V. UNE NOUVELLE DÉGRADATION DE LA SOUTENABILITÉ À LONG TERME DES FINANCES PUBLIQUES EN 2015

L'analyse du bilan comptable de l'État, présenté dans le compte général de l'État, permet de porter un regard à la fois sur la gestion passée et sur la soutenabilité des finances publiques pour l'avenir .

Si la qualité de l'information comptable de l'État, certifiée par la Cour des comptes, ne fait guère de doute, paraît plus préoccupante en revanche la situation financière de l'État en 2015, qui prolonge les tendances observées en 2014.

Les particularités du bilan de l'État et de sa situation patrimoniale

Depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le compte général de l'État comporte une présentation de son bilan comptable . Le bilan de l'État présente son actif, constitué de l'ensemble de son patrimoine, et son passif, qui correspond à l'ensemble des engagements financiers de l'État à l'égard des tiers - pour l'essentiel des dettes financières.

Cependant, le bilan de l'État se différencie du bilan des entreprises privées en raison des spécificités de son action , qui trouvent leur traduction dans ses états financiers. Il ne possède notamment pas, à son passif, de capital social (le capital social étant l'apport des actionnaires à une société). Sa capacité à lever l'impôt ne peut constituer un actif incorporel, certains de ses monuments historiques ne sont valorisés, à l'actif de l'État, qu'à l'euro symbolique. Si, pour une entreprise, un résultat net négatif traduit une destruction de richesse, le déséquilibre entre actif et passif de l'État est quant à lui structurel.

Ainsi, le bilan de l'État n'est pas équilibré , à la différence d'un acteur privé. Il est présenté sous la forme d'un tableau de situation nette, correspondant à la différence entre son actif et son passif.

C'est donc l'évolution du résultat de l'État qui peut être interprétée et non sa valeur.

A. UNE INFORMATION COMPTABLE DE QUALITÉ MALGRÉ CINQ RÉSERVES SUBSTANTIELLES DE LA COUR DES COMPTES

Les cinq réserves substantielles formulées sur les comptes de l'État de 2015 reprennent celles relevées en 2014 ; elles portent sur le système d'information de l'État, le contrôle et l'audit internes ministériels, les produits régaliens, le patrimoine de la défense et les immobilisations financières. La Cour des comptes a cependant levé un certain nombre de parties de réserves.

1. Une évaluation des actifs de l'État qui demeure imprécise

La Cour des comptes souligne l'existence de nombreuses incertitudes quant à la valeur de l'actif de l'État.

Les données fiscales relatives aux produits régaliens sont insuffisamment contrôlées et l'évaluation des risques reste insatisfaisante. La Cour des comptes remarque en particulier que « le recensement et l'évaluation des engagements hors bilan de nature fiscale reçus par l'État accusent un retard important par rapport aux autres domaines des comptes ». En outre, elle relève que les comptes de l'État ne présentent pas de façon satisfaisante les contentieux fiscaux ou les impôts et taxes affectés à d'autres bénéficiaires.

En ce qui concerne les actifs de la défense , des travaux de fiabilisation restent à effectuer : le recensement physique des stocks par les principaux services gestionnaires de biens n'est, au 31 décembre 2015, « ni exhaustif ni correctement retranscrit dans les comptes » et les taux de dépréciation appliqués à des éléments de stock pourtant identiques varient selon le système d'information logistique considéré.

Enfin, le traitement comptable des immobilisations financières fait également l'objet de critiques. Une part importante des entités contrôlées par l'État produit des comptes insuffisamment fiables. À titre d'exemple, la Cour des comptes indique que les commissaires aux comptes de SNCF Réseau affirment ne pas être en mesure de se prononcer sur la valeur des actifs de l'activité « Infrastructure », qui s'élève à 33 milliards d'euros.

2. Les lacunes du système d'information financière et comptable de l'État et de ses dispositifs de contrôle et d'audit interne

Les retraitements dans Chorus

L'enregistrement des recettes et des dépenses de Chorus fait l'objet de processus standardisés qui ne sont pas toujours respectés lors des enregistrements comptables (cf. supra ). Afin de s'assurer de la cohérence des résultats obtenus, des saisies manuelles sont effectuées et des retraitements sont nécessaires.

Les réserves relatives aux systèmes d'information de l'État sont reconduites. Ainsi, la Cour des comptes regrette le maintien d'un fort risque d'erreur au niveau de Chorus en raison de l'importance des saisies manuelles , de la nécessité des retraitements et de l'insuffisance des contrôles automatiques et manuels.

D'autres applications présentent des « limites fonctionnelles importantes ». Il s'agit des applications Cep et Catloc dédiées aux dépôts des correspondants du Trésor, Hélios pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux et Médoc pour le recouvrement des impôts professionnels.

Enfin, les processus d'audit et de contrôle internes de l'État font encore l'objet de réserves substantielles . Ces processus restent insuffisamment décrits et documentés. Surtout, la gestion des risques actuelle, par les ministères, ne leur permet pas de disposer d'une vision assez exhaustive pour prioriser leurs actions.

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