LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de la commission des finances, un amendement réduisant de 321 millions d'euros les dépenses prévues sur le programme 731 « Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État ».

Cette modification est le pendant d'un autre amendement adopté par l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de la commission des finances, majorant du même montant les crédits du programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » de la mission « Recherche et enseignement supérieur », afin que celui-ci porte désormais la totalité des coûts de démantèlement et d'assainissement des installations nucléaires du CEA en exploitation ou à l'arrêt au 31 décembre 2009.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 28 octobre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Maurice Vincent, rapporteur spécial, sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

M. Maurice Vincent , rapporteur spécial . - Le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » est le support budgétaire des opérations conduites par l'État actionnaire. Je vous présenterai tout d'abord les évènements à signaler dans l'année écoulée pour ce compte et puis les aspects purement financiers.

L'année 2015 a tout d'abord été marquée par la mise en place du droit de vote double prévu par la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, dite loi « Florange », qui a pour objet de favoriser l'actionnariat de long-terme. Cela s'est déroulé généralement sans difficulté, à deux exceptions près.

Le conseil d'administration d'Air France a souhaité que l'assemblée générale des actionnaires se prononce sur le sujet. Cela a conduit l'État à porter sa participation au capital d'Air France de 15,88 % à 17,58 % pour 42 millions d'euros.

Chez Renault, qui fait encore l'objet d'une actualité particulière aujourd'hui sur ce sujet, l'État a porté sa participation de 15,01 % à 19,73 % pour près de 1,3 milliard d'euros, afin de garantir la mise en place du droit de vote double en assemblée générale des actionnaires.

À titre personnel, il me semble que c'est une bonne disposition qui permet à l'État de mieux faire valoir ses décisions stratégiques et, dans certains cas, de s'assurer des recettes de cession sans perte d'influence.

Le deuxième évènement important concerne Areva, qui connaît d'importantes difficultés et va subir un plan de restructuration. Areva va céder sa filiale de construction de réacteurs à EDF, avec éventuellement une prise de participation de partenaires industriels étrangers, qui pourraient venir du Japon ou de Chine compte tenu du développement attendu du marché chinois. S'agissant de la société Areva elle-même, qui se recentrerait sur les activités liées aux combustibles, l'État sera sans doute conduit à souscrire à une augmentation de capital dont le montant pourrait se situer entre 2 milliards d'euros et 3,5 milliards d'euros.

Je citerai également l'exemple du Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB), que l'on pourrait presque considérer désormais comme une start-up car il se développe de manière très importante dans le domaine du traitement du plasma sanguin. Cette société, qui est pour l'instant détenue à 100 % par l'État, a lancé une augmentation de capital de 230 millions d'euros. Le LFB restera entièrement public au terme de l'augmentation de capital qui sera souscrite par Bpifrance, de manière tout à fait pertinente puisqu'il s'agit de permettre à cette société de poursuivre son développement grâce à la construction d'une usine ultra-moderne près d'Arras avec 500 emplois à la clef.

Dernier point, il avait été prévu l'année dernière la création d'un comité stratégique de l'État actionnaire, chargé d'évaluer dans la durée la stratégie et les objectifs de l'État actionnaire, de l'actualiser si nécessaire, et de juger de la performance de gestion de l'Agence des participations de l'État (APE). Je constate que ce comité n'a pas été mis en place.

S'agissant maintenant des aspects financiers, vous savez que, traditionnellement et de manière purement conventionnelle, il est prévu en loi de finances initiale 5 milliards d'euros de produit de cessions sur le compte d'affectation spéciale. C'est encore le cas le cas en 2016.

S'agissant de l'exercice 2015, ce montant n'a pas encore été vérifié, du moins pour ce qui concerne le premier semestre, puisque nous en sommes à environ 1,7 milliard d'euros de ventes. Celles-ci ont principalement concerné la cession de titres Safran, pour de 1,033 milliard d'euros, l'ouverture du capital de l'aéroport de Toulouse-Blagnac pour 308 millions d'euros, et la cession de titres Engie, pour 206 millions d'euros. Nous verrons si d'autres décisions sont prises pour se rapprocher de l'objectif de 5 milliards d'euros.

En 2016, nous pouvons nous attendre à la cession de la participation de l'État dans les aéroports de Nice et de Lyon qui a été autorisée par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances. J'insiste sur le fait que cette opération porterait sur les sociétés de gestion des aéroports et non pas sur les infrastructures.

S'agissant de Renault, il était prévu que l'État ramène sa participation à son niveau initial de 15,01 % dans l'année. Cette opération n'a pas encore été réalisée, pour des raisons diverses tenant notamment aux conditions de marché pour l'instant peu favorables.

Compte tenu du faible niveau des cessions, la contribution du compte d'affectation spéciale au désendettement de l'État devrait être de l'ordre de 2 milliards en 2015, alors qu'un versement de 4 milliards d'euros était prévu en loi de finances initiale. Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit un versement de 2 milliards d'euros du compte d'affectation spéciale vers la caisse de la dette publique.

Le secteur énergétique - à travers des entreprises comme EDF, Engie et Areva - est surreprésenté dans le portefeuille coté de l'État, dont la valeur est donc très sensible à l'évolution du cours de bourse de ces sociétés. Entre avril 2014 et avril 2015, la valeur du portefeuille a ainsi reculé de 2,3 milliards d'euros à 83,1 milliards d'euros, soit une baisse de 2,73 %. Cette évolution s'est depuis accentuée et la baisse est maintenant de l'ordre de 12 % sur un an.

Il faut toutefois rester prudent. Je vous rappelle la forte hausse constatée sur la période précédente, qui s'est élevée à 40,75 % du 30 avril 2013 au 30 avril 2014, s'expliquait déjà principalement par l'évolution du cours de ces actions.

M. Michel Bouvard . - Lors de l'audition du président directeur général (PDG) de la Banque publique d'investissement (BPI), nous avions pu constater que le capital du Fonds stratégique d'investissement (FSI), désormais intégré à la BPI, n'avait pas été entièrement libéré. Est-ce un cas unique ?

Par ailleurs, j'ai lu dans votre rapport que figurait dans le programme des avances d'actionnaire de l'Agence française de développement (AFD) à la Société immobilière de la Guyane (SIGUY). D'autres sociétés immobilières des départements d'outre-mer sont-elles concernées ? Possède-t-on une évaluation de leurs besoins de financement à venir ?

M. Francis Delattre . - Lors de la vente d'une partie d'Alstom à General Electrics, le PDG d'Alstom, Patrick Kron, nous avait dit que son groupe conserverait son « pôle transports », auquel l'État apporterait deux milliards d'euros. Qu'en est-il ? Par ailleurs, je crains qu'Areva ne connaisse d'importantes difficultés dans les mois à venir.

Bien que libéral d'un point de vue économique, je crois que nous avons vraiment besoin d'un fonds souverain et je souhaitais saluer la montée au capital de Renault réalisée récemment par le Gouvernement afin de préserver le pouvoir de décision de l'État au sein de l'entreprise. Les intérêts stratégiques français doivent être protégés.

M. Michel Canevet . - Le comité stratégique de l'État actionnaire composé de personnalités indépendantes et qualifiées sera-t-il une autorité administrative indépendante supplémentaire ?

Au 31 juillet, le programme de cessions est très en-deçà des 5 milliards d'euros envisagés pour 2015. Du coup, la participation au désendettement de l'État passerait de 4 milliards d'euros à 2 milliards d'euros, les dividendes sont en baisse, la valeur globale du portefeuille de l'État recule... Est-ce lié essentiellement à Areva ? Est-ce parce qu'il y a eu un changement à la direction de l'Agence des participations de l'État (APE) ?

M. Maurice Vincent , rapporteur spécial . - Il n'y a pas d'autres participations de l'État en dehors de celles qui sont présentées dans le rapport. L'actionnariat de la BPI est réparti pour moitié entre l'État et la Caisse des dépôts et consignations et, à ma connaissance, aucune évolution significative n'est prévue sur ce point. En ce qui concerne les sociétés immobilières des DOM, seule celle dont il est question dans mon rapport relève du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

Je rejoins les analyses de Francis Delattre sur la nécessité pour notre pays de disposer d'un fonds souverain qui puisse servir de pôle d'investissements à long terme et d'investisseur stratégique dans un certain nombre de domaines. Avec le recul, l'intervention de l'État dans le cas de Renault était véritablement positive.

Concernant Alstom, le président Patrick Kron avait évoqué la possibilité pour l'État d'acheter 20 % du capital de l'entreprise une fois que General Electrics aurait récupéré la division « énergie ». Cette option de 2 milliards d'euros n'a pas encore été levée. L'État peut encore y avoir recours dans les mois à venir mais il n'a pas l'obligation de le faire et se déterminera selon des considérations stratégiques. Il sera également attentif à l'évolution du cours de bourse, qui pourrait l'amener à attendre un peu.

Le comité stratégique n'est pas une nouvelle autorité administrative indépendante, il s'agit d'un groupe d'experts chargé d'éclairer les décisions de l'État actionnaire. Il n'a pas été mis en place pour le moment.

Il est tout à fait exact que les cessions de participations sont actuellement en retrait par rapport à ce qui était prévu par la loi de finances pour 2015. Je ne pense pas que le changement de direction à l'APE en soit l'explication. La situation du marché n'a tout simplement pas permis au Gouvernement de vendre des actions dans de bonnes conditions.

Ainsi, EDF subit comme d'autres opérateurs la baisse des prix de l'électricité sur le marché international, ce qui entraîne la diminution de sa valorisation. Dans le cas de Renault, l'État a été obligé de monter au capital pour faire jouer la possibilité de vote double des actionnaires de long terme prévue par la loi « Florange » : il pensait récupérer cet argent rapidement mais n'a pas pu le faire à cause de la situation de Volkswagen qui a fait baisser la valorisation des autres constructeurs automobiles. Enfin, les difficultés financières d'Areva avaient été sous-estimées. C'est ce contexte général qui explique que l'État ait moins cédé de participations et ait réduit le versement à la Caisse de la dette publique par rapport que ce qui était initialement envisagé.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page