EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le 22 décembre 1974, à la différence des suffrages exprimés dans les autres îles des Comores, Mayotte a manifesté son choix de demeurer un territoire français lorsque 63,82 % des suffrages exprimés sur l'île lors du référendum ont rejeté l'indépendance. À l'initiative du Sénat, il avait été décidé que la consultation concernerait « des populations » et non « la population », afin de permettre un décompte des suffrages île par île. Une nouvelle consultation, le 8 février 1976 a confirmé, à la majorité écrasante de 99,4 %, le souhait des Mahorais de demeurer au sein de la République française.

Cette même année, l'île de Mayotte a accédé à un statut juridique atypique qui, annoncé comme provisoire, a duré jusqu'en 2011. Aussi Mayotte, dont les habitants avaient rejeté en 1976 le statut de territoire d'outre-mer, toujours par référendum, n'a-t-elle pas accédé à celui de département d'outre-mer mais à un statut spécial de « collectivité territoriale de la République » sur le fondement de l'article 72 de la Constitution.

À la suite de longues négociations, une nouvelle consultation, le 2 juillet 2000, s'est traduite par l'approbation, à la majorité de 72,94 % des suffrages exprimés sur l'île, de l'accord de Paris qui a ouvert la voie à une « collectivité départementale ». Toutefois, la « départementalisation » de Mayotte n'a été entamée qu'une décennie plus tard. Le 29 mars 2009, à la question : « Approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée Département, régie par l'article 73 de la Constitution, exerçant les compétences dévolues aux départements et régions d'outre-mer ? » , les Mahorais ont répondu massivement « oui » à hauteur de 95,2 % des suffrages exprimés, avec un taux de participation de 61,37 % des électeurs inscrits.

Suivant ce vote de la population concernée, exprimé conformément aux termes de l'article 73 de la Constitution, le Parlement a tiré les conséquences de ce résultat et a posé le principe de la « départementalisation » de Mayotte par la loi du 3 août 2009 . C'est la première réunion du conseil général ayant suivi son renouvellement partiel, le 31 mars 2011, qui a marqué la naissance du Département de Mayotte, désormais collectivité unique régie par l'article 73 de la Constitution.

Ce rappel chronologique souligne combien les Mahorais, au fil des consultations successives, ont constamment affirmé un attachement à la France et à l'entrée de Mayotte dans le droit commun . Si la Cour des comptes a souligné, dans un rapport thématique publié en janvier 2016 1 ( * ) , les difficultés de la mise en place de la nouvelle collectivité mahoraise, évoquant même « une réforme mal préparée », cette création a marqué une étape décisive.

Le Département de Mayotte demeure néanmoins confronté à de lourdes difficultés : forte croissance démographique, immigration irrégulière massive, chômage important, etc. De manière évocatrice, notre collègue Félix Desplan, notre ancien collègue Christian Cointat et votre rapporteur avaient intitulé leur rapport d'information de juillet 2012, à la suite d'un déplacement sur l'île : « Mayotte : un nouveau département confronté à de lourds défis » 2 ( * ) . Les élus départementaux ne disposent pourtant pas de tous les moyens, y compris financiers, pour exercer toutes les compétences incombant au Département et relever ces défis.

I. LE DÉPARTEMENT DE MAYOTTE : UNE COLLECTIVITÉ UNIQUE AU NOMBRE RESTREINT D'ÉLUS

Malgré la « départementalisation », la collectivité mahoraise comporte encore deux particularités institutionnelles qui la distinguent des autres départements français.

D'une part, Mayotte est un département qui exerce les compétences d'une région : le conseil départemental délibère sur les affaires qui relèvent des compétences départementales et régionales. En 2011, Mayotte a ainsi été la première collectivité unique de l'article 73 de la Constitution avant que la Guyane et la Martinique ne soient dotées de ce statut en 2016, à la suite des consultations de leur population en janvier 2010.

D'autre part, l'assemblée délibérante compte un nombre d'élus particulièrement réduit si on le compare avec les autres collectivités de même strate. En comparaison de la Guyane, autre collectivité unique de l'article 73 de la Constitution, le rapport entre la population de la collectivité et l'effectif de l'assemblée délibérante est très différent à Mayotte. Ainsi, si la Guyane compte 51 élus pour une population de près de 385 000 habitants, Mayotte ne compte, pour 217 000 habitants, que de 26 conseillers départementaux. De même, en métropole, la Haute-Loire avec une population d'environ 228 000 habitants compte 38 conseillers départementaux, tandis que la Nièvre, les Hautes-Pyrénées et la Meuse, comptant une population équivalente, comptent 34 conseillers départementaux.

Le nombre d'élus a certes déjà été augmenté puisqu'il était de 19 avant 2014. Toutefois, l'écart entre le nombre d'habitants représentés et le nombre d'élus risque, à l'avenir, de croître par rapport aux autres départements d'autant plus rapidement que la démographie mahoraise est galopante. Ainsi, entre 2007 et 2012, et malgré une atténuation par rapport aux années précédentes, la croissance de la population s'est élevée, en moyenne, à + 2,7 % par an, faisant de Mayotte le département le plus jeune de France.

Effectif des assemblées délibérantes dans les collectivités ultramarines

Collectivité concernée

Nombre d'habitants

Nombre d'élus du conseil régional

Nombre d'élus du conseil départemental

Nombre d'élus de l'assemblée unique

Total

Collectivités régies par l'article 73 de la Constitution

Guadeloupe

402 119

41

42

-

83

La Réunion

835 103

45

50

-

95

Martinique

385 551

-

-

51

51

Guyane

244 118

-

-

51

51

Mayotte

217 091

-

26

-

26

Collectivités régies par l'article 74 de la Constitution

Polynésie Française

274 217

-

-

57

57

Saint-Pierre-et-Miquelon

6 286

-

-

19

19

Saint-Martin

36 457

-

-

23

23

Saint-Barthélemy

9 417

-

-

19

19

Îles Wallis et Futuna

12 867

-

-

20

20

En revanche, les modalités de désignation des conseillers départementaux de Mayotte relèvent du régime électoral de droit commun . Les modifications introduites par la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, s'y appliquent donc, sans disposition particulière.

Conformément au titre III du livre I er du code électoral, l'assemblée est ainsi renouvelée, de manière intégrale, tous les six ans selon un scrutin majoritaire à deux tours. Les treize cantons élisent chacun un binôme d'élus, composé d'un candidat et d'un remplaçant de chaque sexe.

L'évolution institutionnelle de l'île reste , parmi les nombreux sujets de réflexion, en cours de discussion localement afin de faire évoluer Mayotte vers le modèle de la Guyane et de la Martinique. Dans ce cadre, le document stratégique « Mayotte 2025 » qui, selon le voeu du chef de l'État, M. François Hollande, trace le cheminement du territoire vers le droit commun de la République, prévoit d'adapter le mode de scrutin et le nombre d'élus de cette collectivité.

Cette perspective a d'ailleurs été formalisée au sein d'une motion adoptée, à l'unanimité des membres présents et représentés - soit 17 des 19 conseillers généraux -, le 12 juin 2014. Les élus mahorais demandaient par cette motion que « les conseillers départementaux de Mayotte soient élus au scrutin proportionnel de liste à deux tours sur la base de circonscription unique lors du renouvellement de l'assemblée », sollicitant parallèlement que le nombre d'élus soit porté à 51.


* 1 Cour des comptes, La départementalisation de Mayotte : Une réforme mal préparée, des actions prioritaires à conduire, 27 novembre 2015 .

* 2 Rapport d'information n° 675 (2011-2012) de MM. Jean-Pierre Sueur, Christian Cointat et Félix Desplan, au nom de la commission des lois, 18 juillet 2012. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2011/r11-675-notice.html

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