D. LA NÉCESSITÉ DE MIEUX GARANTIR LES RECETTES ISSUES DE CESSION

1. Des cessions immobilières soumises à l'aléa du marché et au risque de la décote « Duflot »
a) Les recettes prévues par la programmation actualisée et le budget 2016

Le ministère de la défense indique attendre, au titre des encaissements des cessions immobilières, des recettes à hauteur de 625 millions d'euros sur la période 2015-2019. Les emprises parisiennes représentent environ les deux tiers du montant total attendu des cessions immobilières sur cette période.

Prévisions de produits de cession 2015-2019

(hors changement d'utilisation au profit d'autres ministères)

(en millions d'euros)

2015

2016

2017

au-delà de

2017

2019

TOTAL

Emprises parisiennes

127

80

200

0

NC

407

Emprises hors Paris

71

45

44

58

NC

218

TOTAL

198

125

244

58

NC

625

Source : ministère de la défense

Les produits de cession sont enregistrés sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et permettent alors l'ouverture, au profit du ministère de la défense et au fur et à mesure de ses besoins, de crédits du même montant pour la réalisation de dépenses immobilières. Compte tenu du solde positif résultant de l'exécution des exercices précédents, 200 millions de crédits de paiement sont effectivement ouverts en 2016 sur le compte d'affectation spéciale pour financer la politique immobilière du ministère de la défense.

Suivi des encaissements et paiements effectués ou prévus pour le ministère de la défense sur le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État »
entre 2011 et 2016

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Total

Immobilier

LPM*

309

91

206

200

200

1 006

LFI/PLF 2015

158

163

200

206

230

200

1 157

Exécution

Encaissement

(exécution et prévision)

117

164

104

229

198

125

936

Consommation (exécution et prévision)

29

41

200

164

230

200

864

* Avant 2013, ces montants correspondent à la LPM 2009-2014. A partir de 2014, ces montants correspondent à ceux de la LPM 2014-2019.

Source : ministère de la défense

S'agissant des cessions parisiennes, la caserne de la Pépinière a été cédée au titre de 2015 pour 118,5 millions d'euros.

La plus grande part des ressources attendues proviendrait de la cession de l'Hôtel de l'Artillerie (2016) et de l'Îlot Saint Germain (2017), libérés dans le cadre du déménagement des états-majors et services du ministère de la défense sur le site de Balard.

Comme le précise le ministère de la défense, « ces deux emprises sont situées dans le périmètre du plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) du 7 ème arrondissement en cours de révision. Celui-ci définira les contraintes urbanistiques qui devront être prises en compte s'agissant notamment des éventuelles obligations de réalisation du logement social. Les prévisions de cession de ces deux emprises ont, en conséquence, été décalées par rapport aux prévisions établies dans le cadre de l'élaboration de la LPM ».

Le 13 octobre dernier, Jean-Paul Bodin a ainsi expliqué lors de son audition par la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale : « La cession de l'îlot Saint-Germain et celle du site de Saint-Thomas d'Aquin font l'objet de discussions avec les services de la ville de Paris et les autres services de l'État. Rien n'est clarifié à ce stade et le dossier est piloté par le préfet de Paris. La question de savoir si le site de Saint-Thomas d'Aquin sera repris par Sciences Po s'inscrit dans une réflexion globale sur les établissements universitaires parisiens. La discussion est en outre toujours en cours avec la ville de Paris concernant l'îlot Saint-Germain et notamment sur le pourcentage de logements sociaux prévus. Tant que ces points - qui relèvent de la compétence du préfet - ne sont pas réglés, nous ne pourrons pas céder ces immeubles. »

La cession de l'îlot Saint-Germain

Réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial : Dans le cadre du regroupement des états-majors, directions et services sur le site de Balard, le ministère de la défense est en cours de libération du site de l'îlot Saint Germain (ISG). L'opération ne concerne pas l'Hôtel de Brienne, qui demeure dans le patrimoine de l'État.

L'îlot Saint-Germain fait actuellement l'objet d'études de valorisation prises en charge par un marché du service France Domaine.

Cet ensemble immobilier sera cédé en appliquant les procédures réglementaires en vigueur : droit de priorité de la ville de Paris puis cession par appel d'offres si la ville renonce à l'acquisition de l'emprise. La conclusion de l'opération est attendue pour l'année 2017.

Compte tenu de l'opération de cession en cours, et notamment de l'appel d'offres susceptible d'être organisé, l'estimation domaniale ne peut être communiquée.

Le site ayant fait l'objet d'une attestation de non-pollution pyrotechnique en 2010, aucune contrainte particulière en matière de dépollution n'est à prévoir dans le cadre de l'aliénation.

Le groupe de secours en alimentation électrique, unique installation classée pour la protection de l'environnement sera mis à l'arrêt définitivement conformément aux obligations règlementaires.

Les exigences réglementaires de réalisation de logements sociaux sur l'ilot Saint-Germain seront fixées dans le cadre du plan de sauvegarde et de mise en valeur du VIIe arrondissement de Paris, dont la procédure de révision arrive à terme.

Source : ministère de la défense

De même, pour ce qui concerne les cessions régionales, la principale incertitude, tant sur le plan calendaire que financier, concerne les terrains du ministère de la défense inscrits au plan de mobilisation du foncier de l'État en faveur du logement social.

Le ministère de la défense indique ainsi que « le prix de vente ne peut [...] être déterminé qu'en fonction du programme défini par l'opération et donc de la décote accordée par l'État, et l'élaboration de ces programmes d'aménagement nécessite parfois de longs mois d'étude ».

b) La nécessité du plafonnement de la décote « Duflot »

Depuis la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, dite loi « Duflot I », l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) prévoit une décote, pouvant atteindre 100 %, sur la valeur vénale des terrains nus ou bâtis cédés par l'État et destinés à la construction de logements sociaux. Cette décote est de droit pour certains acquéreurs, notamment les collectivités locales et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

La loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense est venue plafonner la décote à 30 % de la valeur vénale des terrains cédés lorsque ceux-ci sont « occupés par le ministère de la défense » .

En effet, alors qu'en première lecture le Sénat avait souhaité, à l'initiative de votre commission des finances et de votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, exclure totalement les immeubles mis à la disposition du ministère de la défense du champ de la décote « Duflot », un accord avait été trouvé en commission mixte paritaire sur une solution de compromis, proposée par notre collègue Daniel Reiner.

Introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des finances et de sa commission des affaires économiques et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'article 21 bis du présent projet de loi de finances revient sur ce plafonnement.

Or, la décote « Duflot » entre en contradiction avec les prévisions de recettes de la programmation militaire actualisée et du présent projet de loi de finances. Ces prévisions seraient insincères si les cessions programmées par la LPM pouvaient être réalisées à vil prix. Le plafonnement est ainsi une mesure de cohérence.

Il faut signaler que des dispositifs similaires prévoient déjà un tel plafonnement au profit d'établissements publics dont la situation financière rend peu opportune l'application de la décote .

Pour Réseau ferré de France (RFF), le taux de décote est ainsi plafonné par le décret n° 2013-936 du 18 octobre 2013 à 30 % de la valeur vénale des terrains cédés jusqu'au 31 décembre 2016.

De manière générale, le même décret soumet à l'avis conforme de l'établissement public concerné l'inscription d'un terrain sur la liste des parcelles auxquelles la décote de droit est applicable.

Des précautions similaires ont été prises pour ce qui concerne les établissements publics de santé que le décret n° 2014-1743 du 30 décembre 2014 a fait entrer dans le champ de la décote.

Ainsi, le taux de la décote est plafonné à 30 % de la valeur vénale du terrain cédé 6 ( * ) lorsque la situation financière de l'établissement public de santé présente un endettement répondant à l'un au moins des trois critères fixés par l'article D. 6145-70 du code de la santé publique.

Par ailleurs, les terrains cédés par les établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche ne sont toujours pas entrés dans le champ de la décote.

Le souci légitime qu'a ainsi manifesté le Gouvernement de tenir compte des spécificités budgétaires de l'entité publique qui cède un terrain doit s'appliquer au ministère de la défense, en raison des conditions particulières de son financement par rapport aux autres ministères .

Il convient enfin de préciser que le ministère de la défense est, par ailleurs, déjà astreint à un devoir de solidarité spécifique envers les collectivités les plus touchées par les restructurations militaires . Celles-ci bénéficient en effet d'un dispositif de cession à l'euro symbolique des immeubles libérés par le ministère de la défense. Les modalités d'application de ce dispositif, qui a été reconduit jusqu'au 31 décembre 2019 par l'article 39 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, ne sont en rien modifiées par le plafonnement de la décote « Duflot ».

Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur spécial se félicite que votre commission des finances ait adopté, lors de l'examen de la première partie du présent projet de loi de finances, un amendement visant à maintenir le plafonnement de la décote « Duflot ».

2. Des cessions de matériel qui restent à identifier pour 2016

Conformément à l'actualisation de la LPM 2014-2019, la mission « Défense » devrait bénéficier en 2016 de 50 millions d'euros de crédits grâce à la cession de matériels militaires.

Les cessions de biens et droits mobiliers du domaine privé de l'État et de ses établissements publics sont autorisées par l'article L. 3211-17 du code général de la propriété des personnes publiques, lorsque ces biens « ne sont plus utilisés par un service civil ou militaire de l'État ou un établissement public de l'État ».

Le produit de ces cessions peut justifier l'ouverture de crédits au profit du service cédant. L'article 17 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances dispose ainsi que « les recettes tirées de la rémunération de prestations régulièrement fournies par un service de l'État peuvent, par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances, faire l'objet d'une procédure d'attribution de produits. Les règles relatives aux fonds de concours leur sont applicables. Les crédits ouverts dans le cadre de cette procédure sont affectés au service concerné. »

Pour l'application de ce principe, le décret n° 2006-1004 du 10 août 2006 portant attribution du produit des cessions de biens mobiliers provenant des services de l'État prévoit, de manière générale, qu'« est attribué aux ministères cédants le produit résultant de la vente, après réforme, des biens mobiliers provenant des services de l'État, réalisée par le service des domaines » et, en particulier, que « le ministère de la défense est attributaire du produit de la vente des matériels militaires, définis par le décret du 11 janvier 1984 susvisé [7 ( * )] , effectuée directement par ses services ».

En 2016, les cessions de matériels militaires par le ministère de la défense pourraient concerner, selon les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial, le Transport de chalands de débarquement (TCD) Siroco, « qui fait l'objet de prospects sérieux et étayés ».

De fait, la marine brésilienne a confirmé le 9 septembre dernier l'achat, auprès de la marine nationale, du TCD Siroco, qui serait rebaptisé Bahia. Le même jour ont été publiées au journal officiel brésilien des ordonnances du commandement de la marine, datées du 8 septembre 2015, organisant les modalités de l'envoi en France du personnel de surveillance, le soutien et la réception du navire.

Votre rapporteur spécial s'interroge dès lors sur l'exercice de rattachement de la recette issue de la cession de ce bateau.

Il souhaite par ailleurs que le choix des matériels à céder soit à l'avenir plus explicitement justifié, notamment au regard à l'évolution des besoins opérationnels de nos forces armées : s'agit-il de vendre des matériels obsolètes ou inutiles ou d'atteindre quoiqu'il en soit un objectif de recettes de cession ?


* 6 Décret n° 2014-1741 du 30 décembre 2014 relatif aux conditions d'aliénation des terrains du domaine privé des établissements publics de l'État, ou dont la gestion leur a été confiée par la loi, prévues à l'article L. 3211-13-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 7 Décret n° 84-33 du 11 janvier 1984 relatif au rattachement par voie de fonds de concours au budget de la défense du produit des aliénations, cessions ou changements d'affectation d'immeubles militaires et des aliénations de matériels, d'approvisionnements des armées et de navires déclassés de la marine nationale.

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