DEUXIÈME PARTIE - LE BUDGET DE L'ÉTAT

I. DES RECETTES GLOBALEMENT EN LIGNE AVEC LES PRÉVISIONS

Les recettes de l'État se séparent en deux grands ensembles : les recettes fiscales d'une part, qui regroupent tous les impôts pour un montant total prévu à 278,7 milliards d'euros en 2015 , et les recettes non fiscales d'autre part, dont l'homogénéité n'est pas apparente 59 ( * ) et d'une ampleur beaucoup plus modeste (14,5 milliards d'euros en 2015).

Graphique n° 12 : Poids comparé des recettes fiscales et non fiscales

Recettes

non fiscales

Recettes fiscales

14,5 milliards d'euros

278,7 milliards d'euros

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. UNE MOINS-VALUE DE 1,8 MILLIARD D'EUROS SUR LES RECETTES FISCALES, HORS CONTENTIEUX EXCEPTIONNEL AVEC EDF

Les recettes fiscales nettes devraient s'élever à 278,7 milliards d'euros , en baisse de 400 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2015, soit une stabilité qui paraît, à première vue, quasiment parfaite (- 0,1 %) .

Graphique n° 13 : Évolution des recettes fiscales nettes de l'État entre 2014 et 2015

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ce chiffre inclut cependant les recettes tirées d'un contentieux exceptionnel avec EDF pour 1,4 milliard d'euros .

Le contentieux entre EDF et la Commission européenne sur le traitement fiscal des provisions liées au renouvellement du réseau d'alimentation générale

Le 22 juillet 2015, la Commission européenne a adopté une décision qualifiant d'aide d'État incompatible avec les règles de l'Union Européenne le traitement fiscal des provisions créées entre 1987 et 1996 pour le renouvellement des ouvrages du réseau d'alimentation générale (RAG). En effet, entre 1987 et 1996, considérant que le réseau d'alimentation générale haute tension en France lui avait été confié en concession, EDF avait créé des provisions comptables en vue de son renouvellement. En 1997, lors d'une restructuration du bilan d'EDF, les autorités françaises avaient requalifié une partie de ces provisions en dotation de capital sans les soumettre à l'impôt sur les sociétés .

La décision de juillet 2015 fait suite à l'annulation de la décision initiale de la Commission du 16 décembre 2003 (qui qualifiait déjà ce traitement fiscal d'aide d'État) par le Tribunal de l'Union européenne en décembre 2009, confirmé par la Cour de justice de l'Union européenne en juin 2012. Suite à cette annulation, l'État avait restitué à EDF en 2009 un montant de 1,224 milliard d'euros correspondant à la somme qui avait été versée par EDF à l'État français en février 2004.

La Commission a rouvert l'enquête en 2013 et a conclu que le manque à gagner fiscal consenti par la France n'avait pas de rationalité économique du point de vue d'un investisseur privé à l'égard d'EDF dans des circonstances similaires. Par conséquent, il s'agit d'une aide d'État qu'EDF a été contrainte de rembourser . Le montant total s'élève à environ 1,37 milliard d'euros , dont 889 millions d'euros d'exonération d'impôt et 488 millions d'euros d'intérêt.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les communiqués de presse de la Commission européenne et d'EDF du 22 juillet 2015.

Votre rapporteur général souligne que l'intégration au sein des recettes fiscales de ressources issues d'un contentieux entre l'État et une entreprise ne paraît pas pleinement rigoureuse dans la mesure où le remboursement auquel la Commission européenne a enjoint EDF de procéder davantage de la catégorie des recettes non fiscales : si 889 millions d'euros doivent être remboursés au titre de l'exonération d'impôt sur les sociétés dont a bénéficié l'entreprise en 1997, 488 millions d'euros proviennent des intérêts. Votre rapporteur général recommande donc que les recettes issues de contentieux fiscaux soient retracées dans l'agrégat « Divers » des recettes non fiscales .

Plus largement, la contraction entre les recettes fiscales et les dépenses de contentieux 60 ( * ) n'apparaît pas non plus satisfaisante. En effet, les recettes fiscales nettes résultent de la soustraction des remboursements et dégrèvements des recettes fiscales brutes . Or les remboursements et dégrèvements intègrent aujourd'hui les dépenses de contentieux, dont le suivi est éclaté dans plusieurs sous-actions du programme 200. Les litiges qui mettent en jeu l'État français n'obéissent pourtant ni à la même législation, ni au même calendrier, et ne correspondent pas aux mêmes enjeux que la fiscalité proprement dite.

C'est pourquoi votre rapporteur général propose que les dépenses de contentieux fiscaux soient retracées sur un programme distinct , rattaché à la mission « Remboursements et dégrèvements », permettant tout à la fois de les exclure facilement du calcul des recettes fiscales nettes et de leur donner davantage de visibilité dans la perspective d'un meilleur contrôle parlementaire sur ce sujet dont les conséquences budgétaires peuvent être importantes, comme en témoigne le montant du coût des contentieux prévu en 2015 (1,8 milliard d'euros) et en 2016 (2,4 milliards d'euros) 61 ( * ) . Seraient intégrées à ce programme les dépenses de l'État liées à la condamnation de la France dans un contentieux supranational , ce qui signifie qu'y seraient incluses les amendes prononcées par la Commission européenne et les remboursements aux contribuables d'un régime invalidé . En revanche, les refus d'apurement communautaire continueraient d'être retracés sur la mission « Agriculture », dans la mesure où il ne s'agit pas de contentieux à proprement parler.

Si l'impact budgétaire des recettes exceptionnelles perçues en 2015 au titre du contentieux avec EDF est neutralisé, la moins-value prévue en 2015 représenterait 1,8 milliard d'euros , soit une diminution toujours très modeste par comparaison au total des recettes fiscales (- 0,6 %) mais beaucoup plus importante sur l'impôt sur les sociétés (IS) : le recouvrement de cet impôt serait ainsi inférieur de 5 % aux prévisions faites en loi de finances initiale . La diminution de l'impôt sur les sociétés par rapport aux anticipations serait principalement liée à la révision à la hausse du coût du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), pour un impact négatif de 2,4 milliards d'euros, et de la mesure de suramortissement prévue par le plan de soutien à l'investissement - ces deux facteurs étant partiellement compensés par la révision à la hausse du bénéfice fiscal de 2015.

Sur les autres impôts, les écarts à la prévision sont plus modérés .

Ainsi, l'impôt sur le revenu serait revu à la hausse de 600 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale, ce qui s'explique par le dynamisme des dividendes et des plus-values mobilières en 2014, ainsi que par une révision à la hausse des recettes de lutte contre la fraude au titre du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR).

La TVA diminuerait 1,1 milliard d'euros par rapport aux prévisions initiales , en raison d'une moindre croissance des emplois taxables et en lien avec la faiblesse de l'inflation 62 ( * ) . La TICPE est révisée à la baisse de 0,1 Md€ par rapport à la LFI au vu des recouvrements.

Les autres recettes fiscales nettes augmenteraient de 500 millions d'euros au regard de la révision à la baisse des décaissements constatés en 2015 à raison des contentieux « Précompte » et « OPCVM 63 ( * ) ». Le coût de ce dernier devrait être plus faible de 400 millions d'euros aux estimations initiales.

Graphique n° 14 : Écart des prévisions de recettes fiscales entre exécution 2014, loi de finances initiale 2015 et présent projet de loi de finances rectificative

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La stabilité des recettes fiscales reflète celle de leur évolution spontanée, très légèrement révisée à la baisse (de 1,8 % en loi de finances initiale à 1,7 % en projet de loi de finances rectificative). D'après les éléments transmis par le Gouvernement en réponse au questionnaire de votre rapporteur général, « cette évolution, modérément dynamique, reflète le contexte de reprise progressive de l'activité, encore pénalisée par la faible inflation ». L'évolution spontanée des recettes fiscales nettes recouvre en particulier deux mouvements de sens de contraire : d'une part, la révision à la hausse de l'évolution spontanée de l'impôt sur les sociétés à 3,2 % , liée à l'amélioration de l'environnement économique des entreprises et du bénéfice fiscal 2014, d'autre part, une révision à la baisse de l'évolution spontanée de la TVA, qui atteint 0,2 % , du fait d'une moindre croissance des emplois taxables en lien avec la faiblesse de l'inflation et la déformation de la structure de consommation au profit des produits taxés à taux réduit.

L'année 2015 aura donc enregistré un faible écart entre prévisions et exécution de recettes fiscales , ce dont votre rapporteur général espère la reconduction pour l'année 2016.


* 59 Les recettes non fiscales regroupent ainsi amendes et produits de pénalités, dividendes, produit du domaine de l'État...

* 60 Les recettes fiscales nettes intègrent, « en creux », le coût des contentieux dans lesquels est engagé l'État français.

* 61 Source : tome I de l'annexe « Voies et moyens » jointe au projet de loi de finances pour 2016, p.9.

* 62 Une moins-value avait déjà été intégrée au programme de stabilité pour 1,5 milliard d'euros. Elle est désormais réduite par rapport à cette première évaluation.

* 63 Organismes de placement collectif en valeurs mobilières.

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