B. L'HYPOTHÈQUE DE LA RÉFORME DU DROIT DES ÉTRANGERS

L'année 2015 a été marquée par l'adoption de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme de l'asile . Cette loi modifie les procédures d'asile afin d'accélérer le délai d'instruction des demandes, d'améliorer la gestion du système d'accueil des demandeurs d'asile et de renforcer l'accueil des personnes réfugiées. Au 1 er novembre 2015, les principales dispositions de la loi entreront en vigueur, en particulier la mise en place de la nouvelle allocation pour les demandeurs d'asile (ADA), qui remplace et fusionne l'actuelle allocation temporaire d'attente (ATA), versée aux demandeurs d'asile non hébergés en CADA, et l'actuelle allocation mensuelle de subsistance (AMS), versée par les CADA aux demandeurs qui y sont hébergés. Par ailleurs, l'orientation directive des demandeurs d'asile, sur la base du schéma national d'accueil des demandeurs, entrera également en vigueur, permettant de mieux répartir les demandeurs sur l'ensemble du territoire national et, ainsi, de désengorger certaines régions, en particulier l'Île-de-France et Rhône-Alpes, qui accueillent actuellement environ 40 % des demandeurs d'asile.

Le 23 juillet 2015, l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, le projet de loi relatif au droit des étrangers . Ce dernier est discuté en séance publique au Sénat à compter du 6 octobre 2015. Le projet de loi devrait ainsi être adopté avant la fin de l'année 2015 pour une entrée en vigueur en 2016.

Ce texte, dont l'ambition « limitée » a été soulignée par notre collègue François-Noël Buffet, rapporteur au nom de la commission des lois 3 ( * ) , contient trois principales dispositions :

- la création d'une carte de séjour pluriannuelle , d'une durée de quatre ans, qui serait délivrée aux étrangers en situation régulière à l'expiration de leur titre de séjour d'un an, s'ils justifient de leur assiduité aux cours de langue et de formation civique ;

- la refonte du contrat d'accueil et d'intégration (CAI) , qui est recentré sur la formation linguistique, dont le niveau serait relevé, pour atteindre un niveau A1 puis A2, contre A.1.1 aujourd'hui ;

- une réforme des mesures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière , en particulier à travers une priorité accordée à l'assignation à résidence plutôt qu'à la rétention.

Même si le projet de loi n'a pas encore été adopté par le Sénat, le texte adopté par notre commission des lois va d'ores et déjà dans le sens d'une meilleure efficacité des mesures d'éloignement, notamment par un encadrement du recours à l'assignation à résidence, en encadrant la possibilité de contestation des obligations de quitter le territoire français (OQTF), et dans le sens d'un resserrement des conditions du bénéfice du titre de séjour pluriannuel.

En tout état de cause, l'adoption du projet de loi aura des conséquences sur le budget de la présente mission à deux principaux titres .

Tout d'abord, les crédits consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière du programme 303 , qui sont composés essentiellement des frais d'éloignement et des dépenses de fonctionnement des centres de rétention administratifs, dépendront de la réalité et de l'efficacité de la priorité affichée par le projet de loi pour l'assignation à résidence au détriment du placement en rétention . Moins coûteuse, l'assignation à résidence est également moins efficace, en termes de contrôle des étrangers ayant vocation à retourner dans leur pays d'origine . À cet égard, la récente visite de votre rapporteur spécial dans le centre de rétention administratif du Mesnil-Amelot, d'une capacité totale de 240 places, l'a convaincu de la difficulté qu'il y a, au regard des nombreuses tentatives d'évasion des retenus, à assurer la sécurité et le suivi des étrangers en situation irrégulière concernés dans le cadre d'une simple assignation à résidence.

Ensuite, les crédits consacrés à l'intégration devront être renforcés en fonction de la formule finalement retenue pour le CAI . En particulier, les crédits dévolus à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui organise et finance le CAI pour les étrangers primo-arrivants et les réfugiés, devront notamment dépendre du niveau de langue exigé des étrangers à la fin de leur parcours d'intégration. Votre rapporteur spécial avait, dès 2012, souligné la nécessité de relever le niveau de langue exigé des étrangers, en le passant au niveau A2, puis B1, du cadre européen de référence 4 ( * ) . Un tel relèvement, souhaitable, engendrerait en effet un coût important pour l'OFII ; votre rapporteur spécial avait d'ailleurs précisé que « l'élévation au niveau A2 puis B1 n'est envisageable, d'un point de vue budgétaire, que combinée à l'instauration d'une participation financière des étrangers aux frais de formation ».

Au total, le budget 2016 de la présente mission est un budget prévisionnel soumis à de fortes incertitudes, en ce qui concerne aussi bien le financement de l'asile que celui de l'intégration.


* 3 Rapport n° 716 (2015-2016) de M. François-Noël Buffet fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 septembre 2015.

* 4 Rapport n° 47 (2012-2013) de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances, « L'office français de l'immigration et de l'intégration: pour une politique d'intégration réaliste et ambitieuse »

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