III. LES ORIENTATIONS DE VOTRE COMMISSION

Vos rapporteurs ont abordé l'examen de ce texte dans un esprit de responsabilité , afin de proposer un texte crédible , dénué d'idéologie et prospectif .

Ils ont veillé à l'enrichir avec des apports issus de différentes propositions de loi d'initiative sénatoriale, non encore examinées, qu'il s'agisse de celle visant à faire de l'apprentissage une voie de réussite (n° 394 ; 2015-2016), déposée par notre collègue Elisabeth Lamure, ou celle relative aux entreprises (n° 521 ; 2015-2016), déposée par notre collègue Alain Chatillon.

Les principaux amendements adoptés en commission peuvent être rassemblés en cinq axes :

- la simplification et la sécurisation juridique des règles du code du travail ;

- le renforcement de la compétitivité des entreprises et du pouvoir d'achat des salariés ;

- la prise en compte des spécificités des TPE et des PME ;

- la relance de l'apprentissage ;

- la réaffirmation des missions de la médecine du travail.

Sur un total de 411 amendements déposés , votre commission en a adopté 201 , dont 155 de ses rapporteurs . Elle a supprimé 14 articles et a inséré 29 articles additionnels .

A. LA SIMPLIFICATION ET LA SÉCURISATION JURIDIQUE DES RÈGLES DU CODE DU TRAVAIL

A l' article 1 er , le premier objectif fixé à la commission de recodification du code du travail sera la simplification des règles. Reprenant une recommandation du rapport de Jean-Denis Combrexelle, toute création d'une disposition nouvelle devra en outre être compensée par la suppression d'une disposition obsolète.

Approuvant la philosophie de l' article 2 et le primat donné à la négociation d'entreprise, votre commission a souhaité aller plus loin et lever les derniers freins qui empêchent encore de fixer la durée du travail selon les contraintes de l'activité de l'entreprise et les attentes des salariés, dans le respect des durées quotidienne et hebdomadaire maximales de travail. Sur proposition de notre collègue Catherine Deroche, elle a supprimé du code du travail la notion de durée légale de travail , auquel elle a substitué une durée de référence qui sera déterminée par accord d'entreprise ou, à défaut, de branche. A titre supplétif, la durée de travail hebdomadaire à temps complet sera fixée à 39 heures . De plus, votre commission, sur proposition de ses rapporteurs, a confié la possibilité à l'accord d'entreprise de fixer une durée minimale de travail à temps partiel , supprimant le plancher de 24 heures imposé par la loi. Par ailleurs, le mécanisme d' articulation des accords collectifs et du contrat de travail en matière de réduction de la durée du travail, mis en place par la loi du 19 janvier 2000 31 ( * ) et selon lequel l'accord prévaut sur le contrat, a été étendu à l'ensemble des accords relatifs au temps de travail .

Sur proposition de nos collègues Philippe Mouiller et Daniel Chasseing, votre commission a par ailleurs maintenu le droit existant en matière de prise des congés payés . A l'initiative de ce dernier, elle a rétabli la possibilité pour un employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié inapte à son poste de nuit s'il est dans l'impossibilité de lui proposer un poste correspondant à sa qualification.

Sur proposition de notre collègue Elisabeth Lamure, la commission a relevé de 11 à 20 et de 50 à 100 salariés les seuils d'effectif au-delà desquels l'organisation de l'élection des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise devient obligatoire ( articles 7 A et 7 B ). A l'invitation de Catherine Deroche, elle a en outre donné la possibilité à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, de mettre en place une délégation unique du personnel ( article 7 C ).

A l' article 7 , afin d'éviter des risques contentieux ultérieurs, un amendement de vos rapporteurs a été adopté pour prévoir qu'il revient à la convention ou à l'accord de déterminer lui-même les conditions dans lesquelles un signataire peut s'opposer à sa publication sur le portail internet dédié.

A l' article 9 , vos rapporteurs ont souhaité maintenir la règle pragmatique selon laquelle le franchissement du seuil de 300 salariés doit s'apprécier sur les douze derniers mois.

Afin de ne pas bloquer le dialogue social dans les entreprises, l' article 10 a été complétement réécrit à l'initiative de vos rapporteurs pour maintenir les règles de validité actuelles pour les accords d'entreprise (majorité d'engagement à 30 %), tout en prévoyant qu'une consultation des salariés pourra être organisée, à l'initiative de l'employeur ou des syndicats signataires, si un accord est frappé d'opposition par les syndicats majoritaires. Ce faisant, les opportunités ouvertes à l'article 2 pour organiser la durée du travail au niveau de l'entreprise pourront être plus facilement utilisées par les entreprises.

La commission a par ailleurs supprimé les accords de maintien de l'emploi (AME), compte tenu de la création des accords de préservation et de développement de l'emploi à l' article 11 .

A l'invitation de notre collègue Philippe Mouiller, la commission a adopté un amendement qui supprime l'obligation d'engager les négociations obligatoires en entreprise en cas d'échec des négociations menées au niveau du groupe ( article 12 ). Cette obligation pourrait en effet affaiblir l'intérêt à s'engager dans des négociations au niveau du groupe.

L'indemnisation de l'organisation syndicale lorsqu'une collectivité souhaite lui retirer un local dont elle a bénéficié depuis plus de cinq ans sans être en mesure de lui proposer une solution alternative ( article 15 ) est apparue contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales. Sans remettre en cause les dispositions relatives à la sécurisation juridique de la mise à disposition de locaux, votre commission a donc supprimé cette indemnisation.

Si vos rapporteurs sont favorables au renforcement de la négociation au sein des entreprises, ils ont estimé qu'une augmentation généralisée du nombre d'heures de délégation des délégués syndicaux ne se justifiait pas. Ils ont donc proposé à la commission de concentrer cette augmentation sur ceux d'entre eux effectivement appelés à négocier un accord et de laisser les partenaires sociaux décider de son ampleur (articles 16 et 16 bis )

Si la commission approuve les dispositions de l' article 17 visant à sécuriser les recours formés par l'employeur contre les décisions du CHSCT de recourir à un expert, qui sont au demeurant rendues nécessaires par la censure par le Conseil constitutionnel des dispositions actuellement en vigueur, vos rapporteurs ont souhaité aller plus loin en imposant un minimum de mise en concurrence dans le choix des experts par les CHSCT et les CE.

A l' article 21 , vos rapporteurs ont proposé une simplification du compte personnel d'activité , afin d'éviter de reproduire les erreurs commises lors de la conception du compte personnel de prévention de la pénibilité. Votre commission l'a donc recentré sur ce C3P et sur le CPF et a supprimé le compte d'engagement citoyen.

La garantie jeunes, qui est expérimentée depuis 2013 dans certains territoires, apparaît à vos rapporteurs comme un dispositif intéressant. Toutefois, alors que l'expérimentation a commencé il y a moins d'un an dans la plupart des départements concernés, il semble prématuré de la généraliser à l'ensemble du territoire ( article 23 ). La poursuite de l'expérimentation, actuellement prévue jusqu'à la fin 2017 et qui pourra être prolongée par décret si nécessaire, permettra de disposer d'une réelle évaluation avant de procéder à sa généralisation.

A l'initiative de ses rapporteurs, la commission a supprimé l' article 27 bis qui risquerait d'interférer avec les procédures juridictionnelles en cours opposant les Urssaf à la plateforme Uber. Une réflexion plus large doit être engagée sur le statut de ces travailleurs spécifiques, qui interroge le modèle même de notre système de protection sociale.

Sur proposition de vos rapporteurs et de nos collègues Daniel Chasseing et Chantal Deseyne, la commission a supprimé l' article 29 bis A qui prévoyait la mise en place d'une instance de dialogue social unique au sein des réseaux de franchise, commune aux franchisés et au franchiseur.

L' article 31 bis , introduit en commission sur proposition de notre collègue Catherine Deroche, supprime l'obligation pour l'employeur d'informer les salariés au moins deux mois avant la cession d'une entreprise. Votre commission considère en effet que le dispositif d'information préalable des salariés avant une cession d'une société employant moins de deux cent cinquante salariés est extrêmement complexe et qu'il méconnait la vie des affaires.

En cohérence avec la position qui a été celle du Sénat en 2014, lors de l'examen du projet de loi relatif à la formation professionnelle 32 ( * ) et en 2015 lors des débats sur le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 33 ( * ) , votre commission a supprimé l' article 51 quater visant à ratifier l'ordonnance du 7 avril 2016 renforçant les pouvoirs de l'inspection du travail.

Enfin, conformément à leur volonté de rendre plus prévisibles les coûts liés au licenciement d'un salarié, vos rapporteurs ont supprimé les articles 53 et 54 , ajoutés par l'Assemblée nationale.


* 31 Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, art. 30.

* 32 Devenu la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

* 33 Devenu la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page