EXAMEN DES ARTICLES

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Article 1er - Objet, durée, financement et bilan de l'expérimentation

Objet : Cet article définit l'objet, la durée et le cadre général du financement de l'expérimentation, ainsi que les modalités du bilan qui devra être réalisé par le fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée.

I - Le dispositif proposé

L'article 1 er prévoyait que les dispositions de la présente loi s'appliqueraient dans les collectivités territoriales concernées à titre expérimental et pour une durée de cinq ans.

Deux ans avant la fin de l'expérimentation, le fonds « zéro chômage de longue durée », tel que défini l'article 3 de la proposition de loi, devait adresser au ministre du travail un rapport public faisant le bilan de l'expérimentation.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Sur proposition du rapporteur, la commission des affaires sociales a intégralement réécrit cet article, afin de tenir compte des observations du Conseil d'Etat.

De fait, la haute juridiction administrative a estimé que, si la finalité de la proposition de loi était décrite dans son exposé des motifs, elle était en revanche peu présente dans son dispositif 23 ( * ) .

L'article 1 er , tel qu'adopté en commission, prévoit que l'expérimentation a pour objet de tester, dans un nombre limité de collectivités territoriales volontaires, la possibilité de résorber fortement le chômage de longue durée en permettant à des demandeurs d'emploi d'être embauchés en contrats à durée indéterminée, par des entreprises de l'économie sociale et solidaire, pour exercer des activités complémentaires de celles qu'offre le secteur marchand.

Cette expérimentation, d'une durée maximale de cinq ans à compter de la promulgation de la loi, est mise en place avec le concours financier de l'Etat, des collectivités territoriales concernées et des organismes publics volontaires susceptibles de tirer un bénéfice financier de ces embauches, avec pour objectif que ce bénéfice soit supérieur au coût du dispositif.

Au plus tard dix-huit mois 24 ( * ) avant le terme de l'expérimentation, le fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée devra adresser au ministre chargé du travail un rapport public dressant le bilan de l'expérimentation. Ce rapport comportera au moins deux volets :

- un bilan de l'impact de l'expérimentation sur la situation de l'emploi dans les collectivités territoriales participant à l'expérimentation ;

- une évaluation de l'impact financier des recrutements réalisés pour les différentes personnes morales participant à l'expérimentation.

L'amendement du rapporteur reprend donc fidèlement la proposition du Conseil d'Etat, mais s'en distingue sur deux points :

- le rapport devra également être remis au Parlement ;

- il devra évaluer l'impact direct et indirect de l'expérimentation.

En séance publique, plusieurs amendements supplémentaires ont été adoptés.

Outre des améliorations rédactionnelles, des amendements du rapporteur ont été adoptés afin de :

- préciser que les activités de l'entreprise de l'économie sociale et solidaire conventionnée par le fonds national ne devront pas être concurrentes d'activités économiques exercées sur le territoire ;

- rappeler le caractère volontaire des candidatures des collectivités territoriales ;

- autoriser les organismes privés à concourir au financement de l'expérimentation.

Deux amendements présentés par notre collègue député Dominique Potier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, ont indiqué que :

- l'expérimentation était, pour les collectivités territoriales concernées, complémentaires des politiques publiques en faveur du développement économique et de la lutte contre le chômage ;

- l'évaluation de l'expérimentation devait mettre en oeuvre les nouveaux indicateurs de richesse listés par la loi du 13 avril 2015 25 ( * ) , comme des indicateurs d'inégalités, de qualité de vie et de développement durable.

III - La position de votre commission

Votre rapporteure constate avec satisfaction qu'en réponse aux observations du Conseil d'Etat, l'objet de l'expérimentation , présenté dans l'exposé des motifs de la proposition de loi initiale, apparaît désormais clairement dans son dispositif .

Certaines personnes auditionnées par votre rapporteure ont plaidé pour la suppression de la référence à l'économie sociale et solidaire , afin de permettre à toute entreprise volontaire d'être conventionnée par le fonds précité. Votre rapporteure ne s'oppose pas, à terme, et si l'expérimentation donne lieu à une généralisation sur l'ensemble du territoire, à cette évolution, mais elle semble pour l'heure prématurée. Il est plus pertinent de limiter cette expérimentation aux entreprises de l'économie sociale et solidaire, à laquelle les critères d'appartenance ont été clarifiés par la loi du 31 juillet 2014 précitée. Les entreprises privées, qu'elles soient artisanales ou non, ne seraient pas pour autant complètement exclues de l'expérimentation : elles pourraient participer aux comités locaux, commander des prestations aux entreprises conventionnées et embaucher ensuite leurs salariés s'ils correspondent à leurs besoins en main d'oeuvre.

Les précisions apportées par l'Assemblée nationale en matière de droit de la concurrence constituent une amélioration indispensable selon votre rapporteure . C'est à l'échelle du territoire couvert par l'expérimentation, et non du bassin d'emploi ou du département, que doit s'apprécier le principe selon lequel les activités de l'entreprise conventionnée ne doivent pas être concurrentes d'activités exercées par d'autres entreprises. Votre rapporteure considère que si une activité a été exercée pour la première fois sur un territoire par une structure conventionnée par le fonds d'expérimentation territoriale, une entreprise privée souhaitant développer a posteriori cette activité ne pourra se prévaloir des dispositions de la présente loi pour obliger ladite structure à cesser l'activité en question.

Surtout, votre rapporteure considère que les dispositions relatives à l'évaluation de l'expérimentation pourraient être renforcées lors de l'examen de la proposition de loi en séance publique . Il convient à ses yeux de distinguer nettement le bilan de l'expérimentation, essentiellement comptable et factuel, de son évaluation, qui nécessite une approche économétrique et qualitative. Si la première peut être réalisée par le fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée lui-même, la seconde doit être menée par un organisme indépendant, sélectionné à l'issue d'un appel à candidatures, sur la base d'un cahier des charges précis et rédigé, si possible, avant le début de l'expérimentation.

Cette évaluation devra comporter des points d'étape et permettre de comparer les effets du projet porté par la présente proposition de loi avec d'autres dispositifs concourant au même objet, avec des expériences étrangères ainsi qu'avec le droit commun. Elle devra être aussi exhaustive que possible et porter sur des éléments qualitatifs tenant compte des exigences de développement durable des territoires.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

CHAPITRE IER - PUBLIC VISÉ, FONDS D'EXPÉRIMENTATION TERRITORIALE CONTRE LE CHÔMAGE DE LONGUE DURÉE ET ENTREPRISES CONVENTIONNÉES

Article 2 - Bénéficiaires de l'expérimentation

Objet : Cet article définit le public bénéficiaire de l'expérimentation.

I - Le dispositif proposé

La proposition de loi prévoyait initialement que les bénéficiaires de l'expérimentation étaient les personnes qui, en dépit de leurs efforts, ne parvenaient pas durablement à obtenir un emploi, notamment les bénéficiaires du revenu de solidarité active et les chômeurs de longue durée inscrits à Pôle emploi.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

A la suite de l'adoption en commission d'un amendement présenté par le rapporteur, les bénéficiaires de l'expérimentation seront les demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi et involontairement privés d'emploi depuis plus d'un an . Sont donc exclus de l'expérimentation les demandeurs d'emploi qui ont démissionné de leur précédent poste ou qui ont conclu une rupture conventionnelle.

En séance publique, seul un amendement rédactionnel du rapporteur a été adopté.

III - La position de votre commission

Le choix du public visé par l'expérimentation constitue, selon votre rapporteure, un bon équilibre. Ouvrir le dispositif à tous les demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi, sans condition de durée d'inscription, serait incompatible avec la volonté des auteurs de la proposition de loi de lutter contre le chômage de longue durée. A l'inverse, le réserver uniquement aux personnes inscrites depuis plus de trois ans à Pôle emploi, comme l'a proposé un économiste auditionné par votre rapporteure, apparaîtrait comme trop restrictif. Au final, le texte offre une souplesse appréciable car il n'interdit pas d'embaucher au cas par cas des demandeurs d'emploi inscrits depuis plus de deux voire trois ans à Pôle emploi. L'expérimentation s'adresse essentiellement aux personnes privées d'emploi aptes à occuper rapidement un poste et qui n'ont pas nécessairement besoin d'être soutenues par une structure de l'insertion par l'activité économique.

Par ailleurs, le texte n'institue aucune priorité entre les allocataires du RSA ou de l'ASS car le champ de l'expérimentation se veut le plus large possible. Ce faisant, le texte demeure fidèle à un principe défendu par ATD Quart Monde, à savoir qu'aucune sélection ne doit intervenir lors de l'embauche des demandeurs d'emploi de longue durée. L'Assemblée nationale a donc écarté une recommandation de l'Ansa qui indiquait qu'en phase d'expérimentation, le projet nécessitait de « circonscrire le public cible aux bénéficiaires des minima sociaux (demandeurs d'emploi arrivant en fin de droits, RSA socle et activité, ASS) et aux personnes à bas niveau de qualification non bénéficiaires de minima sociaux », afin d' « orienter l'intervention vers les personnes qui disposent a priori du moindre capital social et culturel » 26 ( * ) .

Cette préoccupation était d'ailleurs partagée par le Cese, qui suggérait de réserver en priorité l'expérimentation aux demandeurs d'emploi inscrits depuis plus d'un an à Pôle emploi et ayant épuisé leurs droits à une indemnisation au régime d'assurance chômage ou n'ayant pas suffisamment cotisé pour en bénéficier 27 ( * ) . Votre rapporteure considère néanmoins que les conseillers de Pôle emploi et les comités locaux de pilotage devront en amont réorienter, si nécessaire, les demandeurs d'emploi intéressés par l'expérimentation vers les structures les plus appropriées, comme celles de l'insertion par l'activité économique pour les publics les plus éloignés du marché du travail.

En outre, il convient de rappeler que l'article 4 de la proposition de loi prévoit une condition supplémentaire pour bénéficier de l'expérimentation, résider depuis au moins six mois sur le territoire de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dont la candidature a été retenue par arrêté ministériel.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 - Pilotage de l'expérimentation

Objet : Cet article précise les missions et la composition du fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée ainsi que le rôle des comités locaux de pilotage.

I - Le dispositif proposé

Cet article institue un fonds « zéro chômage de longue durée » qui remplit deux missions.

D'une part, il lui revient d' habiliter au maximum dix collectivités ou groupes de collectivités pendant l'expérimentation. Dans ce cadre, chaque groupe de collectivités devra constituer un comité local doté d'un président et d'un directeur chargé du pilotage de l'expérimentation. Le fonds devra approuver les modalités de fonctionnement du comité local et son programme d'action, afin d'encourager la création d'entreprises conventionnées ou le conventionnement d'entreprises existantes.

D'autre part, le fonds finance , à travers les entreprises conventionnées, les emplois prévus par la convention.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Après l'adoption en commission d'un amendement du rapporteur proposant une rédaction globale de l'article, le dispositif comprend deux volets : l'un dédié au fonds national chargé de piloter l'expérimentation, l'autre consacré aux comités locaux.

Le paragraphe I de l'article modifie les missions du fonds national sur les points suivants :

- le fonds est désormais dénommé « fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée » ;

- sa mission est de financer une fraction de la rémunération des salariés qui entrent dans le champ de l'expérimentation ;

- la possibilité de participer à l'expérimentation est reconnue aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ;

- un arrêté du ministre chargé du travail fixera la liste des territoires habilités à mener l'expérimentation.

Surtout, l'article 3 prévoit que la gestion du fonds devra être assurée par une association dirigée par un conseil d'administration de 32 membres ainsi répartis :

- deux représentants de l'Etat ;

- un représentant de chaque organisation syndicale de salariés représentative au plan national et interprofessionnel, sur proposition de l'organisation concernée 28 ( * ) ;

- un représentant de chaque organisation professionnelle d'employeurs représentative au plan national et interprofessionnel, sur proposition de l'organisation concernée 29 ( * ) ;

- un représentant de chaque organisation professionnelle d'employeurs représentative au plan national multiprofessionnel, sur proposition de son organisation 30 ( * ) ;

- un représentant du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE) ;

- un représentant du Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE) ;

- un représentant de Pôle emploi ;

- deux parlementaires désignés, respectivement, par l'Assemblée nationale et le Sénat 31 ( * ) ;

- un représentant du Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire ;

- un représentant de chaque comité local ;

- trois personnalités qualifiées désignées par arrêté du ministre chargé du travail.

Le conseil d'administration de l'association devra élire son président et, sur sa proposition, nommer un directeur général chargé du fonctionnement du fonds. Le conseil d'administration peut déléguer certaines de ses compétences à son président et à un bureau constitué en son sein.

Le ministre chargé du travail désignera un commissaire du Gouvernement auprès de cette association, qui remplira trois missions, similaires à celles exercées par son homologue au sein du conseil d'administration du fonds de financement des partenaires sociaux 32 ( * ) :

- assister de plein droit aux séances de toutes les instances de délibération et d'administration de l'association ;

- contrôler toutes les délibérations du conseil d'administration et les documents relatifs à la gestion du fonds ;

- s'opposer, par décision motivée, à la mise en oeuvre d'une délibération du conseil d'administration ou d'une décision d'une autre instance de l'association gestionnaire du fonds si elle est contraire aux dispositions régissant les missions et la gestion du fonds.

Le paragraphe II de l'article 3 indique que les collectivités retenues par le fonds pour participer à l'expérimentation devront mettre en place un comité local chargé du pilotage de l'expérimentation, dont les modalités de fonctionnement seront validées par le fonds.

Le comité local devra établir un programme d'actions , approuvé par le fonds, ayant pour objet de promouvoir la création d'entreprises conventionnées ou le conventionnement d'entreprises existantes.

En séance publique , plusieurs amendements du rapporteur ont été adoptés visant à :

- obliger le fonds d'expérimentation territoriale précité à financer une fraction de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement au terme des cinq ans de l'expérimentation ou en cas de fin prématurée du projet ;

- préciser que le cahier des charges élaboré par le fonds devra être approuvé par un arrêté du ministre chargé du travail ;

- indiquer qu'un arrêté du même ministre sera également obligatoire pour dresser la liste des territoires retenus pour l'expérimentation ;

- assurer la représentation , au sein du conseil d'administration du fonds, des missions locales et des collectivités territoriales (quatre sièges sont réservés respectivement à l'Association des régions de France, à l'Assemblée des départements de France, à l'Assemblée des communautés de France et à l'Association des maires de France) ;

- préciser que les membres du conseil d'administration siègent tous à titre bénévole ;

- supprimer l'obligation de désigner un directeur général du fonds national.

III - La position de votre commission

Votre rapporteure prend acte du souhait exprimé par plusieurs personnes auditionnées de confier le pilotage national de l'expérimentation à une structure ad hoc afin d'assurer la visibilité du projet et la mobilisation des acteurs concernés. Certains avaient plaidé pour un pilotage de l'expérimentation au niveau de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), mais cette direction d'administration centrale ne dispose peut-être pas des effectifs suffisants pour remplir cette mission. D'autres avaient recommandé de mobiliser des organismes comme le Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop) ou le Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire (CSESS), mais ceux-ci ne sont pas habilités à gérer des fonds publics. Quant à l'Ansa, elle avait préconisé, dans son étude de faisabilité, la création à terme d'un établissement public pour assurer le pilotage du projet, sur le modèle du Fonds de solidarité crée en 1982, « afin de s'assurer de la parfaite gestion des multiples réallocations publiques envisagées durant l'expérimentation au risque de générer des situations de gestion de fait » 33 ( * ) .

En définitive, le choix d'instituer une association spécifique chargée exclusivement de piloter l'expérimentation apparaît pertinent, même si votre rapporteure considère que la composition de son conseil d'administration, fortement élargie lors de l'examen de la proposition de loi à l'Assemblée nationale (il compte désormais 37 membres), pourrait poser quelques difficultés de gouvernance. A l'instar du Cnefop, le conseil d'administration sera vraisemblablement conduit à déléguer une partie de ses pouvoirs au bureau afin d'assurer le bon fonctionnement du fonds.

Par ailleurs, votre rapporteure invite le conseil d'administration de l'association à confier dès le lancement de l'expérimentation la gestion opérationnelle du fonds à un organisme comme l'agence de services et de paiement (ASP), établissement public chargé du traitement administratif et financier de nombreuses aides publiques pour le compte de l'Etat et de certaines collectivités territoriales, afin de réduire au maximum ses coûts de fonctionnement et les frais de gestion .

En outre, votre rapporteure constate avec satisfaction que le texte concilie l'autonomie du conseil d'administration de l'association en charge de la gestion du fonds et les prérogatives du Gouvernement . En effet, c'est le fonds qui présentera la liste des territoires retenus et qui élaborera le cahier des charges qu'ils devront respecter, mais il reviendra in fine au ministre du travail de valider ce document par arrêté.

Enfin, si le texte fixe avec précision la composition du conseil d'administration du fonds, il est revanche muet sur celle des comités locaux , ce dont se félicite votre rapporteure, convaincue de la nécessité de laisser les territoires s'organiser comme ils l'entendent pour piloter l'expérimentation en tenant compte des spécificités locales. Comme l'indique l'Ansa, il reviendra à ces comités de réaliser un « diagnostic territorial pour comprendre les forces et les faiblesses de chaque territoire afin de bien préparer la mise en oeuvre et le déploiement de l'expérimentation puis de son évaluation » 34 ( * ) . Ce diagnostic, élaboré en partenariat avec les comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop), devra comprendre un volet relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), afin d'anticiper les besoins en main d'oeuvre sur le territoire.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 - Conventionnement des entreprises de l'économie sociale et solidaire par le fonds d'expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée

Objet : Cet article détermine le champ des entreprises pouvant participer à l'expérimentation mise en place par la proposition de loi, les engagements en matière d'emploi qu'elles doivent prendre ainsi que la nature du soutien financier dont elles peuvent bénéficier.

I - Le dispositif proposé

Le fonds « zéro chômage de longue durée » institué par l'article 3 de la proposition de loi est chargé du financement de l'expérimentation prévue par ce texte. Le présent article 4 en définit les modalités et les bénéficiaires.

Dans sa rédaction initiale, il prévoyait le conventionnement par ce fonds d'entreprises de l'économie sociale et solidaire (ESS), dont le périmètre a été défini par la loi du 31 juillet 2014 35 ( * ) . Ces dernières embaucheraient, en contrat à durée indéterminée (CDI) rémunéré au Smic, des personnes « durablement privées d'emploi » et résidant depuis au moins un an dans l'une des collectivités accueillant l'expérimentation. Le projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) conclu avec Pôle emploi par les chômeurs de longue durée qui retrouveraient ainsi un emploi ne serait pas suspendu : ces derniers resteraient inscrits auprès de cette institution et seraient tenus d'accomplir des actes de recherche d'emploi et d'accepter les offres d'emploi « acceptables » qui pourraient leur être proposées.

Les entreprises concernées recevraient une compensation financière , versée par le fonds, dans les conditions définies par une convention conclue pour la durée de l'expérimentation. Cet accord devrait notamment prévoir le montant de la rémunération par contrat de travail conclu, en fonction de la durée de travail retenue. Enfin, une possibilité est laissée au fonds de renégocier, au 1 er janvier de chaque année, le montant de la rémunération qu'il finance en fonction de la performance économique de l'entreprise et de la situation de l'emploi local.

Enfin, l'article 4 prévoyait, dans la version de la proposition de loi déposée sur le Bureau de l'Assemblée nationale, que l'éventuel résultat net positif réalisé au cours d'un exercice par une entreprise conventionnée devait être reversé au fonds au plus tard le 30 juin de l'exercice suivant.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Comme pour les autres articles de la proposition de loi, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a, sur proposition de son rapporteur, procédé à la réécriture complète de l'article 4, pour tenir compte notamment des remarques du Conseil d'Etat.

Elle a tout d'abord précisé la référence législative à la définition de l'ESS (point 44 de l'avis), en renvoyant aux articles 1 er et 2 de la loi de 2014. Elle a également supprimé l'obligation faite aux personnes embauchées de poursuivre auprès de Pôle emploi leur recherche d'emploi, le Conseil d'Etat ayant estimé qu'elle posait une « double difficulté », en empêchant notamment le classement des bénéficiaires de l'expérimentation dans la catégorie E , qui est celle dont relèvent les bénéficiaires de contrats aidés.

Toujours sur la recommandation du Conseil d'Etat (point 47), la commission a également explicité les obligations envers leurs salariés pesant sur les entreprises conventionnées et conditionnant le versement de l'aide financière par le fonds. La convention devra en effet porter sur le contenu du poste proposé, l'encadrement des salariés ainsi que les actions de formation envisagées. Elle a par ailleurs prévu, en référence au point 46 de l'avis du Conseil d'Etat, le maintien des droits des salariés à l'assurance chômage lorsque ceux-ci seraient amenés à rompre, de leur propre initiative, le contrat de travail qui les lie à l'entreprise conventionnée pour signer un CDD d'au moins six mois, un CDI ou suivre une action de formation visant à acquérir une qualification inscrite au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), reconnue dans les classifications d'une convention collective de branche ou ouvrant droit à un certificat de qualification professionnelle (CQP).

De plus, elle a supprimé l'injonction faite aux entreprises conventionnées de reverser au fonds leurs résultats bénéficiaires . Le Conseil d'Etat a en effet estimé (point 34) qu'elle portait atteinte à la liberté d'entreprendre et au principe de proportionnalité , la contrainte ainsi imposée étant sans rapport avec l'objectif poursuivi.

Elle a abaissé d'un an à six mois la condition de résidence dans la collectivité territoriale concernée pesant sur les demandeurs d'emploi pour bénéficier de l'expérimentation, la durée initiale ayant pu, selon le Conseil d'Etat (point 35), représenter une difficulté « au regard du principe d'égalité comme du principe de non-discrimination consacré par le droit de l'Union [européenne] ».

Suivant la proposition du Cese, la commission des affaires sociales a apporté une définition plus précise du public visé par l'expérimentation , renvoyant pour ce faire à l'article 2 36 ( * ) , et a permis à la rémunération versée de dépasser le Smic.

Elle a par ailleurs procédé à plusieurs modifications de cet article de sa propre initiative. Ainsi, elle a prévu la prise en charge par le fonds d'une fraction de l'indemnité de licenciement que l'entreprise conventionnée aurait à verser au terme de l'expérimentation, et dont le montant devra figurer dans la convention.

En séance publique , l'Assemblée nationale a adopté six amendements supplémentaires à cet article, dont cinq de son rapporteur. Si trois d'entre eux étaient rédactionnels, le quatrième a précisé que cette fraction de l'indemnité de licenciement ne serait prise en charge que lorsque le licenciement résulte de la fin du versement de l'aide attribuée à l'entreprise conventionnée et le cinquième a renvoyé au pouvoir réglementaire les conditions de fixation du montant de la rémunération que le fonds financera et de sa dégressivité dans le temps, au regard de la situation de l'entreprise. Par ailleurs, sur proposition de notre collègue député Francis Vercamer et de plusieurs membres du groupe UDI, l'Assemblée nationale a tenu à faire apparaître dans la proposition de loi la notion d'accompagnement des bénéficiaires de l'expérimentation : alors que la commission des affaires sociales avait prévu que la convention conclue entre le fonds et chaque entreprise devait notamment prévoir les conditions « d'encadrement » des salariés embauchés dans ce cadre, cet amendement y a substitué la référence à leur « accompagnement ».

III - La position de votre commission

L'article 4 de la proposition de loi constitue le coeur du mécanisme expérimental qu'elle souhaite mettre en place puisqu'il détermine les conditions de participation des entreprises , le soutien financier qui leur serait apporté ainsi que les engagements qu'elles devraient remplir .
Il a connu, comme le reste du texte, d'importantes modifications au cours de son examen à l'Assemblée nationale, qui ont contribué à lui donner une base juridique plus solide tout en renforçant les droits des salariés. Sans dénaturer l'intention de ses auteurs , ni la philosophie initiale promue par les acteurs associatifs à l'origine de ce projet, il fixe désormais le cadre des relations entre le financeur et les acteurs économiques sur lesquels repose le succès de l'expérimentation.

Votre rapporteure est ainsi satisfaite que le champ des demandeurs d'emploi potentiellement bénéficiaires de ce dispositif ait été élargi , par l'abaissement de la durée de résidence requise sur le territoire, et que le caractère de passerelle de ce mécanisme de réinsertion professionnelle ait été souligné en réaffirmant que les personnes embauchées avaient vocation à occuper, à terme, un autre emploi en CDD de longue durée ou en CDI ou à suivre une formation qualifiante. Celles-ci verront leurs droits à l'assurance chômage préservés si elles démissionnent pour répondre à une opportunité de ce type, alors qu'en l'état actuel du droit l'accord d'application n° 14 de la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage, qui recense les cas de démission considérés comme légitimes par Pôle emploi et ouvrant droit au versement de l'ARE, n'autorise à démissionner en vue de l'exercice d'un nouvel d'emploi que dans le cas des contrats aidés et non dans celui des CDI de droit commun.

Au cours des auditions réalisées par votre rapporteure, plusieurs des personnes entendues se sont interrogées sur l'opportunité d'élargir le champ de l'expérimentation au-delà de l'ESS et d'envisager d'y rendre éligibles toutes les entreprises du secteur marchand ou au moins, pour rester en adéquation avec le tissu économique des territoires potentiellement concernés et limiter les effets d'aubaine, toutes les entreprises artisanales. Votre rapporteure estime qu' une réflexion sur ce point devra être engagée au terme de l'expérimentation , lorsque la question de sa pérennisation se posera, en fonction des résultats obtenus et des difficultés rencontrées. Au stade de l'initiation de ce projet , dans des zones géographiques limitées et homogènes, et au vu des activités concernées, qui ne doivent pas entrer en concurrence avec celles déjà présentes localement, il semble pertinent de cibler des structures qui poursuivent un but autre que le seul partage des bénéfices , ont adopté une gouvernance démocratique et dont les règles de gestion font prévaloir le développement de l'activité sur la rémunération des actionnaires.

Votre rapporteure estime toutefois que des précisions mériteraient d'être apportées sur plusieurs points , afin de tirer les conséquences des insuffisances constatées dans la mise en oeuvre de certains mécanismes d'aide à l'emploi ou d'emplois aidés. Considérant que le public visé par l'expérimentation a pu voir son employabilité décroître, il importe que les engagements des employeurs en matière de formation ne soient pas virtuels et que des financements adaptés soient mobilisés. L'organisme collecteur paritaire agréé (Opca) de l'ESS, Uniformation, doit être impliqué dès maintenant dans l'élaboration de programmes de formation à destination de ces personnes qui, dans certains cas, pourraient avoir besoin de formations préalables à la prise de poste, sous la forme d'une préparation opérationnelle à l'emploi (POE) ou d'une période de mise en situation en milieu professionnel (PMSMP).

Il convient par ailleurs d'assurer un accompagnement, par le service public de l'emploi, des personnes embauchées par les entreprises conventionnées tout au long du déroulement de leur contrat de travail. S'il était nécessaire de supprimer l'obligation, pour les salariés de poursuivre une recherche active d'emploi, qui figurait dans le texte initial de la proposition de loi, il n'en reste pas moins que la catégorie E, au sein de laquelle ils resteront inscrits à Pôle emploi, ne s'accompagne d'aucun suivi de sa part. Il faut donc bâtir des modalités nouvelles d'accompagnement en faveur des bénéficiaires de l'expérimentation , autour d'une prise de contact régulière avec les acteurs du service public de l'emploi local et de l'actualisation de leur projet professionnel, afin qu'ils puissent saisir les opportunités d'emploi pérenne qui se présenteraient et que leur insertion durable sur le marché du travail soit garantie.

Votre commission a adopté cet article sans modification.


* 23 Le point 22 de l'avis du Conseil d'Etat proposait la définition suivante : « L'expérimentation a pour objet de tester, sur un nombre limité de territoires habilités à cet effet par un fonds, la possibilité de proposer une activité à tous les chômeurs de longue durée. Ces personnes se verront proposer des emplois à durée indéterminée créés dans des entreprises relevant du secteur de l'économie sociale et solidaire, avec, par l'intermédiaire d'un fonds national, le concours financier de l'Etat et d'autres collectivités susceptibles d'être financièrement intéressées par ces reprises d'emploi. L'expérimentation permettra l'exercice par les bénéficiaires d'activités non couvertes par une offre existante. Ces personnes pourront évoluer vers des emplois de l'économie marchande sans perdre de droits, durant la première phrase de l'expérimentation ou ultérieurement. L'expérimentation a également pour objectif de garantir que le coût total du dispositif ne soit pas supérieur aux économies résultant de l'emploi des bénéficiaires, notamment en matière d'indemnisation du chômage et de protection sociale ».

* 24 Cette durée résulte de l'adoption d'un sous-amendement de notre collègue député Francis Vercamer à l'amendement du rapporteur, qui prévoyait une durée de deux ans.

* 25 Loi n° 2015-411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques.

* 26 Op. cit., p. 11.

* 27 Op. cit., p. 44.

* 28 Les organisations concernées sont la CGT, la CFDT, FO, la CFTC et la CFE-CGC.

* 29 Les organisations concernées sont le Medef, la CGPME et l'UPA.

* 30 En 2017, les organisations concernées pourraient être la FNSEA, l'Udes et l'UNAPL. Pour mémoire, la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale a fixé à l'article L. 2152-2 du code du travail les critères cumulatifs de représentativité des organisations patronales au niveau national et multiprofessionnel suivants :

- respecter des critères communs avec les autres organisations patronales représentatives au niveau national et interprofessionnel (valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté minimale de deux ans) ;

- dénombrer au moins quinze organisations relevant soit des activités agricoles, soit des professions libérales, soit de l'économie sociale et solidaire ;

- compter des organisations représentatives dans au moins dix branches professionnelles relevant de l'un des trois secteurs précités ;

- justifier d'une implantation territoriale couvrant au moins un tiers du territoire national soit au niveau départemental, soit au niveau régional.

* 31 Cette disposition résulte de l'adoption d'un sous-amendement présenté par notre collègue député Francis Vercamer.

* 32 Cf. le II de l'article L. 2135-15 du code du travail.

* 33 Op.cit., p. 16.

* 34 Op. cit., p. 9.

* 35 Loi n° 2014-586 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.

* 36 Selon lequel elle concerne les demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi et involontairement privés d'emploi depuis plus d'un an.

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