B. LE SECTEUR DE LA VIANDE BOVINE PARTICULIÈREMENT EXPOSÉ

Ce secteur est en effet emblématique des pratiques d'élevage respectives de chacune des parties, qui placent l'Europe et plus particulièrement la France, dans une posture défensive.

En France, 90 % des aliments de troupeau bovin sont produits sur l'exploitation et 80 % de la ration de base est composée d'herbe. L'alimentation du cheptel bovin aux États-Unis se fait à base de céréales, de tourteaux, de drèches, avec adjonction d'additifs alimentaires utilisés comme activateurs de croissance. Aux États-Unis, les deux tiers des bovins sont engraissés dans des « feedlots », soit des espaces artificiels de production pouvant contenir jusqu'à 200 000 bêtes 1 ( * ) , quand en France, les exploitations d'élevage « intensif » accueillent en moyenne entre 60 et 200 bovins.

La réglementation relative au bien-être animal comme à la protection de l'environnement est comparativement peu contraignante par rapport à celle de l'Union européenne. Enfin, la mécanisation y est beaucoup plus poussée réduisant d'autant le coût de la main d'oeuvre. L'écart de coût UE/USA a été estimé à 29 % (par kg de carcasse).

C'est donc sur l'élevage bovin que les craintes françaises d'un accord qui serait déséquilibré sont les plus fortes, compte tenu de sa vulnérabilité à la concurrence éventuelle des viandes américaines.

Aujourd'hui, l'élevage bovin européen est protégé des concurrences extérieures par des droits de douane élevés - des droits fixes (3 euros/kg) et des droits proportionnels ad valorem (12,8 % de la valeur). La viande bovine est ainsi légitimement classée parmi les « produits sensibles » qui méritent un traitement particulier avec des objectifs de libéralisation qui doivent être mesurés.

La concurrence de la viande bovine des États-Unis est aussi qualitative. Le consommateur américain consomme surtout de la viande hachée, fabriquée à partir de tous les morceaux. La filière américaine a donc tout intérêt à concentrer ses exportations sur le marché européen de l'aloyau ou des morceaux « nobles » provenant du quartier arrière du cheptel allaitant. Or ce marché européen, estimé à seulement quelque 400 000 tonnes, est à ce jour le marché le plus rentable pour les producteurs français de viande bovine issue du cheptel allaitant.

Aux États-Unis un accord sur un contingent, comme pour le Canada, pourrait aussi stimuler la filière dédiée aux exportations européennes, qui ne comporte pas d'hormones de croissance. En effet, États-Unis et Canada bénéficient déjà de contingents d'exportation de viande bovine vers l'Union européenne -sans hormones ni accélérateurs de croissance. C'est ce qu'on appelle le contingent « hormones », ainsi dénommé car précisément il a soldé en 2009 un différend commercial entre l'Union européenne d'une part, le Canada et les États-Unis d'autre part, portant sur l'interdiction faite 20 ans plus tôt par l'Union d'importer de la viande aux hormones pour raisons de santé publique. L'interdiction est maintenue mais en contrepartie, les États-Unis bénéficient, - mais pas seuls, avec d'autres membres de l'OMC ( erga omnes ) - , d'un contingent annuel de 45 000 tonnes de viande bovine sans hormones et le Canada de 4.160 tonnes (ce dernier s'ajoutant au contingent évoqué plus haut, accordé au Canada dans le cadre de l'accord de 2014).

Ce contingent vient après un précédent quota accordé en 1979 dans le cadre du GATT à plusieurs pays exportateurs, dont le Canada et les États-Unis, qui se partagent à eux deux un contingent global de 11 500 tonnes. Un droit de 20% est associé à ce contingent - ce droit de 20% a été réduit à zéro pour la part Canada dans le cadre de l'accord AECG. Les deux pays ne font au demeurant, ces dernières années, qu'un faible usage de ce contingent. (3-4% seulement du quota est utilisé).

Il convient également de relever l'inquiétude, évoquée dans l'exposé des motifs de la proposition de résolution, sur le risque de « fusion » des contingents Canada et États-Unis, dans l'hypothèse d'une conclusion de l'accord de libre-échange avec les États-Unis. Il importe en effet d'être vigilant quant aux conditions d'un éventuel cumul d'origine en cas de conclusion du PTCI pour qu'une viande bovine, née aux États-Unis, ne puisse pas se voir conférer une origine préférentielle « Canada » lorsqu'elle est exportée depuis ce pays dans l'UE. Il faudra donc s'assurer de ce que le contingent canadien et le contingent américain ne pourront pas être remplis indistinctement par de la viande bovine américaine et canadienne. Il revient aux négociateurs des deux parties de s'accorder sur des dispositions strictes sur ces règles d'origine et de cumul d'origines afin d'éviter toute confusion.

Enfin, des embargos interdisent actuellement l'exportation européenne des viandes bovine, ovine et caprine à la suite de l'épidémie d'encéphalite spongiforme bovine (ESB). Les États-Unis n'ont récemment levé cet embargo que pour la seule viande provenant d'Irlande et de Lituanie. Les expertises ont été conduites l'an passé en France et doivent aboutir à une levée prochaine des exportations françaises.


* 1 Source : Interbev

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