SECONDE PARTIE : LE NOUVEAU RÈGLEMENT BINATIONAL DE 2015

Afin de transposer la directive 2012/34/UE, le règlement binational de 2015 intègre les changements suivants : l'existence d'un seul organisme de contrôle sur l'ensemble du territoire ; le renforcement de l'indépendance de l'organisme de contrôle, notamment vis-à-vis des États ; la coopération entre eux des organismes de contrôle de l'Union européenne ; et l'élaboration d'un cadre de tarification applicable à un gestionnaire d'infrastructure.

I. LE TRANSFERT DE LA FONCTION D'ORGANISME DE CONTRÔLE DE LA COMMISSION INTERGOUVERNEMENTALE (CIG) AUX RÉGULATEURS NATIONAUX

1. La fin des fonctions de régulation économique de la CIG au profit de l'Agence de régulation des activités ferroviaires (Araf) et de l'Office of Rail and Road (ORR)

Afin de transposer à la liaison fixe transmanche, l'article 55 de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen qui exige un régulateur ferroviaire national unique et totalement indépendant des États, l'article 1 er transfère expressément les fonctions de régulation de la Commission intergouvernementale (CIG) aux organismes de contrôle nationaux , que sont l'Autorité de régulation des activités ferroviaires pour la France et l' Office of Rail and Road pour le Royaume-Uni. Chargés de la corégulation économique du tunnel sous la Manche, chacun d'eux est compétent sur la partie de la liaison fixe située sur le territoire dont il relève.

Tant que le règlement binational de 2009 n'est pas abrogé, la CIG reste compétente pour la régulation économique du tunnel sous la Manche, ce qui entache les décisions qu'elle prend, dans ce domaine, d'une fragilité juridique , compte tenu de la jurisprudence de l'arrêt Perreux 9 ( * ) du Conseil d'État qui reconnaît l'effet direct des « dispositions inconditionnelles et suffisamment précises » d'une directive non transposée dans le délai imparti, comme c'est le cas ici puisque la directive 2012/34/UE précitée aurait dû être transposée avant le 16 juin 2015.

L'Autorité de régulation des activités ferroviaires, l'Araf , créée en 2009, était l'autorité de régulation des activités ferroviaires françaises. Depuis la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, qui a libéralisé le transport régulier interurbain de voyageurs par autocar, l'Araf est devenue l'Arafer, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières et a élargi son champ de compétences au secteur des services réguliers interurbains de transport routier de personnes par autocar  ainsi qu'au secteur autoroutier concédé, avec l'examen des tarifs de péage.

L'Arafer est dotée d'un collège de 7 membres non révocables détenteurs d'un mandat de 6 ans non renouvelable et d'une commission des sanctions composée de 3 membres issus du Conseil d'État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes. La loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 fixe son plafond d'emplois à 68 équivalents temps plein travaillé. Elle dispose d'un budget de 11,1 millions d'euros pour 2016 et d'une autonomie financière.

Ses ressources proviennent de prélèvements annuels plafonnés sur les redevances d'utilisation du réseau ferré national versées par les entreprises ferroviaires à SNCF Réseau ; sur les titres de transport vendus aux passagers des autocars pour les dessertes régulières interurbaines de moins de 100 km et sur le chiffre d'affaires des concessionnaires d'autoroute.

L'Office of Rail and Road, l'ORR est le régulateur britannique du ferroviaire. Il trouve son origine dans l' Office of the Rail Regulation , créé en 1994 lors de la libéralisation du rail au Royaume-Uni qui voit ses compétences s'élargir dans le domaine de la sécurité ferroviaire en 2005. En 2015, sous l'appellation d' Office of Rail and Road , il acquiert de nouvelles compétences en matière de supervision des activités de l'agence nationale routière ( Highways England ).

Doté d'un effectif d'environ 300 personnes aux statuts divers (fonction publique, salariés de droit privé, personnels provenant de l'industrie ferroviaire), il dispose d'un budget d'environ 30 millions de livres, financé par des taxes sur les opérateurs.

L'ORR a, pour missions principales, le contrôle de la performance des gestionnaires d'infrastructures, la protection des intérêts des usagers du transport ferroviaire, la promotion du rail ainsi que de la concurrence dans l'intérêt des usagers.

L'article 2 impose à la CIG de communiquer à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et à l'Office of Rail and Road , toute information ou tout document qu'elle a pu détenir dans l'exercice de ses fonctions de régulateur économique, dans les meilleurs délais après l'entrée en vigueur de cet accord. La CIG et ces organismes échangent, de manière plus générale, les informations nécessaires à l'exercice de leurs fonctions respectives.

2. La conservation par la CIG de sa compétence en matière de sécurité et de sûreté

Aux termes de l'article 4, la CIG conserve sa fonction de supervision de l'ensemble des questions liées à l'exploitation de la liaison fixe transmanche « au nom des Gouvernements de la France et du Royaume-Uni et par délégation de ceux-ci » comme le prévoit l'article 10(1) du Traité de Cantorbéry du 12 février 1986.

La composition de la délégation française à cet organe de concertation entre les services publics français et britanniques concernés par la Liaison Fixe est fixée par le décret 86-342 du 11 mars 1986. Celui-ci prévoit la désignation de deux titulaires et de deux suppléants pour le ministère chargé de l'économie, le ministère des finances et du budget, le ministère chargé des relations extérieures et le ministère chargé des transports ainsi qu'un titulaire et un suppléant pour le ministère chargé de l'intérieur et de la décentralisation. La CIG s'appuie sur deux secrétariats permanents. Côté français, le Secrétariat Général au Tunnel sous la Manche (SGTM) est un service du ministère chargé des transports. Pour son fonctionnement, elle perçoit un financement ad hoc (environ 6 millions d'euros par an) assuré par Eurotunnel et partagé entre le concédant français et le concédant britannique.

La CIG est l'autorité de sécurité pour la Liaison Fixe au sens de la Directive 2004/49/CE sur la sécurité ferroviaire. Elle traite ainsi des problèmes d'accidents et d'incendies et fournit un rapport annuel sur la sécurité dans le tunnel sous la Manche à l'Agence ferroviaire européenne. Elle dispose des pouvoirs réglementaires nécessaires à la mise en place dans le tunnel d'un « régime unifié de sécurité » et est chargée de transposer les directives européennes pertinentes dans les limites de la concession d'Eurotunnel.

La CIG a également un rôle en matière de sûreté. À ce titre, elle s'occupe des questions liées à la malveillance, au terrorisme et aux migrants.

Elle est assistée dans l'exercice de ses missions par le Comité de sécurité et le comité binational de sûreté qui rassemble les administrations des deux États, compétentes en la matière, au titre de la liaison fixe transmanche.

Pour répondre à l'exigence de la directive 2012/34/UE précitée quant à l'indépendance des organismes de contrôle, il est prévu expressément que la CIG exerce cette fonction dans le respect de l'indépendance des organismes de contrôle compétents, l'ARAF et l'ORR, et n'interfère pas dans leur processus de décision . Ceci ne fait pas obstacle à ce que ces organismes puissent consulter la CIG et à ce que la CIG leur présente des observations.


* 9 CE, Ass., 30 octobre 2009, Mme Perreux

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