ESPAGNE

Le régime applicable résulte, en Espagne :

- de l'article 116 de la Constitution espagnole, qui détermine les principes généraux applicables à l'« état d'alerte », l'« état d'exception » et l'« état de siège » ;

- et de la loi organique n° 4 du 1 er juin 1981 sur l'« état d'alerte », l'« état d'exception » et l'« état de siège ».

A. LE CONTENU DES DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES

Les régimes respectivement applicables à l'« état d'alerte » ( estado de alarma ), l'« état d'exception » ( estado de excepción ) et l'« état de siège » ( estado de sitio ) résultent des articles 116, 155 et 169 de la Constitution espagnole, qui distinguent :

- les grands traits qui caractérisent chacun de ces régimes ;

- et plusieurs dispositions générales relatives au fonctionnement des institutions.

• Les grands traits de chacun des trois régimes (article 116, paragraphes 1 à 4 de la Constitution)

Figurant au titre V relatif aux « Relations entre le Gouvernement et le Parlement », l'article 116 prévoit en premier lieu qu'une loi organique déterminera les règles applicables à l'« état d'alerte », à l'« état d'exception » et à l'« état de siège », et les limitations y afférentes.

Il précise que :

- l'« état d'exception » -qui est le plus analogue à l'état d'urgence- est déclaré par le Gouvernement, par décret en Conseil des ministres, après autorisation du Congrès des députés, laquelle en détermine les effets, le champ d'application territorial et la durée limitée à trente jours renouvelables dans les mêmes conditions (article 116-3) ;

- l'« état d'alerte », évoqué ici pour mémoire, est déclaré par le Gouvernement, par décret en Conseil des ministres, qui en détermine le champ d'application territorial, pour une durée limitée à quinze jours renouvelables, sous réserve de l'approbation du Congrès des députés, qui est informé et réuni lorsque le Gouvernement recourt à cette procédure (article 116-2) ;

- et l'« état de siège », qui est déclaré, sur proposition du seul Gouvernement, à la majorité absolue du Congrès des députés, qui en détermine le champ d'application territorial, la durée et les caractéristiques (condiciones) .

• Droits et libertés susceptibles d'être suspendus (article 55 de la Constitution)

L'article 55 de la Constitution dresse la liste des droits et libertés qui peuvent être suspendus en cas d'application de l'« état d'alerte », de l'« état d'exception » et de l'« état de siège ». Cette suspension peut concerner des principes qui relèvent du droit commun de la protection des libertés, à savoir :

- la préservation de la liberté et de la sécurité ainsi que la limitation de la garde à vue 288 ( * ) ( detención preventiva) au temps strictement nécessaire pour la réalisation des vérifications nécessaires à l'établissement des faits, dans la limite de soixante-douze heures, à l'issue duquel le détenu doit être présenté au juge (article 17, 1 et 2) ;

- l'institution par la loi, d'une part, d'une procédure d' habeas corpus pour mettre immédiatement à la disposition de la justice une personne détenue illégalement, et, d'autre part, le délai maximum de l'équivalent du placement en détention provisoire (prisión provisional) (article 17, 4) ;

- l'inviolabilité du domicile, dans lequel nul ne peut s'introduire sans le contentement de son occupant ou l'autorisation d'un juge, sauf en cas de flagrant délit (article 18, 2) ;

- le secret des communications, en particulier des communications postales, télégraphiques et téléphoniques, sauf décision judiciaire (article 18, 3) ;

- le droit de choisir sa résidence, de circuler sur le territoire, d'y entrer et d'en sortir (article 19) ;

- le droit d'exprimer et de diffuser librement sa pensée, ses idées et ses opinions par la parole, l'écrit et tout autre moyen de reproduction (article 20, 1, a) ;

- le droit de communiquer et de recevoir librement une information authentique (veraz) par tout moyen de diffusion (article 20, 1, d) ;

- la nécessité d'une décision judiciaire pour saisir des publications, des enregistrements et autres moyens d'information (article 20, 5) ;

- le droit de se réunir, pacifiquement et sans armes, sans autorisation préalable, et la limitation du refus d'autoriser des réunions dans des lieux publics aux cas d'atteinte à l'ordre public mettant en danger les personnes ou les biens (article 21) ;

- le droit de grève des travailleurs pour la défense de leurs intérêts (article 28, 2) ;

- et le droit des travailleurs et des entrepreneurs d'utiliser des moyens propres aux conflits collectifs (article 3,7 2).

On notera que l'article 55 de la Constitution prévoit qu'une loi organique peut déterminer les cas où, pour mettre en oeuvre les recherches relatives à des bandes armées ou terroristes, les droits suivants peuvent être suspendus, à savoir :

- la limitation de la détention préventive au temps strictement nécessaire à la réalisation des vérifications tendant à l'établissement des faits, dans la limite de 72 heures, à l'issue duquel le détenu doit être présenté au juge (article 17, 2) ;

- l'inviolabilité du domicile, dans lequel nul ne peut s'introduire sans le contentement de son occupant ou l'autorisation d'un juge, sauf en cas de flagrant délit (article 18, 2) ;

- le secret des communications, en particulier postales, télégraphiques et téléphoniques, sauf décision judiciaire (article 18, 3).

• Autres dispositions ayant trait aux états de crise (article 116, paragraphes 5, 6 et 169 de la Constitution)

La Constitution prévoit en outre que :

- le Congrès des députés ne peut être dissous lorsque l'« état d'alerte », l'« état d'exception » ou l'« état de siège » sont en vigueur ;

- hors session, les deux chambres du Parlement (Congrès des députés et Sénat) sont immédiatement réunies en cas de recours à l'un des trois régimes ;

- ni le fonctionnement du Congrès des députés ni les autres pouvoirs constitutionnels de l'État ne s'interrompent dans aucun des trois cas ;

- si le Congrès des députés a été dissous ou que son mandat a expiré, les compétences afférentes à l'« état d'alerte », à l'« état d'exception » et à l'« état de siège » sont exercées par sa députation permanente 289 ( * ) ;

- la proclamation de l'un de ces trois régimes ne porte pas préjudice au principe de responsabilité du Gouvernement tel qu'il résulte de la Constitution et de la législation ;

- aucune réforme constitutionnelle ne peut être engagée lorsque l'un des trois régimes considérés a été instauré (article 169).


* 288 L'article 520 de la loi espagnole sur la procédure pénale ( ley de enjuiciamiento ) précise que la « detención preventiva » destinée à l'établissement des faits ne peut dépasser 72 heures.

* 289 En vertu de l'article 78 de la Constitution, la députation permanente de chaque chambre du Parlement se compose d'au moins vingt-et-un membres élus à la proportionnelle des groupes politiques.

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