ROYAUME-UNI

Aux termes de l'article 19 de la deuxième partie relative aux « pouvoirs d'urgence » (emergency powers) de la loi du 18 novembre 2004 relative à la sécurité civile, « l'urgence consiste en un grave dommage susceptible d'affecter les personnes (human welfare) ou les biens (damage to property) , la guerre, ou le terrorisme, qui menace d'atteintes sérieuses à la sécurité du Royaume-Uni » .

On examinera :

- les modalités de déclaration ;

- et les moyens d'actions et les effets des pouvoirs d'urgence.

1. Modalités de déclaration
a) Conditions

Aux termes de l'article 21 de la loi de 2004 précitée, l'adoption de mesures d'urgence est soumise à trois conditions tenant à ce que :

- une crise (emergency) s'est produite, se produit ou va se produire ;

- il est nécessaire de prendre des dispositions dans le but de la prévenir, de la contrôler ou de l'atténuer ;

- et il existe une urgente nécessité de prendre des dispositions appropriées.

Il est nécessaire de prendre des dispositions analogues à celles prévues par un texte en vigueur, ou des dispositions qui pourraient être adoptées en vertu d'un texte en vigueur, lorsque :

- la législation en vigueur ne peut pas être appliquée sans risquer de provoquer un retard considérable (serious delay) ;

- il n'est pas possible de s'assurer, sans craindre un retard considérable, que la législation en vigueur peut être appliquée ;

- ou la législation en vigueur s'avère insuffisamment efficace 294 ( * ) .

b) Procédure

• Autorités compétentes

Aux termes de l'article 20 de la loi de 2004, les mesures d'urgence peuvent être prises, si les conditions posées par l'article 21 sont remplies (voir supra ), par :

- la Reine, par « décret en conseil » (order in council) ;

- ou certains ministres (senior minister of the Crown) , à savoir le Premier ministre, l'un des principaux ministres (principal secretaries of State) et les « Commissioners of Her Majesty Treasury » 295 ( * ) s'il n'est pas possible d'adopter un « décret en conseil » sans un retard considérable.

Est considéré comme un « retard considérable » celui qui peut causer un préjudice grave ou entraver sérieusement la prévention, le contrôle ou l'atténuation d'un tel préjudice.

Toute mesure prise en vertu de cet article est précédée d'une déclaration de son auteur qui :

- spécifie la nature de l'urgence au regard de laquelle les dispositions sont adoptées ;

- et déclare que les conditions posées à l'article 21 sont réunies, que les mesures contiennent uniquement des dispositions appropriées, que les conséquences de ces mesures sont proportionnées, qu'elles sont compatibles avec les droits de la Convention (définis à l'article premier de la loi sur les Droits de l'Homme de 1998) et, lorsque le ministre a pris la mesure, qu'il n'était pas possible d'adopter un décret en conseil sans occasionner un retard considérable.

• Contrôle parlementaire

Aux termes de l'article 27 de la loi de 2004 précitée, lorsque des mesures d'urgence sont prises :

- un ministre doit aussi tôt que possible en communiquer la teneur au Parlement ;

- ces mesures sont caduques à la fin du septième jour à compter de la date de dépôt, à moins que, durant cette période, chaque Chambre n'adopte une résolution les approuvant.

Si chaque chambre du Parlement adopte une résolution en ce sens, les mesures d'urgence cessent de produire leurs effets :

- à tout moment fixé par la résolution, après l'adoption de celle-ci ;

- ou le lendemain de l'adoption de la résolution si celle-ci ne détermine aucune date.

Si chaque chambre du Parlement adopte une résolution amendant les mesures d'urgence, celles-ci prennent effet, ainsi amendées :

- à tout moment fixé par la résolution, après l'adoption de celle-ci ;

- ou le lendemain de l'adoption de la résolution si celle-ci ne détermine aucune date.

• Mise en oeuvre

Aux termes de l'article 24 de la loi précitée, les mesures d'urgence nécessitent qu'un ministre nomme :

- pour chaque partie du Royaume-Uni autre que l'Angleterre qui serait concernée par ces mesures, un « Coordinateur d'urgence » (emergency coordinator) ;

- et pour chaque région dans laquelle les mesures sont en vigueur, un « coordinateur régional » (Regional Nominated coordinator) .

Les mesures précisent notamment les modalités de la nomination, les conditions liées au service (dont la rémunération) et les fonctions exercées par le coordinateur.

La personne désignée facilite la coordination des actions réalisées conformément aux mesures d'urgence. Dans l'exercice de ses fonctions, elle doit se conformer aux orientations définies par le ministre signataire.

Le coordinateur n'est cependant ni un fonctionnaire, ni un agent de la Couronne et ne peut prétendre au statut, à l'immunité ou aux privilèges conférés par la Couronne.

• Durée, renouvellement, cessation

Les mesures d'urgence sont caduques (article 26) après 30 jours à moins qu'elles ne fixent une date antérieure au terme de ce délai.

Ces dispositions n'interdisent pas l'adoption de nouvelles mesures et n'ont pas d'effet sur les décisions prises conformément aux mesures d'urgence avant qu'elles ne soient caduques.

2. Moyens d'actions et effets

Aux termes de l'article 22, les mesures d'urgence peuvent contenir toutes les dispositions que leur auteur estime appropriées pour prévenir, contrôler ou atténuer un aspect ou un effet de l'urgence, notamment pour :

- protéger la vie humaine, la santé ou la sécurité ;

- protéger la propriété ;

- traiter la maladie ou les blessures humaines ;

- ou encore protéger ou rétablir les activités du Parlement, du Parlement écossais, de l'Assemblée d'Irlande du Nord ou de l'Assemblée nationale du Pays de Galles.

Ces mesures d'urgence peuvent :

- conférer une compétence à un ministre de la Couronne, aux ministres écossais, à l'Assemblée nationale du Pays de Galles, à un ministère nord-irlandais, à un coordinateur désigné en vertu de cette loi ou à toute personne désignée à cette fin ;

- permettre la réquisition ou la confiscation d'un bien, avec ou sans compensation ;

- permettre la destruction d'un bien, ou l'atteinte à la vie d'un animal ou d'un végétal, avec ou sans compensation ;

- interdire la circulation d'un lieu à un autre ;

- fixer un itinéraire obligatoire ;

- interdire, ou permettre l'interdiction, de rassemblements (assemblies) d'un certain type, dans un lieu ou à une période donnés ;

- interdire des voyages à des périodes données ;

- interdire certaines activités ;

- créer une infraction pour non-respect de ces mesures, d'un ordre donné en vertu de ces mesures, ou d'obstruction à l'exercice d'une fonction ;

- ne pas appliquer ou modifier une loi ou une disposition prise en vertu d'une loi ;

- exiger d'une personne ou d'un organisme qu'il agisse dans l'exercice de ses fonctions ;

- permettre au Conseil de défense d'autoriser le déploiement des forces armées ;

- prendre toute disposition facilitant le déploiement des forces armées ;

- attribuer une compétence à une cour ou un tribunal ;

- prendre des dispositions relatives aux eaux territoriales, aux zones de pêche britanniques ou au plateau continental ;

- prendre des dispositions s'appliquant globalement, uniquement dans des circonstances prédéfinies ou dans un but spécifique ;

- ou prévoir des dispositions diverses pour des circonstances ou objectifs différents.

Des limites sont toutefois définies par l'article 23 de la loi de 2004 précitée, puisque les mesures d'urgence :

- doivent permettre de prévenir, de contrôler ou d'atténuer un aspect ou un effet de l'urgence et que leurs effets sont dûment proportionnés par rapport à l'aspect ou l'effet de l'urgence ;

- doivent spécifier les parties du Royaume-Uni ou les régions dans lesquelles elles s'appliquent ;

- ne doivent pas exiger d'une personne qu'elle fournisse un service militaire, ou interdire la participation à une grève ou à un mouvement social, ou à toute activité qui leur est liée ;

- ne doivent pas créer une infraction autre que celles prévues à l'article 22 (voir supra ), créer une infraction autre qu'une infraction justiciable uniquement devant un tribunal correctionnel ou, en Écosse, par un « sheriff » au terme d'une « procédure sommaire », ou encore instituer une infraction punie d'une peine privative de liberté supérieure à trois mois ou d'une amende supérieure au niveau cinq sur l'échelle des infractions 296 ( * ) , ou enfin modifier des procédures relatives aux affaires pénales ;

- et enfin ne doivent amender ni la partie de la loi de 2004 relative aux pouvoirs d'urgence, ni la loi de 1998 sur les Droits de l'Homme.


* 294 Loi relative à la sécurité civile de 2004, note explicative, p. 70.

* 295 Il s'agit du Premier ministre, du ministre des Finances (Chancellor of the Exchequer) et des parlementaires chargés de la discipline au sein des partis à la Chambre des communes (whips) .

* 296 Aux termes de l'article 37 de la loi sur la justice pénale de 1982, les infractions sont définies sur une échelle de 1 à 5, correspondant à des montants de 200 £ (environ 259 €) à 5 000 £ (environ 6 483 €).

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