non-résidents, ce qui témoigne d'une relative confiance mais peut aussi constituer une source de vulnérabilité

À la fin du deuxième trimestre 2015, 63,9 % de la dette française était détenue par des non-résidents, contre 60,5 % en 2007 . Ce taux devrait toutefois diminuer dans les mois à venir sous l'effet du Public Sector Purchase Programme (PSPP) mis en place par la BCE depuis le mois de mars (voir infra ).

Selon le sondage Coordinated Portfolio Investment survey (CPIS) du FMI de juin 2014, 59,5 % de ces titres de dette seraient détenus par des investisseurs en provenance d'autres pays de la zone euro .

Part des détenteurs non-résidents de la dette de l'État

(en %)

Date

BTF

BTAN

OAT

Total dette négociable

31/03/2015

82,6

85,2

60,6

64,4

31/12/2014

82,5

85,6

59,6

62,4

31/12/2013

80,1

81,6

58,3

63,9

31/12/2012

72,0

83,9

54,8

61,9

31/12/2011

79,6

86,7

55,2

64,0

Source : Banque de France

La part des non-résidents atteint 82,6 % pour les BTF , 85,2 % pour les BTAN et 60,6 % pour les OAT .

Avec 57,2 % de sa dette publique (toutes administrations publiques confondues) détenue par des non-résidents en 2014 selon Eurostat, la France atteint un niveau légèrement supérieur à celui de l'Allemagne, dont la dette est jugée comme la plus sure de la zone euro.

Part de détention de la dette publique par des non-résidents
dans les différents pays de l'Union européenne (2014)

Source : Eurostat, juin 2015, données indisponibles pour le Royaume-Uni, le Danemark et la Grèce

Cette part des non-résidents traduit une diversification des détenteurs de notre dette et une relative confiance dans la signature de l'État , ce dont votre rapporteur ne peut que se réjouir.

Dans le même temps, il convient de souligner que le fait que la dette de l'État soit détenue aux deux tiers par des non-résidents peut également apparaître comme une source de vulnérabilité .

En effet, les investisseurs internationaux sont davantage susceptibles d'être influencés par les phénomènes de volatilité excessive des marchés financiers .

Les détenteurs résidents de la dette française présentent également une réelle diversité, dans la mesure où les titres de l'État sont détenus :

- à 18,9 % par des compagnies d'assurances ;

- à 9,7 % par des établissements de crédits ;

- à 1,8 % par des organismes de placements collectif en valeurs mobilières (OPCVM).

Détention des titres de l'État par groupes de porteurs

Source : Banque de France

En 2015 et en 2016, la demande pour les titres de l'État est et sera déformée par la mise en place du programme d'achats de titres du secteur public ( Public Sector Purchase Programme - PSPP) de la BCE qui conduit la Banque de France à acheter chaque mois près de 8 milliards d'euros de titres de l'État , soit près de 80 % de l'appel net au marché effectué par l'AFT .

La mise en place de ce programme, qui devrait se poursuivre jusqu'en septembre 2016 , emporte deux conséquences sur le profil des détenteurs de la dette de l'État, ainsi que l'a expliqué à votre rapporteur Anthony Requin, directeur général de l'AFT, lors de son audition :

- « la distribution géographique de la demande et de la détention de la dette française devraient présenter un biais domestique fort sur cette période [ entre mars 2015 et septembre 2016] » ;

- « l'impact de ces mesures de politique monétaire sur les taux, notamment l'atteinte de niveaux historiquement bas, a modifié le comportement de nombreux investisseurs, certains adoptant une attitude plus attentiste, dans l'attente d'un retour à des niveaux de taux plus favorables pour leurs investissements. »

3. La notation de la dette française se situe désormais au troisième niveau de l'échelle des différentes agences de notation, loin derrière celle de l'Allemagne

Le 18 septembre 2015, l'agence de notation Moody's a procédé à une nouvelle dégradation de la note de la dette française , qui est passée de « Aa1 » avec perspective « négative » à « Aa2 » avec perspective « stable ».

Pour justifier sa décision, l'agence a invoqué « la faiblesse continue » des perspectives de croissance française, faiblesse qui selon elle « devrait perdurer jusqu'à la fin de la décennie » et empêcher toute « réduction significative du fardeau de la dette ».

Cette anémie , selon l'agence, est principalement due aux « contraintes institutionnelles et politiques », ainsi qu'à la « rigidité du marché du travail », en grande partie responsable d'un taux de chômage élevé.

Cette dégradation répond à celle opérée par Fitch Ratings le 12 décembre 2014 (passage de la note AA avec perspective « stable » à la note AA avec perspective « négative ») et à celle de Standard & Poor's survenue le 10 octobre 2014 (passage de la note AA+ avec perspective « stable » à la note AA avec perspective « négative »).

En maintenant dans le même temps toute leur confiance à l'Allemagne, qui bénéficie auprès de chacune d'entre elles de la note AAA, les agences de notation ont clairement marqué tout l'écart qui sépare aux yeux des investisseurs un pays capable de dégager un excédent budgétaire d'un pays incapable de s'attaquer sérieusement au redressement de ses finances publiques .

B. UN BESOIN DE FINANCEMENT QUI ATTEINT UN NIVEAU RECORD EN 2016 ET QUI SERA ESSENTIELLEMENT COUVERT PAR DE NOUVEAUX EMPRUNTS

1. Le besoin de financement de l'État va battre un nouveau record en 2016 à 200,2 milliards d'euros

Directement corrélé au niveau de l'encours de notre dette négociable , le besoin prévisionnel de financement de l'État devrait battre un nouveau record en 2016 à 200,2 milliards d'euros , soit une hausse de 4,3 % par rapport à 2015 où il avait atteint 192 milliards d'euros.

Ce besoin de financement correspond :

- au déficit budgétaire de l'État pour l'année 2016, soit 72 milliards d'euros , contre 73 milliards d'euros en 2015 ;

- à l'amortissement de la dette à moyen et long terme de l'État qui viendra à échéance en 2016, soit 127 milliards d'euros 2 ( * ) , contre 116,4 milliards d'euros en 2015. Les suppléments d'indexation versés aux détenteurs d'obligations dont le capital est indexé sur l'inflation s'élèveront seulement à 500 millions d'euros contre 2,3 milliards d'euros en 2015.

Ces 127 milliards d'euros correspondent à des emprunts que l'État avait souscrits par le passé pour financer ses déficits. Dans la mesure où il demeure encore et toujours déficitaire, il est contraint de souscrire de nouveaux emprunts auprès des investisseurs pour rembourser ses créanciers : ont dit qu'il refinance sa dette, qu'il la fait « rouler ». Le montant de la dette à faire « rouler » demeurera d'ailleurs tout aussi important dans les années à venir puisque le montant des « tombées » des OAT et BTAN devrait s'élever à 141,2 milliards d'euros en 2017, 130,9 milliards d'euros en 2018 et 136,4 milliards d'euros en 2019.

Les autres besoins de trésorerie pour 2016 s'élèvent à 1,2 milliard d'euros (contre 2,5 milliards d'euros en 2015) et tiennent compte principalement des décaissements relatifs aux programmes d'investissements d'avenir.

Besoin de financement de l'État de 2013 à 2016

(en milliards d'euros)

2013

2014

2015

2016

Exécution

Exécution

révisé

PLF

Besoin de financement

185,5

179,1

192,0

200,2

Amortissement de titres d'État à moyen et long terme

106,7

103,8

116,4

127,0

valeur nominale

103,8

103,8

114,1

126,5

suppléments d'indexation

2,8

-

2,3

0,5

Amortissement des autres dettes (dettes reprises, etc.)

6,1

0,2

0,1

-

Déficit à financer

74,9

73,6

73,0

72,0

déficit budgétaire

74,9

85,6

73,0

72,0

investissements d'avenir

-

-12

-

-

Autres besoins de trésorerie *

-2,2

1,5

2,5

1,2

* neutralisation des opérations budgétaires sans impact en trésorerie ; décaissements opérés à partir des comptes consacrés aux investissements d'avenir, nets des intérêts versés ; passage de l'exercice budgétaire à l'année civile.

Source : projet annuel de performances pour 2016

Il convient de rappeler que le besoin en financement de l'année ne prend pas en compte le refinancement de la dette négociable de l'État de maturité inférieure à un an , constituée de bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF), qui sert à couvrir les décalages de trésorerie infra-annuels .

En effet, alors que de nombreuses dépenses de l'État ont lieu de façon régulière au cours de l'année (dépenses de fonctionnement, masse salariale), la perception des recettes ainsi que les flux de dépenses liés à la dette (remboursements d'emprunts et versement des intérêts) se produisent à des moments précis.

Seule la variation globale de cette dette d'une année sur l'autre est comptée comme ressource positive ou négative dans le tableau de financement (voir infra ).

Il n'en demeure pas moins qu'en réalité, s'ajoutent aux émissions de titres de moyen et long terme, constitués d'obligations assimilables du Trésor (OAT) et de bons du Trésor à intérêt annuel (BTAN), les émissions de BTF qui ont lieu tout au long de l'année.

Part des amortissements et du solde de gestion
dans le besoin de financement de l'État de 2000 à 2016

(en milliards d'euros)

(en %)

Amortissements

Solde de
la gestion

Autres besoins

Besoin de

financement

Amortissements

Solde de
la gestion

Autres besoins

Besoin de

financement

OAT & BTAN

dettes reprises

OAT & BTAN

dettes reprises

2000

57,1

-

28,5

-

85,6

67

-

33

100

2001

51,3

-

39,3

-

90,6

57

-

43

-

100

2002

59,4

-

50,2

-

109,6

54

-

46

-

100

2003

62,5

-

57,0

-

119,5

52

-

48

-

100

2004

66,5

-

46,4

-

112,9

59

-

41

-

100

2005

65,6

-

47,3

-

112,9

58

-

42

-

100

2006

77,6

2,8

35,4

-

115,8

67

2

31

-

100

2007

69,0

0,6

34,6

-

104,9

66

1

33

-

100

2008

97,6

10,3

56,4

-

164,0

60

6

34

-

100

2009

110,1

1,6

134,7

-

246,2

45

1

55

-

100

2010

82,9

4,1

149,6

-

236,9

35

2

63

-

100

2011

94,9

0,6

93,1

-

188,6

50

1

49

-

100

2012

97,9

1,3

87,2

0,6

187,0

52

1

47

0%

100

2013

106,7

6,1

74,9

-2,2

185,5

58

3

40

-1

100

2014

103,8

0,2

73,6

1,5

179,1

58

0

41

1

100

2015

116,4

0,1

73,0

2,5

192,0

61

0

38

1

100

2016

127,0

-

72,0

1,2

200,2

63

0

36

1

100

NB : Pour 2015 et pour 2016, le besoin de financement est composé non de l'impact en trésorerie du solde de la gestion (qui sera déterminé dans les lois de règlement respectives) mais de la prévision du déficit à financer.

Source : Agence France Trésor

2. Des ressources de financement provenant essentiellement de nouveaux emprunts

La couverture du besoin de financement de l'État est assurée par l'Agence France Trésor.

Le rôle de l'Agence France Trésor

L'Agence France Trésor (AFT) est chargée de la gestion de la dette et de la trésorerie de l'État. Elle a été créée le 8 février 2001 par arrêté du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'État et du secrétariat d'État au budget, sous la forme d'un service à compétence nationale (SCN) placé sous l'autorité du directeur du Trésor (aujourd'hui directeur général du Trésor) et dirigé par un directeur général.

Source : Agence France Trésor

Ainsi que l'a annoncé l'AFT le 30 septembre 2015, les ressources de financement de l'État en 2016 proviendront à 93,4 % des émissions nouvelles de dette (OAT et BTAN) à moyen et long termes nettes de rachats que réalisera l'AFT.

Ces ressources s'élèveront à 187 milliards d'euros , un niveau identique à celui de 2015. Le détail exact du programme d'émission sera annoncé par l'AFT en décembre.

Les ressources de financement de l'État comprendront également :

- 2 milliards d'euros issus de cessions de participations de l'État et affectés à la Caisse de la dette publique, établissement public chargé de participer au désendettement ;

- une contribution des disponibilités du Trésor de 10,7 milliards d'euros ;

- d'autres ressources de trésorerie (0,5 milliard d'euros) qui représentent le montant des suppléments d'indexation perçus à l'émission des titres indexés.

L'encours des dépôts des correspondants du Trésor 3 ( * ) serait stabilisé, de même que l'encours des titres d'État à court terme.

Ressources de financement de l'État de 2013 à 2016

(en milliards d'euros)

2013

2014

2015

2016

Exécution

Exécution

révisé

PLF

Ressources de financement

185,5

179,1

192,0

200,2

Émissions de titres d'État à moyen et long terme, nettes des rachats

168,8

172,0

187,0

187,0

Ressources consacrées au désendettement

-

1,5

2,0

2,0

Variation de l'encours de titres d'État à court terme (+ si augmentation ; - sinon)

7,2

1,4

-14,8

-

Variation des dépôts des correspondants (+ si augmentation ; - sinon)

-4,2

-1,3

-

-

Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l'État (+ si diminution ; - sinon)

7,9

-1,4

0,8

10,7

Autres ressources de trésorerie

5,7

6,9

17,0

0,0

Source : projet annuel de performances 2016

Les « ressources consacrées au désendettement » et les ressources de trésorerie ne répondent en réalité que marginalement au besoin de financement, dont la couverture se traduit quasi-intégralement par une augmentation de la dette de l'État.

Couverture du besoin de financement et évolution de la dette
(hors suppléments d'indexation)

Situation fin année N-1

Évolution année N

Situation fin année N

Déficit à financer,
y compris charge de la dette

(A)

Besoin
de financement

(A+B)

Ressources de financement

(C+D+E)

Ressources consacrées au désendettement

(C)

Ressources de trésorerie

(D)

Nouveaux emprunts émis

(E)

Accroissement de la dette

Dette totale

Dette arrivant à échéance en N à refinancer

(B)

Dette totale

(E+F)

Dette continuant à courir
(échéances N+1, N+2,..., N+x)

(F)

Source : commission des finances du Sénat

3. Retour sur le besoin de financement et les ressources de financement de l'État en 2015

Selon les réponses apportées à votre rapporteur par l'AFT dans le cadre de son questionnaire budgétaire, le besoin de financement de l'État pour 2015 a été révisé en baisse de 300 millions d'euros (192 milliards d'euros contre 192,3 milliards d'euros) par rapport à la prévision de la loi de finances initiale.

Cette baisse résulte :

- d'une diminution de 1,4 milliard d'euros du déficit à financer ;

- d'une baisse de 0,1 milliard d'euros des suppléments d'indexation versés à l'échéance sur les titres indexés ;

- d'une augmentation des autres besoins de trésorerie de 1,2 milliard d'euros.

Entre le 1 er janvier et le 1 er octobre 2015, l'AFT avait déjà émis 178,2 milliards d'euros de dette à moyen et long terme , soit 95,3 % de son programme fixé à 187 milliards d'euros nets des rachats pour 2015.

Tableau de financement de l'État pour 2015

Source : AFT

En ce qui concerne les ressources de financement, les principales modifications par rapport à la loi de finances initiale sont :

- la révision à la baisse de 2 milliards d'euros des ressources affectées à la Caisse de la Dette publique et consacrées au désendettement, en raison du retard pris dans le programme de cessions de participations de l'État et des investissements consentis en 2015 , notamment dans Renault, pour garantir l'instauration des droits de vote doubles prévus par la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, dite loi « Florange »;

- l'enregistrement imprévu de primes à l'émission (voir encadré infra ) pour un montant de 17 milliards d'euros , conséquence de la baisse historique des taux en 2015. Selon l'AFT, « l'ampleur du montant des primes tient au niveau des taux de marché des lignes abondées presque toujours inférieurs depuis le début de l'année aux taux des coupons versés » ;

- La révision à la baisse de l'encours des titres à court terme (BTF) pour - 14,8 milliards d'euros , conséquence de la baisse du déficit à financer et de la hausse des primes à l'émission.

Les primes et décotes à l'émission

« Dans le cadre de sa politique d'émission à moyen et long terme, l'Agence France Trésor complète les émissions sur lignes nouvelles par la réouverture d'anciennes « souches ». Émettre des titres sur des souches anciennes conduit en règle générale à l'apparition d'une différence entre le taux facial servi et le taux attendu par le souscripteur, le premier reflétant les conditions de marché au moment de la création de la ligne et le second celles prévalant lors de la réémission.

Si le taux facial est inférieur à celui attendu par le souscripteur, ce dernier achètera les titres moins chers que leur valeur de remboursement afin que la rentabilité de son investissement soit conforme au rendement attendu. Si, à l'inverse, le taux facial est supérieur à celui attendu par le souscripteur, ce dernier achètera les titres plus chers que leur valeur de remboursement. Les primes et décotes sont la conséquence, en trésorerie, de cet écart entre prix d'achat d'un titre et valeur de remboursement. On parle de prime lorsque le prix d'achat est supérieur à la valeur de remboursement (l'État encaisse, en trésorerie, plus d'argent qu'il n'en versera lors du remboursement) et de décote dans le cas contraire (l'État encaisse, en trésorerie, moins d'argent qu'il n'en versera lors du remboursement).

Dans un contexte où les taux d'intérêt de moyen et long termes demeurent inférieurs aux taux atteints les années précédentes, l'abondement des lignes anciennes engendre des primes à l'émission, qui constituent une ressource de trésorerie pour l'État. »

Source : Agence France Trésor

C. LA CHARGE DE LA DETTE N'AUGMENTERA QUE LÉGÈREMENT EN 2016 EN RAISON DE LA FAIBLESSE HISTORIQUE DES TAUX D'INTÉRÊT

1. La charge de la dette, dépense « stérile », est aujourd'hui le deuxième poste de dépenses de l'État

La charge de la dette est par définition une dépense « stérile », puisqu'elle correspond aux intérêts versés par l'État à ses créanciers.

Or cette charge pèse très lourd dans le budget de notre pays, puisque avec 44,5 milliards d'euros , soit 11,6 % des dépenses de l'État en 2016 , elle constitue en termes de crédits de paiement le deuxième poste budgétaire de l'État après la mission « Enseignement scolaire » , dotée de 48,0 milliards d'euros mais très loin devant la mission « Défense » (31,7 milliards d'euros) ou bien encore la mission « Recherche et l'enseignement supérieur » (25,9 milliards d'euros), qui constituent pourtant des priorités pour garantir, respectivement, notre sécurité et l'amélioration du taux de croissance potentiel de notre pays.

2. La charge d'intérêt est restée relativement stable ces dernières en dépit de l'explosion de la dette, en raison du niveau très bas des taux d'intérêts

L'évolution de la charge de la dette se caractérise par une très grande stabilité depuis 2008 , alors que, dans le même temps, l'encours de la dette a pour sa part connu une véritable explosion de + 62 % .

Ce phénomène étonnant , que détaille le graphique ci-dessous, s'explique par la tendance à la baisse qu'ont globalement enregistrée les taux d'intérêts de la dette française depuis le début de la crise économique et financière de 2008-2009.

Les investisseurs considèrent en effet qu'en dépit de la mauvaise gestion chronique de nos finances publiques, les emprunts français constituent des placements très peu risqués , comparativement à ceux de la plupart des autres États : la France a bénéficié a plein ces dernières années de ce phénomène de « fuite vers la qualité ». En outre, la politique monétaire très accommodante menée par la Banque centrale européenne (BCE) contribue également à ce maintien des taux d'intérêt à un niveau très bas (voir infra ).

Évolution comparée 2008-2016
de la charge de la dette et de l'encours de la dette (valeur actualisée)

Échelle de gauche : encours de la dette. Échelle de droite : charge de la dette

Source : commission des finances du Sénat

3. Les crédits que l'État consacre au paiement des intérêts de sa dette vont augmenter de 2,1 milliards d'euros en 2016
a) La légère hausse de la charge des titres de dette de moyen et long terme

La charge de la dette (hors trésorerie) correspond aux intérêts (coupon) versés au cours d'une année civile par l'État à ses créanciers qui détiennent des titres de dette de moyen et long terme (OAT et BTAN).

Vie d'une obligation de maturité 5 ans

Source : commission des finances du Sénat

Entre 2014 et 2015, la charge de la dette (hors trésorerie) a connu une diminution de 900 millions d'euros (alors que la loi de finances initiale pour 2015 prévoyait une augmentation de 1,1 milliard d'euros) en dépit de l'augmentation de l'encours de la dette de 57 milliards d'euros , qui a généré une hausse de la charge de la dette de 1,1 milliard d'euros effet volume »).

En effet, l'amortissement des titres de moyen et long termes qui arrivaient à échéance en 2015 par des titres de moyen et long termes dont les taux étaient nettement plus faibles a permis à l'État d'économiser 1,8 milliard d'euros toutes choses égales par ailleurs (« effet taux »). Le faible niveau de l'inflation a pour sa part permis d'économiser 500 millions d'euros effet inflation »).

Selon le projet annuel de performances pour 2016, la charge de la dette (hors trésorerie) devrait croître de 2,1 milliards d'euros entre 2015 et 2016 . Cette hausse s'explique par :

- un « effet volume » une nouvelle fois défavorable, la hausse de 62,5 milliards de l'encours de la dette entraînant une hausse de 1,1 milliard d'euros du montant des intérêts ;

- un « effet taux » encore légèrement favorable, à hauteur de 200 millions d'euros , les taux des OAT et BTAN contractés en 2016 demeurant moins élevés que ceux arrivant à échéance en dépit de la remontée progressive des taux d'intérêts ;

- un « effet inflation » défavorable, à hauteur de 1,3 milliard d'euros , en raison de la hausse attendue des prix dans un contexte de faible reprise de la croissance économique.

Charge de la dette (hors trésorerie) de 2012 à 2016

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2015

2016

Exécution

Exécution

Exécution

LFI

Révision

PLF

Charge de la dette (hors trésorerie)

45 423

43 977

42 290

43 401

41 409

43 532

OAT et BTAN

44 977

43 621

42 051

42 872

41 575

43 028

Charge nette d'intérêts *

41 339

41 849

41 118

40 997

41 075

41 245

Provision pour indexation du capital des titres indexés

3 638

1 772

932

1 875

500

1 783

BTF - Intérêts versés

206

158

142

427

-267

401

Dettes reprises (charge nette)

231

180

83

82

81

83

Frais et commissions de gestion de la dette **

9

17

14

20

20

20

Dette non négociable

1

1

0

1

0

0

* intérêts versés moins recettes de coupons courus à l'émission

** montant global, y compris ceux afférents à la trésorerie

Source : projet annuel de performances pour 2016

Évolution de la charge de la dette entre 2014 et 2016

Source : AFT

En tenant compte des excédents dégagés par les contrats d'échange de taux d'intérêt (swaps) retracés à la deuxième section du compte de commerce « Gestion de la dette et de la trésorerie de l'État », soit 0,14 milliard d'euros en 2016, la charge nette de la dette devrait s'établir à 44,3 milliards d'euros .

Charge de la dette (avant et après swaps) de 2012 à 2016

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

2015

2016

Exécution

Exécution

Exécution

LFI

Révision

PLF

Charge de la dette (avant swaps)

46 303

44 886

43 159

44 337

42 352

44 452

Gain net des opérations de swaps

307

208

134

141

144

145

Charge nette de la dette (après swaps)

45 996

44 678

44 678

46 532

42 208

44 307

Source : projet annuel de performances pour 2016

b) La charge de trésorerie

Les crédits de l'action 03 « Trésorerie de l'État » du programme 117 enregistrent une faible baisse, passant de 943 millions d'euros en 2015 à 920 millions d'euros en 2016 (- 23 millions d'euros).

Cette charge nette de trésorerie correspond au solde, en recettes, du produit des placements de trésorerie et, en dépenses, de la rémunération des comptes des correspondants (qui ne sont pas tous rémunérés, comme les comptes « courants » des collectivités territoriales), des charges diverses, ainsi que de la rémunération des fonds non consommables destinés au financement des investissements d'avenir prévus par la loi n° 2010-237 de finances rectificative du 9 mars 2010.

Trésorerie de l'État et compte du Trésor

« La trésorerie de l'État est centralisée sur un compte unique qui retrace le solde de l'ensemble des mouvements financiers exécutés par environ 5 000 comptables publics dotés chacun d'un ou plusieurs comptes d'opérations. Au 31 décembre 2013, on dénombrait 6 942 comptes d'opération. Les mouvements afférents à ces comptes d'opérations sont centralisés en temps réel par la Banque de France, dans sa fonction de teneur du compte de l'État, sur un compte unique, dit «compte du Trésor».

En pratique, les mouvements financiers qui affectent le compte du Trésor correspondent aux opérations :

- du budget de l'État, qu'il s'agisse des recettes fiscales et parafiscales ou des dépenses de fonctionnement et d'investissement ;

- des correspondants du Trésor, c'est-à-dire des organismes qui sont tenus de déposer leurs fonds auprès de l'État ;

- de l'Agence France Trésor elle-même, au titre du financement de l'État à moyen et long terme et de la gestion de sa trésorerie (amortissement de la dette venant à maturité, paiements des intérêts, appels de marge, prêts, ...).

L'AFT veille à ce que la situation de trésorerie de l'État rende systématiquement possible le dénouement des opérations financières qui viennent s'imputer sur le compte du Trésor, dans des conditions de sécurité maximale. À cet effet, l'AFT suit en temps réel l'exécution des flux de recettes et de dépenses sur le compte unique du Trésor à la Banque de France. En 2013, ces flux de trésorerie ont atteint 41,7 milliards d'euros en moyenne journalière. »

Source : AFT

S'agissant des recettes de trésorerie, celles-ci resteraient faibles en 2015 en raison du niveau toujours bas des taux de court terme et devraient s'établir à 9 millions d'euros .

S'agissant des charges, le tableau ci-dessous illustre le poids de la rémunération des fonds non consommables destinés au financement des investissements d'avenir , dont le taux a été fixé une fois pour toutes et ne suit pas l'évolution des conditions de marché . En exécution, cette rémunération est passée de 165 millions d'euros en 2010 à 645 millions d'euros en 2012. La rémunération correspondant aux fonds non consommables du premier programme d'investissements d'avenir (PIA) a atteint son « rythme de croisière » en 2013 à 667 millions d'euros. S'y ajoute, depuis 2014, la rémunération des fonds supplémentaires prévus par le second PIA, soit 80 millions d'euros en 2015.

Trésorerie de l'État de 2012 à 2016

2012

2013

2014

2015

2015

2016

Exécution

Exécution

Exécution

LFI

Révision

PLF

Trésorerie (charge nette)
dont hors rémunération des fonds non consommables

880
234

909

242

869

181

936

185

943
192

920
169

Rémunération des fonds non consommables déposés au Trésor*

645

667

688

751

751

751

Dépôt des correspondants (rémunérations versées)

309

253

192

173

150

160

Pensions, placements et trésoreries (recettes - dépenses)

75

11

11

-12

-42

-9

* fonds destinés au financement des investissements d'avenir

Source : projet annuel de performances pour 2016

Au total, la rémunération des fonds des deux PIA devrait s'élever à 751 millions d'euros en 2016, soit le même montant qu'en 2015 . Ces intérêts sont versés à hauteur de 549 millions d'euros à l'Agence nationale de la recherche (ANR) et à hauteur de 202 millions d'euros à des établissements d'enseignement supérieur dans le cadre du Plan Campus .

Le coût de la rémunération des dépôts des correspondants devrait pour sa part s'élever à 160 millions d'euros en 2016, soit 10 millions d'euros de plus qu'en 2015 .

D. DES TAUX D'INTÉRÊT QUI DEVRAIENT PROGRESSIVEMENT REMONTER APRÈS AVOIR ATTEINT DES NIVEAUX HISTORIQUEMENT BAS EN 2015

Les taux des obligations françaises sont restés historiquement bas en 2015, à court comme à moyen et long termes, ce qui a une nouvelle fois rendu totalement indolore l'augmentation de l'encours de la dette de l'État.

Ce phénomène a été amplifié par l'annonce le 22 janvier 2015 puis par le lancement effectif le 9 mars 2015 par la Banque centrale européenne (BCE) de sa politique d'achats d'actifs du secteur public ( Public Sector Purchase Programme ) qui a conduit l'Eurosystème à acheter 60 milliards d'euros d'actifs d'États de la zone euro par mois dans le but d'amplifier la diminution des taux d'intérêt de long terme pour stimuler la croissance.

Les taux des obligations françaises à court terme et à 10 ans entre 2012 et 2016

Source : AFT

1. Des taux à court terme négatifs pour encore quelques mois

La politique monétaire extrêmement accommodante menée actuellement par la BCE et l'excès de liquidités présentes sur le marché ont permis à l'État de bénéficier de taux négatifs lors de ses adjudications de BTF en 2015 .

Selon l'AFT, ces taux devraient rester négatifs au début de l'année 2016 puis redevenir positifs par la suite, tout en se maintenant à des niveaux très bas.

2. Des taux à 10 ans qui devraient prochainement repartir à la hausse

Source : AFT

Le taux moyen pondéré sur les émissions de dette à moyen et long terme ressort sur les trois premiers trimestres de l'année 2015 à 0,62 % , à comparer à un plancher historique à 1,31 % en 2014, et une moyenne de 4,15 % sur la période 1998-2007 .

Il a atteint un point bas en avril 2015 lorsque le taux à l'émission de l'OAT de référence à 10 ans est ressorti à 0,46 % et que le TEC 10 est descendu à 0,33 %, avant de remonter par la suite.

Il convient de noter que le spread à 10 ans avec l'Allemagne a atteint un minimum historique de 17 points de base au moment de l'annonce du lancement du Public Sector Purchase Programme , qu'il est remonté jusqu'à 48 points de base le 6 juillet 2015 en raison des incertitudes relatives aux négociations du nouveau plan d'aide à la Grèce et se situait à 36 points de base à la fin du mois d'août 2015 .

L'Agence France Trésor, dont votre rapporteur a entendu le directeur général, prévoit que les taux à 10 ans vont poursuivre leur redressement progressif dans les mois qui viennent et pourraient atteindre 1,4 % fin 2015 puis 2,4 % fin 2016 , en raison de la relative amélioration de la conjoncture économique.

Taux à l'émission des BTF à trois mois et des OAT à 10 ans en moyenne annuelle
selon le projet annuel de performances pour 2016

Taux à l'émission des BTF à 3 mois (moyenne annuelle)

Taux à l'émission des OAT à 10 ans (moyenne annuelle)

2004

2,00 %

4,20 %

2005

2,06 %

3,48 %

2006

2,84 %

3,73 %

2007

3,87 %

4,23 %

2008

3,59 %

4,37 %

2009

0,62 %

3,69 %

2010

0,37 %

3,17 %

2011

0,70 %

3,38 %

2012

0,04 %

2,70 %

2013

0,04 %

2,23 %

2014

0,07 %

1,87 %

2015 (prévision)

-0,2 %

0,9 %

2016 (prévision)

0,1 %

1,9 %

Source : projet annuel de performances pour 2016

3. Une hausse plus rapide que prévue des taux d'intérêt aurait un impact considérable sur la charge de la dette

Le montant de la charge de la dette dépend étroitement du niveau des taux d'intérêt auxquels la France souscrit ses emprunts de court terme comme de moyen et long termes.

Si la France a bénéficié ces dernières années de circonstances exceptionnellement favorables pour continuer à s'endetter, le réveil pourrait être très douloureux , ainsi que le montre sans ambiguïtés le graphique ci-dessous, fourni à votre rapporteur par l'AFT.

Ce graphique 4 ( * ) permet en effet de constater qu'une hausse imprévue de 100 points de base des taux d'intérêt sur l'ensemble de la courbe de la dette française provoquerait dès 2016 un alourdissement de la charge de la dette de 2,1 milliards d'euros et se propagerait progressivement au stock de dette de moyen et de long termes au fur et à mesure de l'amortissement des emprunts arrivant à échéance. La charge de la dette atteindrait alors 61 milliards d'euros en 2025 !

Source : AFT

Sans vouloir jouer les Cassandre, votre rapporteur considère donc que le risque d'une remontée plus rapide que prévu des taux d'intérêt doit être pris au sérieux par le Gouvernement et conduire ce dernier à enfin adopter des mesures crédibles de réduction des dépenses de l'État , à même de rassurer les investisseurs et de restaurer notre crédibilité budgétaire.

II. LES AUTRES PROGRAMMES DE LA MISSION

A. LE PROGRAMME 114 « APPELS EN GARANTIE DE L'ETAT » : DES CRÉDITS EN FORTE BAISSE

Conformément à l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances, tout nouveau régime de garantie de l'État doit être autorisé par une loi de finances. Les garanties ainsi octroyées constituent des engagements hors bilan retracés en annexe du compte général de l'État.

Elles n'entraînent une dépense budgétaire pour l'État qu'en cas de réalisation du risque garanti. Ces dépenses sont regroupées au sein du programme 114 « Appels en garantie de l'État ».

La réalisation d'un risque pour lequel l'État a accordé sa garantie présentant un caractère imprévisible, les crédits inscrits au programme 114 sont évaluatifs au sens de l'article 10 de la loi organique relative aux lois de finances.

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit 150 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) au titre du programme 114 « Appels en garantie de l'État », soit un fort recul de 20,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015, qui prévoyait des crédits de 188,0 milliards d'euros.

La dépense budgétaire se concentre à plus de 85 % sur les dispositifs de garantie mis en oeuvre par la Compagnie française pour le commerce extérieur ( COFACE), filiale de Natixis, qui apporte un soutien financier aux entreprises françaises exportatrices 5 ( * ) .

Les crédits consacrés à cette action connaîtront en 2016 une baisse de 21,7 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2015, qui s'explique avant tout par la diminution des dépenses d'assurance prospection, de garantie du risque économique et de garantie du risque exportateur.

En particulier, le coût budgétaire de l'assurance-prospection, qui avait été évalué à 111,5 millions d'euros pour 2015 s'est finalement limité à 96,4 millions d'euros , ce qui a conduit le Gouvernement à proposer de reconduire ce montant pour 2016.

Selon le projet de performances pour 2016, « cette prévision tient compte des réformes engagées en mai 2014 afin de prendre en compte la hausse passée du nombre de bénéficiaires, en majorité des PME (12 630 entreprises bénéficiaires fin juillet 2015 contre 12 528 entreprises fin 2014, 11 095 fin 2013, 9 225 fin 2012 et 7 508 fin 2011), liée notamment à l'introduction début 2012 du produit forfaitaire A3P (assurance prospection premiers pas). »

B. LE PROGRAMME 145 « ÉPARGNE » : DES CRÉDITS EN BAISSE SENSIBLE DU FAIT DU RECUL DES PRIMES D'ÉPARGNE-LOGEMENT

L'essentiel du programme 145 concerne la dépense de primes d'épargne-logement qui représente 99,5 % du montant du programme.

Le compte épargne-logement (CEL) et le plan d'épargne-logement (PEL) ont pour finalité de permettre aux ménages de se constituer un apport personnel et leur donnent droit à un prêt épargne logement dont les caractéristiques sont fixées lors de l'ouverture du CEL ou du PEL. Les CEL sont avant tout destinés au financement de petites opérations, tandis que les PEL concernent généralement des acquisitions plus importantes.

Ces deux produits financiers permettent d'obtenir, sous certaines conditions, une prime versée par l'État , dont le montant est plafonné et calculé en fonction des intérêts acquis pendant la phase d'épargne.

L'action 01 du programme 145 regroupe les crédits consacrés au financement de ces primes, soit 352,2 millions d'euros en 2016 (AE=CP) contre 474,3 en loi de finances initiale pour 2015, soit une diminution de 25,7 % . À l'issue d'un appel d'offre, le Crédit foncier a été désigné le 9 février 2015 comme opérateur de la gestion de ces primes pour le compte de l'État.

La baisse tendancielle depuis plusieurs années de la dépense des primes d'épargne-logement peut être imputée à plusieurs facteurs tels que l'évolution du marché de l'immobilier, les taux d'intérêt des prêts PEL qui demeurent supérieurs aux taux des prêts libres ou bien encore l'impact de la réforme de l'épargne-logement de mars 2011 qui impose la souscription d'un prêt d'épargne-logement destiné au financement d'une résidence principale de 5 000 euros minimum pour bénéficier du versement de la prime.

Afin de les rendre plus attractifs, les PEL ouverts depuis le 1 er février 2015 voient désormais leur taux de rémunération fixé à 2 %.

Parallèlement, les frais de gestion et les frais financiers des établissements bancaires sont plafonnés à 120 points de base au-dessus du taux de rémunération du plan, ce qui permet actuellement une distribution des prêts PEL à des taux de 3,2 % contre 4,2 % pour les PEL ouverts entre août 2003 et janvier 2015.

Selon le projet annuel de performances pour 2016, qui se base sur l'exécution budgétaire du premier semestre 2015, 328 832 primes PEL (pour un montant moyen de 1 055 euros ) et 19 151 primes CEL (pour un montant moyen de prime de 209 euros ) seraient susceptibles d'être versées en 2016.

L'action 02, pour sa part, retrace d'une part les dépenses d'aide de l'État au secteur aidé, dispositif ancien de prêts à l'accession sociale distribués et gérés par le Crédit Foncier et d'autre part le remboursement des frais de la Société de gestion des financements et de la garantie de l'accession sociale à la propriété (SGFGAS) pour le contrôle des prêts conventionnés.

Cette action finance principalement des bonifications d'intérêt et des commissions de gestion de prêts à l'accession à la propriété accordés aux personnes physiques dans le cadre de dispositifs aujourd'hui fermés et en extinction, ainsi que des frais de gestion et de contrôle des prêts conventionnés.

Le montant des crédits portés par cette action pour 2016 est de 1,8 million d'euros contre 2,4 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2015 (soit une baisse de 25 % ).

C. LE PROGRAMME 168 « MAJORATION DE RENTES » : UNE DIMINUTION DE 10,6 % DES CRÉDITS POUR UN DISPOSITIF GÉRÉ EN EXTINCTION

Les crédits du programme 168 pour 2016 sont consacrés au financement du dispositif des majorations légales de rentes viagères 6 ( * ) . Ce dispositif ayant été fermé, les droits acquis disparaissent avec la diminution progressive de la population des crédirentiers .

Toutefois, comme indiqué en réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur, « les rentes en cours de constitution disposent de droits latents qui viennent progressivement contribuer à la charge de remboursement au fur et à mesure de l'arrivée en service de la rente ».

En 2016, les crédits devraient s'établir à 151 millions d'euros, soit une baisse de 10,6 % par rapport aux 168 millions d'euros de crédits votés en loi de finances initiale pour 2015 (la prévision d'exécution s'établissant finalement à 161 millions d'euros pour 2015).

D. LE PROGRAMME 336 « DOTATION EN CAPITAL DU MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ » : PAS DE DÉPENSES PRÉVUES EN 2016

Le programme 336 « Dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité » retrace l'engagement de la dotation en capital apportée par la France, à la suite de l'adoption de la loi n° 2012-323 du 7 mars 2012 autorisant la ratification du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES).

Le MES a pris le relais du Fonds européen de stabilité financière (FESF) , mis en place en juin 2010 pour trois ans et ayant une capacité d'intervention financière de 440 milliards d'euros. L e MES ne repose pas seulement sur des garanties des États, mais sur un capital effectivement constitué.

La souscription de la France au capital MES s'est élevée au total à 16,3 milliards d'euros et a été versée en cinq tranches de 3,3 milliards d'euros chacune. La dernière tranche a été versée le 29 avril 2014.

Le présent projet de loi de finances ne prévoit pas de dépenses pour l'exercice 2016.

E. LE PROGRAMME 338 « AUGMENTATION DE CAPITAL DE LA BANQUE EUROPÉENNE D'INVESTISSEMENT » : PAS DE DÉPENSES PRÉVUES EN 2016

La Banque européenne d'investissement (BEI) est la banque de prêts à long terme de l'Union européenne . Elle a été créée en 1958 par le Traité de Rome.

Aucune augmentation de capital n'étant envisagée à ce jour, il n'est pas inscrit de crédits dans le projet de loi de finances pour 2016 .

F. LE PROGRAMME 344 « FONDS DE SOUTIEN RELATIF AUX PRÊTS ET CONTRATS FINANCIERS STRUCTURÉS À RISQUE » POURRAIT VOIR SES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT DOUBLER

Le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats structurés à risque » 7 ( * ) finance le fonds de soutien aux collectivités territoriales et à leurs groupements ayant souscrit des emprunts structurés et des instruments financiers à risque , créé par l'article 92 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 dont les modalités d'application ont été précisées par décret en Conseil d'État 8 ( * ) . Ce fonds a pour mission de faciliter le remboursement de ces emprunts par anticipation . 9 ( * )

Il est doté d'un comité national d'orientation et de suivi (CNOS) chargé d'émettre des recommandations sur les modalités d'intervention du fonds. Le CNOS est composé de représentants de l'État, de parlementaires, de représentants des collectivités territoriales ainsi que de personnalités qualifiées. Il est présidé par notre collègue Claude Raynal.

Afin de faire participer les banques à la résolution d'un problème qu'elles ont en partie créé, ce fonds était initialement financé à 60 % par le secteur bancaire à travers deux mécanismes , le reliquat étant financé par des crédits budgétaires.

D'une part, Dexia et la Société de financement local (SFIL), qui détiennent la majeure partie du stock d'emprunts toxiques, versent à l'État des « contributions volontaires » via des fonds de concours , à hauteur de 11,5 millions d'euros par an, pendant quinze ans.

D'autre part, l'article 35 de la loi de finances pour 2014 précitée avait relevé le taux de la taxe de risque systémique - mise en place pour faire participer les banques ex ante aux coûts d'une éventuelle crise bancaire - afin d'alimenter le fonds de soutien à hauteur de 50 millions d'euros par an.

Toutefois, l'article 26 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 a prévu l'extinction progressive de la taxe de risque systémique, afin de tenir compte de la mise en place d'un Fonds de résolution unique (FRU) au niveau européen 10 ( * ) .

Afin de remédier à la disparition de la taxe de risque systémique, une taxe pour le financement du fonds de soutien aux collectivités territoriales a été mise en place par l'article 26 de la loi de finances rectificative pour 2014 précitée.

Prévue à l'article 235 ter ZE bis du code général des impôts (CGI), cette taxe reprend les principales caractéristiques de la taxe de risque systémique.

Sont redevables de cette taxe :

- les établissements de crédit ;

- les entreprises d'investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille ;

- les entreprises de marché ;

- les adhérents aux chambres de compensation ;

- les personnes habilitées à exercer les activités de conservation ou d'administration d'instruments financiers ;

- les établissements de paiement ;

- les compagnies financières holding et les compagnies financières holding mixtes.

Son assiette est identique à celle de la contribution pour frais de contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et repose sur les exigences minimales en fonds propres requises pour respecter les ratios prudentiels de Bâle . Toutefois, les établissements pour lesquels les exigences minimales en fonds propres sont inférieures à 500 millions d'euros sont exclus du champ d'application de la taxe.

En l'état actuel du droit, le taux de la taxe est fixé à 0,026 % afin d'assurer un rendement de 40 millions d'euros en 2015 et 2016 et 50 millions d'euros par an à partir de 2017.

Alors que la loi de finances initiale pour 2015 prévoyait une ouverture de 1,4 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 50 millions d'euros en crédits de paiement , le projet de loi de finances pour 2016 ne prévoit aucune nouvelle autorisation d'engagement mais consacre en revanche au présent programme 344 100 millions d'euros en crédits de paiement . En effet, il est prévu que le fonds soit abondé à hauteur de 100 millions d'euros par an pendant une durée maximale de quinze ans .

Comme annoncé par le Gouvernement le 24 février 2015 et sous réserve de l'adoption de l'article 9 du présent projet de loi de finances pour 2016, le fonds de soutien pourrait voir ses capacités d'intervention maximales portées à 3 milliards d'euros sur quinze ans , soit 200 millions d'euros de crédits de paiement par an.

Ce doublement du fonds de soutien aurait pour objet de lui permettre de prendre en charge la grande majorité des surcoûts d'indemnités de remboursement anticipé des emprunts à risque adossés à la parité euro-franc suisse souscrits par des administrations publiques locales provoquée par la décision de la Banque nationale suisse de laisser s'apprécier sa monnaie par rapport à l'euro le 15 janvier 2015.

Afin que les banques contribuent à ce renforcement, l'article 9 du présent projet de loi propose d'augmenter le taux de la taxe pour le financement du fonds du soutien de 0,026 % à 0,0642 % pour les années 2016 à 2025 puis de le ramener à 0,0505 % pour les années 2026 à 2028.

SECONDE PARTIE : LES COMPTES SPÉCIAUX

I. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS »

En application de l'article 24 de la loi organique relative aux lois de finances 11 ( * ) , le compte « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » retrace les avances accordées par le Trésor aux organismes susceptibles d'en recevoir. Ces avances, qui constituent les dépenses du compte, sont de trois ordres :

1) les avances consenties à des services de l'État (budgets annexes, services autonomes de l'État, services nationalisés) ou à des organismes distincts de l'État gérant des services publics (établissements publics nationaux, services concédés, sociétés d'économie mixte, organismes divers de caractère social). Ces avances visent à répondre à des situations d'urgence , pour assurer la continuité de l'action publique ou mettre en oeuvre une mesure de façon accélérée, ou à couvrir provisoirement un besoin de trésorerie imprévu. Elles sont retracées sur les programmes 823 « Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics » et 824 « Avances à des services de l'État » ;

2) les avances octroyées à l'Agence de services et de paiement (ASP), au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (PAC). Ces avances répondent au mode de financement propre aux aides de la PAC, que les États membres doivent préfinancer et qui sont ensuite remboursées par la Commission européenne. Pour la France, ce préfinancement est assuré par les versements de l'ASP. Ces avances sont imputées sur le programme 821 « Avances à l'Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune » ;

3) les avances à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l'indemnisation des victimes du Benfluorex 12 ( * ) ( programme 825). Ces avances, qui permettent à l'ONIAM d'honorer les premiers dossiers d'indemnisation, constituent une solution provisoire dans l'attente de ressources pérennes de l'ONIAM , parmi lesquelles des produits tirés des actions subrogatoires.

Chacun de ces programmes se trouve sous la responsabilité du ministre de l'économie et des finances et, au plan administratif, de celle du directeur général du Trésor. La mise en oeuvre en est assurée par l'AFT.

Les recettes du compte sont constituées des remboursements en capital des avances consenties.

Évolution des recettes et des dépenses entre 2015 et 2016

(en euros)

n.s. : non significatif

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Notre collègue Jean-Claude Frécon, dans son rapport d'information 13 ( * ) fait au nom de votre commission des finances, avait formulé deux recommandations destinées à améliorer la procédure d'octroi et de remboursement des avances du Trésor.

Sa première recommandation portait sur la définition d'une doctrine d'octroi des avances . Cette doctrine a été déterminée par une circulaire commune de la direction générale du Trésor et de la direction du budget en date du 27 juillet 2015, qui insiste notamment sur le caractère limitatif des crédits du compte de concours financier, précise le taux dont sont assorties les avances et analyse leur procédure d'octroi.

La seconde recommandation portait sur l'amélioration du suivi de la gestion des avances du Trésor et proposait de renforcer le rôle de l'AFT, qui agit au nom du directeur général du Trésor comme responsable des programmes 821, 823, 824 et 825.

Alors que jusqu'ici l'AFT participait à l'instruction de toute nouvelle demande d'avance mais n'était pas consultée en cas de modification dans l'exécution de l'avance, notamment en cas de modification de l'échéancier de remboursement, la circulaire du 27 juillet 2015 prévoit désormais que « l'AFT doit être systématiquement consultée lors de l'instruction d'une demande d'avance » et que « toute modification du plan de remboursement initial doit être exceptionnelle et donner lieu à une saisine conjointe de l'AFT et de la direction du budget ».

II. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « ACCORDS MONÉTAIRES INTERNATIONAUX »

Le compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux » est dédié à la coopération monétaire avec la zone franc, c'est-à-dire avec l'Union monétaire ouest africaine, l'Union monétaire d'Afrique centrale et l'Union des Comores. Conformément à l'article 24 de la loi organique relative aux lois de finances, il est doté de crédits évaluatifs 14 ( * ) .

Il est destiné à garantir, en tant que de besoin, l'ancrage de la parité du taux de change du franc sur l'euro et la garantie de convertibilité illimitée . Il retrace, en recettes et en dépenses, les opérations d'octroi et de remboursement des appels en garantie de convertibilité effectuées par le Trésor au profit des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international.

Eu égard aux niveaux importants de réserves détenues par les banques centrales de la zone franc et à la très faible probabilité d'appel en garantie de l'État qui en résulte, cette mission n'est dotée d'aucun crédit pour 2016, comme les années précédentes . Elle ne fait d'ailleurs pas l'objet d'un projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances.

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE »

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Participation de la France au désendettement de la Grèce » a été créé par la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 15 ( * ) afin de traduire dans le droit national les engagements pris par la France dans le cadre des réunions des ministres des finances de la zone euro, soit de l'Eurogroupe, du 20 février 2012 et du 26 novembre 2012 .

Lors de la réunion du 20 février 2012, la France s'est engagée, aux côtés des autres États membres de la zone euro, à reverser à la Grèce les revenus perçus et à percevoir par la Banque de France entre 2012 et 2020 sur les obligations grecques que celle-ci détient en compte propre . De même, l'accord du 26 novembre 2012 prévoit que les banques centrales nationales de la zone euro doivent reverser aux États membres les revenus qu'elles reçoivent des obligations grecques détenues au titre du Programme pour les marchés de titres (PMT), ou Security Market Programme (SMP), qui sont ensuite restitués à la Grèce . Ces initiatives s'inscrivent parmi les mesures tendant à réduire la dette publique grecque et à rétablir la soutenabilité de celle-ci ; le taux d'endettement de la Grèce a, en effet, crû continument, et devrait atteindre 180,2 % du PIB en 2015.

Programme pour les marchés de titre (PMT)

En mai 2010, la Banque centrale européenne (BCE) a lancé le programme pour les marchés de titres (PMT), ou Securities Market Programme (SMP), qui permet aux banques centrales de la zone euro d' acheter de la dette publique sur les marchés secondaires , et ce afin d'empêcher une hausse excessive des taux d'intérêt des États membres touchés par la crise de la dette publique dans la zone euro. Entre mai 2010 et mars 2012, les banques centrales nationales (BCN) de l'Eurosystème, qui sont responsables de l'exécution des opérations de politique monétaire, ont acheté près de 220 milliards d'euros d'obligations grecques, irlandaises, portugaises, italiennes et espagnoles dans le cadre du PMT 16 ( * ) .

À compter de septembre 2012, le PMT a été remplacé par le programme des opérations monétaires sur titres (OMT), ou Outright monetary transactions , qui consisterait également, s'il devait être utilisé, en une intervention sur les marchés secondaires. Il a été précisé par la BCE qu'elle ne fixait aucune limite à ses interventions et celles-ci seraient conditionnées à l'acceptation d'un plan d'assainissement des finances publiques par les États concernés.

Les transferts financiers opérés au profit de la Grèce dans ce cadre sont inscrits au sein du programme 795 du présent compte d'affectation spéciale, dont le responsable est le directeur général du Trésor.

Le choix de recourir à un compte d'affectation spéciale (CAS) pour faire transiter ces flux connaît deux justifications 17 ( * ) . Tout d'abord, il convient de rappeler l'interdiction du financement monétaire des États membres de la zone euro par les banques centrales nationales prévue par l'article 123 du traité relatif au fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Ensuite, il était nécessaire d' isoler ces opérations spécifiques au sein du budget de l'État .

Ainsi, le compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » retrace :

- en recettes , le produit de la contribution spéciale versée par la Banque de France au titre de la restitution des revenus qu'elle a perçus sur les titres grecs. Celui-ci s'élève à 233 millions d'euros en 2016 ;

- en dépenses , d'une part, le versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus précités (cf. programme 795) et, d'autre part, les rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France (cf. programme 796).

Récapitulation des crédits par programme et action

Autorisations d'engagement (AE)

Crédits de paiement
(CP)

Programme/Action

LFI pour 2015

PLF pour 2016

LFI pour 2015

PLF pour 2016

795 - Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs

309,0

233,0

432,5

325,6

01 - Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus par la Banque de France sur les titres grecs détenus en compte propre

123,5

92,6

02 - Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus par la Banque de France sur les titres grecs détenus au titre du portefeuille dit SMP

309,0

233,0

309,0

233,0

796 - Rétrocession de trop-perçus à la Banque de France

0

0

0

0

Source : projet annuel de performances pour 2016

A. LES VERSEMENTS DE LA FRANCE À LA GRÈCE

Le programme 795 comporte deux actions. L'action 01 concerne la mise en oeuvre de l'engagement pris par les États de la zone euro le 20 février 2012, soit le versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus par la Banque de France sur les titres grecs détenus en compte propre . Le montant de ce transfert doit s'élever à 754,3 millions d'euros pour la période 2012-2020 18 ( * ) .

L'action 02 retrace les montants correspondant au versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus par la Banque de France sur les titres grecs détenus au titre du portefeuille dit SMP . Au total, les montants reversés sur la période 2013-2025 doivent s'élever à 2,06 milliards d'euros 19 ( * ) .

Pour l'exercice 2016, sont demandés, dans le cadre du présent programme, 233 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 325,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Il convient de préciser que la Banque de France a versé à l'État l'intégralité de la somme, soit 754,3 millions d'euros, devant être transférée à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs détenus en compte propre . Ainsi, 198,7 millions d'euros ont été versés par la banque centrale nationale au présent compte d'affectation spéciale (CAS) en 2013 et 555,6 millions d'euros en 2013 ; par suite, depuis 2014, seul le programme dit SMP donne lieu à la perception de recettes.

Pour autant, cette quotité n'a pas été totalement reversée à la Grèce à ce jour . Un premier décaissement de 198,7 millions d'euros est intervenu au profit de la Grèce en 2012, soit la somme rétrocédée par la Banque de France cette année-là. En 2013, le versement de 555,6 millions de la Banque de France a permis l'ouverture d'AE d'un même montant, couverts par des CP à hauteur de 149 millions d'euros en 2013, de 101,8 millions d'euros en 2014 et de 123,5 millions d'euros en 2015. À la fin de l'année 2015 resteront donc 181,3 millions d'euros à restituer à la Grèce au titre des revenus perçus par la Banque de France sur les titres grecs détenus en compte propre . Aussi, dans le projet de loi de finances pour 2016, il est prévu l'ouverture de 92,6 millions d'euros en CP et les décaissements futurs apparaissent dans le tableau ci-après.

Chronique des versements de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus par la Banque de France
sur les titres grecs détenus en compte propre

Source : projet annuel de performances pour 2016

L'étalement de ces versements effectifs jusqu'à 2020 en dépit de l'ouverture de 555,6 millions d'euros en AE en 2013 explique la différence des montants d'AE (233 millions d'euros) et de CP (325,6 millions d'euros) demandés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 au titre du présent compte d'affectation spéciale .

En effet, les AE dont il est proposé l'ouverture en 2016, soit 233 millions d'euros, correspondent aux CP inscrits à l'action 02 du programme, qui seront consommés au titre du versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus par la Banque de France sur les titres grecs détenus au titre du portefeuille dit SMP 20 ( * ) . Dans le cadre de ce programme, ont déjà été versés par la France à la Grèce 450 millions d'euros en 2013, 399 millions d'euros en 2014 et 309 millions d'euros en 2015. Après 2016, 669 millions d'euros devront encore être rétrocédés à la Grèce selon la chronique figurant dans le tableau ci-après.

Chronique des versements de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus par la Banque de France sur les titres grecs détenus au titre du portefeuille dit SMP

Source : projet annuel de performances pour 2016 du compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce »

Ainsi, un total de 325,6 millions d'euros doit être transféré à la Grèce par l'intermédiaire du programme 795 en 2016 . L'écart, en flux annuels, entre les recettes et les dépenses afférentes au présent compte d'affectation spéciale pour un montant de 92,6 millions d'euros s'explique par le versement par la Banque de France, en 2013, de l'intégralité des ressources devant abonder les versements de la France à la Grèce au titre de la restitution à celle-ci des revenus perçus par la banque centrale nationale sur les titres grecs détenus en compte propre. En tout état de cause, la rétrocession française doit contribuer à réduire le besoin de financement de l'État grec hauteur de 0,9 % en 2016 , la réduction cumulée de la dette grecque devant atteindre, cette même année, 5,1 %, ainsi que le montre le tableau ci-après.

Tableau n° 1 : Participation de la France au désendettement de la Grèce

Source : projet annuel de performances pour 2016

B. LES RÉTROCESSIONS DE TROP-PERÇUS À LA BANQUE DE FRANCE

Le programme 796 du présent compte d'affectation spéciale retrace les rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France . Si ce programme n'a jamais retracé aucun flux depuis sa création en 2012, son existence n'en présente pas moins une grande importance dans son principe.

En effet, le plan de désendettement de la Grèce adopté en juillet 2011 et mis en oeuvre à compter de 2012 prévoit un certain nombre de conditionnalités en contrepartie de l'aide financière apportée à cet État. Aussi, dans le cas où les conditions d'exécution du plan de désendettement ne seraient plus réunies, il y aurait lieu de revoir les modalités selon lesquelles la France rétrocède à la Grèce les revenus perçus par la Banque de France sur les titres grecs détenus en compte propre ou au titre du portefeuille dit SMP . Ainsi que le rappelle le projet annuel de performances (PAP) associé au compte d'affectation spéciale, les conventions du 3 mai 2012 et du 26 juin 2013 entre l'État et la Banque de France prévoient que « le dispositif sera revu dans l'hypothèse d'une rupture par la Grèce des conditions contractuelles fixées par le plan, ou d'une restructuration des titres détenus par la Banque de France ou de l'annonce par le Fonds monétaire international et/ou de l'Union européenne de l'interruption de leur soutien financier en raison d'une rupture par la Grèce des conditions qui y sont attachées ».

Dès lors, le présent programme porterait, le cas échéant, la restitution à la Banque de France de tout ou partie des sommes versées au présent compte d'affectation spéciale dans l'hypothèse d'une remise en cause du plan de désendettement de la Grèce . Ainsi, une telle hypothèse avait pu être envisagée lorsqu'était apparu, en raison des dissensions nées au cours du premier semestre 2015 entre la République hellénique et le « groupe de Bruxelles » - composé de la Commission européenne, du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque centrale européenne (BCE) -, le risque d'une sortie de cette dernière de la zone euro à l'été dernier 21 ( * ) .

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission, tendant à minorer les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » de 48, 01 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) afin de garantir le respect de la norme de dépense en valeur de l'État.

Cette minoration est répartie de la façon suivante :

- une baisse de 25 millions d'euros en AE et en CP sur le programme 114 « Appels en garantie de l'État ». Pour mémoire, il s'agit de crédits évaluatifs ;

- une baisse de 23,01 millions d'euros en AE et en CP sur le programme 145 « Épargne ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 21 octobre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Serge Dassault, rapporteur spécial, sur la mission « Engagements financiers de l'État », les comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » et le compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce ».

M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - En tant que rapporteur de la mission « Engagements financiers de l'État », je vous ferai brièvement part de mes observations sur la situation de nos finances publiques avant de vous exposer un certain nombre de pistes qui permettraient, selon moi, de contribuer à une véritable amélioration de notre situation économique et budgétaire.

Le Gouvernement prévoit une croissance de 1,1 % pour 2015 et de 1,6 % pour 2016. Si le Haut Conseil des finances publiques estime, dans son avis rendu le 30 septembre, que l'objectif du Gouvernement est crédible pour 2015, il considère en revanche, je le cite, que « compte tenu de l'accroissement des incertitudes depuis l'été, l'hypothèse d'une croissance de 1,5 % en 2016 ne peut plus être qualifiée de « prudente » ».

S'il l'estime néanmoins « atteignable », ce n'est pas grâce à la politique économique du Gouvernement, mais bien en raison d'un alignement des astres particulièrement favorable : baisse du prix du pétrole, euro faible, politique monétaire exceptionnellement accommodante.

En dépit de tous ces facteurs exogènes positifs, je pense pour ma part que le chiffre de 1,5 % de croissance demeure encore trop optimiste, tant notre économie peine à sortir de sa léthargie. Le contexte international pourrait en outre s'avérer moins porteur que prévu, avec le ralentissement économique des grands pays émergents, en particulier la Chine.

Le 18 septembre 2015, l'agence de notation Moody's a d'ailleurs procédé à une nouvelle dégradation de la note de la dette française, qui est passée de « Aa1 » avec perspective « négative » à « Aa2 » avec perspective « stable ». Elle s'est ainsi alignée sur les autres agences qui avaient dégradé la France au dernier trimestre 2014.

Pour justifier sa décision, l'agence a invoqué « la faiblesse continue » des perspectives de croissance française, faiblesse qui selon elle « devrait perdurer jusqu'à la fin de la décennie » et empêcher toute « réduction significative du fardeau de la dette ».

Cette anémie, selon l'agence, est principalement due aux « contraintes institutionnelles et politiques », ainsi qu'à la « rigidité du marché du travail », en grande partie responsable d'un taux de chômage élevé. Les chefs d'entreprise, sachant qu'ils ne pourront licencier, n'embauchent pas : je le sais bien, moi qui suis chef d'entreprise ! Il n'y a rien à espérer tant que la flexibilité de l'emploi, qui donne de bons résultats aux États-Unis, ne sera pas mise en place chez nous.

En maintenant dans le même temps toute leur confiance à l'Allemagne, qui bénéficie auprès de chacune d'entre elles de la note AAA, les agences de notation ont clairement marqué tout l'écart qui sépare aux yeux des investisseurs un pays capable de dégager un excédent budgétaire d'un pays incapable de s'attaquer sérieusement au redressement de ses finances publiques.

J'en viens au budget 2016 proprement dit.

À la fin août 2015, l'encours de la dette négociable de l'État s'élevait à 1 574 milliards d'euros en valeur actualisée. Selon le projet annuel de performances pour 2016, l'encours de la dette de l'État passera l'an prochain de 1 584 à 1 647 milliards, soit une augmentation de 3,9 %. Certes, la progression de l'encours ralentit par rapport au paroxysme de la crise économique et financière de 2008-2009. Cependant, entre la fin 2008 et la fin 2016, celui-ci aura augmenté de 630,5 milliards d'euros : 62 % !

À la fin août 2015, l'encours de la dette négociable de l'État s'élevait à 1 574,1 milliards d'euros en valeur actualisée. Selon le projet annuel de performances pour 2016, l'encours de la dette de l'État passera de 1 584,6 milliards d'euros fin 2015 à 1 647,1 milliards d'euros fin 2016, soit une augmentation de 3,9 %.

Certes, la progression de l'encours de la dette nominale ralentit par rapport au paroxysme de la crise économique et financière de 2008-2009.

Toutefois, je tiens à souligner qu'entre la fin 2008 et la fin 2016, l'encours de la dette de l'État devrait avoir augmenté de 630,5 milliards d'euros, soit une très forte hausse de 62 %.

Alors qu'il devrait s'attaquer frontalement à ce problème en réduisant massivement les dépenses publiques, le Gouvernement se limite à freiner leur croissance tendancielle, se résignant à maintenir un déficit quasiment inchangé en 2016 (72 milliards d'euros) par rapport à 2015 (73 milliards d'euros).

Notre besoin de financement atteindra 200,2 milliards d'euros, soit 4,3 % de plus qu'en 2015. Ce montant correspond au déficit budgétaire, soit 73 milliards d'euros, et au refinancement de 127 milliards d'euros de dette arrivant à échéance en 2016. Le besoin de financement sera couvert par un emprunt de 187 milliards d'euros. Le solde sera financé par 10,7 milliards d'euros de disponibilités du Trésor et 2 milliards d'euros de recettes de cession de participations de l'État.

La charge de la dette, qui représente 99 % des crédits de la mission que je vous présente aujourd'hui, pèsera une nouvelle fois très lourd dans le budget de notre pays, avec 44,5 milliards d'euros, soit 11,6 % des dépenses de l'État en 2016, en hausse de 2,1 milliards d'euros par rapport à 2015.

Elle constituera en termes de crédits de paiement le deuxième poste budgétaire de l'État après la mission « Enseignement scolaire », dotée de 48 milliards d'euros mais très loin devant la mission « Défense » (31,7 milliards d'euros) ou bien encore la mission « Recherche et l'enseignement supérieur » (25,9 milliards d'euros), qui constituent pourtant des priorités pour garantir, respectivement, notre sécurité et l'amélioration du taux de croissance potentielle de notre pays.

Les taux des obligations françaises sont restés historiquement bas en 2015, à court comme à moyen et long termes, ce qui a une nouvelle fois rendu indolore l'augmentation de l'encours de la dette de l'État.

Ce phénomène a été amplifié par l'annonce le 22 janvier 2015 puis par le lancement effectif le 9 mars 2015, par la Banque centrale européenne (BCE) de sa politique d'achats d'actifs du secteur public ( Public Sector Purchase Programme ) qui a conduit l'Eurosystème à acheter 60 milliards d'euros d'actifs d'États de la zone euro par mois dans le but d'amplifier la diminution des taux d'intérêt de long terme pour stimuler la croissance.

Cette situation exceptionnelle ne devrait plus durer longtemps. L'Agence France Trésor, dont j'ai entendu le directeur général, prévoit que les taux à 10 ans vont augmenter progressivement dans les mois qui viennent et pourraient atteindre 1,4 % fin 2015 puis 2,4 % fin 2016, en lien avec l'amélioration de la conjoncture économique.

En outre, une hausse imprévue de 100 points de base des taux d'intérêt sur l'ensemble de la courbe de la dette française provoquerait dès 2016 un alourdissement de la charge de la dette de 2,1 milliards d'euros, puis 4,8 milliards d'euros en 2017, 6,9 milliards d'euros en 2018, etc.

Le risque d'une remontée plus rapide que prévu des taux d'intérêt doit donc être pris au sérieux par le Gouvernement et conduire ce dernier à enfin adopter des mesures crédibles de réduction des dépenses de l'État, à même de rassurer les investisseurs et de restaurer notre crédibilité budgétaire.

Je vais vous faire maintenant quelques propositions dans ce sens.

D'abord, l'État devrait se doter de règles de bonne gestion budgétaire - autrement dit, appliquer la règle d'or, qui obligerait à présenter des budgets équilibrés. Il faudrait préparer les budgets avec une croissance prévisionnelle voisine de 0 %, ne réservant que de bonnes surprises. Il serait également bon de plafonner la dette, si possible via la Constitution, et d'éliminer drastiquement tous les dispositifs prévus dans le cadre du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité, qui ne sont pas financés. Il faudrait réaliser de véritables économies sur les dépenses sociales, en supprimant par exemple l'Aide médicale d'État aux étrangers ou le RSA, qui risquent d'exploser avec l'afflux des migrants sur notre territoire.

Le Gouvernement devrait aussi arrêter de fabriquer des fonctionnaires à vie, en embauchant des personnes que l'État devra ensuite payer pendant soixante ans ! Mieux vaudrait les embaucher pour quinze ans, puis les reconduire dans leur poste si l'on a besoin d'eux. De même les fonctions publiques territoriale et hospitalière se retrouvent en difficultés pour financer les agents depuis que les dotations sont en baisse. Appliquons la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite !

Il est urgent de mener une vraie politique de croissance en réduisant les impôts des entreprises et des entrepreneurs. En taxant les riches, on fait fuir les investisseurs. Nous les jetons dehors !

Mme Michèle André , présidente . - Il en reste quelques-uns.

M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Les jeunes, eux aussi, s'en vont. Ne restent que les fonctionnaires, les chômeurs et les retraités.

Il faudrait aussi supprimer les 35 heures qui paralysent notre économie, car elles coûtent 21 milliards d'euros à l'État sur un budget de 35 milliards d'euros consacré aux politiques de l'emploi.

Mme Michèle André , présidente . - Personne ne les a remises en cause...

M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Enfin, on ne pourra pas équilibrer notre budget sans réformer notre système d'imposition en remplaçant l'impôt sur le revenu à taux progressif par un impôt proportionnel à taux fixe, payé par tous les contribuables, c'est-à-dire une Flat tax .

Ces réformes ne sont ni de droite, ni de gauche, ce sont des réformes de bon sens dans l'intérêt de la France.

Je vous propose cependant d'adopter les crédits de cette mission, car la France doit respecter ses engagements à l'égard de ses créanciers.

Mme Michèle André , présidente . - J'ai lu dans votre note de présentation que la direction générale du Trésor et la direction du budget avaient modifié certaines de leurs procédures pour tenir compte des recommandations formulées par notre ancien rapporteur spécial Jean-Claude Frécon dans son rapport de contrôle du compte de concours financiers « Avances aux services de l'État et aux organismes gérant des services publics » publié en 2014. Qu'en est-il exactement ?

M. Vincent Delahaye . - Vous annoncez une augmentation de la charge de la dette de 2,1 milliards en 2016. Pourtant, dans le document, on parle d'une charge de la dette de 44,5 milliards en 2016 contre 44,3 milliards l'an dernier, soit une augmentation de 200 millions.

J'avais déjà demandé un travail spécifique sur l'évolution de la dette, qui prenne en compte le déficit budgétaire de l'État, mais aussi d'autres éléments, comme la dotation au Mécanisme européen de stabilité. Un tableau d'ensemble année par année serait très utile.

M. Philippe Dominati . - La dette n'est pas nouvelle. Elle court depuis trente ou trente-cinq ans. C'est une dérive de long terme. Le plafond de la dette, en revanche, est une notion nouvelle. Dans certains pays, le Gouvernement a besoin de l'accord du Parlement pour dépasser ce plafond, comme aux États-Unis où le Congrès s'est réuni à trois reprises ces dernières années pour examiner une telle demande. La règle d'or dont on parlait tant au début du mandat présidentiel a disparu du débat politique. Comment faire pour fixer un plafond de la dette ? Faut-il qu'il corresponde à un pourcentage du PIB ? Notre ancien rapporteur général disait que la dette publique avait atteint un niveau insoutenable lorsqu'elle était à 80 % du PIB. On est désormais presque à 100 %.

M. Marc Laménie . - Dans un tableau que présente votre rapport, je lis que 100 millions d'euros sont inscrits au projet de loi de finances 2016 au titre du programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats structurés à risque ». Pourquoi ces crédits ont-ils doublé par rapport à l'année 2015 ?

M. Yannick Botrel . - Je lisais dans votre rapport que la dette de l'État était détenue à 64 % par des non-résidents. Quelle est la part, dans cette catégorie, des fonds souverains et celle des fonds privés ?

Mme Michèle André , présidente . - Petite précision : le plafond de la variation nette appréciée en fin d'année de la dette négociable de l'État d'une durée supérieure à un an est fixé à 60,5 milliards d'euros, ainsi qu'il est inscrit dans l'article d'équilibre qui est soumis à notre vote.

M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Notre collègue Jean-Claude Frécon avait formulé dans son rapport deux recommandations destinées à améliorer la procédure d'octroi et de remboursement des avances du Trésor dans le cadre de ce compte de concours financiers.

Sa première recommandation portait sur la définition d'une doctrine d'octroi des avances. Cette doctrine a été déterminée par une circulaire commune de la direction générale du Trésor et de la direction du budget qui insiste notamment sur le caractère limitatif des crédits du compte de concours financiers, précise le taux dont sont assorties les avances et analyse leur procédure d'octroi.

La seconde recommandation portait sur l'amélioration du suivi de la gestion des avances du Trésor et proposait de renforcer le rôle de l'agence. Jusqu'ici l'AFT participait à l'instruction de toute nouvelle demande d'avance mais n'était pas consultée en cas de modification dans l'exécution de l'avance (notamment de modification de l'échéancier de remboursement) ; la circulaire du 27 juillet 2015 prévoit qu'elle sera désormais systématiquement consultée et que « toute modification du plan de remboursement initial doit être exceptionnelle et donner lieu à une saisine conjointe de l'AFT et de la direction du budget. »

M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Le plafond de la dette qui existe aux États-Unis est très sérieux : M. Obama a dû demander au Congrès l'autorisation de le dépasser. Là-bas, quelqu'un contrôle... quant à nous, nous augmentons l'encours de notre dette de 60 à 80 milliards par an et personne ne s'en soucie ! Nous devrions instituer un plafond à 1 800 ou 1 900 milliards et nous y tenir. Sinon, jamais nous ne parviendrons pas à un déficit de 2,7 % du PIB en 2017...

M. Vincent Eblé . - Si !

M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Le Gouvernement fait continuellement des fausses promesses. Il faudrait quelque chose qui l'engage, si possible inscrit dans la Constitution, sans quoi nous arriverons un jour à 3 000 milliards de dette !

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État ».

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » ainsi que du compte d'affectation spéciale « Participations de la France au désendettement de la Grèce ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission et des comptes spéciaux.


* 1 Plafond fixé par l'article d'équilibre du présent projet de loi de finances, conformément à l'article 34 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 2 Ce montant est prévisionnel et susceptible d'évoluer jusqu'à l'adoption définitive de la loi de finances pour 2016.

* 3 Les correspondants du Trésor sont les entités qui, par obligation législative, réglementaire ou par convention, disposent d'un compte ouvert dans les livres du Trésor, auprès d'un comptable public. Le décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique du 7 novembre 2012, entré en vigueur au 1 er janvier 2013, réaffirme le principe de l'obligation, pour les organismes publics, de déposer leurs fonds au Trésor. Les encours déposés sur le compte du Trésor par les correspondants, en particulier par les collectivités territoriales et leurs établissements publics au titre de la loi organique relative aux lois de finances, constituent une ressource stable pour la trésorerie de l'État.

* 4 L'évaluation réalisée par l'AFT est établie en optique « maastrichtienne », ce qui signifie qu'elle tient compte de l'ensemble des flux de paiements associés aux émissions de dette, en répartissant uniformément la dépense sur la durée de vie d'un titre. Elle agrège ainsi les intérêts courus et l'étalement des primes et décotes à l'émission.

* 5 Les différentes garanties publiques gérées par la COFACE sont notamment l'assurance-crédit, l'assurance prospection, la garantie de change, la garantie du risque économique, la stabilisation de taux d'intérêt ou bien encore la garantie du risque exportateur.

* 6 Ces dispositifs sont issus de lois votées à la fin des années 1940, pour permettre, dans une période de très forte inflation, la revalorisation des contrats de rentes viagères souscrits à titre privé. En 1986, compte tenu du changement de l'environnement socio-économique marqué par la maîtrise de l'inflation et la généralisation des régimes de retraite obligatoires, les pouvoirs publics ont décidé de fermer ce mécanisme aux contrats souscrits à partir du 1 er janvier 1987. Les contrats souscrits depuis cette date sont ainsi revalorisés dans le cadre des mécanismes contractuels et légaux de participation aux bénéfices. Pour les contrats antérieurs au 1 er janvier 1987, l'État finance au minimum 80 % des majorations pour les rentes versées. Pour les contrats postérieurs à cette date, 10 % des majorations versées sont à la charge de l'État.

* 7 Pour mémoire, les crédits du fonds étaient portés, en loi de finances initiale pour 2014, par le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie ». Le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque » en tant que tel a pour sa part été créé au sein de la mission « Engagements financiers de l'État » par la loi de finances initiale pour 2015.

* 8 Décret n° 2014-444 du 29 avril 2014 relatif au fonds de soutien aux collectivités territoriales et à certains établissements publics ayant souscrit des contrats de prêt ou des contrats financiers structurés à risque.

* 9 Ce fonds s'est substitué au précédent fonds créé par la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 et abrogé par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances initiale pour 2014.

* 10 Voir sur ce point le rapport n° 307 (2014-2015) de M. Albéric de Montgolfier sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique, fait au nom de la commission des finances et déposé le 4 mars 2015.

* 11 « Art. 24. - Les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l'État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. Les comptes de concours financiers sont dotés de crédits limitatifs, à l'exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs.

« Les prêts et avances sont accordés pour une durée déterminée. Ils sont assortis d'un taux d'intérêt qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d'échéance la plus proche. Il ne peut être dérogé à cette disposition que par décret en Conseil d'État.

« Le montant de l'amortissement en capital des prêts et avances est pris en recettes au compte intéressé.

« Toute échéance qui n'est pas honorée à la date prévue doit faire l'objet, selon la situation du débiteur :

« - soit d'une décision de recouvrement immédiat, ou, à défaut de recouvrement, de poursuites effectives engagées dans un délai de six mois ;

« - soit d'une décision de rééchelonnement faisant l'objet d'une publication au Journal officiel ;

« - soit de la constatation d'une perte probable faisant l'objet d'une disposition particulière de loi de finances et imputée au résultat de l'exercice dans les conditions prévues à l'article 37. Les remboursements ultérieurement constatés sont portés en recettes au budget général. »

* 12 La mise en place du dispositif d'indemnisation des victimes du Benfluorex (commercialisé sous le nom de Mediator) résulte des dispositions de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

* 13 Rapport d'information n° 602 (2013-2014), « Les avances aux services de l'État et aux organismes gérant des services publics : un dispositif original, aux procédures éprouvées mais à conforter dans son pilotage et son suivi ».

* 14 L'article 24 de la LOLF dispose en effet que « les comptes de concours financiers sont dotés de crédits limitatifs, à l'exception des comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs. »

* 15 Cf. article 21 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 16 C. Blot, C. Mathieu et C. Rifflart, « Politiques monétaires : en attendant la demande... », Revue de l'OFCE , 2012/6, n° 125, 2012, p. 221-246.

* 17 Conformément à l'article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les « comptes d'affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, les opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ».

* 18 Au total, 3 950 millions d'euros doivent être rétrocédés à la Grèce par les banques centrales de la zone euro conformément aux décisions prises lors de la réunion de l'Eurogroupe du 20 février 2012, la somme de 754,3 millions d'euros correspondant à la quote-part de la Banque de France.

* 19 Le montant total devant être reversé par les banques centrales à la Grèce en application de l'accord du 26 novembre 2012 s'élève à 9 902 millions d'euros, la quote-part française étant de 2 060 millions d'euros.

* 20 En effet, comme l'indique le projet annuel de performances (PAP) pour 2015 du présent compte d'affectation spéciale : « Concernant la restitution des revenus sur les titres grecs détenus au titre du programme pour les marchés de titres (programme dit SMP), les versements de la Banque de France seront effectués annuellement, de sorte que les AE seront couvertes et consommées annuellement, au même rythme que les CP ».

* 21 Cf. rapport d'information n° 599 (2014-2015) sur les risques financiers pour la France inhérents à un éventuel défaut grec fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, p. 12 et 15.

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