Rapport n° 759 (2015-2016) de M. Albéric de MONTGOLFIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 6 juillet 2016

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N° 759

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juillet 2016

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , de règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2015 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,
Rapporteur général,
Sénateur.

Tome I : Exposé général et examen des articles

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

3781 , 3895 et T.A. 785

Sénat :

756 (2015-2016)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

PREMIÈRE PARTIE - L'EXERCICE 2015 ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER

L'année 2015 a été marquée par un frémissement de la croissance économique , alors qu'elle demeurait atone depuis 2012. Essentiellement porté par la consommation des ménages, le produit intérieur brut (PIB) a progressé de 1,3 %, contribuant à la légère amélioration du déficit public observée l'an passé. Toutefois, l'inflation a stagné en 2015, produisant des effets ambigus sur la consolidation des finances publiques .

I. UN FRÉMISSEMENT DE LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE, MAIS UNE INFLATION TOUJOURS ATONE

Au cours de l'année 2015, le PIB a crû de 1,3 % , après avoir modérément augmenté, de 0,6 %, en 2013 et 2014. Cette évolution positive de l'activité a été favorisée par des facteurs extérieurs favorables, dont la baisse des prix du pétrole, celle des taux d'intérêt et l'amélioration du contexte économique européen. Du fait, notamment, du recul des prix de l'énergie, l'indice des prix à la consommation (IPC) a stagné l'an passé , après avoir augmenté de seulement 0,5 % en 2014, faisant apparaître une poursuite du ralentissement de l'inflation engagé en 2013.

A. UN CONTEXTE FAVORABLE À LA REPRISE ÉCONOMIQUE

1. Une croissance du PIB de 1,3 % en 2015...

Après une nette décélération de la croissance trimestrielle au début de l'année 2015 , en lien avec le déstockage des matériels de transport et des produits pétroliers, celle-ci s'est redressée au cours des troisième et quatrième trimestres . S'étant élevée à 0,4 % lors de chacun de ces trimestres, la croissance du PIB a été soutenue par la consommation des ménages qui a augmenté de 1,3 % en valeur sur l'ensemble de l'année 2015, expliquant plus de 60 % de la croissance constatée.

De même, l'investissement, qui a marqué une accélération au cours du dernier trimestre 2015, a légèrement contribué à la hausse du PIB l'année passée . Sur la totalité de l'exercice, celui-ci a progressé de 0,8 %. Il convient néanmoins de relever que cette évolution est imputable aux seules entreprises, dont l'investissement a augmenté de 2,6 % ; en effet, celui des ménages, correspondant aux dépenses d'achat et d'entretien de logement, de même que celui des administrations publiques ont, quant à eux, baissé de respectivement 0,6 et 5,1 % - les dépenses de formation brute de capital fixe (FBCF) des collectivités territoriales ayant, en particulier, diminué de 10 % (cf. infra ).

Graphique n° 1 : Évolution trimestrielle du PIB en 2015 et ses composantes

(variation trimestrielle en %, contributions en points)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

L'activité a également bénéficié de l'accroissement des stocks des entreprises , en particulier lors des deux derniers trimestres de l'année. La hausse des stocks concernerait essentiellement les matériels de transport, en raison, notamment, de l'accélération de la production du secteur aéronautique, et les produits pétroliers raffinés. Sur l'ensemble de la période, les stocks contribueraient positivement à la croissance du PIB à hauteur de 0,1 point .

Graphique n° 2 : Évolution du PIB en volume et ses composantes

(variation en %, contributions en points)

Source : commission des finances du Sénat (données de l'Insee)

Enfin, le commerce extérieur a, de nouveau, pesé sur la croissance du PIB . En effet, les importations ont progressé de 6,6 % en 2015, soit plus rapidement que les exportations, qui ont crû de 6,1 %. Pour autant, le solde des échanges extérieurs s'est amélioré de 12,5 milliards d'euros, « à la faveur du repli des prix des hydrocarbures » 1 ( * ) .

Au total, comme en 2014, la croissance du PIB a été principalement portée en 2015 par la consommation, en particulier des ménages , et dans une moindre mesure par l'investissement des entreprises. L'évolution de ces agrégats doit être mise en regard avec l'amélioration du contexte économique.

La révision de l'estimation du PIB au titre de l'année 2014

La publication des comptes de la Nation de l'année 2015 s'est accompagnée d'une actualisation des comptes pour les exercices 2013 et 2014. Ainsi, l'estimation de la croissance du PIB en volume pour 2013 a été abaissée de 0,1 point, à + 0,6 %, alors que celle pour 2014 a été rehaussée de 0,5 point - soit de 9,7 milliards d'euros -, à + 0,6 % .

Cette révision, qui intervient chaque année pour les comptes des deux exercices précédents, permet d'« affiner » la mesure de l'activité économique du fait de la remontée de données statistiques plus précises. Toutefois, la correction opérée au titre de l'année 2014 se singularise par son ampleur - les corrections étant de +/- 0,2 point en moyenne -, ce qui semble appeler quelques éléments explicatifs. Selon la note méthodologique publiée par l'Insee 2 ( * ) , celle-ci tient à « la révision de la valeur ajoutée des entreprises non financières, suite à la prise en compte de la donnée structurelle d'entreprise non disponible au compte provisoire, mais aussi à la modification de la méthode de calcul de la production d'assurance-vie ».

L'établissement d'un compte semi-définitif - soit, en 2015, celui relatif à l'année 2014 - repose, pour les entreprises non financières, sur la statistique d'entreprise Ésane qui permet une analyse plus fine au niveau sectoriel. Ceci a notamment conduit à augmenter l'estimation de la contribution des stocks des entreprises à la hausse du PIB à hauteur de 0,3 point . Celle de l'investissement a également été élevée de 0,2 point, du fait de la réévaluation à la hausse de la formation brute de capital fixe (FBCF) des ménages, des entreprises financières et des administrations publiques . En particulier, « l'évolution de la FBCF des entreprises financières [a été] révisée en forte hausse [...] suite à la prise en compte des informations de l'autorité des marchés financiers ». L'estimation de la contribution de la consommation des administrations publiques, elle, a été abaissée de 0,1 point .

2. ...favorisée par le recul de la facture énergétique...

En effet, la demande globale a fortement profité du recul des prix du pétrole . Après un rebond entre février et mai 2015, le prix du baril de Brent a engagé un nouveau recul à compter du mois de juin pour atteindre 34,6 euros en décembre, correspondant à une baisse de 16,8 % par rapport à son niveau de janvier et de 40,2 % relativement au point haut de l'année, atteint en mai.

Graphique n° 3 : Évolution du prix du baril de pétrole (Brent) en 2015

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat (données de l'Insee)

Dans ce contexte, selon les données publiées par les Douanes, la facture des produits pétroliers importés s'est élevée à 31,7 milliards d'euros en 2015, en baisse de près de 13 milliards d'euros par rapport à 2014 , soit de 29,4 %. La facture énergétique 3 ( * ) totale, qui tient également compte de la diminution du prix du gaz naturel et du charbon, a reculé, quant à elle, de 15 milliards d'euros pour s'établir à 39,8 milliards d'euros 4 ( * ) . Aussi, à court et moyen termes, cette diminution des prix de l'énergie vient accroître le pouvoir d'achat des ménages et réduire les coûts de production des entreprises . Ces évolutions ont contribué, en 2015, au dynamisme de la consommation des ménages ainsi qu'à l'investissement des entreprises, celles-ci voyant leur taux de marge accru.

À cet égard, selon la dernière Note de conjoncture de l'Insee, publiée en juin dernier, « entre 2013 et 2015, le taux de marge des sociétés non financières a augmenté de 1,5 point (de 29,9 % à 31,4 %), dont 0,6 point du fait de la variation des termes de l'échange, c'est-à-dire de l'écart entre prix de valeur ajoutée et prix de consommation finale, et dont la baisse du prix du pétrole constitue l'un des principaux facteurs » 5 ( * ) . L'institut de statistiques estime que l'allègement de la facture énergétique aurait été à l'origine d'un surcroît de croissance de l'ordre de 0,3 point en 2015 pour l'économie française .

3. ...la politique monétaire de la Banque centrale européenne...

La demande globale a également bénéficié de la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne (BCE) - l'année écoulée ayant, notamment, été marquée par le déploiement du programme étendu d'achats d'actifs 6 ( * ) , consistant en des rachats mensuels cumulés de titres des secteurs public et privé à hauteur de 60 milliards d'euros -, qui a favorisé une forte diminution des taux d'intérêt, une accélération du crédit ainsi qu'une baisse du taux de change de l'euro. La baisse des taux directeurs opérée par la banque centrale ajoutée aux mesures non conventionnelles mises en oeuvre auraient apporté un surplus de croissance de l'ordre de 0,4 point en France, à en croire les estimations avancées par l'Insee, « dont 0,2 point attribuable à la baisse des taux d'intérêt et 0,2 point à la dépréciation de l'euro » 7 ( * ) .

4. ...et le rebond de l'activité économique en Europe

Enfin, l'économie française s'est inscrite dans un contexte porteur, marqué par l'accélération de l'activité en Europe . Ainsi, selon les données de l'institut de statistiques européen Eurostat, la croissance du PIB s'est élevée à 2 % dans l'Union européenne en 2015 et à 1,7 % dans la zone euro . Des pays comme l'Irlande ou encore l'Espagne ont même vu leur production progresser de respectivement 7,8 % et 3,2 %. Par ailleurs, le Royaume-Uni a affiché une croissance de 2,3 %, alors que celle-ci s'élevait à 2,5 % aux États-Unis. À l'inverse, les économies émergentes, en particulier celles appartenant aux « BRICS » à l'exception de l'Inde, ont montré des signes de ralentissement au cours de l'année 2015 , notamment en raison de la baisse du prix des matières premières 8 ( * ) .

5. Un « choc fiscal » qui a continué à peser sur la croissance

La croissance du PIB en France demeure donc en recul de celle observée dans les autres pays , notamment européens. Ce moindre dynamisme trouverait son explication dans des facteurs internes, qui ont joué négativement sur l'activité au cours de l'année 2015. Jusqu'à présent, la faible performance française était attribuée, à titre principal, au recul de l'investissement en construction 9 ( * ) . À cet égard, une étude publiée par la société Euler Hermes en octobre dernier estimait que le secteur de la construction connaîtrait de nouveau un recul de son activité de 1,6 % en 2015 , soit une baisse cumulée de 20,4 % depuis 2008 10 ( * ) . Cette évolution serait essentiellement imputable au recul des dépenses de construction résidentielle (- 2 milliards d'euros) et des dépenses de travaux (- 1,7 milliard d'euros) , non sans lien avec les conséquences induites par la réduction des dotations de l'État sur les dépenses locales de formation brute de capital fixe (FBCF) (cf. infra ).

Pour autant, le contrecoup du « choc fiscal » opéré ces dernières années semble avoir davantage pesé sur la croissance du PIB au cours de l'exercice écoulé . Comme l'a rappelé l'Insee, « les hausses d'impôts ont un effet moins récessif à court terme, car les ménages comme les entreprises lissent les fluctuations de leur revenu sur les dépenses, mais cet effet se diffuse dans le temps » 11 ( * ) ; aussi les hausses passées des prélèvements sont-elles venues minorer de 0,7 point la croissance en 2015 . Cet effet baissier n'a pu être intégralement compensé par le déploiement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité, qui ont été à l'origine d'un surplus de croissance de 0,4 point. Comme cela est mis en évidence infra , la baisse des prélèvements obligatoires intervenue en 2015 n'a aucunement profité aux ménages pris dans leur ensemble .

6. Une politique économique dont les effets se font attendre

Par ailleurs, force est de constater que la politique économique du Gouvernement tarde à produire des effets . Certes, les mesures prises pour réduire le coût du travail et renforcer la compétitivité des entreprises - dont le déploiement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité - ont eu des incidences positives sur l'activité (cf. supra ). Toutefois, comme l'ont souligné les services de la Commission européenne dans le cadre de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomique (PDM), « les mesures prises par les autorités pour réduire le coût du travail et stimuler la compétitivité ne devraient pas permettre de renforcer immédiatement la confiance des entreprises » 12 ( * ) , ne laissant entrevoir une véritable reprise de l'investissement de ces dernières qu'à partir de 2017. En particulier, le taux de marge des entreprises s'élevait à 31,4 % à la fin de l'année 2015 , en nette amélioration par rapport à 2014, où il était de 29,7 %, mais toujours inférieur à la moyenne observée avant la crise économique, soit 32,7 % entre 2000 et 2007. En outre, les services de la Commission ont relevé l'insuffisance des investissements en faveur de l'innovation , indiquant qu'« en dépit d'un soutien gouvernemental important, la capacité d'innovation du pays se situe au niveau moyen, la R&D dans le secteur privé demeure relativement faible par rapport à la situation observée dans les pays européens à la pointe de l'innovation » 13 ( * ) . Ainsi, en 2014, les dépenses de recherche et développement (R&D) ont représenté 2,3 % du PIB , contre 2,8 % en Allemagne et plus de 3 % en Autriche et dans les pays nordiques.

Aussi, selon les services de la Commission, la compétitivité française reste une « source d'inquiétude », d'autant que « la récente modération salariale, dans un contexte de faible inflation et de chômage élevé, demeure insuffisante pour permettre au pays de renouer avec la compétitivité compte tenu du ralentissement de la croissance de la productivité » ; pour cette raison, et dans la mesure où la réduction des charges pesant sur le travail engagée par le Gouvernement ne saurait être sans fin, votre rapporteur général avait souligné la nécessité d'identifier de nouveaux leviers permettant de préserver la compétitivité des entreprises françaises et avait envisagé, à ce titre, une évolution de la durée du travail 14 ( * ) .

Quoi qu'il en soit, dans ce contexte d'amélioration modérée de la compétitivité de l'économie française, les services de la Commission européenne ont insisté sur le fait que « l'amélioration récente des performances du pays à l'exportation ne tradui[sait] pas une amélioration structurelle mais s'expliqu[ait] principalement par la dépréciation de l'euro » 15 ( * ) . Compte tenu de l'importance de la dette publique, du net ralentissement de la hausse de la productivité et du caractère dégradé de la compétitivité, la Commission a estimé, en avril 2016, que la France présentait des déséquilibres macroéconomiques excessifs , à l'instar de la Croatie, du Portugal, de la Bulgarie et de l'Italie.

B. UNE INFLATION QUI TARDE À REVENIR

En 2015, l'indice des prix à la consommation hors tabac (IPCHT) n'a pas progressé . Cette stagnation s'explique essentiellement par la baisse des prix de l'énergie, les prix des produits pétroliers, en particulier, ayant contribué négativement à l'évolution de l'inflation à hauteur de 0,5 point. Par ailleurs, il apparaît qu'en décembre 2015, l'inflation sous-jacente, soit hors énergie et autres composantes volatiles, avait augmenté de 0,8 % sur un an 16 ( * ) .

Graphique n° 4 : Contribution des prix des produits pétroliers à l'inflation

(évolution annuelle en %)

Source : direction générale du Trésor (avril 2016)

Plus prononcée que ce qui avait été anticipé, l'atonie des prix à la consommation a eu un effet favorable sur le pouvoir d'achat des ménages mais des incidences ambiguës sur les finances publiques, comme cela est mis en évidence infra dans le présent rapport.

C. DES PRÉVISIONS GOUVERNEMENTALES PRUDENTES

Le rapport économique, social et financier (RESF), présentant les hypothèses macroéconomiques sous-jacentes au projet de loi de finances pour 2015, faisait état d' une prévision de progression du PIB de 1 % et des prix à la consommation de 0,9 % . Si l'anticipation d'inflation était jugée « plausible » par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) dans son avis associé au projet de loi de finances précité 17 ( * ) , celle de croissance était considérée comme « optimiste ». À cet égard, il faut relever que cette dernière était supérieure aux anticipations des organisations internationales et du Consensus Forecasts publiées au moment de l'examen du projet de loi de finances (cf. tableau ci-après).

Tableau n° 5 : Prévisions d'évolution du PIB et des prix à la consommation pour 2015
lors de l'examen du projet de loi de finances initiale

(évolution en %)

Commission européenne (1)

PIB

0,7

Prix à la consommation

0,7

FMI (2)

PIB

1,0

Prix à la consommation

0,9

OCDE (3)

PIB

0,9

Prix à la consommation

Consensus Forecasts (4)

PIB

0,8

Prix à la consommation

1,0

(1) Commission européenne, « European Economic Forecast. Autumn 2014 », European Economy 7/2014 , novembre 2014.

(2) Fonds monétaire international, World Economic Outlook. Legacies, Clouds, Uncertainties , octobre 2014.

(3) OCDE, Advance G-20 Release: OECD Economic Outlook , 6 novembre 2014.

(4) Consensus Forecasts , octobre 2014.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Néanmoins, compte tenu des évolutions de la conjoncture, le Haut Conseil avait été amené, à l'automne 2015, à estimer que l'hypothèse d'une hausse du PIB de 1 % « devrait se réaliser » 18 ( * ) . Ainsi, si la prévision de croissance gouvernementale s'est révélée, in fine , prudente, celle d'inflation s'est avérée supérieure au réalisé .

II. UNE AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES COMPTES PUBLICS LIÉE À DES FACTEURS EXTÉRIEURS FAVORABLES

L'exercice 2015 a été marqué par un léger recul du déficit public, celui-ci s'étant élevé à 3,6 % du PIB, contre 4 % en 2014 . Cette baisse du déficit effectif de 0,4 point résulterait, selon le Gouvernement, exclusivement de l'amélioration du solde structurel, qui est passé de 2,3 % à 1,9 % du PIB entre 2014 et 2015. Toutefois, ces bons résultats doivent être relativisés dans la mesure où ils sont en grande partie liés à des facteurs favorables , dont une baisse significative de la charge de la dette liée à la diminution des taux d'intérêt, alors que la « maîtrise de la dépense publique » avancée dans le cadre du discours gouvernemental semble toute relative .

A. LE RESPECT D'UNE TRAJECTOIRE DE DÉFICIT CONCILIANTE

Compte tenu de la situation actuelle des finances publiques, la réduction du déficit public de 0,4 point de PIB paraît somme toute limitée . D'ailleurs, le recul du déficit public français est inférieur à celui constaté en moyenne dans la zone euro, soit 0,5 point de PIB, alors que la France fait partie des quatre derniers pays dont le déficit excède 3 % du PIB, avec la Grèce, l'Espagne et le Portugal.

Graphique n° 6 : Le solde public dans la zone euro en 2014 et 2015

(en % du PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données d'Eurostat et de l'Insee)

En outre, comme le fait apparaître le graphique ci-après, la France affiche également l'un des soldes structurels les plus dégradés de la zone euro en 2015 . À titre indicatif, le solde structurel moyen dans la zone euro s'élevait à - 1 % du PIB au cours de l'exercice écoulé.

Pour autant, le Gouvernement parvient à respecter les objectifs arrêtés dans le cadre de la dernière loi de programmation des finances publiques, concernant les années 2014 à 2019. Seulement, il y a lieu de constater que le « calibrage » initial de cette loi de programmation rend le respect de la trajectoire de solde effectif relativement aisé . Il n'en va toutefois pas de même avec les objectifs d'ajustement structurels arrêtés par le Conseil de l'Union européenne ou encore ceux fixés par le Gouvernement dans les derniers programmes de stabilité.

Graphique n° 7 : Le solde structurel dans la zone euro en 2014 et 2015

(en % du PIB potentiel)

Note de lecture : les estimations du solde structurel figurant sur ce graphique sont celles publiées par la Commission européenne afin d'assurer la comparabilité des données. Ceci explique, notamment, que le solde structurel de la France s'écarte de l'estimation retenue par le Gouvernement, ce dernier retenant des hypothèses différentes de la Commission pour calculer le solde structurel.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de la Commission européenne)

1. Un déficit public de 3,6 % du PIB, en recul de 0,4 point

Selon les données transmises par le Gouvernement, le recul du déficit public, de 0,4 point de PIB en 2015, serait imputable à un effort structurel de 0,4 point également . Celui-ci serait lié à un effort en dépenses de 0,5 point de PIB , résultant de ce que les dépenses publiques aient évolué moins rapidement que la croissance potentielle. À l'inverse, les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires ont minoré l'effort structurel à hauteur de 0,1 point de PIB , du fait notamment du déploiement du Pacte de responsabilité et de solidarité et du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui l'a emporté sur les mesures d'augmentation portant sur la TICPE, les cotisations retraites, ou encore la contribution au service public de l'électricité (CSPE).

De même, la montée en charge du CICE a « pesé », pour 0,1 point de PIB sur l'amélioration du déficit public au titre de la contribution « clef en crédit d'impôt ». S'agissant des mesures ponctuelles et temporaires - ou one-offs -, celles-ci ont aussi contribué à dégrader le solde public de 0,1 point de PIB ; il s'agit notamment, selon l'exposé des motifs de l'article liminaire du présent projet de loi, des effets de l'enregistrement du budget rectificatif n° 6 pour 2014 de l'Union européenne , pour 0,3 milliard d'euros.

Enfin, le solde conjoncturel s'est amélioré de 0,1 point de PIB , la croissance effective ayant été supérieure à la croissance potentielle, estimée à 1,1 % en 2015, permettant une réduction de l'écart de production, soit l'écart entre le PIB réel et son niveau potentiel.

Tableau n° 8 : Facteurs d'évolution des déficits nominal et structurel en 2015

(en % du PIB)

Solde structurel

Solde nominal

Exécution 2014

- 2,3

- 4,0

Effort structurel (composante discrétionnaire)

0,4

0,4

dont mesures nouvelles en prélèvements obligatoires

- 0,1

- 0,1

dont efforts en dépenses

0,5

0,5

Effets élasticités des recettes

0,0

0,0

Clef en crédit d'impôt

- 0,1

- 0,1

Variation du solde conjoncturel

-

0,1

Variations des mesures temporaires et ponctuelles

-

- 0,1

Exécution 2015

- 1,9

- 3,6

Source : exposé général des motifs du projet de loi de règlement

Au total, le déficit public a été, en 2015, inférieur de 0,6 point à la prévision retenue par la loi de programmation pour les années 2014 à 2019 et la loi de finances pour 2015 , comme le fait apparaître le tableau de l'article liminaire du présent projet de loi (cf. infra ).

Néanmoins, il convient de rappeler que lors de l'adoption des deux lois précitées, le solde effectif pour l'exercice 2014 était substantiellement surestimé , de 0,4 point de PIB. Aussi, en l'absence d'une telle surévaluation, compte tenu du recul du déficit public constaté à 2015, ce dernier n'aurait été moins élevé que de 0,1 point de PIB à la cible apparaissant dans la loi de programmation et dans le projet de loi - et non de 0,6 point -, venant relativiser la performance affichée par le Gouvernement.

2. Un respect relatif de la trajectoire de solde structurel

L'objectif de déficit structurel a, lui aussi, été respecté. Ainsi, celui-ci s'est élevé à 1,9 % de PIB, en recul de 0,4 point par rapport à 2014 , contre une cible de 2,1 % arrêtée par la loi de finances pour 2015 et la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Tableau n° 9 : Tableau de synthèse de l'article liminaire du projet de loi de règlement

(en points de PIB)

(a)

(b)

(c)=(a)-(b)

Exécution 2015

Soldes prévus par le PLF 2015 et la LPFP 2014-2019

Écarts aux soldes prévus par la LPFP 2014-2019

Solde structurel (1)

- 1,9

- 2,1

+ 0,2

Solde conjoncturel (2)

- 1,6

- 2,0

+ 0,4

Mesures ponctuelles et temporaires (3)

0,0

- 0,1

+ 0,1

Solde effectif (1)+(2)+(3)

- 3,6

- 4,1

+ 0,6

Source : article liminaire du projet de loi de règlement

L'ajustement structurel, de 0,4 point de PIB, a donc été conforme à la prévision de la loi de programmation . Le solde structurel s'est révélé, en 2014, inférieur de 0,1 point de PIB à la prévision, contribuant à ce que le déficit structurel affiche une trajectoire d'amélioration plus rapide que celle posée par la loi de programmation des finances publiques.

Graphique n° 10 : Comparaison entre la trajectoire de solde et d'ajustement structurels de la LPFP 2014-2019 et l'exécution

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

Toutefois, il convient d'éviter toute confusion concernant l'usage du terme « structurel ». Une amélioration du solde structurel ne signifie pas que celle-ci résulte de réformes structurelles ou encore qu'elle a été permise par une décélération structurelle de la dépense publique . En effet, comme le rappellent les éléments méthodologiques figurant dans le dernier programme de stabilité, « l'effort en dépense se mesure relativement à la croissance potentielle : il y a effort en dépense si les dépenses structurelles en volume (déflatées par le prix du PIB) augmentent moins vite que la croissance potentielle » 19 ( * ) . Or, selon la direction générale du Trésor, « concernant les dépenses publiques, seules les dépenses d'indemnisation du chômage sont supposées dépendre de la conjoncture » 20 ( * ) . Ceci signifie qu'une baisse de la charge de la dette ou des investissements contribue tout autant à l'effort en dépenses que les fruits d'une rationalisation de la dépense publique ; à cet égard, il apparaît que la « maîtrise de la dépense publique » avancée par le Gouvernement au titre de l'exercice 2015 est davantage imputable à des reculs ponctuels de certaines charges qu'à des mesures susceptibles de ralentir durablement la dépense publique, comme s'attache à le mettre en évidence le présent rapport infra .

Quoi qu'il en soit, le solde structurel observé en 2015 est plus dégradé que les cibles fixées par les programmes de stabilité transmis aux mois d'avril 2015 et 2016 aux institutions européennes , traduisant les engagements européens de la France, notamment au regard des cibles arrêtées par le Conseil de l'Union européenne dans sa recommandation du 10 mars 2015 tendant à reporter le délai de correction du déficit excessif de notre pays.

Graphique n° 11 : Comparaison entre la trajectoire de solde et d'ajustement structurels des programmes de stabilité 2015 et 2016 et l'exécution

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents cités)

L'écart de 0,3 point de PIB entre le solde structurel de l'année 2015 et l'objectif figurant dans le programme de stabilité d'avril 2016 s'explique par la révision de la croissance du PIB pour 2014 et 2015 par l'Insee (cf. supra ), qui a fait apparaître une progression de l'activité plus importante que ce que montraient les mesures précédentes . Dans ces conditions, la part conjoncturelle du déficit a été revue à la baisse, alors que sa composante structurelle était corrigée à la hausse.

Pour autant, il y a lieu de constater les abaissements successifs des objectifs d'effort structurel opérés par le Gouvernement . Or, la notion d'effort structurel permet de mieux approcher la composante discrétionnaire des finances publiques, donc les efforts budgétaires véritablement consentis par le Gouvernement, que l'ajustement structurel (cf. encadré ci-après).

Ainsi que l'a mis en évidence le Haut Conseil des finances publiques dans son avis relatif au présent projet de loi 21 ( * ) , l'effort structurel constaté en 2015 a été en deçà des cibles figurant dans la loi de programmation des finances publiques et dans les programmes de stabilité susmentionnés . L'écart constaté serait lié à des mesures plus importantes de réduction des prélèvements obligatoires et à un effort en dépense atténué du fait d'une inflation plus faible que prévu, à en croire le Haut Conseil.

Graphique n° 12 : Effort structurel en 2015 de la loi de programmation, des programmes de stabilité et du projet de loi de règlement pour 2015

(en points de PIB)

Source : Haut Conseil des finances publiques (mai 2016)

Ajustement structurel et effort structurel

L' ajustement structurel se définit comme la variation du solde structurel, qui correspond au solde public effectif corrigé du cycle économique, soit de la conjoncture, de même que des mesures exceptionnelles et temporaires. Dès lors, l'ajustement structurel renvoie à la variation du solde public dont ont été retranchés les effets de la conjoncture économique. Malgré cela, celui-ci ne constitue qu'une mesure imparfaite pour qualifier l'orientation discrétionnaire de la politique budgétaire . En effet, par construction, le solde structurel est conçu comme un résidu entre le solde effectif et sa part conjoncturelle, de sorte que tous les éléments qui ne figurent pas explicitement dans le solde conjoncturel sont considérés comme étant de nature structurelle ; en particulier, le solde structurel ne permet pas d'exclure les incidences de l'évolution de l'élasticité des prélèvements obligatoires , pourtant sensible aux évolutions conjoncturelles et qui échappe au contrôle du Gouvernement.

Aussi, afin de mieux approcher la composante discrétionnaire des finances publiques - et donc l'action budgétaire du Gouvernement -, a été développée la notion d'effort structurel , qui a été proposée pour la première fois dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2004 22 ( * ) .

L'effort structurel peut se décomposer en deux facteurs : l' effort structurel en dépenses , qui correspond à l'écart entre la progression de la dépense publique et la croissance potentielle, et l' effort structurel en recettes , soit les mesures nouvelles portant sur les prélèvements obligatoires perçus par l'ensemble des administrations publiques 23 ( * ) . Ainsi, le calcul de l'effort structurel permet un traitement amélioré des recettes dans la mesure de la composante discrétionnaire du solde public, dès lors qu'il permet d'exclure les incidences de l'évolution des élasticités. Toutefois, il ne permet pas d'isoler les évolutions des dépenses publiques qui ne sont pas maîtrisées par le Gouvernement , à l'instar des charges de la dette, pouvant momentanément venir accroître l'effort structurel en dépenses.

En outre, l'entrée en vigueur du nouveau système européen des comptes nationaux, dit « SEC 2010 », a modifié le traitement des crédits d'impôts « restituables » 24 ( * ) , soit ceux correspondant à une créance et pouvant donner lieu à un versement de la part du Trésor public en cas de dépassement de l'impôt dû, qui sont désormais comptabilisés comme des dépenses publiques - alors qu'ils l'étaient auparavant en tant que moindres recettes. Par conséquent, afin de maintenir inchangée la notion d'effort structurel, l'effort en dépenses est calculé hors crédits d'impôts . Toutefois, parce que la montée en charge des crédits d'impôts « pèse » sur l'ajustement structurel, un terme supplémentaire a été ajouté dans la décomposition de ce dernier : il s'agit de la « clef en crédits d'impôts ».

Enfin, il faut relever que l'ajustement structurel opéré en 2015 a été inférieur à l'objectif fixé par le Conseil de l'Union européenne dans sa recommandation précitée de mars 2015 . Si la cible de déficit effectif est respectée sans peine, notamment parce que le déficit inhérent à l'exercice 2014 était surestimé lors de l'adoption de la recommandation (cf. supra ), il en va différemment de l'ajustement structurel réalisé, de 0,1 point de PIB en deçà de l'objectif.

Tableau n° 13 : La recommandation du Conseil de l'Union européenne
du 10 mars 2015

(en % du PIB)

2015

2016

2017

Objectifs de solde public effectif

4,0

3,4

2,8

Objectifs d'amélioration du solde structurel

0,5

0,8

0,9

Source : commission des finances du Sénat (d'après la recommandation du Conseil de l'Union européenne du 10 mars 2015 visant à ce qu'il soit mis fin à la situation de déficit public excessif en France)

En conclusion, ainsi que l'a relevé le Haut Conseil des finances publiques dans son avis du mois de mai, le « déficit structurel en 2015 (1,9 point de PIB) est inférieur de 0,2 point de PIB à l'objectif retenu dans la loi de programmation (2,1 points de PIB) » ; aussi, aucune mesure de correction n'est requise en application de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques 25 ( * ) . Malgré tout, la période récente a été marquée par un ralentissement des efforts structurels consentis, alors même que ces derniers reposent essentiellement sur le recul de la charge de la dette et de l'investissement local, notamment. En conséquence, des efforts plus importants devront être réalisés à l'avenir pour atteindre l'équilibre structurel à moyen terme.

3. Les évolutions de déficit selon les catégories d'administrations

En 2015, à l'exception des organismes divers d'administration centrale (ODAC), l'ensemble des sous-secteurs des administrations ont vu leur déficit reculer en montant . Ainsi, la baisse de 7,3 milliards d'euros du déficit public en 2015, qui a atteint 77,5 milliards d'euros, a été permise par une amélioration de 3,9 milliards d'euros du solde de l'État, de 5,3 milliards d'euros de celui des administrations publiques locales (APUL) et de 2,1 milliards d'euros de celui des administrations de sécurité sociale (ASSO) ; les ODAC, quant à eux, ont vu leur déficit se dégrader de 4 milliards d'euros.

Tableau n° 14 : Capacité ou besoin de financement des administrations publiques

(en milliards d'euros, sauf mention contraire)

2012

2013

2014

2015

en Md€

en % du PIB

État

- 81,6

- 69,6

- 75,3

- 71,3

- 3,3

ODAC

- 2,6

1,4

2,9

- 1,1

- 0,1

APUL

- 3,5

- 8,3

- 4,6

0,7

0,0

ASSO

- 12,7

- 8,8

- 7,9

- 5,8

- 0,3

Ensemble des APU

- 100,4

- 85,4

- 84,8

- 77,5

- 3,6

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

a) Un déficit des administrations publiques centrales stable

Si le déficit de l'État s'est réduit de 3,9 milliards d'euros en 2015, celui des ODAC s'est aggravé de 4 milliards d'euros ; aussi le besoin de financement des administrations publiques centrales (APUC) prises dans leur globalité reste-t-il stable entre 2014 et 2015, à 72,4 milliards d'euros, soit près de 3,3 % du PIB. Selon l'Insee, les évolutions précitées « résultent notamment du contrecoup des dotations en capital, versés aux Odac en 2014, dans le cadre du second programme d'investissements d'avenir » 26 ( * ) .

Les dépenses des APUC ont marqué un ralentissement en 2015 , progressant de 1,1 %, contre + 1,7 % en 2014. Cette évolution a résulté de la forte augmentation des consommations intermédiaires (+ 5,0 %), sous l'effet des dépenses militaires, du léger accroissement des dépenses de personnel (+ 0,4 %), de même que de la hausse substantielle des subventions sur rémunérations (+ 7,5 milliards d'euros), en lien avec la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) (+ 6,7 milliards d'euros). Par ailleurs, les dépenses d'investissement ont rebondi (+ 6,0 %), du fait de la livraison de biens acquis dans le cadre de contrats de partenariat public-privé pour 1,4 milliard d'euros - en particulier du site « Balard » du ministère de la Défense.

À l'inverse, les transferts courants internes ont chuté de 4 milliards d'euros, à la suite de la baisse de 3,5 milliards d'euros de la dotation globale de fonctionnement (DGF) versée aux collectivités territoriales. De même, les dépenses de coopération internationale ont diminué de 0,2 milliard d'euros, compte tenu de l'absence de restitution à la Grèce en 2015 des revenus perçus sur des titres de dette grecs 27 ( * ) . Enfin, les transferts en capital versés ont reculé de 1,1 milliard d'euros, en raison de la hausse des dépenses de refus d'apurements communautaires, pour 0,8 milliard d'euros, de la baisse des remises de dettes, pour 1,1 milliard d'euros, et du contrecoup du versement de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France à la société Écomouv, de 0,8 milliard d'euros en 2014, dans le cadre de la rupture du partenariat public-privé relatif à la taxe poids lourds.

S'agissant des recettes des APUC, celles-ci se sont révélées très dynamiques, progressant de 2,7 % en 2015 , après + 0,6 % en 2014. Selon l'Insee les « impôts sur la production et les importations [ont] augment[é] de 5,0 % (+ 8,8 milliards d'euros) en raison de la croissance des emplois taxables de TVA et d'une moindre affectation de TVA aux organismes de sécurité sociale (pour un total de 4,5 milliards d'euros) » 28 ( * ) . Les autres impôts sur les produits ont également progressé en raison de l'accroissement des recettes de contribution au service public de l'électricité (CSPE), de 1,3 milliard d'euros, et de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), d'un montant de 1,8 milliard d'euros au profit des APUC. Les impositions sur le revenu affectées à l'État ont, quant à elles, reculé de 1,1 milliard d'euros. En particulier, « l'impôt sur le revenu des personnes physiques [a été] affecté par la réforme du bas de barème, la diminution des recettes du prélèvement à la source non libératoire et de l'imposition des plus-values » 29 ( * ) ; ainsi, selon les données publiées par l'Insee le 16 juin dernier, les recettes d'impôt sur le revenu des personnes physiques ont marqué un ralentissement, progressant de 0,2 milliard d'euros en 2015, contre 1,4 milliard d'euros en 2014. Les autres impôts courants se sont repliés « de 0,3 milliard d'euros, du fait de la suppression progressive de la taxe sur le risque systémique des banques au profit d'une taxe destinée au financement du fonds de soutien aux collectivités ayant contracté des prêts et contrats financiers structurés à risque » 30 ( * ) . Pour ce qui est des impôts en capital, leur rendement a crû de 2 milliards d'euros « sous l'effet de l'action du service de traitement des déclarations rectificatives et de la réforme du régime des paiements fractionné des droits de succession » 31 ( * ) .

L'évolution des dépenses et des recettes de l'État fait l'objet d'une analyse plus approfondie dans la partie dédiée du présent rapport.

b) Une nette amélioration du solde des collectivités territoriales liée à la nouvelle baisse de l'investissement local

Le solde des administrations publiques locales (APUL) affiche une nette amélioration en 2015, de 5,3 milliards d'euros - ces dernières ayant alors présenté un excédent de 0,7 milliard d'euros. Toutefois, cette évolution est essentiellement imputable à une baisse de 4,6 milliards d'euros, soit de 10 % - après - 8,4 % en 2014 -, de l'investissement local. Eu égard à son ampleur, ce recul de l'investissement des collectivités ne saurait être expliqué par les seules élections municipales intervenues en 2014 ; en effet, une étude de l'Insee, basée sur l'examen de six cycles municipaux, avait montré que l'année suivant les élections, la contribution du cycle électoral à la formation brute de capital fixe (FBCF) des APUL était de - 2,8 points en moyenne 32 ( * ) . Aussi, de l'aveu même du secrétaire d'État chargé du budget, Christian Eckert, lors de son audition par la commission des finances, la baisse de l'investissement a été « indéniablement plus marquée que dans les cycles électoraux habituels » 33 ( * ) . Selon le ministre, les causes de cette baisse « ne résident pas uniquement dans la baisse des dotations » ; « les incertitudes liées à la réforme territoriale, au calendrier, au périmètre des nouvelles intercommunalités ont pu conduire à reporter certains projets ». Ainsi, l'existence d'un lien entre le recul de la FBCF des collectivités territoriales observé en 2015 et la réduction des dotations de l'État n'est plus écartée par le Gouvernement , d'autant que celle-ci est reconnue, en creux, par l'Insee dans sa publication relative aux comptes des administrations publiques en 2015 34 ( * ) . La diminution des dotations semble avoir une incidence sur les investissements locaux par deux biais. En effet, l'incertitude quant à l'évolution des ressources des collectivités à court et moyen termes paraît tout autant susciter un certain « attentisme » dans la mise en oeuvre des projets locaux que la baisse de ces ressources elle-même - ce que tend à monter la forte progression des dépôts des collectivités sur le compte du Trésor, de 5,1 milliards d'euros entre 2014 et 2015.

Au total, les dépenses des administrations publiques locales ont reculé de 1,3 % en 2015 . Outre les dépenses d'investissement, les consommations intermédiaires et la charge d'intérêts ont également baissé, de respectivement 1 % et 3 %, en lien notamment avec la stagnation de l'inflation et la diminution des taux d'intérêt. Les dépenses de personnels ont, quant à elles, ralenti (+ 2,1 % après + 3,7 % en 2014), tout comme les prestations sociales (+ 3 % après + 4,5 %).

Bien que le projet de loi de règlement ne comporte aucune indication sur ce point, il convient de rappeler que le programme de stabilité d'avril 2016 indiquait qu'en 2015, l'Objectif d'évolution de la dépense publique locale (Odedel) - qui a été institué par la dernière loi de programmation des finances publiques -, « fixé à 0,5 % pour l'ensemble des dépenses, et 2,0 % pour le fonctionnement, serait respecté pour la deuxième année consécutive » 35 ( * ) .

S'agissant des recettes, celles-ci ont progressé de 0,8 % en 2015 . L'exercice passé a, en effet, été marqué par une diminution du montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 3,5 milliards d'euros, après une baisse de 1,4 milliard d'euros en 2014. Toutefois, les prélèvements obligatoires revenant aux collectivités ont augmenté de 5,4 milliards d'euros. Selon l'Insee, « les hausses de taux votées par les collectivités sur les impôts directs locaux y [ont] particip[é] pour près d'un milliard et [se sont] ajout[ées] aux effets de la revalorisation et de l'élargissement des bases ». Lors de l'audition précitée, le secrétaire d'État chargé du budget a indiqué que l'augmentation des recettes de la taxe d'habitation, de la taxe foncière, ou encore de la contribution foncière des entreprises (CFE) s'expliquait pour moitié par la variation « naturelle » des bases, pour un quart par la revalorisation des bases et pour un quart par les hausses de taux intervenues l'année passée. Enfin, « le dynamisme des transactions immobilières en fin d'année, ainsi que la hausse de taux appliquée dans certains départements, a conduit à un accroissement de 1,5 milliard d'euros des recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) » 36 ( * ) .

Dans ce contexte, la capacité d'autofinancement (CAF) , soit la différence entre les produits et les charges de fonctionnement, des collectivités prises dans leur ensemble semble s'être améliorée . Selon les dires de Christian Eckert, celle-ci aurait progressé de 2,1 %. Toutefois, cette évolution ne doit pas conduire à occulter une réalité contrastée ; si la CAF des communes et des intercommunalités a augmenté, celles des régions et des départements ont reculé, de respectivement 2,7 % et 1,8 %.

c) Un nouveau recul du déficit des comptes sociaux

Le déficit des administrations de sécurité sociale (ASSO) s'est établi à 5,8 milliards d'euros en 2015 , après avoir atteint 7,9 milliards d'euros lors de l'exercice précédent, ce qui correspond à une amélioration de 2,1 milliards d'euros.

En effet, les dépenses des ASSO ont fortement décéléré l'année passée, augmentant de 0,7 % , après 2,3 % en 2014. Ceci est lié, tout d'abord, au transfert à l'État du financement d'une partie des allocations logement pour compenser les pertes de recettes liées au Pacte de responsabilité et de solidarité. Ensuite, dans un contexte d'inflation nulle, les prestations sociales ont continué de ralentir (+ 1,9 % en 2015, après + 2,2 %).

Les prestations familiales ont diminué , « sous l'effet principalement de la mise en oeuvre des mesures de politique familiale, dont la modulation des allocations familiales en fonction des revenus à partir du 1 er juillet 2015 » 37 ( * ) , alors que les prestations vieillesse ont également marqué le pas , « notamment sous l'effet du gel des pensions de base au 1 er octobre 2014 ». La progression des dépenses d'assurance maladie a, quant à elle, été « contenue (+ 2,0 %), avec une exécution conforme à l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) ». Dans son avis du 13 avril 2016, le Comité d'alerte sur l'Ondam a indiqué que les dépenses d'assurance maladie étaient « estimées à 181,8 Md€, soit un montant très proche (- 55 M€) de l'objectif 2015, revu par la loi de financement pour 2016 pour prendre en compte la réduction de 425 M€ décidée lors du programme de stabilité d'avril 2015 » ; à ce titre, il apparaît que le respect de l'Ondam a, en grande partie, résulté de la sous-exécution des versements de l'assurance maladie aux établissements de santé, à hauteur de 160 millions d'euros, en lien avec l'annulation, en fin d'exercice, de 200 millions d'euros de crédits.

À l'inverse, en 2015, les dépenses d'indemnisation chômage sont demeurées dynamiques , selon les premières estimations de l'Unédic 38 ( * ) , progressant de 2,1 % dans un contexte de hausse du nombre de chômeurs. La hausse attendue des recettes n'étant que de 1,7 %, le déficit de l'Unédic aurait continué à se dégrader pour atteindre 4,3 milliards d'euros.

Pour ce qui est des recettes des ASSO, celles-ci ont significativement ralenti, progressant de 1,1 % en 2015 après + 2,5 % , en raison de la mise en oeuvre du premier volet du Pacte de responsabilité et de solidarité, qui comprenait, d'une part, le renforcement des allègements généraux et la réduction du taux de cotisation famille pour les salaires inférieurs à 1,6 Smic et pour les travailleurs indépendants et, d'autre part, l'instauration d'un abattement sur la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). En outre, la hausse des cotisations a été pénalisée par une croissance modérée de la masse salariale, de 1,7 % en 2015.

B. UNE BAISSE DES PRÉLÈVEMENTS... QUI NE CONCERNE PAS LES MÉNAGES

Lors de son audition par la commission des finances le 15 juin dernier, le secrétaire d'État chargé du budget, Christian Eckert, a insisté sur le fait que « pour la première fois depuis 2000, le solde public s'[était] amélior[é], alors que les prélèvements obligatoires [avaient] diminu[é] ». En effet, au cours de l'exercice écoulé, le taux de prélèvements obligatoires s'est établi à 44,7 % du PIB, en recul de 0,1 point par rapport à 2014 . Selon l'Insee, cette diminution résulterait des mesures nouvelles entrées en application en 2015 : « il s'agit principalement des montées en charge du CICE et du Pacte de responsabilité et de solidarité, partiellement compensées par celle de la fiscalité écologique et par l'augmentation des cotisations d'assurance vieillesse, ainsi que par le rendement des mesures contre la fraude fiscale » 39 ( * ) .

Selon les données du programme de stabilité d'avril 2016, en 2015, les mesures nouvelles se sont élevées à - 1,8 milliard d'euros , grâce, notamment, au déploiement du CICE et du Pacte de responsabilité et de solidarité qui aurait permis une baisse des prélèvements de respectivement 5,3 milliards et 7,3 milliards d'euros. Inversement, une hausse des recettes publiques a résulté, au cours de l'année passée, de la réforme des retraites (0,6 milliard d'euros), de la revalorisation des taux de cotisation AGIRC-ARRCO (0,5 milliard d'euros), de l'augmentation des tarifs de la CSPE (1,1 milliard d'euros), de la création d'une composante carbone dans la TICPE (1,8 milliard d'euros), de même que de mesures comme la limitation de la déductibilité des charges financières (1,3 milliard d'euros), etc.

S'il y a lieu de se satisfaire d'un recul, même limité, du taux de prélèvements obligatoires, il est toutefois nécessaire de s'interroger sur les bénéficiaires de celui-ci. Or, il apparaît qu'il n'a aucunement profité aux ménages dont la charge fiscale a continué de progresser en 2015, passant de 16 % à 16,1 % du PIB (cf. graphique ci-après).

Graphique n° 15 : Évolution de la charge fiscale des ménages et des entreprises ainsi que du taux de prélèvements obligatoires (2005-2015)

(en % du PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

En effet, l'examen des données les plus récentes de l'Insee vient confirmer les analyses développées par votre rapporteur général lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016, tendant à montrer qu' un transfert de la charge fiscale avait été opéré vers les ménages au cours de la période 2011-2015 .

Ceci indique, d'une part, que les ménages ont continué à supporter l'essentiel des efforts de redressement des comptes publics et d'autre part, que la décélération de la pression fiscale ne leur a pas véritablement profité - la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu, dont l'incidence est estimée à - 2,8 milliards d'euros, n'ayant que très partiellement compensé les hausses de prélèvements intervenues depuis 2011, d'autant que les ménages ont également eu à supporter des augmentations de la fiscalité indirecte, comme celles de la CSPE ou encore de la TICPE.

Cette conclusion est confortée par le fort accroissement de la part dans les prélèvements obligatoires totaux des impositions directes acquittées par les ménages , qui a atteint 35,9 % en 2015 contre 35,7 % en 2014, alors que la part de la charge fiscale des entreprises dans les prélèvements obligatoires a reculé de 38,4 % à 38 % entre ces deux années . Ainsi, la tendance au transfert de la charge fiscale des entreprises vers les ménages s'est prolongée en 2015 - la différence entre la part dans les prélèvements de la charge fiscale des entreprises et celle des ménages étant passée de 2,7 points à 2 points entre 2014 et 2015 .

Graphique n° 16 : Part de la charge fiscale des ménages et des entreprises
dans les prélèvements obligatoires

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

Il n'est aucunement question, ici, de regretter la réduction des prélèvements sur les entreprises , celle-ci étant tout à fait indispensable dans un contexte de dégradation des taux de marges et de perte de compétitivité de ces dernières ; en effet, cette analyse montre avant tout les limites d'un ajustement budgétaire reposant essentiellement sur des hausses de la fiscalité - qui, dans un environnement concurrentiel, doit nécessairement porter à titre principal sur les ménages et les taxations indirectes. Aussi, à défaut d'avoir engagé une véritable baisse de la dépense publique, fondée sur des mesures pérennes, le Gouvernement n'a pas été en mesure d'alléger la charge fiscale des ménages au cours de l'année 2015 .

La mesure de la charge fiscale des ménages et des entreprises

La mesure de la charge fiscale des ménages utilisée a été établie à partir des données de l'Insee 40 ( * ) ; celle-ci comprend les impositions portant sur le revenu des ménages , comme l'impôt sur le revenu, la contribution sociale généralisée (CSG) ou encore la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), les autres impôts courants , soit essentiellement la taxe d'habitation, la taxe foncière et l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), les impôts en capital , qui intègrent notamment les droits payés sur les successions et les donations, ainsi que les cotisations sociales effectives reçues par les administrations publiques , à l'exclusion de celles versées à des régimes privés.

La charge fiscale des entreprises, quant à elle, tient compte des impôts sur le revenu versés par les sociétés non financières (SNF) ainsi que par les entreprises financières , soit essentiellement l'impôt sur les sociétés (IS), des impôts sur la production , comprenant la taxe sur les salaires, les versements transports, la C3S, ou encore la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), des impôts en capital , de même que des cotisations sociales effectives versées aux administrations publiques .

Il convient de souligner que la mesure de la charge fiscale des ménages et des entreprises ne tient pas compte des taxes indirectes, comme la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ou encore la contribution au service public de l'électricité (CSPE) . En effet, ces dernières ne sont pas acquittées uniquement par les ménages , comme le supposent différentes études - à l'instar d'un récent travail réalisé par l'OFCE 41 ( * ) -, mais également, dans une certaine mesure, par les entreprises ; à cet égard, les sociétés peuvent avoir à supporter des rémanences de TVA 42 ( * ) , estimées à 31,2 milliards d'euros en 2006 par le Conseil des prélèvements obligatoires 43 ( * ) , et sont assujetties à la CSPE pour leur consommation d'électricité. Si les taxes indirectes contribuent significativement au poids des prélèvements obligatoires, les données issues de la comptabilité nationale disponibles ne permettent pas de distinguer celles supportées respectivement par les ménages et les entreprises ; c'est la raison pour laquelle la mesure de la charge fiscale retenue ne les intègre pas.

C. UN RALENTISSEMENT DE LA DÉPENSE PUBLIQUE FAVORISÉ PAR UN RECUL DE LA CHARGE DE LA DETTE ET DE L'INVESTISSEMENT LOCAL

Selon le programme de stabilité d'avril 2016, dans le cadre du plan de 50 milliards d'euros d'économies pour les années 2015 à 2017, un effort de 18 milliards d'euros aurait été réalisé par rapport à l'évolution spontanée de la dépense au cours de l'exercice passé . Ce montant intègre les économies supplémentaires annoncées par le Gouvernement dans le cadre du programme de stabilité d'avril 2015, pour 4 milliards d'euros, afin de compenser les effets de la faiblesse de l'inflation sur l'évolution des recettes et des dépenses publiques 44 ( * ) .

En 2015, la dépense publique a progressé - en volume et en valeur - de 0,9 % hors crédits d'impôts , qui sont comptabilisés comme des dépenses publiques (cf. supra ), après 1 % en 2014. En prenant en compte les crédits d'impôts, celle-ci a crû de 1,4 % - aussi en volume et en valeur -, contre + 1,8 % en valeur et + 1,3 % en volume en 2014. Ainsi, la dépense publique marque-t-elle une légère décélération par rapport aux dernières années, celle-ci ayant progressé, en volume, de 1,9 % entre 2000 et 2014 et de 1,5 % entre 2007 et 2014 en moyenne. Toutefois, il convient de s'interroger sur les facteurs de ce ralentissement.

Graphique n° 17 : Évolution du montant de la dépense publique en 2015

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

Entre 2014 et 2015, les dépenses des administrations ont progressé de 16,7 milliards d'euros . Cette évolution a essentiellement été portée, en premier lieu, par les prestations sociales, qui ont augmenté de 10,1 milliards d'euros, soit de 1,8 %, moins rapidement toutefois qu'en 2014 où elles avaient augmenté de 2,2 %. Ceci est à mettre en lien, notamment, avec les mesures adoptées dans le cadre des réformes de la politique familiale et des retraites, dont le gel des pensions de base - qui ont été rappelées supra , lors de l'examen du solde des comptes sociaux. En second lieu, les « autres dépenses » ont crû de 8,3 milliards d'euros (+ 5,3 %, après + 7,2 % en 2014), du fait la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), comptabilisé comme une subvention.

La masse salariale, quant à elle, s'est accrue de 2,9 milliards d'euros, soit de 1 % , contre 2 % en 2014. Ce moindre dynamisme est imputable, notamment, au « gel » du point d'indice depuis 2010, que l'actuel gouvernement a dû prolonger compte tenu de la faible maîtrise des effectifs ; ainsi, les suppressions de postes au sein du ministère de la Défense ont été, en 2015, compensées par la hausse des emplois dans l'enseignement scolaire public, selon l'Insee. S'agissant des achats courants, ceux-ci ont progressé de 2,1 milliards d'euros (+ 1,9 %) , après avoir reculé en 2014 (- 0,1 %). Ceci est à mettre en perspective avec la baisse de 1 % des consommations intermédiaires des collectivités territoriales, en lien avec la diminution de la dotation globale de fonctionnement (DGF), alors que celles de l'État ont crû de 5 % sous l'effet des dépenses militaires.

En revanche, les investissements ont fortement reculé, d'un montant de 4,1 milliards d'euros, soit de 5,1 % . Ceci s'explique quasi exclusivement par l'attrition de l'investissement public local, déjà évoqué précédemment, qui a diminué de 4,6 milliards d'euros en 2015 (- 10 %). Enfin, la charge de la dette a continué à décliner, baissant de 2,6 milliards d'euros (- 5,6 %) , en lien avec la diminution des taux d'intérêt et l'inflation.

Ainsi, ces deux éléments « conjoncturels » que sont les reculs de l'investissement et de la charge de la dette ont largement contribué à la décélération de la dépense publique en 2015 . À titre indicatif, en mettant ces derniers à part, la dépense aurait progressé de 1,9 % en valeur et en volume, soit 0,5 point de plus que ce qui a été observé.

Au total, la « maîtrise de la dépense publique » avancée par le Gouvernement paraît discutable . En effet, en 2015, la décélération de la dépense a, pour l'essentiel, découlé, d'une part, de la baisse de l'investissement des collectivités territoriales et de la charge de la dette et, d'autre part, du recours au « coup de rabot », qui comprend les « gels » du point d'indice ou encore des prestations sociales. Comme l'a déjà montré votre rapporteur général à plusieurs reprises 45 ( * ) , depuis le début de la présente législature, l'essentiel des efforts d'économies consentis a concerné les dépenses les plus aisées à réduire sans réforme . Aussi, au cours de l'année écoulée, le Gouvernement ne semble-t-il pas s'être départi de cette logique - les principales baisses relatives de dépenses ayant concerné, conformément à ce qui a été indiqué précédemment, les investissements et, dans une moindre mesure, la masse salariale (cf. tableau ci-après).

Tableau n° 18 : Évolution des principales dépenses publiques en 2015

% du PIB 2014

% du PIB 2015

Évolution relative 2015/2014

Masse salariale

13,0

12,9

- 0,8 %

Achats courants

5,1

5,1

0,0 %

Prestations sociales

26,0

26,0

- 0,1 %

Investissements

3,7

3,5

- 6,9 %

Autres dépenses

7,3

7,5

+ 3,4 %

Dépenses primaires

55,1

55,0

- 0,3 %

Charges d'intérêts

2,2

2,0

- 7,4 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

Dans ces conditions, il n'est guère surprenant que la France continue d'afficher le ratio de la dépense publique sur PIB le plus important de la zone euro , derrière la Finlande (cf. graphique ci-après). En effet, s'il a légèrement reculé en 2015, de 0,3 point, celui-ci s'est élevé à 57 % du PIB, soit 8,4 points de plus que la moyenne de la zone euro. Ainsi, ce ratio est tout juste revenu à son niveau de 2013 et reste supérieur à celui observé en 2012.

Graphique n° 19 : Le poids de la dépense publique dans le PIB
dans la zone euro en 2014 et 2015

(en % du PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données d'Eurostat et de l'Insee)

En bref, comme l'a justement résumé le vice-président de la Commission européenne chargé de l'euro, Valdis Dombrovskis, lors d'une conférence de presse organisée à Paris à la fin du mois de mars dernier, « la stratégie budgétaire française repose en grande partie sur des facteurs cycliques », la France « accus[ant] un retard considérable » en matière d'« efforts structurels pour corriger son déficit public excessif ».

Il paraît donc indispensable que le Gouvernement engage les réformes nécessaires à un ralentissement pérenne de la dépense publique - à travers une sélectivité accrue des dépenses, ou des mesures structurelles comme une évolution du temps de travail dans la fonction publique 46 ( * ) -, s'il souhaite tenir ses engagements, en particulier en ce qui concerne le retour du déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2017, et être en mesure de mettre en oeuvre une réduction des prélèvements obligatoires profitant à tous, notamment aux ménages.

D. UNE MOINDRE CROISSANCE DE LA DETTE PUBLIQUE EN 2015 ?

En 2015, la dette publique a atteint 2 096,9 milliards d'euros , ce qui correspond à 96,1 % du PIB. La dette de l'État, de 1 661,2 milliards d'euros, demeure prépondérante au sein de cette dernière, représentant 79,2 % du total. La part des collectivités territoriales dans la dette publique s'est élevée, quant à elle, à 9,4 % l'année passée et celle des administrations de sécurité sociale à 10,5 % - celle des organismes divers d'administration centrale (ODAC) étant inférieure à 1 %.

Graphique n° 20 : Évolution de la dette des différentes catégories d'administrations publiques

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

Aussi la dette de l'État a-t-elle été le principal facteur de progression de l'endettement des administrations , celle-ci ayant augmenté de 49,9 milliards d'euros en 2015 (+ 3,1 %). Toutefois, il apparaît que le montant de cette hausse a été inférieur au besoin de financement de l'État, soit 71,3 milliards, pour des raisons qui sont explicitées infra .

Tableau n° 21 : Évolution de la dette publique par sous-secteur des administrations

2014

Variation par rapport à 2013

2015

Variation par rapport à 2014

en Md€

en %

en Md€

en %

État

1611,3

+ 75,4

+ 4,9

1661,2

+ 49,9

+ 3,1

ODAC

22,7

+ 0,1

+ 0,4

18,9

- 3,8

- 16,7

APUL

189,5

+ 6,2

+ 3,4

196,5

+ 7,0

+ 3,7

ASSO

216,7

+ 5,0

+ 2,4

220,3

+ 3,6

+ 1,7

Total

2040,3

+ 85,9

+ 4,4

2096,9

+ 56,6

+ 2,8

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

Pour ce qui est de la dette des ODAC, celle-ci a marqué un recul important par rapport à 2014, de 3,8 milliards d'euros (- 16,7 %) . Possiblement liée à l'interdiction d'emprunt des ODAC posée par l'article 12 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 47 ( * ) , qui a permis de freiner le rythme de progression de la dette des entités concernées, cette évolution a néanmoins principalement résulté, pour 2,1 milliards d'euros, de la sortie du Fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR) du périmètre des administrations publiques en 2015 et, pour 1,7 milliard d'euros, du désendettement de la Caisse nationale des autoroutes (CNA).

La dette des administrations publiques locales (APUL) a, elle, augmenté de 7 milliards d'euros (+ 3,7 %), en dépit d'un excédent de 0,7 milliard d'euros en 2015 (cf. supra ). Selon l'Insee, « la différence provient en grande partie d'une progression de 5,1 milliards d'euros des dépôts du Trésor des collectivités locales. De plus, les Apul [ont] utilis[é] une partie de l'argent emprunté pour payer 0,9 milliard d'euros d'indemnités dans le cadre de la négociation des emprunts structurés, dits "emprunts toxiques" » 48 ( * ) .

Enfin, la contribution des administrations de sécurité sociale (ASSO) à la dette publique a progressé de 3,6 milliards d'euros (+ 1,7 %) , en ligne avec le besoin de financement de cette catégorie d'administration, soit 5,8 milliards d'euros, l'écart s'expliquant « en grande partie par des décalages comptables » 49 ( * ) .

Dès lors que le solde public de l'exercice 2015 (- 3,6 % du PIB) a été, encore une fois, supérieur au solde stabilisant le ratio d'endettement
(- 2 % du PIB), le poids de la dette dans la richesse nationale a continué à croître, atteignant 96,1 % du PIB
, contre 95,3 % du PIB en 2014. Cependant, force est de constater que l'augmentation du montant de la dette, de 2,8 % en 2015, a marqué une nette décélération relativement aux années précédentes, comme le fait apparaître le graphique ci-après.

Graphique n° 22 : Évolution de la dette publique (2007-2015)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

Cette évolution est en lien avec la réduction du déficit, mais aussi et surtout avec l'apparition d'une disjonction, au cours de l'exercice écoulé, entre la hausse de la dette des administrations (56,6 milliards d'euros) et leur besoin de financement (77,5 milliards d'euros) . L'écart entre ces deux valeurs, de 20,9 milliards d'euros, excède de loin celui constaté en 2014 (- 1,1 milliard d'euros) ou en 2013 (+ 0,5 milliard d'euros). Cette disjonction, essentiellement constatée pour la dette de l'État, provient de la forte baisse des taux d'intérêt intervenue en 2015, alors que les émissions obligataires ont continué de porter sur des souches anciennes présentant des taux faciaux plus élevés. Ainsi que l'a relevé l'Insee, « l'État a [...] émis des obligations à des taux supérieurs au taux de marché, de sorte que les obligations ont été acquises pour des montants supérieurs à leur valeur de remboursement, laquelle est utilisée pour évaluer la dette au sens de Maastricht » 50 ( * ) .

En effet, la dette maastrichtienne est comptabilisée à sa valeur nominale de remboursement à échéance ; or, les émissions sur souches de taux facial plus élevé que le taux de marché se traduisent par le paiement de primes à l'émetteur - enregistrées comme flux de créances négatifs. Par suite, les primes à l'émission, exceptionnellement élevées en 2015, ont contribué à modérer la progression du niveau de l'endettement public . Comme l'a rappelé la Cour des comptes dans son rapport sur le budget de l'État en 2015 51 ( * ) , les émissions à partir de souches anciennes ont représenté, l'année passée, 33 % des émissions de moyen et long termes, participant, alors que se creusait l'écart entre les taux faciaux de ces souches et le taux du marché, à ce que le montant des primes d'émission atteigne 1 % du PIB, selon les données du programme de stabilité d'avril 2016. L'Agence France Trésor (AFT) a indiqué à la juridiction financière que le ré-abondement régulier des souches anciennement émises visait à « répondre à la demande des investisseurs et maintenir la meilleure liquidité sur l'ensemble des OAT » 52 ( * ) - en particulier dans un contexte de rachats massifs de titres de dette publique par la Banque centrale européenne (BCE).

Pour conclure, il convient de souligner que le poids dans la dette publique des montants engagés par la France au titre des programmes d'assistance financière dans la zone euro a reculé entre 2014 et 2015 , passant de 68,2 milliards à 65,8 milliards d'euros (cf. tableau ci-après). Cette diminution de 2,4 milliards d'euros s'explique, notamment, par la restitution de 10,9 milliards d'euros au Fonds européen de stabilité financière (FESF) en raison de la révision des besoins de recapitalisation des banques grecques en 2015 53 ( * ) .

Tableau n° 23 : L'impact des programmes d'assistance financière de la zone euro sur la dette publique de la France

(en milliards d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016 (p)

2017 (p)

Grèce (prêts bilatéraux)

4,4

11,4

11,4

11,4

11,4

11,4

11,4

11,4

FESF

0,0

3,1

30,2

38,4

40,5

38,1

38,1

38,1

dont Grèce

23,6

29,2

31,0

28,6

28,6

28,6

dont Irlande

1,6

2,6

3,8

3,8

3,9

3,9

3,9

dont Portugal

1,5

4,0

5,4

5,7

5,7

5,7

5,7

MES*

6,5

13,0

16,3

16,3

16,3

16,3

Total

4,4

14,5

48,1

62,9

68,2

65,8

65,8

65,8

(p) Prévisions.

* Participation au capital du MES.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du ministère des finances et des comptes publics)

DEUXIÈME PARTIE - L'EXÉCUTION DU BUDGET DE L'ÉTAT EN 2015

I. DES DÉPENSES CONTENUES GRÂCE À LA BAISSE DES DOTATIONS AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET À DES ÉCONOMIES DE CONSTATATION

Les dépenses totales de l'État, y compris fonds de concours, budgets annexes et comptes spéciaux se sont élevées à 500,6 milliards d'euros en AE et 483,7 milliards d'euros en CP, contre une prévision initiale de 500,4 milliards d'euros en AE et 485,3 milliards d'euros en CP.

Ces montants agrègent cependant des dépenses de nature très diverse, qui n'obéissent pas aux mêmes nécessités ni aux mêmes facteurs d'évolution. L'analyse des dépenses de l'État par rapport aux prévisions initiales, ou à l'exécution de l'exercice précédent, nécessite donc d'isoler des périmètres plus réduits et plus homogènes.

Les normes de dépenses fournissent à cet égard un outil utile, bien qu'imparfait.

A. LA NORME DE DÉPENSES EN VALEUR DÉPASSÉE, LA NORME EN VOLUME RESPECTÉE DE JUSTESSE

1. Une double norme de dépenses : « zéro valeur » et « zéro volume »

L'exécution du budget de l'État doit garantir le respect, sur certains périmètres précisément définis, de plafonds de dépenses . Ces plafonds s'appellent des normes de dépenses.

Les normes de dépenses « zéro valeur » et « zéro volume »
encadrant l'évolution des dépenses de l'État

Si des normes d'évolution des dépenses de l'État ont été introduites dès le début des années 2000, c'est la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 qui a mis en place la double norme de dépenses aujourd'hui appliquée :

- d'une part, les dépenses du budget général de l'État et les prélèvements sur recettes, hors charge de la dette et hors contributions aux pensions des fonctionnaires de l'État, doivent être stabilisés en valeur à périmètre constant : c'est la norme « zéro valeur » ;

- d'autre part, la progression annuelle des crédits du budget général de l'État et des prélèvements sur recettes, y compris charge de la dette et dépenses de pension, doit être, à périmètre constant, au plus égale à l'inflation (évolution prévisionnelle des prix à la consommation) : c'est la norme « zéro volume ».

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 a fixé le niveau des normes de dépenses de l'État pour les années à venir : en vertu de son article 8, les dépenses sous norme « zéro volume » ne doivent pas progresser plus vite que l'inflation et les dépenses sous norme « zéro valeur » doivent diminuer d'environ 7 milliards d'euros de 2015 à 2017, passant de 282,81 milliards d'euros en 2015 à 280,65 milliards d'euros en 2016, puis à 275,48 milliards d'euros en 2017.

Graphique n° 24 : le périmètre des normes de dépenses de l'État

TOTAL DES DEPENSES DE L'ETAT

Dépenses exceptionnelles

Dépenses financées par fonds de concours

Dépenses des budgets annexes

Dépenses des comptes spéciaux

NORME EN VOLUME

NORME EN VALEUR

Charge de la dette

Contributions au CAS « Pensions »

Crédits des ministères et subventions aux opérateurs

Plafond des taxes affectées aux opérateurs

Prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales

Prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne

Source : commission des finances du Sénat

2. En raison de l'insincérité de la budgétisation initiale de la mission « Défense », la norme de dépenses en valeur n'a pas été respectée

La norme « zéro valeur », d'abord fixée à 282,5 milliards d'euros par la loi de finances initiale pour 2015, a été revue à la baisse de 0,7 milliard d'euros à la suite du décret d'annulation du 9 juin, puis à la hausse de 2,1 milliards d'euros dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, en lien avec la rebudgétisation des recettes exceptionnelles prévues sur le compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État ». Le montant de la norme « zéro volume » a connu les mêmes évolutions.

La prise en charge par le budget général de ces dépenses de la mission « Défense », qui dépendaient jusqu'alors de la réalisation de recettes exceptionnelles très incertaines, contribue à sécuriser le financement de l'armée française et votre rapporteur général, de ce point de vue, s'en félicite.

Cependant, deux remarques doivent être faites.

D'une part, la rebudgétisation de ces ressources est très tardive : en effet, ce mouvement n'a été prévu qu'en loi de finances rectificative, c'est-à-dire à la fin de l'année - et cela alors même que, dès l'automne 2014, le ministre de la Défense affirmait lui-même qu'il était certain que les recettes exceptionnelles prévues pour alimenter le CAS « Hertzien » et financer la Défense ne seraient pas réalisées au cours de l'année. La budgétisation initiale, manifestement insincère, n'a pas été corrigée avant la fin de l'année. Cette situation pose également la question de la consommation des crédits ainsi ouverts : l'engagement et le décaissement des crédits exigeant quelques jours, une partie importante de ces ouvertures, à hauteur de 590 millions d'euros, a fait l'objet d'un report qui a ensuite été mis en réserve : la Défense n'a donc pas réellement bénéficié, en 2015, de 2,1 milliards d'euros de ressources budgétaires supplémentaires mais seulement de 1,5 milliard d'euros.

D'autre part, le Gouvernement présente cette opération comme une simple mesure de périmètre et la passe sous silence pour évoquer l'évolution des dépenses sous norme en cours d'année : l'exposé général des motifs du présent projet de loi de règlement du budget indique que « les économies réalisées ont permis d'abaisser de 0,7 milliard d'euros la dépense sous norme par rapport à l'objectif de la loi de finances initiale », ne prenant en compte que le décret d'annulation intervenu en juin.

Pourtant, la réintégration au budget général des dépenses qui devaient être financées par le CAS « Hertzien » n'a rien d'une simple mesure de périmètre : il s'agit, bien au contraire, d'une augmentation nette des dépenses sous norme de l'État dans la mesure où cette hausse n'est pas compensée par des recettes équivalentes 54 ( * ) .

Les dépenses sous norme des ministères et des opérateurs , hors prélèvements sur recettes, dette et pensions, ont donc augmenté de 2,6 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, et non diminué de 700 millions d'euros.

Graphique n° 25 : Décomposition de l'écart entre la norme en valeur définie en loi de finances initiale et l'exécution des dépenses sous norme en 2015

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette hausse est partiellement compensée par la réduction des prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne et des collectivités territoriales, respectivement inférieurs de 1 milliard d'euros et 200 millions d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale.

Au total, la norme de dépenses « en valeur » prévue en loi de finances initiale est dépassée de 1,4 milliard d'euros en exécution .

3. Une nouvelle diminution de la charge de la dette qui permet le respect de la norme « zéro volume »

La norme « zéro volume » , qui comprend les dépenses incluses dans le périmètre de la norme « zéro valeur » ainsi que la charge de la dette et les contributions de l'État au compte d'affectation spéciale « Pensions », est respectée en 2015 : les dépenses exécutées sur ce périmètre atteignent 371,5 milliards d'euros, contre un plafond fixé à 372,5 milliards d'euros en loi de finances initiale.

Graphique n° 26 : Décomposition de l'écart entre la norme en volume définie en loi de finances initiale et l'exécution des dépenses sous norme en 2015

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En effet, le dépassement constaté sur le périmètre de la norme en valeur est compensé par des économies de constatation sur la charge de la dette : celle-ci aura été inférieure de 2,2 milliards d'euros aux estimations initiales et de 1,1 milliard d'euros à l'exécution 2014 . La faiblesse des taux d'intérêt sur la dette souveraine en 2015, avec des taux négatifs sur certaines obligations de court terme, conduit à ce que la charge budgétaire de la dette de l'État diminue alors même que son encours augmente 55 ( * ) . Ces « économies » ne dépendent évidemment pas des politiques mises en oeuvre par le Gouvernement et elles sont dénuées de tout caractère pérenne.

Le respect de la norme de dépenses en volume a donc reposé, comme en 2014, sur des économies de constatation.

4. Des évolutions souhaitables quant à la définition et au calcul des dépenses sous norme
(a) Un périmètre sous norme à redéfinir : la nécessaire exclusion du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne

Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne ne devrait pas être intégré à la norme en valeur dans la mesure où son montant n'est pas du tout pilotable par l'État . Que le prélèvement sur recettes soit inférieur aux prévisions, comme cela fut le cas les dernières années, ou supérieur, ne permet de tirer aucune conclusion sur la qualité de la gestion budgétaire du Gouvernement.

La Cour des comptes a ainsi noté, dans le rapport sur la gestion du budget de l'État en 2015, que l' « absence de maîtrise » du Gouvernement sur le montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne « a conduit à des comportements erratiques en cas d'évolutions non prévues des dépenses ». Une hausse non anticipée du prélèvement sur recettes de 1,8 milliard d'euros a été traitée en « dépense exceptionnelle » et exclue du périmètre de la norme, alors que l'économie de 1 milliard d'euros sur ce même agrégat en 2015 a, comme le souligne la Cour des comptes, « dégagé une marge facilitant le respect de la norme ».

Votre rapporteur général considère donc que le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne doit être exclu du périmètre de la norme en valeur .

(b) Un traitement problématique des prélèvements sur la trésorerie des opérateurs

En outre, afin d'afficher un respect de la norme, le Gouvernement assimile à une moindre dépense les prélèvements effectués sur la trésorerie des opérateurs : ainsi, la loi de finances rectificative a prévu le prélèvement de 255 millions d'euros sur la trésorerie du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) permettant opportunément de compenser le dépassement constaté sur les dépenses du budget général hors dette, pension et prélèvements sur recettes : celles-ci étaient supérieures de 1,3 milliard d'euros à la norme de dépense fixée en début d'année. La contribution des ressources du FNGRA correspondait exactement au montant nécessaire pour « gager » le reliquat de l'augmentation des dépenses n'étant pas couvertes par les économies constatées sur les prélèvements sur recettes, laissant à penser que le motif de la ponction sur le fonds résidait moins dans le caractère excédentaire de la trésorerie du fonds que dans la nécessité, pour l'État, de trouver des recettes supplémentaires lui permettant d'afficher un respect de la norme. C'est d'ailleurs la première fois depuis le début du quinquennat que le Gouvernement procède en fin de gestion à un prélèvement sur les ressources d'un opérateur.

Les prélèvements sur la trésorerie constituent bien davantage des recettes supplémentaires que de moindres dépenses et, à ce titre, ils ne devraient pas permettre d'afficher une diminution des dépenses . D'ailleurs, le prélèvement sur le FNGRA était présenté tout à la fois comme une recette non fiscale 56 ( * ) et comme une moindre dépense au regard de la norme 57 ( * ) .

En outre, les prélèvements sur le fonds de roulement des opérateurs de l'État se sont multipliés depuis 2012 , passant de 97 millions d'euros en 2012 à 989 millions d'euros en 2015, soit une augmentation de facteur 10.

Graphique n° 27 : Montant des prélèvements sur le fonds de roulement
des opérateurs de l'État de 2011 à 2015

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

La ponction de la trésorerie de certains opérateurs peut tout à fait être légitime quand les fonds de roulement ont atteint des niveaux manifestement excessifs, sans lien avec les missions incombant aux établissements considérés.

Cependant, ce procédé, par définition ponctuel et non-pérenne, ne doit pas se substituer à la mise en oeuvre de réelles mesures d'économies qui permettent de dégager des marges de manoeuvre dans le futur .

(c) Des « reports bloqués » pour respecter artificiellement les cibles d'exécution

Les reports dits « bloqués » ou « arbitrés » correspondent aux reports de crédits sur l'année suivante dont le montant est arbitré dans le cadre du schéma de fin de gestion afin de respecter la cible d'exécution. Ils s'ajoutent donc aux reports dits frictionnels, liés aux charges à payer.

Ces reports bloqués procèdent d'une maîtrise artificielle de la dépense : s'ils permettent des effets d'affichage favorables au Gouvernement, ils ne constituent pas une réelle diminution des dépenses dans la mesure où les crédits reportés, qui sont en général déjà affectés, devront être décaissés l'année de leur report.

Ces reports sont loin de concerner des montants mineurs. Si le Gouvernement ne présente pas de montants agrégés sur l'ensemble du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux, l'analyse de l'exécution budgétaire de chaque mission fait apparaître des reports « arbitrés » importants sur certaines politiques publiques : à titre d'exemple, la mission « Égalité des territoires et logement » a vu 300 millions d'euros de crédits de paiement bloqués en fin d'année afin d'assurer le respect des cibles d'exécution, générant un report de charges de 460 millions d'euros sur 2016 58 ( * ) .

De telles pratiques, qui fragilisent l'exécution 2016, méconnaissent l'esprit de la LOLF : celle-ci prévoit en effet que peuvent être reportés les autorisations d'engagement et crédits de paiement « disponibles sur un programme à la fin de l'année » (article 15 de la LOLF). Or les reports « bloqués » portent souvent sur des crédits dont l'affectation est déjà décidée et qui pourraient tout à fait être décaissés avant la fin de l'année.

Ces reports de charges, censés contribuer à afficher une maîtrise des dépenses de l'État, n'y suffisent pas : d'exécution à exécution, les dépenses des ministères et des opérateurs continuent d'augmenter .

B. D'EXÉCUTION À EXÉCUTION, UNE HAUSSE DE 3,2 MILLIARDS D'EUROS DES DÉPENSES DES MINISTÈRES ET DES OPÉRATEURS

1. Une augmentation de 3,2 milliards d'euros des dépenses des ministères et des opérateurs entre 2014 et 2015

Le Gouvernement met en avant une baisse des dépenses de 1,4 milliard d'euros hors charge de la dette et pensions entre 2014 et 2015, qui serait le témoin d'une gestion budgétaire sérieuse, voire rigoureuse. Entendu par la commission des finances, le secrétaire d'État chargé du budget Christian Eckert a ainsi déclaré : « On nous parle toujours de reports de charge, d'augmentation de la dette de l'État envers la sécurité sociale, d'économies de constatation en pointant la charge de la dette... Or, indépendamment de ces trois facteurs, les dépenses de l'État ont été réduites, d'exécution à exécution, de 1,4 milliard d'euros ».

Cependant, une analyse plus détaillée de l'évolution segment par segment des dépenses de l'État conduit à remettre en cause la maîtrise des dépenses affichée par le Gouvernement : il apparaît en effet que les dépenses des ministères et des opérateurs ont non pas diminué, ni même stagné, mais augmenté de 3,2 milliards d'euros entre 2014 et 2015 .

Graphique n° 28 : Évolution des dépenses des ministères et des opérateurs
entre exécution 2014 et exécution 2015

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

À périmètre constant et en neutralisant les crédits consommés en lien avec la rebudgétisation des ressources attendues sur le CAS « Hertzien », à hauteur de 1,5 milliard d'euros 59 ( * ) , l'augmentation atteint 1,7 milliard d'euros .

2. Une hausse compensée par la baisse des dotations aux collectivités territoriales

Le Gouvernement parvient à afficher une baisse des dépenses en présentant de façon agrégée les dépenses des ministères et les prélèvements sur recettes , alors que ceux-ci n'ont évidemment pas le même objet que celles-là. La diminution des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales, par exemple, ne pèse pas sur l'État mais bien sur les finances locales, de la même façon qu'une révision à la baisse du prélèvement sur recettes versé à l'Union européenne n'a aucun impact réel sur les dépenses des ministères.

Graphique n° 29 : Décomposition de l'évolution des dépenses de l'État
entre 2014 et 2015

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Entre 2014 et 2015, c'est bien la diminution des prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales qui explique l'apparente maîtrise des dépenses de l'État . Cette réduction, dont les effets sont analysés dans la première partie du présent rapport, pèse sur les finances locales - ce que le Gouvernement reconnaît d'ailleurs implicitement puisqu'il assimile, dans le cadre de son plan de 50 milliards d'euros d'économies sur la période 2015-2017, la baisse du prélèvement sur recettes à une diminution des dépenses des collectivités territoriales.

3. Un plan de lutte contre le terrorisme qui ne justifie pas à lui seul le dérapage des crédits et des effectifs des ministères
a) 927 emplois créés et près de 200 millions d'euros de crédits engagés au titre de la lutte contre le terrorisme
(1) 241,4 millions d'euros en AE et 195,1 millions d'euros en CP consommés en 2015 dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme

À la suite des attentats du 11 janvier 2015, 247,3 millions d'euros (en AE=CP) de crédits d'investissement, d'équipement et de fonctionnement ont été ouverts par décret d'avance afin de renforcer la lutte anti-terroriste sur la période 2015-2017 et la création de 2 680 emplois supplémentaires a été annoncée. Ces moyens ont été renforcés en fin de gestion, à la suite des attentats du 13 novembre 2015.

Au total, au titre de l'année 2015, 176 millions d'euros (hors crédits de titre 2) ont été alloués au ministère de l'intérieur et 81,6 millions d'euros à celui de la justice dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme, soit un total de 257,6 millions d'euros (en AE=CP).

La plus grande partie des dépenses sur le périmètre du ministère de l'intérieur vise à renforcer les moyens de fonctionnement et l'équipement des forces . Au surplus, 20 millions d'euros ont également été attribués au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), 16,2 millions d'euros à la modernisation de systèmes d'information et de communication et 0,4 million d'euros à la prévention.

Graphique n° 30 : Crédits alloués et consommés au ministère de l'intérieur et au ministère de la justice dans le cadre du plan de lutte anti-terroriste en 2015

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Graphique n° 31 : Répartition des dépenses (CP) exécutées en 2015
dans le cadre de la lutte contre le terrorisme

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

(2) Environ 1 000 postes supplémentaires en 2015, des ouvertures nombreuses prévues en 2016 et 2017 sur la mission « Justice »

Quant aux recrutements, concernant le ministère de l'intérieur, 534 personnes ont été affectées sur des postes ouverts dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, soit 10 emplois non pourvus reportés sur 2016. S'agissant du ministère de la justice, la majorité des postes a également été pourvue dans la mesure où, sur les 683 emplois supplémentaires autorisés en 2015 au titre de la lutte contre le terrorisme, seuls 15 emplois (principalement d'assistants de justice spécialisés) n'ont pas été pourvus au 31 décembre 2015 ; ces recrutements sont également reportés sur 2016.

Les années 2016 et 2017 devraient voir des recrutements particulièrement nombreux puisque, d'après les éléments transmis par le Gouvernement, 1 575 emplois sont inscrits au titre du plan de lutte anti-terroriste sur la mission « Justice » en loi de finances initiale pour 2016 et 1 193 emplois additionnels sont prévus pour 2017.

Le redéploiement de moyens budgétaires pour assurer la sécurité du pays se comprend aisément au regard des problématiques de sécurité intérieure rencontrées par le pays au cours de l'année 2015.

Cependant, cette réorientation aurait pu être compensée par des efforts conséquents sur d'autres ministères , ce qui n'a pas été le cas -  contrairement à ce que le Gouvernement laisse entendre en affirmant que « les économies réalisées ont permis de financer les dépenses nouvelles en faveur de la sécurité des Français » 60 ( * ) . En réalité, les seules économies significatives en 2015 portent sur les dotations aux collectivités territoriales et la charge de la dette, deux ensembles dont la réduction est totalement indolore pour l'État 61 ( * ) .

L'absence de maîtrise des dépenses et des effectifs se traduit par l'abandon des objectifs inscrits en loi de programmation des finances publiques .

C. LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES N'EST PAS RESPECTÉE

Force est de constater qu'une fois de plus, le Gouvernement a recouru à la technique du rabot , insuffisante pour parvenir à une réelle maîtrise de ses effectifs et de ses dépenses : celles-ci comme ceux-là augmentent, à rebours des engagements pris en loi de programmation des finances publiques.

1. Les effectifs repartent à la hausse

La consommation d'emplois constatée au cours de l'année 2015 s'établit, y compris les budgets annexes, à 1 872 796 ETPT 62 ( * ) . Elle est inférieure de 30 928 ETPT au maximum autorisé par la loi de finances initiale et en diminution de 4 563 ETPT par rapport à la consommation constatée en 2014.

Cependant, cette diminution apparente d'exécution à exécution résulte en réalité de mesures de périmètre (- 3 060 ETPT) et de corrections techniques (- 2040 ETPT).

Hors mesures de périmètre et corrections techniques, les emplois de l'État exprimés en ETPT connaissent bien une hausse et non une diminution par rapport à 2014, à hauteur de + 546 ETPT . Les créations d'emplois décidées en cours d'année n'ont donc pas été intégralement compensées par le Gouvernement, de façon contradictoire avec l'engagement de stabilisation des effectifs pris en loi de programmation des finances publiques : l'article 9 de la loi prévoit que « le plafond global des autorisations d'emplois de l'État et de ses opérateurs, mentionné aux articles 54 et 55 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, est stabilisé pour les années 2012 à 2017 ».

Graphique n° 32 : Décomposition de l'évolution du plafond d'emplois
consommé entre 2014 et 2015

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Au surplus, la hausse du plafond d'emplois de l'État sera sans doute encore supérieure en 2016 du fait de l'extension en année pleine des schémas d'emplois 2015 (exprimés en ETP 63 ( * ) et non en ETPT). En effet, alors que la loi de finances initiale pour 2015 prévoyait la suppression de 1 278 ETPT, ont en réalité été créés 6 934 ETP soit une hausse de 9 518 ETP par rapport à l'exercice 2014.

Graphique n° 33 : Schémas d'emplois prévus et exécutés en 2015

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

D'un point de vue qualitatif, le suivi des effectifs et des dépenses de personnel paraît, sur certains points, lacunaire : le Gouvernement n'a pas été en mesure d'indiquer à votre rapporteur général l'incidence budgétaire des titularisations de contractuels dans le cadre de la loi « Sauvadet », pas plus que de fournir une estimation des postes non pourvus en raison de difficultés de recrutement.

2. Les plafonds du budget triennal sont dépassés

À cet abandon de l'objectif de stabilisation des effectifs de l'État s'ajoute le dépassement des plafonds du budget triennal, dont la première annuité n'a pas été respectée 64 ( * ) .

À titre d'exemple, les crédits exécutés de la mission « Agriculture » sont supérieurs de 39,5 % à la prévision du budget triennal, tandis que l'exécution de la mission « Administration générale et territoriale » y est inférieure de 8 % 65 ( * ) .

Au total, les dépenses sont supérieures de près de 3 milliards d'euros aux plafonds définis par le triennal. Ce dépassement est d'autant plus surprenant que 2015 constituait la première annuité d'application du budget triennal défini par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2015 à 2019.

3. Les instruments de gouvernance des dépenses fiscales et des taxes affectées restent, pour l'heure, lettre morte
a) Une démarche d'évaluation des dépenses fiscales qui demeure très insuffisante au regard des enjeux budgétaires

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 prévoit deux dispositifs relatifs aux dépenses fiscales : d'une part, elle fixe un plafond sur le montant total des dépenses fiscales et leur montant hors CICE, d'autre part, elle prévoit que les dépenses fiscales et niches sociales créées à partir du 1 er janvier 2015 soient « revues » à l'issue d'une période de trois années. En outre, « le Gouvernement présente au Parlement, au plus tard six mois avant l'expiration du délai pour lequel la mesure a été adoptée, une évaluation de celle-ci et, le cas échéant, justifie son maintien pour une durée supplémentaire de trois années ».

L'efficacité de l'un comme l'autre dispositif paraît très faible.

Le coût des dépenses fiscales en 2015 est estimé à 83,2 milliards d'euros à méthode constante depuis le projet de loi de finances pour 2013, année de référence de fixation du plafond de la loi de programmation des finances publiques contre un plafond de 80,6 milliards d'euros en loi de programmation des finances publiques, soit un dépassement de 2,6 milliards d'euros . Il s'explique, selon les informations transmises par le Gouvernement, « par la montée en puissance du CICE plus rapide que prévue ».

Concernant la « revue » des dépenses fiscales nouvellement créées, trois dépenses fiscales ont été identifiées par le Gouvernement comme entrant en 2015 dans le champ du dispositif :

- la dépense fiscale n° 200206 relative à l'amortissement exceptionnel des immeubles à usage industriel ou commercial construits dans les zones de revitalisation rurale ou de redynamisation urbaine, ainsi que des travaux de rénovation réalisés dans ces immeubles. Cette dépense, dont le coût est inférieur à 500 000 euros, a été prorogée d'un an par l'article 47 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2014 et, d'après le Gouvernement , l'évaluation préalable associée au projet de loi de finances rectificative tient lieu d'évaluation . La dépense n'a pas été reconduite au-delà de 2015 ;

- la dépense fiscale n° 220104 relative à l'exonération d'impôt sur les bénéfices dans les zones de revitalisation rurale pour les entreprises créées ou reprises entre le 1 er janvier 2011 et le 31 décembre 2015, dont le coût s'est élevé à 18 millions d'euros en 2015. Cette dépense fiscale a été aménagée et prorogée par l'article 47 de la deuxième loi de finances rectificative de 2014. De la même façon, l'évaluation préalable associée au projet de loi de finances rectificative est censée être suffisante pour apprécier l'efficacité de la dépense fiscale et la pertinence de sa prolongation ;

- la dépense fiscale n° 230302 relative au suramortissement de 40 % de certains équipements, applicable aux investissements réalisés entre le 15 avril 2015 et le 14 avril 2016, dont le coût s'établit à 350 millions d'euros pour 2015. Cette dépense fiscale, créée par amendement dans la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques du 6 août 2015 et prolongée dans le cadre du projet de loi pour une République numérique, est bornée dans le temps : elle s'applique aux investissements réalisés entre le 15 avril 2015 et le 14 avril 2017. Elle devra donc faire l'objet d'une évaluation au plus tard en novembre 2016. Pour l'heure, le Gouvernement se borne à indiquer que « les liasses fiscales permettant d'actualiser le coût de la dépense fiscale sur la base de données constatées n'ont pas encore été déposées ».

Aucune de ces trois dépenses fiscales n'a donc fait l'objet d'un travail d'évaluation distinct de l'évaluation préalable présentée en projet de loi de finances, comme le prévoit pourtant la loi de programmation.

b) Un dispositif ambitieux de maîtrise des taxes affectées qui ne produit pour l'instant aucun effet

Les taxes affectées aux opérateurs de l'État constituent un point de fuite de la dépense publique dans la mesure où elles ne sont pas comptées comme des dépenses et où l'évolution de leur montant n'est pas nécessairement en adéquation avec les besoins de leur affectataire.

Le principe du plafonnement , posé par l'article 46 de la loi de finances initiale pour 2012, constitue une réponse partielle à ce problème : des plafonds de ressources ont été fixés et, en cas de dépassement, il est procédé à un reversement de l'excédent du produit de la taxe au budget général de l'État. Ainsi, le dynamisme d'une taxe plafonnée ne bénéficie plus aux affectataires, au-delà du plafond défini initialement, mais permet de réduire le besoin de financement de l'État.

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 devait conduire à renforcer encore davantage l'encadrement de ces taxes affectées : outre une réduction annuelle du total du plafond , était posé le principe d'une alternative entre plafonnement et rebudgétisation à horizon 2017 assorti de l'interdiction de création d'une nouvelle taxe affectée non plafonnée . En réalité, seule une taxe a été rebudgétisée en loi de finances initiale pour 2016, au motif que son produit était insuffisant pour l'opérateur 66 ( * ) .

La réduction du plafond n'a pas non plus été respectée : la réduction de la somme des plafonds pour 2015 s'élève à 274 millions d'euros, contre un objectif fixé à 283 millions d'euros.

Les outils de gouvernance des finances publiques ne paraissent donc pas, pour l'heure, à la hauteur des enjeux budgétaires associés à la maitrise des dépenses fiscales et des taxes affectées aux opérateurs de l'État.

II. DES PRÉVISIONS DE RECETTES RÉALISTES, UN CONTEXTE FAVORABLE

Les recettes nettes de l'État (hors fonds de concours et prélèvements sur recettes) se sont élevées à 294,5 milliards d'euros en 2015 contre 288,3 milliards d'euros en 2014 , soit une hausse de 2,2 %. Les prévisions de recettes pour 2015 se sont avérées réalistes : un contexte favorable , marqué notamment par la reprise en base des plus-values constatées sur l'exercice 2014, a conduit à ce que les recouvrements soient conformes aux estimations initiales.

Les recettes de l'État se composent de recettes fiscales (280,1 milliards d'euros en 2015, soit 95 % du total) et non fiscales (14,4 milliards d'euros en 2015).

A. DES RECETTES FISCALES CONFORMES AUX PRÉVISIONS GRÂCE À LA REPRISE EN BASE DE L'ANNÉE 2014 ET À DES CONTRÔLES FISCAUX D'UNE AMPLEUR EXCEPTIONNELLE

1. Des recettes fiscales globalement en ligne avec les prévisions

Les recettes fiscales sont globalement en ligne avec les prévisions. Au total, elles sont supérieures de 1,1 milliard d'euros (0,39 %) aux estimations de la loi de finances initiale pour 2015.

L'élasticité des recettes fiscales ressort à elle à 0,9, soit une valeur qui, si elle reste inférieure à l'unité, n'en est pas moins supérieure aux années précédentes.

Graphique n° 34 : Évolution des recettes fiscales entre loi de finances initiale pour 2015 et exécution 2015

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

a) Une évolution spontanée de nouveau positive, renforcée par l'importance des recouvrements liés à des contrôles fiscaux (hors STDR)

L'évolution spontanée des recettes fiscales s'est élevée à 1,7 % en 2015 : c'est la première fois depuis 2011 qu'elle est positive.

Cette augmentation significative est liée au dynamisme des recettes en provenance de contrôles fiscaux : celles-ci se sont établies à 12,2 milliards d'euros, contre 10,4 milliards d'euros en 2014, soit une hausse de 17 % en un an .

Le suivi des recettes résultant des contrôles fiscaux est malaisé en raison de leur double nature : les paiements peuvent correspondre à un simple « rattrapage » de l'impôt dû et relèvent alors des recettes fiscales, tandis que les amendes sont rattachées aux recettes non fiscales. Si les amendes sont identifiées comme telles, les recettes fiscales résultant de contrôles fiscaux ne sont pas, en revanche, distingués du reste des recouvrements dans la comptabilité budgétaire de l'État.

Un facteur supplémentaire de complexité provient du fait que les recettes en provenance du Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) sont comptabilisées comme des mesures nouvelles, et non intégrées à l'évolution spontanée de l'impôt, bien qu'elles correspondent également des contrôles fiscaux.

L'assimilation à la croissance spontanée de recettes recouvrées en lien avec des contrôles fiscaux et l'absence de suivi distinct de ces recettes, si elles peuvent s'expliquer pour des raisons pratiques, paraissent impropre à permettre une analyse fine de l'évolution spontanée de l'impôt.

b) Une exécution proche des prévisions pour les grands impôts grâce à la reprise en base de l'exécution 2014 et à des contrôles fiscaux importants
(1) Une quasi-stabilité des recettes d'impôt sur le revenu entre 2014 et 2015

Entre 2014 et 2015, les recettes d'impôt sur le revenu (IR) net sont restées quasiment stables avec une très légère progression de 0,1 %. L'effet des mesures nouvelles, notamment la réforme du bas du barème, s'élève à - 1,2 milliard d'euros et les recettes ont crû spontanément de 1,9 %. Cette évolution spontanée est notamment soutenue par le très fort rebond des plus-values mobilières au barème et le dynamisme des salaires, des retraites et des dividendes et partiellement freinée par l'environnement de faible taux et le repli des plus-values immobilières.

Les recettes nettes d'impôt sur le revenu sont supérieures de 0,4 milliard d'euros à la prévision initiale pour 2015 , sous l'effet de deux principaux facteurs : d'une part, la reprise en base de la plus-value observée en 2014, entre la loi de finances rectificative de fin de gestion et l'exécution, d'autre part, la révision à la hausse des recettes de lutte contre la fraude au titre du Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR).

(2) Une diminution des recettes d'impôt sur les sociétés en raison de l'accélération de la montée en charge du CICE, partiellement compensée par une recette exceptionnelle au titre d'un contentieux

Les recettes d'impôt sur les sociétés, qui se sont établies en très légère moins-value (- 0,2 milliard d'euros) par rapport à la prévision de la loi de finances initiale pour 2015, ont reculé de 1,8 milliard d'euros entre 2014 et 2015 , essentiellement du fait de l'impact des mesures nouvelles (- 2,1 milliards d'euros), notamment le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (- 5,0 milliards d'euros) dont la montée en charge est plus rapide que prévue. Le coût du CICE a ainsi été supérieur de 2,0 milliards d'euros à la prévision de la loi de finances initiale (12,0 milliards d'euros au lieu de 10,0 milliards d'euros) et de 5,4 milliards d'euros à l'exécution 2014.

Ces éléments sont toutefois compensés, pour une part, en raison de l'impact des mesures du Pacte de responsabilité (+ 0,8 milliard d'euros) et d'une recette exceptionnelle au titre d'un contentieux avec EDF (+ 1,4 milliard d'euros).

Au surplus, l'évolution spontanée de l'impôt sur les sociétés s'est avérée légèrement positive en 2015 (+ 0,8 %) - bien que cette donnée ne soit pas facile à interpréter en raison du décalage d'une année entre la perception des bénéfices et la taxation ainsi que de l'existence d'un cinquième acompte.

Les facteurs influant sur l'évolution spontanée de l'impôt sur les sociétés

L'évolution spontanée de l'impôt sur les sociétés pour l'année N n'est pas aisément interprétable, car elle dépend à la fois de la croissance du bénéfice fiscal en N-1 (via les acomptes et le solde) et en N (via le 5 ème acompte net de l'autolimitation), mais aussi d'effets purement mécaniques liés à des déports éventuels de recettes d'une année sur l'autre (5 ème acompte net de l'autolimitation / solde net) qui peuvent varier d'une année à l'autre selon le comportement des entreprises.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

D'après les informations transmises par le Gouvernement, l'évolution spontanée de l'impôt sur les sociétés constatée en 2015 recouvre trois effets. Le bénéfice fiscal 2014 est en recul par rapport à 2013 , ce qui tend à diminuer l'évolution spontanée de l'impôt. Toutefois, le bénéfice fiscal 2015, en nette hausse par rapport à 2014 , a un effet positif sur le 5 e acompte net de l'autolimitation versé en fin d'année.

Enfin, le niveau élevé des recettes perçues sur avis de mise en recouvrement , c'est-à-dire à la suite de contrôles fiscaux, contribue à renforcer l'évolution spontanée.

(3) La taxe sur la valeur ajoutée a crû de 2,5 % entre 2014 et 2015

Les recettes de TVA nette ont augmenté de + 2,5 % entre 2014 et 2015, sous l'effet combiné des mesures nouvelles et de transfert (+ 2,2 milliards d'euros au total) et d'une évolution spontanée positive (+ 0,9 %).

En revanche, les recettes sont inférieures de 800 millions d'euros à la prévision de la loi de finances initiale pour 2015, en lien avec la révision à la baisse de l'inflation d'une part et avec le transfert exceptionnel de TVA aux administrations de sécurité sociale intervenu en cours de gestion d'autre part (dont l'impact s'élève à 600 millions d'euros).

(4) La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) augmente de 500 millions d'euros en raison de plusieurs effets contraires

Les recettes de TICPE recouvrées par l'État ont augmenté de 500 millions d'euros entre 2014 et 2015, soit une hausse de 4,5 % , mais elles se sont établies 200 millions d'euros en-deçà de la prévision de la loi de finances initiale pour 2015.

Les facteurs ayant influé sur le niveau des recettes de TICPE
recouvrées par l'État en 2015

Les principaux facteurs ayant joué à la hausse sont :

- l'augmentation des taux de taxation au 1 er janvier 2015 sur l'ensemble des produits, qui majore le produit de TICPE de 2,0 milliards d'euros ;

- la hausse des quantités mises à la consommation , qui expliquerait environ 10 % de l'augmentation totale soit 50 millions d'euros.

Toutefois, la part État de la TICPE a été dans le même temps minorée par des transferts :

- 1,1 milliard d'euros ont été transférés à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) ;

- des transferts supplémentaires aux collectivités territoriales , notamment au titre du financement de l'apprentissage, ont également diminué le produit de la TICPE État de 0,4 milliard d'euros .

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

(5) Les recouvrements d'impôt sur la fortune sont stables en 2015

Était prévue en loi de finances initiale pour 2015 une recette de 5,6 milliards d'euros, fondée sur une hypothèse d'évolution spontanée de 2,5 %, traduisant l'évolution prévisionnelle des marchés financiers et des prix de l'immobilier.

Cette prévision a été revue à la baisse de 0,2 milliard d'euros dans le cadre de la LFR pour 2015, en lien avec la nouvelle répartition des recettes issues du Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR). La recette recouvrée en 2015 s'élève à 5,2 milliards d'euros, un montant égal à celui recouvré en 2014 et en moins-value de 400 millions d'euros par rapport aux estimations initiales .

c) Une hausse notable des autres recettes fiscales nettes en raison du dynamisme des droits de succession

La plus forte hausse, de 1,9 milliard d'euros, est enregistrée sur les autres recettes fiscales nettes , un ensemble qui agrège de nombreux impôts et dont le poids est plutôt modeste puisqu'il représente 21,7 milliards d'euros. Cette augmentation résulterait principalement du dynamisme des droits de succession (+ 1 milliard d'euros) , en lien avec les restrictions apportées à la possibilité de recourir au paiement fractionné.

L'impact de la réforme des délais de paiement des droits de succession
sur les recettes perçues en 2015

La réforme des délais de paiement des droits de succession s'est répercutée sur les recettes 2015 de deux façons :

- le durcissement de la règlementation a conduit à une diminution du nombre de foyers ayant opté pour le paiement fractionné, ce qui a augmenté les recettes immédiatement perçues par l'État ;

- pour les foyers bénéficiant toujours du paiement fractionné, le durcissement de la règlementation a également conduit à une accélération des paiements.

Par ailleurs, les recettes ont été spontanément très dynamiques.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

2. L'effet significatif de la reprise en base de l'exécution 2014

Dans la mesure où l'exécution des recettes 2014 a été supérieure de 1,9 milliard d'euros à la dernière prévision de la deuxième loi de finances rectificative pour 2014, qui a servi de base à la prévision de recettes de la loi de finances initiale pour 2015, le montant des recettes recouvrées en 2015 intègre un « effet base » de 1,9 milliard d'euros : en effet, les prévisions de recettes accompagnant le projet de loi de finances initiale pour 2015 ont été calculées à partir des recettes estimées pour 2014, inférieures de 1,9 milliard d'euros aux montants réels recouvrés.

Graphique n° 35 : Impact de la reprise en base de la plus-value observée en 2014
sur les recettes fiscales recouvrées en 2015

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Cet « effet base » est cependant partiellement compensé par la révision à la baisse des mesures nouvelles (- 0,9 milliard d'euros) .

Au total, l'atteinte des prévisions initiales de recettes fiscales relève autant du réalisme des estimations , qui constitue une amélioration notable après plusieurs années de surévaluation importante des recettes fiscales, que de conditions favorables d'exécution qui ne pouvaient être connues lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2015 (reprise en base de l'exécution 2014 et contrôles fiscaux d'une ampleur exceptionnelle).

B. LES RECETTES NON FISCALES EN LÉGÈRE HAUSSE GRÂCE À DES AMENDES IMPORTANTES EN MATIÈRE DE CONCURRENCE

Du côté des recettes non fiscales, en hausse de 400 millions d'euros par rapport à l'exécution 2014 et de 200 millions d'euros au regard des prévisions de la loi de finances initiale, l'évolution la plus notable porte sur l'agrégat « Amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite » qui est supérieure de 1,7 milliard d'euros aux estimations de la loi de finances initiale. D'après les informations transmises par le Gouvernement, cette augmentation est « liée notamment aux amendes prononcées par l'autorité de la concurrence dans les secteurs des produits d'entretien et d'hygiène ».

Graphique n° 36 : Évolution des recettes fiscales entre loi de finances initiale pour 2015 et exécution 2015

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Doivent également être signalées une baisse des dividendes et recettes assimilées (- 0,8 milliards d'euros), essentiellement du fait du versement sous forme de titres d'une partie du dividende d'EDF ainsi qu'une baisse des produits divers (- 0,5 milliard d'euros), en raison notamment de l'absence de reversement de la Compagnie française du commerce extérieur (Coface) à la suite de l'annulation de la vente des bâtiments de projection et de commandement de type « Mistral » à la Russie.

III. UN DÉFICIT TOUJOURS IMPORTANT QUI NOURRIT L'ACCROISSEMENT DE LA DETTE DE L'ÉTAT

A. UNE AMÉLIORATION TÉNUE DU DÉFICIT

1. Retraité des éléments exceptionnels, le déficit ne s'améliore que de 300 millions d'euros

Le déficit de l'État en comptabilité budgétaire s'élève finalement à 70,5 milliards d'euros en 2015 , contre une prévision initiale de 74,4 milliards d'euros et un déficit budgétaire constaté de 85,6 milliards d'euros en 2014.

Le Gouvernement se targue d'une amélioration du solde budgétaire de 15,0 milliards d'euros entre 2014 et 2015, ramenée à 3 milliards d'euros après retraitement de l'impact exceptionnel du programme d'investissement d'avenir (PIA) de 2014.

Cependant, comme le souligne la Cour des comptes, le déficit constaté en 2014 et 2015 doit être retraité des éléments exceptionnels .

Il ne suffit pas de retrancher le montant du deuxième programme d'investissements d'avenir (11 milliards d'euros) du déficit 2014, comme le Gouvernement le fait : doit également être neutralisée la contribution française au mécanisme européen de solidarité (MES) versée en 2014, pour 3,3 milliards d'euros. Le solde 2015 doit, quant à lui, inclure les décaissements des organismes dans le cadre du PIA.

Le déficit 2014 s'élève alors à 74,3 milliards d'euros et le solde budgétaire 2015 à 74,0 milliards d'euros : l'amélioration réelle n'est donc que de 300 millions d'euros .

Graphique n° 37 : Évolution du solde budgétaire effectif et retraité
depuis 2011

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après la Cour des comptes

Le Gouvernement conteste cette analyse au motif que le critère permettant de distinguer les dépenses considérées comme « exceptionnelles » des dépenses « normales » n'est pas défini de façon précise. Ainsi, dans leur réponse commune au rapport sur le budget de l'État 2015 de la Cour des comptes, le ministre des finances et des comptes publics et le secrétaire d'État chargé du budget indiquent que « la détermination du caractère exceptionnel d'un événement budgétaire est malaisée et subjective ».

Votre rapporteur général souscrit pleinement à ces propos.

Ce flou explique d'ailleurs que le Gouvernement ait pu se servir de la notion de ressources « exceptionnelles » pour diminuer artificiellement - et en vain - la norme de dépenses , comme cela a été le cas avec les recettes du CAS « Hertzien », ou encore pour affirmer que le programme d'investissement d'avenir constituait une dépense « exceptionnelle » tout en utilisant ses fonds pour financer des dépenses auparavant prises en charge par le budget général : les débudgétisations liées au PIA s'élèvent à 2,5 milliards d'euros , soit 20 % des fonds du deuxième programme d'investissement d'avenir.

Il serait donc souhaitable, comme votre rapporteur général en a déjà formulé la demande et comme le ministre des finances et des comptes publics, ainsi que le secrétaire d'État chargé du budget, semblent en partager le souhait, que le Gouvernement précise au Parlement les critères le conduisant à considérer une dépense ou une recette comme « exceptionnelle ».

Dans l'attente de ces explications, force est de constater que les dépenses « exceptionnelles » retraitées du solde de 2014 le sont en raison du traitement budgétaire que le Gouvernement leur avait, à l'époque, réservé . En effet, le Gouvernement lui-même indiquait, dans le projet de loi de règlement pour l'année 2014, que les dépenses du budget général incluaient « des éléments exceptionnels : le versement en avril de la 5 e tranche de la dotation en capital de 3,3 milliards d'euros au Mécanisme européen de stabilité (MES) et les programmes d'investissement d'avenir (PIA) à hauteur de 11,0 milliards d'euros ».

Au total, après retraitement des dépenses exceptionnelles, l'amélioration réelle du déficit est donc ténue et ne s'élève qu'à 300 millions d'euros.

2. Des facteurs d'amélioration exogènes à la politique budgétaire du Gouvernement
a) 3,6 milliards d'euros d'économies de pure constatation

En outre, la plupart des facteurs d'amélioration du solde ne dépendent pas de la gestion budgétaire du Gouvernement : la diminution de la charge de la dette, l'évolution du solde des comptes spéciaux et du montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne obéissent à des facteurs largement extrinsèques aux arbitrages du Gouvernement.

Graphique n° 38 : Décomposition de l'évolution du déficit entre loi de finances initiale et exécution 2015

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La seule amélioration du solde budgétaire qui n'est pas de pure constatation provient donc de la hausse des recettes fiscales et non fiscales perçues en 2015 : l'ajustement budgétaire continue de reposer essentiellement sur les recettes .

b) Une contribution importante du solde des comptes spéciaux à l'amélioration apparente du déficit budgétaire

Le solde des comptes spéciaux contribue à améliorer le déficit de 1,8 milliard d'euros par rapport aux prévisions initiales pour 2015.

85 % (1,5 milliard d'euros) de l'amélioration du solde des comptes spéciaux est portée par quatre comptes : le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » voit son solde exécuté supérieur de 690 millions d'euros aux prévisions initiales, le compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » de 433 millions d'euros, le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » de 289 millions d'euros et le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » de 132 millions d'euros.

La hausse du solde du compte « Prêts à des États étrangers » résulte principalement de la diminution des dépenses : en effet, si 1 482 millions d'euros ont été inscrits en dépenses en loi de finances initiale, ce montant devrait finalement s'élever en exécution à 692 millions d'euros. Cette baisse s'explique notamment par le décalage du traitement 67 ( * ) pour le Soudan à 2017, pour un montant en dépenses de 501 millions d'euros, et par l'absence des traitements pour Djibouti, le Pakistan et le Zimbabwe, pour un montant total en dépenses de 21 millions d'euros. Le traitement du Zimbabwe est désormais prévu en 2016.

La hausse du solde du compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » s'explique par le report des versements prévus en 2015. Le mécanisme de rétrocession des intérêts à la Grèce a en effet été suspendu à partir du 30 juin 2015 en raison de l'arrêt du deuxième programme d'assistance financière à ce pays.

L'amélioration du solde du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » provient de moindres décaissements au titre du programme des investissements d'avenir (PIA) : ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2015, la prévision de décaissements pris en compte dans le calcul du déficit en comptabilité nationale, ou décaissements « maastrichtiens » pour les PIA 1 et 2 était de 2,8 milliards d'euros, et de décaissement total de 3,9 milliards d'euros. En exécution, les PIA 1 et 2 ont été décaissés à hauteur de 2,6 milliards d'euros en décaissements « maastrichtiens » (- 0,2 milliard d'euros par rapport aux prévisions) et de 3,5 milliards d'euros au total (-0,4 milliard d'euros).

En effet, les différents outils de financement qu'inclut le PIA n'ont pas tous le même impact sur la dette de l'État, le déficit budgétaire et le déficit en comptabilité nationale.

Tableau n° 39 : Impact des différents types de financement
du programme d'investissements d'avenir

Type de financement

Prise en compte dans le calcul de la dette

Prise en compte dans le calcul du déficit budgétaire

Prise en compte dans le calcul du déficit maastrichtien (comptabilité nationale)

Dotations non consommables

Intérêts annuels

100 % l'année de la loi de finance

Intérêts annuels

Prêts/Prises de participations

Impact lors du décaissement

100 % l'année de la loi de finance

0 % au décaissement, impact si réévaluation ultérieure

Subventions

Impact lors du décaissement

100 % l'année de la loi de finance

100 % au décaissement

Avances remboursables

Impact lors du décaissement

100 % l'année de la loi de finance

100 % au décaissement (impact positif les années de remboursement)

Source : commissariat général à l'investissement

3. Les programmes d'investissements d'avenir, une variable d'ajustement comme une autre ?

L'existence de deux programmes d'investissements d'avenir, distincts du budget général, se justifie par la nécessité de préserver la capacité de l'État à investir dans l'excellence et l'innovation malgré un contexte budgétaire particulièrement contraint.

Les programmes d'investissement d'avenir sont donc censés échapper aux mesures de régulation budgétaires appliquées aux dépenses du budget général de l'État.

Cependant, le Gouvernement a indiqué, dans le cadre du programme de stabilité, que le coût en 2016 du plan d'urgence pour l'emploi serait gagé à hauteur de 400 millions d'euros par des économies sur les décaissements du PIA . Interrogé par votre rapporteur général, le Gouvernement a confirmé l'économie prévue en 2016 mais n'a pas donné davantage de précisions sur la façon dont de moindres décaissements PIA peuvent être pilotés afin de financer des dépenses nouvelles.

Une telle manipulation des décaissements du PIA relativise les justifications avancées à l'occasion du lancement du troisième programme d'investissement d'avenir : si ces enveloppes de crédits n'échappent pas aux mesures de régulation, leur caractère extrabudgétaire, qui limite fortement le pouvoir de contrôle du Parlement à leur égard, ne trouve plus de fondement.

Elle conduit aussi à nourrir des doutes sur les causes de la sous-exécution des décaissements constatée en 2015 , qui pourraient consister en un simple ralentissement imprévu des projets, ou en un pilotage serré des crédits afin de garantir le respect des cibles d'exécution définies par le Gouvernement.

B. UNE DETTE DE L'ÉTAT REPRÉSENTANT PRÈS DE 76 % DU PIB À LA FIN DE L'ANNÉE 2015

1. Un besoin de financement de 189,1 milliards d'euros en 2015

Le besoin de financement de l'État s'est élevé à 189,1 milliards d'euros en 2015, soit une hausse de 10,0 milliards d'euros par rapport à 2014 et une baisse de 3,2 milliards d'euros au regard des prévisions de la loi de finances initiale pour 2015. Cette diminution provient notamment de l'évolution du déficit budgétaire , moins élevé que prévu.

Outre le solde à financer, le besoin de financement se compose pour l'essentiel (plus de 60 %) des amortissements de la dette à moyen et long terme.

Les amortissements de la dette à moyen et long termes se sont élevés à 116,4 milliards d'euros en 2015, en légère baisse de 0,1 milliard d'euros par rapport à la prévision initiale. Cela s'explique par l'impact de la baisse de l'inflation : celle-ci limite les suppléments d'indexation versés à l'échéance et donc le besoin de refinancement de la dette.

Les autres besoins de trésorerie se sont établis à 2,0 milliards d'euros, contre 1,3 milliard d'euros attendus en loi de finances initiale.

La composition des autres besoins de trésorerie

Les autres besoins de trésorerie sont composés :

- des décaissements sur comptes d'investissements d'avenir, nets des intérêts versés par l'État au titre des « dotations non consommables » (car ces intérêts sont déjà imputés dans le déficit budgétaire). En 2015, ce poste représente 2,7 milliards d'euros ;

- de la neutralisation de la charge annuelle d'indexation du capital des titres indexés, qui est comptée dans le déficit budgétaire alors qu'elle n'occasionne pas de décaissement. Cette neutralisation, comptée en moindre (-) besoin de financement, a été de 0,5 milliard d'euros du fait de la faiblesse de l'inflation ;

- enfin, d'une ligne d'ajustements comptables. Celle-ci comprend des ajustements pour passage de l'exercice budgétaire à l'année civile, résultant de décalages temporels dû à l'imputation de dépenses budgétaires au cours de la période complémentaire, et de la variation des fonds hors Trésor d'entités de la sphère « État », pour un total de 0,2 milliard d'euros en 2015.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

2. Un montant particulièrement élevé de primes à l'émission s'expliquant par la faiblesse des taux d'intérêt en 2015

Les ressources de financement, par définition égales aux besoins, comprennent essentiellement des émissions de dette à moyen et long termes qui se sont élevées à 187,0 milliards d'euros en 2015 (nettes des rachats), dans le respect du programme d'émission prévu en loi de finances initiale.

Un montant de 0,8 milliard d'euros versé en 2015 par le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (PFE) a été utilisé par la Caisse de la dette publique (CDP) pour amortir des titres d'État. Ce montant est très inférieur à la prévision de la loi de finances initiale mais celle-ci est largement conventionnelle : l'État n'a en effet pas intérêt à indiquer à l'avance aux marchés le montant de cessions qu'il envisage de réaliser au cours de l'année.

Les fonds déposés au Trésor par les correspondants ont augmenté de 6,7 milliards d'euros par rapport à fin 2014, ce qui a conduit les disponibilités du Trésor en fin d'année à connaître une hausse de + 5,2 milliards d'euros.

Enfin, la baisse des taux à moyen et long terme a occasionné la réception en trésorerie d'importantes primes à l'émission , lors des réémissions de titres créés antérieurement. Les primes à l'émission résultent de la différence entre le taux de coupon des titres émis et le taux d'intérêt de marché en vigueur au moment de l'émission.

Les primes et décotes à l'émission

Les titres émis à moyen ou long terme par l'État peuvent l'être au moyen d'une technique d'assimilation , qui consiste à abonder une même « ligne » ou « souche » de dette plusieurs fois pour en améliorer la liquidité.

Ces émissions à partir de souches anciennes, pratiquées depuis septembre 2007, ont été systématisées à partir de 2008 .

Ainsi, le prix d'acquisition de ces titres peut varier de leur valeur nominale de remboursement . Par exemple, si le titre vaut 100 et s'accompagne d'un coupon (c'est-à-dire d'un intérêt) de 4, alors que la plupart des autres titres sur le marché ont un coupon de 2, il est probable que les souscripteurs proposent d'acheter le titre pour un prix supérieur au prix nominal : par exemple, pour 200 alors que le prix nominal était de 100.

Dans ce cas, une prime apparaît pour l'État . Dans le cas inverse, les souscripteurs proposeront un prix d'achat inférieur au nominal, et une décote apparaîtra pour l'État.

En comptabilité budgétaire, ces primes et décotes à l'émission sont traitées comme opérations de trésorerie (comme le prévoit l'article 25 de la loi organique relative aux lois de finances) et apparaissent dans la catégorie « autres ressources de trésorerie » .

Quand les taux d'intérêt sur la dette de l'État diminuent, les primes ont tendance à augmenter dans la mesure où les souches anciennes de dette proposent un rendement plus élevé que les souches nouvelles.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire du rapporteur général)

Les autres ressources de trésorerie s'établissent ainsi en très forte hausse : elles atteignent 22,4 milliards d'euros, soit un montant supérieur de 21,9 milliards d'euros aux estimations de la loi de finances initiale qui ne s'élevaient qu'à 500 millions d'euros .

D'après les informations transmises à votre rapporteur général par le Gouvernement, l'État a perçu 22,7 milliards d'euros de primes reçues nettes des décotes versées à l'émission , auxquelles il faut retrancher 1,0 milliard d'euros de primes payées sur rachats de titres et ajouter 0,7 milliard d'euros de suppléments d'indexation (se décomposant en 0,9 milliard d'euros reçus à l'émission, moins 0,2 milliard d'euros versés lors des rachats).

Ces ressources additionnelles ont été utilisées pour réduire l'endettement à court terme , à hauteur de 22,6 milliards d'euros d'une fin d'année à l'autre.

L'Agence France Trésor (AFT) a en effet mené un important programme d'émissions de titres sur des souches anciennes : en 2015, elles ont représenté 33 % des émissions de moyen et long terme, soit 67,3 milliards d'euros. Cette proportion est supérieure à celle observée en 2014 (22 %, soit 40,5 milliards d'euros), mais elle a déjà été atteinte et même dépassée il y a quelques années , en 2011 (37 %). D'après la Cour des comptes, l'AFT considère que « les achats réguliers de titres français par l'Eurosystème dans le cadre de son programme de rachat de titres publics ont rendu nécessaire ce ré-abondement régulier des souches anciennement émises afin de répondre à la demande des investisseurs et maintenir la meilleure liquidité possible sur l'ensemble des OAT. L'AFT estime que, si elle n'avait pas répondu à cette demande, les taux obtenus sur ces émissions à long et moyen terme auraient été globalement plus élevés ».

Votre rapporteur général souligne que l'émission sur souche ancienne, et les primes ou décotes auxquelles elle donne lieu, n'ont rien de nouveau .

Les explications données par l'Agence France Trésor lui paraissent satisfaisantes : dans le contexte exceptionnel de rachat massif de titres par les banques centrales de la zone euro, des émissions plus importantes que prévu sur des souches anciennement émises semblent justifiées .

Au surplus, l'utilisation des primes à l'émission, qui ont permis de diminuer l'encours de la dette à court terme, paraît conforme à l'intérêt général de long terme : plutôt que de minimiser la charge budgétaire de la dette dans l'immédiat, ce qui aurait exigé de privilégier l'endettement à court terme dont les taux sont très faibles voire négatifs, l'Agence France Trésor a préféré diminuer l'endettement à court terme qui est aussi celui dont les taux d'intérêt vont les plus volatils. Cette stratégie ne vise donc pas à réduire au maximum la charge d'intérêt immédiate mais à limiter le risque budgétaire couru en cas de remontée des taux.

Ces primes à l'émission auront cependant pour contrepartie une charge budgétaire d'intérêt plus importante dans les années à venir et votre rapporteur général se montrera vigilant quant à l'évolution tant de la charge de la dette que des primes à l'émission .

3. La dette de l'État continue de croître et atteint 75,8 % du PIB

L'encours de la dette financière négociable de l'État s'élève, en fin d'année 2015, à 1 576 milliards d'euros 68 ( * ) contre 1 528 milliards d'euros fin 2014. Elle a donc augmenté de 48 milliards d'euros .

Si cette hausse est inférieure à celle des années passées, elle n'en reste pas moins préoccupante . En effet, le caractère indolore de l'augmentation de la dette, en raison de la faiblesse des taux d'intérêt, ne saurait se prolonger de façon indéfinie. La remontée des taux d'intérêt, qui conduira à alourdir le poids des intérêts de la dette, placera alors la France dans une situation très délicate.

L'endettement massif de l'État participe de la fragilisation de sa situation financière, décrite dans le compte général de l'État (CGE).

IV. LA MESURE DE LA PERFORMANCE

La loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 (LOLF) 69 ( * ) visait notamment à rompre avec la logique de moyens, qui prévalait sous l'ordonnance de 1959 70 ( * ) , et à promouvoir une culture de résultats , davantage tournée vers l'efficacité et l'efficience des politiques publiques. Ainsi, dès son article 1 er , la LOLF précise que les lois de finances doivent tenir compte « des objectifs et des résultats des programmes qu'elles déterminent ».

La LOLF a ainsi prévu la définition d'objectifs pour chaque programme, déclinés en indicateurs et sous-indicateurs. Aux termes de son article 51, les projets annuels de performance (PAP) annexés au projet de loi de finances de l'année doivent comporter « la présentation des actions, des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus pour les années à venir mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié » . Comme le rappelle le guide méthodologique de la performance 71 ( * ) , ces indicateurs doivent permettre de mesurer l'une des trois dimensions de la performance :

- l'efficacité socio-économique répondant aux attentes des citoyens. Ils correspondent à des objectifs visant à modifier l'environnement économique, social, écologique, sanitaire, culturel, etc. et indiquent non pas ce que fait l'administration (ses produits), mais l'impact de ce qu'elle fait (ses résultats socio-économiques) ;

- la qualité de service intéressant l'usager. L'usager peut être externe (utilisateur d'un service public) ou interne (service bénéficiaire d'un programme de gestion interne - gestion des ressources humaines de la mission, par exemple) assuré par un programme dit de « soutien » ;

- l' efficience de la gestion intéressant le contribuable et qui vise, pour un même niveau de ressources, à accroître les produits des activités publiques ou, pour un même niveau d'activité, à nécessiter moins de moyens.

Enfin, dans le cadre du « chaînage vertueux » fondé sur la confrontation entre les prévisions et les réalisations, l'examen de la loi de règlement doit permettre au Parlement et aux citoyens de mesurer l'atteinte des objectifs fixés dans le projet de loi de finances afférent à la même année. Aux termes de l'article 54 de la LOLF, les rapports annuels de performances (RAP) annexés au projet de loi de règlement doivent ainsi comporter « les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et les coûts associés ».

A. LA MESURE DE LA PERFORMANCE PAR LES INDICATEURS LES PLUS REPRÉSENTATIFS DES MISSIONS

1. Un effort de rationalisation significatif entrepris dans le projet de loi de finances pour 2015

La rationalisation de la mesure de la performance est indispensable pour améliorer la lisibilité des objectifs de l'action publique. Cet effort passe notamment par une diminution du nombre d'objectifs et d'indicateurs associés aux programmes des missions du budget de l'État. Si cette étape relève du projet de loi de finances (PLF), c'est à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement que les bénéfices en matière de lisibilité de la mesure de la performance peuvent être appréciés.

D'après les données transmises par le ministère du budget, le nombre d'objectifs pour le budget général de l'État est passé de 400 dans le PLF 2014 à 329 dans le PLF 2015, soit une diminution de près de 18 % . La moyenne d'objectifs par programme s'établit en conséquence à 2,7 ; contre 3,2 l'année précédente.

Le nombre d'indicateurs connaît une tendance identique, passant de 837 dans le PLF 2014 à 674 dans le PLF 2015, soit une diminution de 19,5 %.

Votre rapporteur général salue un effort de rationalisation plus important que celui constaté entre les PLF 2013 et 2014, pour lesquels la réduction du nombre d'objectifs et d'indicateurs associés s'établissait à environ 4 % . Entre 2007 et 2015, le nombre d'objectifs de performance a été réduit de 38 % et le nombre d'indicateurs de 40 %.

La répartition entre les trois grandes catégories d'indicateurs ne connaît pas d'évolution , 46 % d'entre eux mesurant l'efficacité pour le citoyen, 19 % la qualité de service rendu à l'usager et 35 % l'efficience du point de vue du contribuable.

2. La poursuite de l'effort d'amélioration du renseignement des sous-indicateurs relatifs aux missions du budget général

La réduction du nombre d'indicateurs s'accompagne d'une amélioration du taux de renseignement de ceux-ci dans les rapports annuels de performances (RAP) de chaque mission. Pour 2015, 78 % des 251 sous-indicateurs relatifs aux 87 indicateurs de mission du budget général de l'État sont renseignés. Pour 71 % d'entre eux, une prévision était renseignée. Ces deux taux sont en amélioration par rapport à l'année précédente (où ils atteignaient respectivement 76 % et 69 %).

Si 20 missions du budget général sur 28 ont un taux de renseignement des sous-indicateurs de mission atteignant 100 %, certaines font toujours l'objet d'une documentation insuffisante, pourtant nécessaire à la fonction de contrôle du Parlement. Par ailleurs, trois missions comportant un nombre significatif de sous-indicateurs affichent un taux de renseignement particulièrement faible .

Le taux de renseignement des sous-indicateurs de la mission « Recherche et enseignement supérieur » apparaît particulièrement faible tant en prévision qu'en exécution . La plupart des sous-indicateurs 2015 sont nouveaux et beaucoup d'entre eux ne peuvent être renseignés qu'en année n+1. Par exemple, le pourcentage d'une classe d'âge obtenant un diplôme de l'enseignement supérieur en formation initiale n'est disponible qu'en décembre n+1 et n'apparaît donc qu'au RAP n+1.

Une amélioration du renseignement des indicateurs est à noter s'agissant de la mission « Enseignement scolaire » . S'ils demeurent globalement sous-renseignés (42 % renseignés dont la prévision était connue), les sous-indicateurs de la mission affichent un meilleur taux de renseignement que l'année précédente (en 2014, seuls 16 % des sous-indicateurs étaient renseignés et bénéficiaient d'une prévision). La dépense dans le domaine de l'enseignement scolaire étant composée à plus de 90 % de crédits de titre 2, il est cependant regrettable, comme le souligne la Cour des comptes, que « les indicateurs d'efficience financière restent par ailleurs trop peu représentés, ne permettant pas d'apprécier la performance du système éducatif du point de vue de son utilité socio-économique » 72 ( * ) .

La mission « Travail et emploi » demeure quant à elle particulièrement peu documentée avec un seul sous-indicateur de mission renseigné sur cinq . Par ailleurs, comme le souligne la Cour des comptes dans sa note sur l'exécution budgétaire 2015, il apparaît regrettable que « la refonte de nombre d'indicateurs, en lien avec le souhait d'en diminuer le nombre et d'en accroître la pertinence, n'a pas eu pour effet de préciser davantage l'impact macroéconomique des mesures en faveur de l'emploi sur le chômage » 73 ( * ) .

Tableau n° 40 : Sous-indicateurs* 2015 renseignés
et sous-indicateurs* dont la prévision 2015 était connue

Mission

Nombre de sous-indicateurs de la mission

Sous-indicateurs renseignés 2015

Sous-indicateurs renseignés 2015 dont la prévision était connue

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Action extérieure de l'État

12

9

75 %

9

75 %

Administration générale et territoriale de l'État

4

4

100 %

4

100 %

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

5

3

60 %

3

60 %

Aide publique au développement

2

2

100 %

2

100 %

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

3

3

100 %

3

100 %

Conseil et contrôle de l'État

7

7

100 %

7

100 %

Culture

10

10

100 %

7

70 %

Défense

14

14

100 %

14

100 %

Direction de l'action du gouvernement

8

8

100 %

4

50 %

Écologie

6

6

100 %

6

100 %

Économie

2

2

100 %

2

100 %

Égalité des territoires et logement

18

11

61 %

9

50 %

Engagements financiers de l'État

5

5

100 %

5

100 %

Enseignement scolaire

31

21

68 %

13

42 %

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

7

7

100 %

7

100 %

Immigration, asile et intégration

4

4

100 %

4

100 %

Justice

12

9

75 %

9

75 %

Médias, livre et industries culturelles

6

6

100 %

6

100 %

Outre-Mer

6

6

100 %

6

100 %

Politique des territoires

1

0

0 %

0

0 %

Recherche et enseignement supérieur

25

6

24 %

6

24 %

Régimes sociaux et de retraite

1

1

100 %

1

100 %

Relations avec les collectivités territoriales

8

8

100 %

8

100 %

Solidarité, insertion et égalité des chances

6

4

67 %

4

67 %

Santé

5

2

40 %

2

40 %

Sécurités

28

28

100 %

28

100 %

Sport, jeunesse et vie associative

10

10

100 %

8

80 %

Travail et emploi

5

1

20 %

1

20 %

TOTAL

251

197

78 %

178

71 %

Rappel 2014

323

246

76 %

222

69 %

* Sous-indicateurs de mission
Source : commission des finances du Sénat, d'après des données ministère du budget

3. Une performance des missions du budget général globalement stable par rapport à 2014

Le tableau infra résume les écarts aux cibles de performance dans les missions du budget général de l'État . Globalement, les résultats varient peu par rapport à 2014 : 4 % des sous-indicateurs manquent la prévision de 50 % et 10 % s'en écartent de 25 %. Les écarts excessifs à la prévision mentionnée dans le PAP restent donc exceptionnels dans la plupart des missions du budget général de l'État.

Toutefois, en 2015, 60 % des sous-indicateurs relatifs aux indicateurs de mission manquent leur cible lorsque celle-ci était connue. L'absence d'amélioration de ce résultat, déjà insatisfaisant en 2014 (57 %), est regrettable .

Parmi les sous-indicateurs manquant la prévision d'au moins 25 %, certains devront faire l'objet d'une attention particulière lors de l'examen des futurs projets de loi de finances et de règlement. Il s'agit :

- pour la mission « Immigration, asile et intégration », du sous-indicateur « Délai moyen de traitement d'un dossier par l'OFPRA », qui manque la prévision de 43 % : le délai moyen constaté s'établit à 216 jours, loin de la cible de 150 jours fixée par le PAP 2015 ;

- pour la mission « Action extérieure de l'État », du sous-indicateur mesurant l'usage de langue française au sein des institutions de l'Union européenne , qui est inférieur de moitié à la prévision de 10 % des documents budgétaires ;

- pour la mission « Direction de l'action du Gouvernement », du sous-indicateur « Maturité globale en sécurité des systèmes d'information de l'État » (mesuré par une note comprise entre 1 et 5 points), qui manque la prévision fixée à 3,5 ;

- pour la mission « Relations avec les collectivités territoriales », du sous-indicateur « Montant moyen des investissements subventionnés », qui est inférieur de 27 % à la cible de 200 000 euros ;

- pour la mission « Sport, jeunesse et vie associative », du nombre de clubs garantissant un accès aux personnes en situation de handicap , qui demeure, malgré une amélioration de près de 43 % par rapport à 2014, en deçà de la prévision fixée à 6 000.

Tableau n° 41 : Résultats des RAP 2015 au regard des prévisions 2015 des PAP 2015

Mission

Sous-indicateurs renseignés dont la prévision était connue manquant la cible

Sous-indicateurs manquant la prévision de plus de 50 %

Sous-indicateurs manquant la prévision de plus de 25 %

Sous-indicateurs renseignés atteignant ou dépassant la cible

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Action extérieure de l'État

6

67 %

1

11 %

2

22 %

3

33 %

Administration générale et territoriale de l'État

3

75 %

0

0 %

0

0 %

1

25 %

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2

67 %

0

0 %

1

33 %

1

33 %

Aide publique au développement

1

50 %

0

0 %

0

0 %

1

50 %

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2

67 %

1

33 %

1

33 %

1

33 %

Conseil et contrôle de l'État

5

71 %

1

14 %

1

14 %

2

29 %

Culture

3

43 %

0

0 %

0

0 %

4

57 %

Défense

9

64 %

1

7 %

2

14 %

5

36 %

Direction de l'action du gouvernement

2

50 %

0

0 %

1

25 %

2

50 %

Écologie

5

83 %

0

0 %

0

0 %

1

17 %

Économie

1

50 %

0

0 %

0

0 %

1

50 %

Égalité des territoires et logement

4

44 %

0

0 %

0

0 %

5

56 %

Engagements financiers de l'État

1

20 %

0

0 %

1

20 %

4

80 %

Enseignement scolaire

10

77 %

0

0 %

0

0 %

3

23 %

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

4

57 %

0

0 %

0

0 %

3

43 %

Immigration, asile et intégration

2

50 %

0

0 %

1

25 %

2

50 %

Justice

6

67 %

0

0 %

0

0 %

3

33 %

Médias, livre et industries culturelles

6

100 %

0

0 %

0

0 %

0

0 %

Outre-Mer

3

50 %

2

33 %

3

50 %

3

50 %

Politique des territoires

0

0 %

0

0 %

0

0 %

0

0 %

Recherche et enseignement supérieur

2

33 %

0

0 %

0

0 %

4

67 %

Régimes sociaux et de retraite

0

0 %

0

0 %

0

0 %

1

100 %

Relations avec les collectivités territoriales

4

50 %

0

0 %

2

25 %

4

50 %

Solidarité, insertion et égalité des chances

4

100 %

0

0 %

1

25 %

0

0 %

Santé

2

100 %

0

0 %

0

0 %

0

0 %

Sécurités

16

57 %

1

4 %

1

4 %

12

43 %

Sport, jeunesse et vie associative

3

38 %

0

0 %

1

13 %

5

63 %

Travail et emploi

1

100 %

0

0 %

0

0 %

0

0 %

TOTAL

107

60 %

7

4 %

18

10 %

71

40 %

Rappel 2014

128

58 %

9

4 %

15

7 %

94

42 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données ministère du budget

4. La performance des comptes de concours financiers

Trois comptes de concours financiers bénéficient d'indicateurs et de sous-indicateurs de mission permettant d'appréhender leur performance. Il s'agit des comptes « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », « Avances à l'audiovisuel public » et « Contrôle et exploitation aériens ».

Tableau n° 42 : Sous-indicateurs* 2015 renseignés
et sous-indicateurs* dont la prévision 2015 était connue

Mission

Nombre de sous-indicateurs de la mission

Sous-indicateurs renseignés 2015

Sous-indicateurs renseignés 2015 dont la prévision était connue

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics

5

5

100 %

5

100 %

Avances à l'audiovisuel public

12

9

75 %

9

75 %

Contrôle et exploitation aériens

8

8

100 %

8

100 %

TOTAL

25

22

88 %

22

88 %

* Sous-indicateurs de mission
Source : commission des finances du Sénat, d'après des données ministère du budget

Le renseignement des résultats et prévisions des sous-indicateurs relatifs aux comptes de concours financiers est supérieur à celui observé pour les missions du budget général de l'État. Seul le compte « Avances à l'audiovisuel public » n'est pas documenté à 100 %.

Tableau n° 43 : Résultats des RAP 2015 au regard des prévisions 2015 des PAP 2015

Mission

Sous-indicateurs renseignés dont la prévision était connue manquant la cible

Sous-indicateurs manquant la prévision de plus de 50 %

Sous-indicateurs manquant la prévision de plus de 25 %

Sous-indicateurs renseignés atteignant ou dépassant la cible

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics

1

20 %

1

20 %

1

20 %

4

80 %

Avances à l'audiovisuel public

5

56 %

2

22 %

2

22 %

4

44 %

Contrôle et exploitation aériens

1

13 %

1

13 %

1

13 %

7

88 %

TOTAL

7

32 %

4

18 %

4

18 %

15

68 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données ministère du budget

Les résultats affichés par ces comptes sont également meilleurs que ceux des missions du budget général. En effet, 68 % des sous-indicateurs renseignés dont la prévision était connue atteignent ou dépassent la cible fixée dans le PAP . Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » comporte cependant une majorité (56 %) de sous-indicateurs manquant la cible. Ces écarts concernent principalement des objectifs d'audience pour les stations de radio publiques.

B. LA MESURE TRANSVERSALE DE LA PERFORMANCE : DES INDICATEURS À GÉNÉRALISER

À compter de 2008, des indicateurs transversaux ont été progressivement mis en place afin de permettre une analyse comparative de l'efficience des fonctions de support entre les missions, en fonction de critères harmonisés.

Au nombre de cinq, ces indicateurs visent respectivement à évaluer :

- l'efficience de la fonction achat ;

- l'efficience de la gestion des ressources humaines ;

- l'efficience de la gestion immobilière ;

- l'efficience de la gestion informatique et bureautique ;

- la part des bénéficiaires de l'obligation d'emploi prévue par la loi n° 87-51 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés.

D'après les informations de la direction du budget, le nombre de missions du budget général disposant d'indicateurs transversaux reste inchangé par rapport à 2014. Douze d'entre elles sont concernées. À défaut d'être généralisé à l'ensemble des missions, votre rapporteur général regrette que ce type d'indicateur n'ait pas été élargi à davantage de missions du budget général, comme il en avait fait la recommandation lors de l'examen du projet de loi de règlement 2014.

Tableau n° 44 : Missions du budget général disposant d'indicateurs transversaux

Mission

Programme

Type de programme

Culture

224

Programme portant l'intégralité du support

Écologie, développement et aménagement durables

217

Programme portant l'intégralité du support

Solidarités, insertion et égalité des chances

124

Programme portant l'intégralité du support

Travail et emploi

155

Programme portant l'intégralité du support

Administration générale et territoriale de l'État

216

Programme dont la spécialité relève exclusivement du support

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

215

Programme dont la spécialité relève exclusivement du support

Défense

212

Programme dont la spécialité relève exclusivement du support

Direction de l'action du Gouvernement

333

Programme dont la spécialité relève exclusivement du support

129

Programme portant l'action support majoritaire

Enseignement scolaire

214

Programme dont la spécialité relève exclusivement du support

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

218

Programme dont la spécialité relève exclusivement du support

Justice

310

Programme dont la spécialité relève exclusivement du support

Action extérieure de l'État

105

Programme portant l'action support majoritaire

Source : Direction du budget, Guide de la performanc e, édition mars 2014 pour le PLF 2015.

1. L'efficience de la fonction achat

Le tableau infra présente les résultats, dans les missions du budget général disposant d'indicateurs transversaux, de l'indicateur « Efficience de la fonction achat » . Le sous-indicateur « Gain relatif aux actions achat » permet de mesurer les gains théoriques réalisés en rendant la fonction achat plus effective à travers divers mesures (mutualisation des achats, externalisation, standardisation, etc.). Le calcul de cet indicateur est fondé sur une comparaison entre les prix (ou situations) de référence et ceux résultant de l'intervention de l'acheteur ministériel.

Tableau n° 45 : Efficience de la fonction achat

Mission

Gain relatif aux actions achat (M €)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Prévision 2015 PAP 2015

Défense

98

118

125,50

135,2

112

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

76,00

104,30

102,00

146

100

Administration générale et territoriale de l'État

67,2

109

65,00

49,2

64

Justice

43,9

19,5

31,00

45,4

26,75

Écologie

11,3

32,4

19,90

19

44,6

Solidarité, insertion et égalité des chances

2,074

6,1

14,10

8,3

13,9

Direction de l'action du Gouvernement

5,38

1,18

14,00

13,6

12,4

Enseignement scolaire

11,4

10,1

10,40

27,1

10,8

Agriculture

1,60

1,70

3,20

1,80

1,80

Action extérieure de l'État

-

2,31

2,39

2,40

2,00

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données ministère du budget

Sur les dix missions disposant de cet indicateur transversal, cinq présentent une amélioration de l'efficience de leur fonction achat au cours de l'exercice 2015. En revanche, cinq autres ne parviennent pas à obtenir de meilleurs résultats qu'en 2014.

Quatre missions enregistrent des gains inférieurs aux prévisions fixées dans les PAP 2015 : « Direction de l'action du gouvernement », « Solidarité, insertion et égalité des chances », « Écologie » et « Administration générale et territoriale de l'État ».

Si certaines missions affichent des résultats plus faibles que d'autres, il convient toutefois de saluer les progrès réalisés par la plupart d'entre elles depuis 2012, à l'exception de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », qui est la seule à afficher, en 2015, un résultat inférieur à celui de 2012 . Une attention particulière devra donc être portée sur cette mission lors de l'examen du projet de loi de règlement 2016.

2. L'efficience de la gestion des ressources humaines

Tableau n° 46 : Efficience de la gestion des ressources humaines

Mission

Ratio d'efficience de la gestion des ressources humaines ( %)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Prévision 2015 PAP 2015

Enseignement scolaire

0,7

0,7

0,7

0,7

0,7

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2,1

2,04

2,04

2,06

1,97

Administration générale et territoriale de l'État

2,15

2,15

2,15

2,13

2,13

Justice

2,24

2,14

2,16

2,17

2

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

2,3

2,3

2,3

2,3

2,1

Conseil et contrôle de l'État

2,17

2,3

2,34

2,33

2,5

Direction de l'action du Gouvernement

NC

1,86

1,95

1,86

1,92

Culture

2,5

2,6

2,6

2,6

2,4

Défense

2,82

2,68

2,87

2,81

2,82

Écologie, développement et mobilité durables

3,2

3,36

3,3

3,39

3

Solidarité, insertion et égalité des chances

2,93

2,89

3,42

3,44

3,3

Travail et emploi

NC

2,61

3,42

3,44

3,3

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données ministère du budget

Le ratio d'efficience de la gestion des ressources humaines correspond au rapport entre les personnels gérants (personnels affectés à la gestion des ressources humaines) et les effectifs gérés.

Cet indicateur est caractérisé par une grande homogénéité entre les différentes missions : le ratio est compris pour la plupart d'entre elles entre 2 % et 3 %. De plus, l'indicateur n'évolue guère par rapport à 2014 et les écarts à la prévision fixée dans les PAP 2015 sont faibles.

3. L'efficience de la gestion immobilière

Cinq sous-indicateurs sont utilisés pour mesurer l'efficience de la gestion immobilière :

- ratio surface utile brute (SUB 74 ( * ) ) / surface hors oeuvre nette (SHON) ;

- ratio surface utile nette (SUN) / poste de travail ;

- ratio entretien courant / SUB ;

- ratio entretien lourd / SUB ;

- coût des travaux structurants.

Tableau n° 47 : Ratio SUN/Poste de travail

Mission

Efficience de la gestion immobilière Ratio SUN/Poste de travail (m²/poste ou m²/agent)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Prévision 2015 PAP 2015

Administration générale et territoriale de l'État

8,60

8,66

8,61

8,55

8,68

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

13,47

13,67

12,76

13,8

12,79

Enseignement scolaire

13,5

13,2

12,9

12,7

13

Défense

12,28

11,76

13,19

13,34

13,18

Écologie, développement et mobilité durables

13,48

13,28

13,24

12,55

12,36

Solidarité, insertion et égalité des chances

13,5

13,45

13,25

13,2

13,1

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

13,6

13,4

13,4

13,4

13,4

Action extérieure de l'État

15,65

15,2

15,1

11,6

14,3

Direction de l'action du Gouvernement

15,35

15,03

15,6

14,99

15,19

Culture

15,5

15,84

15,85

15,61

15,06

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données ministère du budget

Le ratio SUN/poste de travail mesure la surface utile nette en m 2 rapportée au nombre d'agents ou de postes de travail de la mission budgétaire concernée. Il convient de rappeler que la norme utilisée par l'État est fixée à 12 m² 75 ( * ) .

Sept missions sur les dix renseignées dans le tableau ci-dessus présentent des résultats en amélioration par rapport à 2014. L'amélioration de cet aspect de l'efficience de la gestion immobilière peut notamment être saluée en ce qui concerne la mission « Action extérieure de l'État » . Ce résultat s'explique en partie par la vente de plusieurs biens immobiliers, contribuant ainsi à diminuer la surface nette globale.

Tableau n° 48 : Ratio entretien courant/SUB

Mission

Efficience de la gestion immobilière Ratio entretien courant/SUB (€/m²)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Prévision 2015 PAP 2015

Administration générale et territoriale de l'État

6,13

6,73

7,03

7,72

6,37

Action extérieure de l'État

5,64

5,36

7,24

7,73

5,31

Enseignement scolaire

12,70

12,00

11,90

9,2

12,5

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

14,57

14,23

15,84

17,08

NC

Solidarité, insertion et égalité des chances

21,56

23,22

30,00

28,85

26

Écologie, développement et mobilité durables

39,17

32,28

32,80

36,3

35,09

Culture

63,00

32,00

37,00

45

NC

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

33,30

36,30

34,70

39,1

33

Direction de l'action du Gouvernement

Ratio mission

66,07

66,00

72,00

56

65

Ratio d'entretien courant du Défenseur des droits

75,00

82,84

63,37

32,02

63

Ratio entretien courant du CSA

34,00

50,00

104,00

68

58

Ratio entretien courant de la CNIL

124,00

114,00

97,00

95,14

100

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données ministère du budget

Le tableau ci-dessus présente, pour les missions du budget général disposant de l'information, les résultats du sous-indicateur « Ratio entretien courant/SUB ». Seules deux missions dépassent significativement l'objectif fixé en PAP 2015 : « Enseignement scolaire » et « Direction de l'action du gouvernement ». Une attention particulière doit être portée à l'avenir sur la mission « Culture », dont le ratio se dégrade en 2015 pour la troisième année consécutive .

Tableau n° 49 : Ratio entretien lourd/SUB

Mission

Efficience de la gestion immobilière Ratio entretien lourd/SUB (€/m²)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Prévision 2015 PAP 2015

Action extérieure de l'État

2,98

1,40

1,61

1,75

1,29

Administration générale et territoriale de l'État

9,55

7,76

6,47

6,28

6,68

Enseignement scolaire

25,70

18,30

17,30

19,1

33,2

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

70,90

24,30

26,10

26,4

50

Direction de l'action du Gouvernement

85,21

88,00

61,00

40

80

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

63,84

17,57

33,42

37,04

NC

Culture

79,00

59,00

208,00

15

NC

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données ministère du budget

Pour les missions budgétaires dont la prévision pour 2015 était connue, seule la mission « Action extérieure de l'État » présente un coût de l'entretien lourd plus élevé que celui défini par le PAP.

Pour les autres missions, le résultat est inférieur à la prévision, avec un écart allant jusqu'à 50 % pour la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

4. L`efficience de la gestion bureautique

Tableau n° 50 : Efficience de la gestion bureautique

Mission

Ratio d'efficience bureautique (€/poste)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Prévision 2015 (PAP 2015)

Administration générale et territoriale de l'État

412

438

384

664

383

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

635

654

673

787

NC

Culture

528

675

677

586

590

Direction de l'action du Gouvernement

1494,2

895,4

918,4

1401

1323

Écologie, développement et mobilité durables

880

876

880

876

858

Enseignement scolaire

837,5

894

875,5

818

875

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

598,7

606,6

595,99

701

640

Justice

405

415

494

428

415

Solidarité, insertion et égalité des chances

1 004

876

1178

1247

<=996

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données ministère du budget

L'indicateur « Ratio d'efficience bureautique » mesure le coût agrégé du matériel informatique rapporté au nombre de postes de travail. Sur les huit missions dont la prévision était connue et qui sont renseignées dans le tableau ci-dessus, six manquent l'objectif de performance défini dans le PAP.

La mission « Administration générale et territoriale de l'État » dépasse de plus de 73 % la prévision du PAP 2015 , ce qui constitue l'écart à la cible le plus important parmi les missions renseignées. Le ratio mesuré pour 2015 est en outre nettement supérieur à ceux observés les années précédentes. Le RAP 2015 de la mission indique qu'un changement intervenu dans le mode de calcul dudit ratio est à l'origine de ce décalage important entre prévision et réalisation : les dépenses de télécommunications et d'impressions sont en effet intégrées dans le ratio depuis l'élaboration du PAP 2016.

En 2015, la mission « Défense » ne comportait toujours pas d'indicateur transversal mesurant l'efficience bureautique . Votre rapporteur général regrette, comme il l'avait fait lors de l'examen du projet de loi de règlement 2014, que cette mission essentielle du budget général ne puisse pas être évaluée sur cet aspect, compte tenu notamment des difficultés rencontrées par le ministère de la défense avec le logiciel unique de la solde « Louvois ».

5. L'action en faveur de l'emploi des personnes en situation de handicap

Tableau n° 51 : Part des bénéficiaires de l'obligation d'emploi prévue par
la loi n°87-517 du 10 juillet 1987

Mission

Part des bénéficiaires de l'obligation d'emploi prévue par la loi n°87-517 du 10 juillet 1987 ( %)

Réalisation 2012

Réalisation 2013

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Prévision 2015 PAP 2015

Action extérieure de l'État

NC

4,31

4,21

4,33

4,68

Administration générale et territoriale de l'État

NC

6,01

6,13

6,12

6,02

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

4,09

4,55

4,70

4,74

4,9

Culture

4,49

4,74

5,03

4,92

5,32

Défense

6,93

7,00

6,33

7,52

6,95

Direction de l'action du Gouvernement

4,14

4,08

4,30

3,2

4

Écologie, développement et mobilité durables

6,70

7,23

7,86

7,98 (prévision)

7

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

5,40

5,60

5,70

5,9

5,8

Justice

3,44

3,77

4,13

4,81

4,78

Solidarité, insertion et égalité des chances

6,12

6,10

6,00

>6

6

Travail et emploi

7,40

7,10

6,60

>6

6

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données ministère du budget

Une obligation d'emploi de travailleurs handicapés a été fixée à 6 % de l'effectif réel par la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés.

Parmi les onze missions du budget général renseignant cet indicateur en 2015, cinq atteignent l'objectif légal de 6 % de travailleurs en situation de handicap. La mission « Direction de l'action du Gouvernement » présente le taux le plus faible, à 3,2 % de l'effectif réel .

V. UNE NOUVELLE DÉGRADATION DE LA SOUTENABILITÉ À LONG TERME DES FINANCES PUBLIQUES EN 2015

L'analyse du bilan comptable de l'État, présenté dans le compte général de l'État, permet de porter un regard à la fois sur la gestion passée et sur la soutenabilité des finances publiques pour l'avenir .

Si la qualité de l'information comptable de l'État, certifiée par la Cour des comptes, ne fait guère de doute, paraît plus préoccupante en revanche la situation financière de l'État en 2015, qui prolonge les tendances observées en 2014.

Les particularités du bilan de l'État et de sa situation patrimoniale

Depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le compte général de l'État comporte une présentation de son bilan comptable . Le bilan de l'État présente son actif, constitué de l'ensemble de son patrimoine, et son passif, qui correspond à l'ensemble des engagements financiers de l'État à l'égard des tiers - pour l'essentiel des dettes financières.

Cependant, le bilan de l'État se différencie du bilan des entreprises privées en raison des spécificités de son action , qui trouvent leur traduction dans ses états financiers. Il ne possède notamment pas, à son passif, de capital social (le capital social étant l'apport des actionnaires à une société). Sa capacité à lever l'impôt ne peut constituer un actif incorporel, certains de ses monuments historiques ne sont valorisés, à l'actif de l'État, qu'à l'euro symbolique. Si, pour une entreprise, un résultat net négatif traduit une destruction de richesse, le déséquilibre entre actif et passif de l'État est quant à lui structurel.

Ainsi, le bilan de l'État n'est pas équilibré , à la différence d'un acteur privé. Il est présenté sous la forme d'un tableau de situation nette, correspondant à la différence entre son actif et son passif.

C'est donc l'évolution du résultat de l'État qui peut être interprétée et non sa valeur.

A. UNE INFORMATION COMPTABLE DE QUALITÉ MALGRÉ CINQ RÉSERVES SUBSTANTIELLES DE LA COUR DES COMPTES

Les cinq réserves substantielles formulées sur les comptes de l'État de 2015 reprennent celles relevées en 2014 ; elles portent sur le système d'information de l'État, le contrôle et l'audit internes ministériels, les produits régaliens, le patrimoine de la défense et les immobilisations financières. La Cour des comptes a cependant levé un certain nombre de parties de réserves.

1. Une évaluation des actifs de l'État qui demeure imprécise

La Cour des comptes souligne l'existence de nombreuses incertitudes quant à la valeur de l'actif de l'État.

Les données fiscales relatives aux produits régaliens sont insuffisamment contrôlées et l'évaluation des risques reste insatisfaisante. La Cour des comptes remarque en particulier que « le recensement et l'évaluation des engagements hors bilan de nature fiscale reçus par l'État accusent un retard important par rapport aux autres domaines des comptes ». En outre, elle relève que les comptes de l'État ne présentent pas de façon satisfaisante les contentieux fiscaux ou les impôts et taxes affectés à d'autres bénéficiaires.

En ce qui concerne les actifs de la défense , des travaux de fiabilisation restent à effectuer : le recensement physique des stocks par les principaux services gestionnaires de biens n'est, au 31 décembre 2015, « ni exhaustif ni correctement retranscrit dans les comptes » et les taux de dépréciation appliqués à des éléments de stock pourtant identiques varient selon le système d'information logistique considéré.

Enfin, le traitement comptable des immobilisations financières fait également l'objet de critiques. Une part importante des entités contrôlées par l'État produit des comptes insuffisamment fiables. À titre d'exemple, la Cour des comptes indique que les commissaires aux comptes de SNCF Réseau affirment ne pas être en mesure de se prononcer sur la valeur des actifs de l'activité « Infrastructure », qui s'élève à 33 milliards d'euros.

2. Les lacunes du système d'information financière et comptable de l'État et de ses dispositifs de contrôle et d'audit interne

Les retraitements dans Chorus

L'enregistrement des recettes et des dépenses de Chorus fait l'objet de processus standardisés qui ne sont pas toujours respectés lors des enregistrements comptables (cf. supra ). Afin de s'assurer de la cohérence des résultats obtenus, des saisies manuelles sont effectuées et des retraitements sont nécessaires.

Les réserves relatives aux systèmes d'information de l'État sont reconduites. Ainsi, la Cour des comptes regrette le maintien d'un fort risque d'erreur au niveau de Chorus en raison de l'importance des saisies manuelles , de la nécessité des retraitements et de l'insuffisance des contrôles automatiques et manuels.

D'autres applications présentent des « limites fonctionnelles importantes ». Il s'agit des applications Cep et Catloc dédiées aux dépôts des correspondants du Trésor, Hélios pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux et Médoc pour le recouvrement des impôts professionnels.

Enfin, les processus d'audit et de contrôle internes de l'État font encore l'objet de réserves substantielles . Ces processus restent insuffisamment décrits et documentés. Surtout, la gestion des risques actuelle, par les ministères, ne leur permet pas de disposer d'une vision assez exhaustive pour prioriser leurs actions.

B. UNE SITUATION FINANCIÈRE QUI CONTINUE DE SE DÉGRADER

1. Une situation nette déficitaire qui représente plus de la moitié du PIB de la France

La situation nette de l'État est déficitaire à hauteur de 1 115 milliards d'euros en 2015, soit plus de 50 % du PIB et une dégradation de 93,3 milliards d'euros par rapport au solde de l'année 2014.

Graphique n° 52 : Évolution de la situation nette de l'État entre 2013 et 2015

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le compte général de l'État

La dégradation de la situation nette est davantage liée à l'augmentation du passif qu'à une diminution de l'actif : ce dernier s'élève 982,2 milliards d'euros, en baisse de 3,8 milliards d'euros par rapport à 2014, tandis que le passif représente 2097,2 milliards d'euros, un montant supérieur de près de 97 milliards d'euros à celui de 2014.

Graphique n° 53 : Évolution de l'actif et du passif de l'État de 2013 à 2015

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le compte général de l'État

Au surplus, l'augmentation des dettes financières et non financières n'est pas directement liée à des investissements de l'État : la Cour des comptes montre que l'endettement de l'État ne finance que minoritairement des immobilisations corporelles, c'est-à-dire des investissements.

2. Des engagements hors bilan qui se stabilisent à un niveau important

Par ailleurs, les engagements hors bilan s'élèvent à environ 3 300 milliards d'euros , dont la moitié au titre des retraites civiles et militaires et le quart au titre de garanties. Ce montant est relativement stable par rapport à l'exercice 2014.

La garantie de l'État

Une garantie de l'État est une assurance donnée par l'État à une personne tierce de verser lui-même, dans l'hypothèse de la manifestation de risques (défaillance du débiteur, apparition d'un déficit, moins-value...), les sommes nécessaires à la bonne fin de l'opération (règlement de la créance, service des intérêts...).

Les garanties accordées par l'État sont de nature très diverse :

- la dette garantie qui englobe les engagements de sociétés françaises, entreprises nationales, collectivités, établissements publics, organismes bancaires pour lesquels l'État s'est engagé, dans l'hypothèse d'une éventuelle défaillance du débiteur véritable, à effectuer lui-même le règlement des intérêts ou le remboursement des échéances d'amortissement périodiques prévues au contrat ;

- les garanties de change et autres garanties spécifiques dont bénéficient certains établissements financiers chargés d'une mission d'intérêt général ou gérant pour le compte de l'État des interventions financières dans les pays en développement ;

- les engagements pris par l'État dans le cadre d'un plan de restructuration ou d'une cession d'entreprise ;

- des opérations sans sous-jacent financier ou dont le sous-jacent financier devient annexe comme l'engagement de bonne fin d'une opération telle qu'un contrat d'État à État, la garantie d'une intervention militaire ou l'équivalent d'une assurance corps pour un objet prêté à un musée national dans le cadre d'une exposition.

L'encours des garanties accordées par l'État dans le cadre d'accords bien définis (c'est-à-dire en excluant les garanties implicites découlant de la mission de régulateur économique et social de l'État, comme les subventions aux régimes de retraites) s'élevait à plus de 1 126 milliards d'euros en 2015, soit environ 50 % du produit intérieur brut français.

L'octroi d'une garantie ne se traduit pas nécessairement par des dépenses budgétaires dans la mesure où sa mise en oeuvre dépend de la survenance d'un évènement particulier, comme par exemple la défaillance du débiteur principal.

Source : commission des finances du Sénat (d'après la circulaire du 22 juillet 2003 relative au recensement des dispositifs de garantie explicite ou implicite accordée par l'État)

Il faut souligner que la Cour des comptes maintient, dans le cadre de la certification des comptes de l'État, ses réserves relatives au contrôle interne des engagements hors bilan 76 ( * ) : « l'efficacité du contrôle interne de certains engagements hors bilan, notamment ceux reçus par l'État, est insuffisante en raison des faiblesses relevées dans la mise en oeuvre des procédures de recensement et d'évaluation ». Autrement dit, les procédures d'enregistrement des engagements hors bilan actuelles doivent être renforcées pour améliorer la qualité des contrôles effectués par l'État et par la Cour des comptes.

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE LIMINAIRE - Solde structurel et solde effectif de l'ensemble des administrations publiques de l'année 2015

Commentaire : le présent article retrace le solde structurel et le solde effectif de l'ensemble des administrations publiques résultant de l'exécution de l'année 2015 ainsi que l'écart aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques.

Conformément à l'article 8 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le présent projet de loi de règlement comprend un article liminaire qui présente « un tableau de synthèse retraçant le solde structurel et le solde effectif de l'ensemble des administrations publiques résultant de l'exécution de l'année à laquelle elle se rapporte » ainsi que, le cas échéant, « l'écart aux soldes prévus par la loi de finances de l'année et par la loi de programmation des finances publiques ».

Tableau de synthèse de l'article liminaire du projet de loi de règlement

(en points de PIB)

(a)

(b)

(c)=(a)-(b)

Exécution 2015

Soldes prévus par le PLF 2015 et la LPFP 2014-2019

Écarts aux soldes prévus par la LPFP 2014-2019

Solde structurel (1)

- 1,9

- 2,1

+ 0,2

Solde conjoncturel (2)

- 1,6

- 2,0

+ 0,4

Mesures ponctuelles et temporaires (3)

0,0

- 0,1

+ 0,1

Solde effectif (1)+(2)+(3)

- 3,6

- 4,1

+ 0,6

Source : article liminaire du projet de loi de règlement

Le présent article fait l'objet d'une analyse détaillée dans le cadre de l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE PREMIER - Résultats du budget de l'année 2015

Commentaire : le présent article a pour objet d'arrêter les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour 2015.

Conformément à l'article 37 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, la loi de règlement «  arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel elle se rapporte, ainsi que le résultat budgétaire qui en découle ». Tel est l'objet du présent article.

Le I arrête le résultat budgétaire de l'État en 2015 à la somme de - 70 524 213 950,73 euros ; et le II détaille, pour cette même année, le montant définitif des recettes et des dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

L'analyse détaillée du solde arrêté au présent article figure dans l'exposé général du présent rapport. L'analyse des dépenses exécutées sur les missions du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux fait l'objet du tome II du présent rapport.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 2

Tableau de financement de l'année 2015

Commentaire : le présent article retrace le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier en 2015.

Le présent article arrête le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier de l'année 2015. Le tableau de financement 77 ( * ) qui y figure arrête ainsi à 189,1 milliards d'euros le besoin de financement de l'État et décrit les ressources mobilisées pour y répondre.

Une analyse du besoin et des ressources de financement de l'État en 2015 figure dans l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 3

Résultats de l'exercice 2015 -
Affectation au bilan et approbation du bilan et de l'annexe

Commentaire : le présent article, dans lequel figurent le compte de résultat et le bilan de l'État, a pour objet d'approuver le bilan après affectation du résultat comptable de l'exercice.

Conformément au III de l'article 37 de la LOLF, la loi de règlement affecte au bilan le résultat comptable de l'exercice, tel qu'il procède du compte de résultat établi à partir des ressources et des charges constatées dans les conditions prévues à l'article 30 de la loi organique, et approuve le bilan après affectation ainsi que l'annexe.

Le résultat comptable de l'État en 2015 est arrêté à - 82,503 milliards d'euros , soit la différence entre 364,338 milliards d'euros de charges nettes et 281,834 milliards d'euros de produits régaliens nets.

Le bilan, après affectation du résultat comptable, se compose d'un actif net de 982,296 milliards d'euros et d'un passif de 2 097,321 milliards d'euros. La situation nette s'établit à - 1 115,025 milliards d'euros.

Le compte de résultat et le bilan font l'objet de présentations détaillées dans le compte général de l'État annexé au présent projet de loi de règlement et dans le rapport de présentation qui l'accompagne. Par ailleurs, les principales évolutions du résultat patrimonial, de la situation nette et les conditions de la certification des comptes de l'État en 2015 sont analysées dans l'exposé général du présent rapport.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 4 - Budget général - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

Commentaire : le présent article a pour objet d'ajuster et d'arrêter, pour le budget général, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement consommées et des dépenses au titre de l'année 2015.

Le présent article ajuste et arrête, pour le budget général, les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d'engagement engagées (410,370 milliards d'euros) et des dépenses (404,760 milliards d'euros).

Les ajustements opérés sont les suivants :

- une ouverture de crédits à hauteur de 1,795 milliard d'euros en AE et 1,794 milliard d'euros en CP ;

- des annulations de crédits restés sans emploi et non reportés en 2016 qui s'élèvent à 8,678 milliards d'euros en AE et 1,328 milliard d'euros en CP.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 5 - Budgets annexes - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

Commentaire : le présent article a pour objet d'ajuster et d'arrêter, pour les budgets annexes, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement consommées et les résultats desdits budgets au titre de l'année 2015.

Le I du présent article ajuste et arrête, pour les budgets annexes, les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d'engagement consommées, soit 2,38 milliards d'euros . 24,2 millions d'euros d'AE non engagées et non reportées sont par ailleurs annulés.

Le II ajuste et arrête les recettes et les dépenses, soit 2,38 milliards d'euros . Il annule 27,3 millions d'euros de crédits non consommés et non reportés et procède à l'ouverture de 56,0 millions d'euros de crédits complémentaires, soit 33,0 millions d'euros sur le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et 23,0 millions d'euros sur le budget annexe « Publications officielles et information administrative ». Comme chaque année, ces ouvertures complémentaires sont des opérations d'ordre correspondant à l'augmentation du fonds de roulement en fonction des résultats de 2015.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 6 - Comptes spéciaux - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés - Affectation des soldes

Commentaire : le présent article récapitule le montant des ouvertures complémentaires et annulations de crédits de l'exercice 2015, s'agissant des comptes spéciaux. Il arrête le solde de ces derniers au 31 décembre 2015 et, sauf exceptions, le reporte à la gestion 2016.

Le I du présent article ajuste et arrête le montant des autorisations d'engagement consommées sur les comptes spéciaux dont les opérations s'élèvent en 2015 à 64,62 milliards d'euros pour les comptes d'affectation spéciale (CAS) et à 108,60 milliards d'euros pour les comptes de concours financiers. 1,98 milliard d'euros d'AE non engagées et non reportées sont annulés sur les comptes d'affectation spéciale et 4,30  milliards d'euros sur les comptes de concours financiers.

Le II ajuste et arrête les résultats des comptes spéciaux ; les crédits de paiement (CP) ouverts et les découverts autorisés sont modifiés comme suit :

- 64,54 milliards d'euros de dépenses et 65,86 milliards d'euros de recettes pour les comptes d'affectation spéciale (2,15 milliards d'euros de crédits non consommés et non reportés sont annulés) ;

- 108,57 milliards d'euros de dépenses et 108,66 milliards d'euros de recettes pour les comptes de concours financiers (3,87 milliards d'euros de crédits non consommés et non reportés sont annulés) ;

- 47,03 milliards d'euros de dépenses et 47,28 milliards d'euros de recettes pour les comptes de commerce ;

- 5,00 milliards d'euros de dépenses et 3,01 milliards d'euros de recettes pour les comptes d'opérations monétaires. Cette ligne supporte en outre une majoration d'autorisation de découvert de 11,31 milliards d'euros correspondant à la traditionnelle dotation pour mémoire des opérations avec le Fonds monétaire international (voir encadré).

L'imputation en loi de règlement des opérations avec le FMI

Le montant inscrit au projet de loi de règlement correspond au solde débiteur repris au 1 er janvier 2015 augmenté du solde débiteur des opérations menées en 2015 . Il est inscrit pour mémoire , dans la mesure où les opérations de prêt au FMI sont réalisées par la Banque de France , sur ses propres ressources. Cette « médiatisation » par la Banque de France des relations financières de la France avec le FMI assure la neutralité des opérations pour la trésorerie et le budget de l'État .

Concrètement, lorsque le FMI appelle auprès de la France sa participation à un prêt consenti dans le cadre d'accords d'emprunt, la somme requise est prélevée sur le Trésor (en dépenses du compte), mais fait l'objet d'une compensation immédiate, à due concurrence, par la Banque de France (en recettes du compte). L'État, pour cette opération, mobilise auprès de la Banque de France les créances qu'il acquiert sur le Fonds à l'occasion même des prêts qu'il accorde à ce dernier ; parallèlement, la disponibilité par la Banque de France des avoirs du Fonds, dont elle est le dépositaire, lui autorise l'exécution à partir d'une provision permanente. En contrepartie, les remboursements et intérêts versés par le FMI au titre du prêt sont immédiatement et intégralement reversés à la Banque de France par le Trésor .

Les opérations financières du FMI étant déterminées par ses propres besoins et ceux de ses pays membres, et s'avérant donc imprévisibles ex ante pour le Gouvernement, le compte « Opérations avec le Fonds monétaire international » ne fait apparaître aucune prévision au stade de la loi de finances initiale . De même, eu égard à la spécificité de son objet, aucun objectif de performances n'est associé à ce compte. Le résultat des opérations afférentes se trouve enregistré ex post , en loi de règlement . Le compte résulte alors de la juxtaposition de deux sections :

- d'une part, une section « Relations avec le FMI », qui retrace les flux d'opérations du Trésor avec le FMI . Cette partie du compte, dont le solde est par nature débiteur, enregistre ainsi les variations de la créance que le Trésor détient sur le Fonds ;

- d'autre part, une section « Relations avec la Banque de France », qui retrace les flux d'opérations du Trésor avec la Banque de France à raison des opérations avec le FMI. Cette partie du compte, dont le solde est par nature créditeur, enregistre ainsi les variations de la dette du Trésor envers la Banque de France née de la compensation, par cette dernière, des versements au Fonds.

Le solde consolidé de ces deux sections représente la créance de la France sur le FMI, nette de la dette du Trésor à l'égard de la Banque de France. Ce solde n'est pas pris en compte pour le calcul du solde budgétaire de l'État , les opérations du Trésor avec le FMI ne donnant lieu à décaissements et encaissements réels que pour la Banque de France , et n'affectant que son bilan.

Source : annexe « Comptes d'opérations monétaires » au projet de loi de règlement

Le III du présent article arrête les soldes des comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2016, à la date du 31 décembre 2015, soit :

- un solde débiteur global de 39,12 milliards d'euros ;

- un solde créditeur global de 14,71 milliards d'euros.

Le IV reporte à la gestion 2016 les soldes arrêtés au III, à l'exception :

- d'un solde débiteur de 69,00 millions d'euros concernant le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » (1 054 millions d'euros), correspondant aux montants des remises de dettes de l'année 2015 aux pays étrangers ;

- d'un solde créditeur de 103,59 millions d'euros relatif au compte de commerce « Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels d'armement complexes » afin de mettre en cohérence le solde avec le montant des dépenses prévu en loi de finances initiale pour 2016 ;

- d'un solde débiteur de 109,99 millions d'euros relatif au compte d'opérations monétaires « Pertes et bénéfices de change » qui n'est jamais repris en balance d'entrée de l'année suivante.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 7 - Règlement du compte spécial « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État » clos au 31 décembre 2015

. Commentaire : le présent article tire les conséquences de la clôture, au 31 décembre 2015, du compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État » en arrêtant le montant de son solde créditeur.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UN COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE PRINCIPALEMENT DESTINÉ AU FINANCEMENT DE DÉPENSES DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

Créé par l'article 54 de la loi de finances pour 2009 78 ( * ) , le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État », dit CAS « Fréquences », était composé de trois programmes :

- le programme 761 « Désendettement de l'État », qui n'a jamais porté de crédits ;

- le programme 762 « Optimisation de l'usage du spectre hertzien et interception et traitement des émissions électromagnétiques (ministère de la défense) » ;

- le programme 763 « Optimisation du spectre hertzien et des infrastructures du réseau physique de télécommunications du ministère de l'intérieur ».

Il retraçait :

« 1° En recettes :

« a) Le produit des redevances acquittées par les opérateurs privés pour l'utilisation des bandes de fréquences libérées par les ministères affectataires, à compter du 1 er janvier 2009 ;

« a bis) Le produit des redevances acquittées par les opérateurs privés pour l'utilisation des bandes de fréquences comprises entre 694 MHz et 790 MHz ;

« b) Le produit de la cession de l'usufruit de tout ou partie des systèmes de communication militaires par satellites de l'État intervenant dans les conditions fixées au II de l'article 61 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 ;

« c) Le produit de la cession de l'usufruit de tout ou partie des systèmes de communication radioélectrique des services de l'État, dans les conditions fixées au II de l'article 48 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ;

« d) Le produit des redevances d'occupation domaniale résultant d'autorisations d'utilisation de points hauts des réseaux de télécommunication et de transmission des services de l'État, dans les conditions fixées au même II ;

« e) Les versements du budget général ;

« f) Les fonds de concours ;

« 2° En dépenses :

« a) Les dépenses d'investissement et de fonctionnement liées aux services de télécommunications utilisant le spectre hertzien ou visant à en améliorer l'utilisation, y compris le transfert de services vers des supports non hertziens ;

« b) Les dépenses d'investissement et de fonctionnement liées à l'interception ou au traitement des émissions électromagnétiques, à des fins de surveillance ou de renseignement ;

« c) Les dépenses d'investissement et de fonctionnement destinées à l'acquisition et à la maintenance d'infrastructures, de réseaux, d'applications, de matériels et d'équipements d'information et de communication radioélectriques liées à l'exploitation du réseau ;

« d) Les versements au profit du budget général pour un montant qui ne peut être inférieur à 15 % du produit visé au a du 1°. Ces versements ne s'appliquent pas au produit des redevances acquittées par les opérateurs privés pour l'utilisation des bandes de fréquences libérées par le ministère de la défense jusqu'au 31 décembre 2019 et par le ministère de l'intérieur jusqu'au 31 décembre 2018 ».

B. LA SUPPRESSION DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « FRÉQUENCES » AU 31 DÉCEMBRE 2015 PAR LA LOI DE FINANCES POUR 2016

La loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 prévoyait le financement d'une part importante des dépenses du ministère de la défense via des recettes exceptionnelles (REX) issues, en particulier, de la cession de la bande des 700 MHz libérée par les évolutions de format de la télévision terrestre numérique (TNT) pour un montant estimé à 1,57 milliard d'euros en 2015 .

L'article 40 de la loi de finances pour 2015 79 ( * ) avait relevé cette prévision de 600 millions d'euros, portant les crédits inscrits sur le CAS « Fréquences » à 2,14 milliards d'euros quand, dans le même temps, les crédits de paiement de la mission « Défense » étaient réduits de 600 millions d'euros par rapport à la loi de programmation militaire.

Conformément à l'annonce du Président de la République à l'issue du Conseil de défense du 29 avril 2015, la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 a prévu la substitution de crédits budgétaires aux ressources exceptionnelles à hauteur de 2,17 milliards d'euros pour l'année 2015 .

Cette rebudgétisation des crédits de la défense a été opérée par la loi de finances rectificative pour 2015 80 ( * ) .

Le CAS « Fréquences » devenant sans objet, l'article 47 de la loi de finances pour 2016 81 ( * ) a procédé à sa clôture au 31 décembre 2015 , tout en prévoyant que les dépenses et les recettes prévues au titre du CAS seraient inscrites au budget général de l'État à compter de 2016.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article tire les conséquences de la clôture du CAS « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État » par l'article 47 de la loi de finances pour 2016 précité en procédant au règlement de ce compte , conformément au 4° du IV 82 ( * ) de l'article 37 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

Son solde créditeur est ainsi arrêté au montant de 197 230,89 euros .

Exécution 2015 du CAS « Fréquences »

Recettes 2015

15 692 922

Report 2014

4 309

Consommation 2015

15 500 000

Solde

197 231

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de loi de règlement 2015.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

La sécurisation des ressources du ministère de la défense répondant à une préoccupation constante du Sénat , votre commission s'est montrée favorable à leur rebudgétisation prévue par la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et la loi de finances rectificative pour 2015 précitées, ainsi qu'à la clôture du CAS « Fréquences » prévue par l'article 47 de la loi de finances pour 2016 précité.

Le présent article ne vise qu'à tirer les conséquences de dispositifs déjà adoptés par le Sénat .

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 8 - Règlement du compte spécial « Liquidation d'établissements publics de l'État et liquidations diverses » clos au 31 décembre 2015

. Commentaire : le présent article prévoit de liquider le solde créditeur de 17,497 millions d'euros du compte de commerce « Liquidation d'établissements publics de l'État et liquidations diverses », clos à compter du 1 er janvier 2016 selon l'article 51 de la loi de finances pour 2016.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE COMPTE DE COMMERCE « LIQUIDATION D'ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE L'ÉTAT ET LIQUIDATIONS DIVERSES » : DES RECETTES ET DES DÉPENSES DE TRÈS FAIBLE AMPLEUR

1. Les comptes de commerce : une catégorie de comptes spéciaux, destinés à retracer des opérations de caractère industriel et commercial

Le principe d'universalité budgétaire, avec celui d'annualité (le budget doit être voté chaque année), de spécialité (les dépenses doivent avoir une destination précise, autorisée par le Parlement), d'unité (l'ensemble du budget doit être retracé dans un document unique) fait partie des grands principes de droit budgétaire reconnus par la jurisprudence constitutionnelle : selon le Conseil constitutionnel, « les principes de l'annualité, de l'universalité et de l'unité du budget répondent au double impératif d'assurer la clarté des comptes de l'État et de permettre un contrôle efficace par le Parlement » .

Plusieurs dérogations au principe de non-affectation sont prévues par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), dont l'article 16 dispose que « certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux ou de procédures comptables particulières au sein du budget général, d'un budget annexe ou d'un compte spécial ». Les budgets annexes et les comptes spéciaux ne peuvent être ouverts que par une loi de finances.

Les comptes de commerce constituent une catégorie de compte spécial. L'article 22 de la LOLF dispose qu'ils ont pour objet de retracer « des opérations de caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par des services de l'État non dotés de la personnalité morale ».

2. Un compte retraçant essentiellement les opérations liées à la mise en jeu de la responsabilité des comptables du Trésor dans le cadre d'une activité aujourd'hui abandonnée

Ce compte de commerce retraçait les opérations de recettes et de dépenses auxquelles donne lieu la liquidation de certains établissements publics de l'État et des organismes para-administratifs ou professionnels dissous et les liquidations résultant d'activités exercées par des services de l'État. Il s'agit essentiellement d'opérations liées à la mise en jeu de la responsabilité des comptables du Trésor dans le cadre de leur ancienne activité de collecte de l'épargne.

En effet, par une survivance issue d'un arrêté du 7 novembre 1814, les Trésoriers payeurs généraux (TPG) étaient habilités à exercer une activité de collecte et de gestion de l'épargne auprès des particuliers, à titre privé et sous leur propre responsabilité. L'activité de gestion de ces fonds particuliers concernait une majorité de personnes physiques, mais aussi des sociétés commerciales, des associations, des personnes protégées par la loi ou encore des fondations.

La couverture financière de la responsabilité particulière des Trésoriers payeurs généraux reposait alors sur trois éléments : outre la souscription d'une assurance spécifique pour couvrir d'éventuels sinistres, les TPG devaient contribuer à un fonds de garantie créé pour assumer la couverture complémentaire des risques. Enfin, la mise en jeu de la responsabilité particulière des comptables supérieurs du Trésor a pu conduire à la prise en charge, sur leurs deniers propres, d'une partie de la régularisation des sinistres déterminée par le fonds de garantie.

A l'occasion de la réforme de l'activité d'épargne du Trésor public, il a été décidé de désengager le Trésor public de la gestion des fonds particuliers, puisqu'il s'agissait là d'une activité entrant totalement dans le champ concurrentiel. L'arrêté du 2 février 2001 relatif à l'activité de service de dépôt de fonds particuliers exercée par les Trésoriers payeurs généraux, a ainsi mis fin, le 31 décembre 2001, à cette activité.

L'article premier de la loi de finances n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 rectificative pour 2002 a procédé à la liquidation de la responsabilité particulière des comptables supérieurs du Trésor dans le cadre de la gestion des fonds particuliers. Les droits et obligations en ont été transférés à l'État, sans préjudice de la mise en jeu préalable des assurances déjà souscrites. Concrètement, les recettes et dépenses correspondant à la liquidation de ces opérations ont été dès lors imputées au compte de commerce « Liquidation d'établissements publics de l'État et liquidation diverses ».

3. Des recettes qui ont pu être importantes, mais qui sont aujourd'hui d'une ampleur très limitée

En 2002, le compte a enregistré une recette supplémentaire de 12 millions d'euros correspondant aux montants dont disposait le fonds de garantie précité.

Treize ans plus tard, les remboursements des dépôts de garantie sont en extinction et les dépenses se sont élevées à 4 983,48 euros en 2015.

B. UN COMPTE DE COMMERCE CLOS À COMPTER DU 1 ER JANVIER 2016

L'article 51 de la loi de finances initiale pour 2016 prévoit la clôture du compte de commerce « Liquidation d'établissements publics de l'État et liquidations diverses » au 31 décembre 2015.

Le solde sera donc affecté au budget général de l'État. Les dépenses financées par ce compte de commerce seront, à l'avenir, prises en charge par le budget général, de même que les recettes qui étaient auparavant affectées au compte spécial seraient réintégrées au sein du budget de l'État.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Conformément au 4° du IV de l'article 37 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le présent article arrête le solde créditeur du compte de commerce à un montant de 17 496 855,93 euros.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Cet article se borne à tirer les conséquences de la clôture du compte , décidée en loi de finances initiale pour 2016 avec un avis favorable de votre commission des finances.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 9 - Reconnaissance d'utilité publique de dépenses dans le cadre d'une procédure de gestion de fait

. Commentaire : le présent article prévoit de reconnaître d'utilité publique les dépenses du fonds de dotation « Saint-Cyr Grande école » dans le cadre d'une gestion de fait.

I. LE DROIT EXISTANT

A. DÉFINITION DE LA GESTION DE FAIT

En vertu du principe de séparation entre ordonnateurs et comptables , seuls les comptables publics ou les personnes placées sous le contrôle ou pour le compte de ces derniers sont habilités à manier des deniers publics (« comptables patents »).

Aux termes du XI de l'article 60 de la loi de finances pour 1963 83 ( * ) , toute personne qui « sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir sous contrôle et pour le compte d'un comptable public, s'ingère dans le recouvrement de recettes affectées ou destinées à un organisme public doté d'un poste comptable ou dépendant d'un tel poste » ou « qui reçoit ou manie directement ou indirectement des fonds ou valeurs extraits irrégulièrement de la caisse d'un organisme public et pour toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public, procède à des opérations portant sur des fonds ou valeurs n'appartenant pas aux organismes publics, mais que les comptables publics sont exclusivement chargés d'exécuter en vertu de la réglementation en vigueur » est ainsi considérée comme « comptable de fait ».

Elle doit, à ce titre, et « nonobstant les poursuites qui pourraient être engagées devant les juridictions répressives, rendre compte au juge financier de l'emploi des fonds ou valeurs qu'elle a irrégulièrement détenus ou maniés ».

Les gestions de fait sont soumises aux mêmes juridictions et entraînent les mêmes obligations et responsabilités que les gestions régulières . En cas de manquement ayant entraîné un préjudice financier pour la personne publique, le juge des comptes peut prononcer un débet à l'encontre du comptable de fait . Comme le comptable patent, le comptable de fait est responsable sur ses propres deniers de la régularité des opérations auxquelles il a procédé.

Enfin, le XI de l'article 60 précité prévoit que les comptables de fait peuvent , dans le cas où ils n'ont pas fait l'objet pour les mêmes opérations des poursuites au titre du délit prévu et réprimé par l'article 433-12 du code pénal (immixtion dans l'exercice d'une fonction publique sans en avoir le titre), être condamnés à une peine d'amende .

B. UNE PROCÉDURE JURIDICTIONNELLE PROFONDÉMENT RÉVISÉE EN 2008

La procédure suivie par les juridictions financières en matière de gestion de fait a été profondément réformée par la loi n° 2008-1091 du 28 octobre 2008 relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes ainsi que par le décret du 19 décembre 2008.

Avant 2008, les gestions de fait donnaient lieu à deux procédures successives répondant chacune à la règle dite du « double arrêt ».

Au cours de la première procédure, le juge était appelé à se prononcer sur l'existence de la gestion de fait . À titre provisoire, le juge statuait dans un premier temps sur l'existence de charges à l'encontre du justiciable et lui demandait de s'en justifier. Au regard des justifications apportées, il prononçait ensuite un « arrêt définitif » confirmant ou infirmant sa décision provisoire.

À partir des comptes produits par les gestionnaires, le juge financier fixait, dans le cadre d'une seconde procédure, les montants relevant de la gestion de fait et demandait au justiciable d'obtenir la reconnaissance par l'autorité compétente de l'utilité publique des dépenses ou des recettes de la gestion de fait . Dans une seconde délibération, il fixait la ligne de compte définitive, déterminait les dépenses et recettes allouées et les éventuels débets correspondant aux opérations comptables non-conformes aux règles de la comptabilité publique.

Or, à la suite notamment de l'arrêt du 12 avril 2006 Martinie c/ France , par lequel la Cour européenne des droits de l'Homme a estimé que la règle du « double arrêt » entrait en contradiction avec l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, la procédure applicable devant les juridictions financières a fait l'objet d'une importante réforme.

La loi du 28 octobre 2008 précitée prévoit la suppression de la règle du « double arrêt » . Le juge doit se prononcer définitivement sur l'existence ou non de la gestion de fait à partir de l'analyse d'un rapporteur chargé de l'instruction et des conclusions du ministère public. Sur la base des comptes présentés par le gestionnaire de fait et de la reconnaissance d'utilité publique par l'autorité compétente des dépenses et recettes concernées, le juge fixe la ligne de compte et peut, le cas échéant, prononcer une amende.

Les montants soumis à l'autorité compétente dans le cadre de la procédure de reconnaissance d'utilité publique correspondent donc désormais aux montants totaux des dépenses et recettes manipulées par le comptable de fait et non uniquement à ceux entrant dans le cadre de la gestion de fait .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA GESTION DE FAIT DU FONDS DE DOTATION « SAINT-CYR GRANDE ÉCOLE »

Le fonds de dotation « Saint-Cyr Grande École » a été créé le 17 décembre 2010 afin de « contribuer à l'excellence de la formation dispensée par les écoles de Saint-Cyr-Coëtquidan (ESCC) au travers d'échanges avec les acteurs de la vie civile, les grandes entreprises, les universités et grandes écoles, les centres de recherche et tous autres partenaires civils ou militaires, publics ou privés, français et étrangers ; favoriser le rayonnement de l'esprit de défense, de la culture et du savoir-faire militaire de l'armée de terre et de ses officiers dans la société française par des actions de communication, de formation des décideurs français, publics et privés, ainsi que par d'autres activités de toute nature ; soutenir la recherche de défense et de sécurité en France ». En particulier, le fonds de dotation organise des formations à destination de personnes privées.

Or, dans un arrêt n° 72674 du 14 septembre 2015, la Cour des comptes a relevé trois irrégularités :

- tout d'abord, le fonds a bénéficié de la mise à disposition gratuite de moyens publics sans que celle-ci ait fait l'objet d'une convention préalable ;

- ensuite, il a perçu indûment des subventions issues de la région Bretagne (d'une montant de 3 000 euros) et de l'Union européenne (pour un montant de 36 000 euros) et destinées au financement du centre de recherche des écoles de Saint-Cyr-Coëtquidan ;

- enfin, le fonds a financé des dépenses profitant directement aux écoles .

Considérant que ces irrégularités étaient constitutives d'une gestion de fait, la Cour des comptes a donc déclaré les présidents successifs ainsi que le vice-président du fonds « Saint-Cyr Grande École » conjointement et solidairement comptables de fait des deniers publics du ministère de la défense au titre des opérations effectuées entre le 1 er janvier 2011 et le 31 décembre 2012.

B. LA RECONNAISSANCE D'UTILITÉ PUBLIQUE DES DÉPENSES DE LA GESTION DE FAIT

Dans son arrêt du 15 septembre 2015 précité, la Cour des comptes a enjoint aux comptables de fait de produire « un compte unique de la gestion de fait [...] retraçant, tant en recettes qu'en dépenses, la totalité des opérations de caisse intervenues entre le 1 er janvier 2011 et le 31 décembre 2012 » et « d'obtenir la reconnaissance, par l'autorité compétente, de l'utilité publique des dépenses de la gestion de fait ».

Selon l'exposé des motifs du présent article, les comptables de fait « ont produit à la Cour des comptes un compte de gestion présentant des dépenses d'un montant de 1 412 377,08 € » .

Le présent article prévoit donc la reconnaissance d'utilité publique de ces dépenses afin, d'une part, de permettre à la Cour des comptes de procéder à leur allocation au stade de la fixation de la ligne de compte et, d'autre part, de décharger les comptables de fait de l'obligation de restituer les sommes correspondantes .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Traditionnellement, le Parlement adopte sans modification les articles du projet de loi portant règlement du budget relatifs à la reconnaissance d'utilité publique de dépenses comprises dans des gestions de fait.

Dans le cadre de la procédure issue de la loi de 2008, la Cour des compte n'arrête plus montant. Aussi, montant prévu par le présent article comprend l'ensemble des dépenses retracées dans le compte de gestion produit par les comptables de fait. La Cour des comptes ne pourra en rattacher qu'une partie à la gestion de fait .

La reconnaissance d'utilité publique de l'ensemble des dépenses engagées dans le cadre de la gestion de fait du fonds de dotation « Saint-Cyr Grande École » permet donc de sécuriser la procédure . En revanche, elle ne constitue pas un « blanc-seing » donné par le Parlement au comptable de fait .

En effet, si la reconnaissance d'utilité publique donne un fondement en tant que charges budgétaires de l'État aux dépenses réalisées, elle ne présume pas de l'appréciation que portera le juge sur le compte produit qui pourra donner lieu à un débet .

Par ailleurs, en application du XI de l'article 60 précité et de l'article L. 131-11 du code des juridictions financières, le juge peut toujours infliger une amende aux comptables de fait dont le montant « tient compte de l'importance et de la durée de la détention ou du maniement des deniers, des circonstances dans lesquelles l'immixtion dans les fonctions de comptable public s'est produite, ainsi que du comportement et de la situation matérielle du comptable de fait. Son montant ne pourra dépasser le total des sommes indûment détenues ou maniées ».

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 10 - Responsabilité pécuniaire des agents publics ayant procédé aux opérations de dépense et de recette au nom du groupement d'intérêt public « Observatoire français des drogues et de la toxicomanie »

. Commentaire : le présent article prévoit de dégager de toute responsabilité pécuniaire les agents publics ayant procédé aux opérations de dépense et de recette effectuées au nom de l'OFDT, du seul fait de l'absence d'arrêté d'approbation des modifications ou renouvellements de la convention constitutive du groupement pour la période antérieure au 4 juin 2010 et pour la période comprise entre le 4 juin 2013 et le 23 septembre 2015.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA CONVENTION CONSTITUTIVE D'UN GIP DOIT ÊTRE APPROUVÉE PAR L'ÉTAT À PEINE DE REFUS TACITE

Les groupements d'intérêt public (GIP) ont été introduits dans l'ordre juridique par l'article 21 de la loi du 15 juillet 1982 de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France 84 ( * ) . Créés à l'origine pour exercer des missions dans le domaine de la recherche, leur champ s'est progressivement étendu , conduisant à une stratification des régimes juridiques.

Ils sont à présent régis par le chapitre II de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit 85 ( * ) , qui a harmonisé les règles de nature législative applicables jusque-là aux différents GIP et s'est substituée en partie aux nombreux textes qui existaient jusqu'alors. Un décret du 26 janvier 2012 86 ( * ) précise les modalités d'application du nouveau régime et abroge ou modifie les décrets relatifs aux différentes catégories de GIP créées antérieurement à cette réforme.

Le GIP est une personne morale de droit public dotée de l'autonomie administrative et financière . Il est constitué par convention , soit entre plusieurs personnes morales de droit public, soit entre une ou plusieurs personnes morales de droit public et une ou plusieurs personnes de droit privé, afin d'exercer ensemble des activités d'intérêt général. Contrat relatif à l'organisation du service public, la convention constitutive d'un GIP doit prévoir les règles et modalités de fonctionnement du groupement. Elle fixe notamment la durée, déterminée ou indéterminée, pour laquelle le groupement est constitué. En vertu de l'article 100 de la loi du 17 mai 2011, la convention constitutive doit être signée par les représentants habilités de chacun des membres, puis être approuvée par l'État . Le décret du 26 janvier 2012 définit les modalités de cette approbation, en prévoyant qu' il appartient à l'État, même s'il n'est pas membre du GIP, d'approuver la convention constitutive , sa prorogation, son renouvellement et sa modification. Le défaut d'approbation expresse , à l'expiration d'un délai franc de quatre mois à compter de la réception par l'administration des documents, vaut refus d'approbation. En principe, la convention constitutive d'un GIP est approuvée par un arrêté conjoint du ministre du budget et du ou des ministres dont relèvent les activités du groupement. Lorsqu'elle est prise par les ministres, la décision d'approbation de la convention constitutive d'un GIP est publiée au Journal officiel de la République française.

Obligatoire, l'approbation de la convention constitutive par l'État rend effective la jouissance de la personnalité morale par le GIP , comme le précise l'article 4-II du décret du 26 janvier 2012 : « le groupement d'intérêt public jouit de la personnalité morale à compter de la publication de la décision approuvant sa convention constitutive » . La décision d'approbation, ainsi que la convention constitutive et ses éventuelles modifications, doivent en outre être mises à la disposition du public sous forme électronique sur le site internet du groupement.

B. L'ABSENCE D'APPROBATION DE LA CONVENTION CONSTITUTIVE ENTRAÎNE UNE INSÉCURITÉ JURIDIQUE

Le défaut d'approbation par l'État de la convention constitutive d'un GIP entraine une insécurité juridique . Dans la mesure où le GIP ne jouit alors pas de la personnalité morale, les agents publics qui procèdent aux opérations de dépense et de recette en son nom sont placés dans une situation de gestion de fait 87 ( * ) .

Aux termes du XI de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 88 ( * ) de finances pour 1963, est susceptible de constituer une gestion de fait l'intervention sans habilitation de « toute personne autre que l'agent comptable » dans l'exécution des opérations relevant de la seule compétence de ce dernier , à savoir notamment le recouvrement des recettes, le paiement des dépenses, la garde et la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés à l'établissement, ainsi que le maniement des fonds. L'existence d'une gestion de fait répond aux trois conditions suivantes : elle doit porter sur des deniers publics ou des deniers privés réglementés , maniés ou détenus par une personne non autorisée ou non habilitée .

Dans la mesure où le GIP reçoit une subvention pour charges de service public, l'absence de personnalité morale emporte l'absence d'autorisation de ses agents publics à manier et détenir les deniers publics . Ces agents sont donc exposés à des poursuites pour gestion de fait. De même, le comptable patent, c'est-à-dire le comptable de droit, peut voir sa responsabilité pécuniaire engagée s'il n'a pas signalé au ministre chargé du budget l'existence des gestions de fait dont il a eu connaissance.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article prévoit d'exonérer de responsabilité pécuniaire les agents publics ayant procédé aux opérations de dépense et de recette effectuées au nom du GIP « Observatoire français des drogues et de la toxicomanie » . Le dégagement de responsabilité pécuniaire est doublement encadré :

- d'une part, dans son champ : n'est concernée que la responsabilité pécuniaire des agents du seul fait de l'absence d'arrêté d'approbation des modifications ou renouvellements de la convention constitutive du groupement ;

- d'autre part, dans sa durée : le dégagement ne vaut que pour la période antérieure au 4 juin 2010 et pour la période comprise entre le 4 juin 2013 et le 23 septembre 2015 .

Le présent article est proposé en vertu des dispositions figurant au V de l'article 37 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances 89 ( * ) , qui dispose que « la loi de règlement peut également comporter toutes dispositions relatives (...) à la comptabilité de l'État et au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics » .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

L'Observatoire français des drogues et de la toxicomanie a été créé en octobre 1993 sous la forme d'un groupement d'intérêt public interministériel. Placé sous la tutelle de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), il rassemble douze ministères concernés par la lutte contre la drogue et assure pour eux la fonction d'observation des phénomènes de consommation de drogues et de trafic, ainsi que la diffusion des données nécessaires à la mise en oeuvre de la politique publique. Il assure le suivi de ces sujets au niveau européen. Ce groupement est constitué entre l'État et trois partenaires :

- la fédération nationale des observatoires régionaux de la santé ;

- l'observatoire national de la délinquance et des réponses pénales ;

- l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice.

Depuis le 1 er janvier 2009, l'OFDT est l'un des deux opérateurs participant à la mise en oeuvre de l'action de coordination de la lutte contre la drogue et la toxicomanie confiée à la MILDECA au sein du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » qui relève du Premier ministre. Il est financé par une subvention pour charges de service public attribuée par la MILDECA, pour un montant de 1,98 million d'euros exécuté en 2015 .

Le nombre de signataires de la convention constitutive est le corollaire du nombre de membres du GIP , chaque membre devant signer la convention. En raison de la nature interministérielle de la politique de lutte contre les drogues et la toxicomanie, ce que l'exercice de la tutelle par la MILDECA traduit, douze ministères sont membres du GIP : les ministères chargés de l'emploi et de la solidarité, de la santé, de la ville, de la justice, de l'intérieur, des affaires étrangères, du budget, de la jeunesse et des sports, de l'éducation nationale, de la recherche, de l'agriculture et des Outre-mer.

La convention constitutive de l'OFDT prévoit que le groupement est institué pour une durée de trois ans à compter de l'approbation de la convention constitutive . Or, aucun arrêté renouvelant le GIP n'a été pris pour la convention modifiée du 30 mai 2007, ni pour la convention du 29 mars 2013 . En l'absence d'arrêté d'approbation des conventions constitutives mentionnées, l'OFDT était donc dépourvu de la personnalité morale durant les périodes antérieures au 4 juin 2010 et comprises entre le 4 juin 2013 et le 23 septembre 2015 90 ( * ) . Cette situation place les agents publics ayant procédé aux opérations de dépense et de recette en son nom dans une situation de gestion de fait au cours de ces périodes.

Votre rapporteur comprend que le présent article fait suite à des observations de la Cour des comptes , qui alertait sur l'absence récurrente d'approbation réglementaire des conventions constitutives de l'OFDT. Soulignant que seule la convention du 9 avril 2010 avait été officiellement approuvée par l'arrêté du 2 juin 2010 du Premier ministre publié au Journal officiel le 4 juin 2010 et que, partant, seule la période allant du 4 juin 2010 au 4 juin 2013 était juridiquement valide, la Cour des comptes soulignait le vide juridique qui subsistait pour les périodes non couvertes , s'étendant, pour la première jusqu'au 4 juin 2010 et, pour la seconde, du 4 juin 2013 au 23 septembre 2015. De fait, la Cour des comptes précisait qu'il « est impératif que les périodes antérieures au 23 septembre 2015 pendant lesquelles les conventions constitutives n'ont pas été couvertes par un arrêté fassent l'objet d'une approbation a posteriori ».

Votre rapporteur prend note des remarques de la MILDECA selon lesquelles, sur toute la période, les conventions constitutives ont bien été signées par l'ensemble des membres du GIP . De même, les différentes décisions sur les périodes concernées ont été prises de façon régulière en conseil d'administration . De fait, seuls les arrêtés d'approbation des conventions n'ont pas été pris pour les conventions couvrant les périodes de 2007 à 2010 d'une part et de 2013 à 2015 d'autre part. Selon les informations fournies à votre rapporteur, ces défauts répétés résultent de négligences , imputables notamment aux délais et à l'inertie induits par le nombre de signataires de la convention , qui retarde sa transmission au secrétariat général du Gouvernement pour approbation, une fois cette convention ratifiée par tous les membres du GIP.

Dans ce cadre, votre rapporteur prend note de l'objectif du présent article, visant à combler un vide juridique . De plus, il souligne la relative stabilité des comptes financiers de l'OFDT, ainsi que des effectifs rémunérés par l'opérateur . Le compte financier pour 2015 fait état d'une perte de 0,99 million d'euros, pour un total des charges de 3,34 millions d'euros et un total des produits de 2,36 millions d'euros. Les dépenses exécutées en 2015 correspondent principalement aux charges de personnel, avec 26 ETPT en 2015, et aux achats d'études.

Recettes et dépenses de l'OFDT

En milliers d'euros

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016 (LFI)

Subvention pour charges de service public

3 186

3 654

3 354

3 186

3 437

3 351

3 395

3 173

3 132

1 978

2 776

Autres recettes

498

227

237

972

442

802

497

606

562

377

43

Total recettes

3 684

3 880

3 960

4 158

3 880

4 153

3 892

3 779

3 693

2 355

2 819

Dépenses de fonctionnement

1 755

1 646

2 333

1 902

1 986

2 037

1 877

1 685

1 343

1 374

1 129

Dépenses de personnel

1 669

1 752

1 719

2 035

1 880

2 054

2 010

2 095

1 927

1 970

2 025

Total dépenses

3 424

3 398

4 052

3 937

3 866

4 091

3 887

3 780

3 270

3 344

3 154

Résultat

260

482

-92

221

14

62

5

-1

424

-989

-335

Sources : projets annuels de performances et rapports annuels de performances successifs.

Évolution des ETPT rémunérés par l'OFDT

En ETPT

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016 (prévision)

Emplois rémunérés par l'opérateur

29

31

30

30

31

31

32

31

31

27

26

29

Sources : projets annuels de performances et rapports annuels de performances successifs.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 11 (nouveau) - Création d'un document de politique transversale consacré au développement international de l'économie française
et au commerce extérieur

. Commentaire : le présent article prévoit la création d'un document de politique transversale consacré au développement international de l'économie française et au commerce extérieur.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LES DOCUMENTS DE POLITIQUE TRANSVERSALE, DES ANNEXES EXPLICATIVES PERMETTANT DE DÉPASSER LES CLOISONNEMENTS PAR MISSION

En vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances, le Gouvernement transmet chaque année au Parlement un ensemble de documents et rapports annexés au projet de loi de finances.

Les documents de politique transversale (DPT) ou « oranges », dont la liste est fixée à l'article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, sont des annexes informatives jointes au projet de loi de finances de l'année présentant une vision d'ensemble d'une politique publique donnée , qui peut concerner plusieurs missions et qui est donc imparfaitement suivie à travers les seuls projets annuels de performances (ou « bleus »).

L'article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005
de finances rectificative pour 2005

« Le Gouvernement présente, sous forme d'annexes générales au projet de loi de finances de l'année, des documents de politique transversale relatifs à des politiques publiques interministérielles dont la finalité concerne des programmes n'appartenant pas à une même mission. Ces documents, pour chaque politique concernée, développent la stratégie mise en oeuvre, les crédits, objectifs et indicateurs y concourant. Ils comportent également une présentation détaillée de l'effort financier consacré par l'État à ces politiques, ainsi que des dispositifs mis en place, pour l'année à venir, l'année en cours et l'année précédente . »

B. UN ÉCLATEMENT DES CRÉDITS CONSACRÉS AU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE ET AU COMMERCE EXTÉRIEUR

Les crédits alloués à la politique publique menée en faveur du développement international de l'économie française et du commerce extérieure sont éclatés entre plusieurs missions, ce qui en rend difficile le suivi et l'analyse.

À titre d'exemple, les deux missions « Économie » et « Action extérieure de l'État » comportent l'une et l'autre des crédits destinés à la mise en oeuvre de cette politique.

Au sein de la mission « Action extérieure de l'État », deux programmes concourent à la politique de développement international des entreprises :

- le programme 105 : en effet, celui-ci porte notamment les crédits de la direction des entreprises, de l'économie internationale et de la promotion du tourisme, qui participe à la politique de développement international de l'économie française. En outre, l'on peut considérer que le réseau diplomatique, au-delà même des missions économiques, participe au développement international des entreprises qui fait désormais partie intégrante de la mission confiée aux ambassadeurs en poste.

- le programme 185, qui porte depuis la loi de finances pour 2015 la subvention pour charges de service public à l'opérateur du tourisme Atout France.

Au sein de la mission « Économie », le programme 134 porte les crédits de Business France, nouvel opérateur créé au 1 er janvier 2015 afin de rassembler au sein d'une même entité les activités d'Ubifrance (aides à l'exportation en faveur des PME et des ETI) et de l'Agence française des investissements internationaux (AFII, accompagnement des investisseurs étrangers en France et promotion de l'attractivité de la France). Les crédits budgétaires ne constituent pas la seule ressource de Business France, qui développe par ailleurs son offre commerciale (91 millions d'euros de recettes en 2015, pour une dotation budgétaire de 105 millions d'euros). D'autres dispositifs du programme 134 sont susceptibles de contribuer au développement international des entreprises, à l'instar des garanties de Bpifrance.

D'autres missions portent également des crédits destinés au développement international de l'économie française, comme la mission « Engagements financiers de l'État » (programme 114 « Appels en garantie », action 04 « Développement international de l'économie française »), la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ou encore la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, issu d'un amendement de notre collègue députée Monique Rabin (groupe socialiste, écologiste et républicain) adopté avec l'avis favorable de la commission des finances et l'avis de sagesse du Gouvernement, prévoit la création d'un document de politique transversale consacré au développement international de l'économie française et au commerce extérieur.

Il modifie à cette fin l'article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 en ajoutant un 20° au sein du I, qui dresse la liste de l'ensemble des documents de politique transversale que le Gouvernement doit remettre au Parlement.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le présent article est de nature à améliorer l'information du Parlement sur ce sujet difficile à appréhender dans les documents budgétaires actuels : comme le souligne l'auteur de l'amendement, six missions contribuent à cette politique. Dans la moitié d'entre elles, ces crédits ne sont même pas individualisés dans des actions spécifiques.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, votre commission vous propose de ne pas adopter cet article.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITIONS PRÉPARATOIRES

A. AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES (25 MAI 2016)

Réunie le mercredi 25 mai 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a entendu M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur la certification des comptes de l'État - exercice 2015 - et sur le rapport relatif aux résultats et à la gestion budgétaire de l'exercice 2015 et, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques, sur l'avis du Haut Conseil, relatif au solde structurel des administrations publiques de 2015.

Mme Michèle André , présidente . - Nous accueillons ce matin Didier Migaud en sa double qualité de premier président de la Cour des comptes et de président du Haut Conseil des finances publiques.

Le projet de loi de règlement pour 2015 est délibéré ce matin en conseil des ministres et sera examiné au Sénat au début du mois de juillet, après que le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux auront analysé les données de l'exécution 2015, en comptabilité budgétaire, mais aussi en comptabilité générale.

À ce titre, les analyses de la Cour des comptes sur les résultats et la gestion 2015 et ses travaux de certification des comptes nourriront comme chaque année nos travaux.

Je rappelle également aux commissaires que le président du Sénat leur a récemment adressé une invitation pour un colloque qui se tiendra le 30 juin au Sénat. À cette occasion, nous dresserons le bilan de dix années de publication des comptes de l'État et de l'usage que font les parlementaires de la comptabilité générale, dont l'établissement exige beaucoup de moyens et que la France est l'un des rares pays à produire.

Compte tenu de l'horaire, je propose au Premier président de présenter également, dans un même mouvement, l'avis du Haut Conseil des finances publiques sur le respect de la trajectoire de solde structurel en 2015.

Je vous rappelle que le législateur organique de 2012 avait souhaité, afin de faire le lien entre le budget de l'État et la trajectoire globale des administrations publiques, que cet avis soit joint au projet de loi de règlement et que ses conséquences éventuelles, c'est-à-dire le déclenchement du mécanisme de correction, soit précisées à cette occasion.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques . - Les travaux que je vais porter à votre connaissance ont vocation à éclairer le Parlement en amont de la discussion du projet de loi de règlement. Ils sont au nombre de trois : l'avis du Haut Conseil des finances publiques relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2015 ; l'acte de certification des comptes de l'État de 2015 et le rapport sur le budget de l'État en 2015.

Je veux attirer votre attention sur la différence de champ entre ces trois documents. L'avis du Haut Conseil porte sur l'ensemble des finances publiques, toutes administrations publiques confondues, alors que les deux rapports de la Cour concernent la situation et les comptes de l'État, et seulement de l'État.

Afin de simplifier la présentation de ces travaux, nous nous sommes accordés sur une intervention d'ensemble.

Je commencerai par l'avis du Haut Conseil et je signale, à cet égard, la présence de son rapporteur général, François Monier.

Cet avis est rendu en application de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Conformément à la volonté du législateur organique, le Haut Conseil doit comparer l'exécution constatée en 2015 avec la trajectoire de solde structurel définie dans la loi de programmation pour les années 2014 à 2019. C'est la loi de programmation en vigueur, qui constituait déjà notre référence l'an dernier.

Je rappelle que le solde structurel correspond au solde des administrations publiques corrigé des effets liés à la conjoncture économique et déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires.

Le solde effectif s'établit, d'après les données des comptes nationaux publiées par l'Insee le 17 mai 2015, à un niveau de - 3,6 %, contre - 4,1 % prévu dans la loi de programmation.

Cet écart de 0,5 point de PIB est, pour l'essentiel, un écart sur la composante conjoncturelle du déficit. La révision à la hausse par l'Insee de la croissance de 2015 conduit à réduire la composante conjoncturelle du déficit, désormais estimée à - 1,6 %, au lieu de - 2,0 % dans la loi de programmation. C'est la conséquence d'une croissance du PIB meilleure que prévu en 2014 et 2015, à la suite de révisions intervenues sur les comptes nationaux. L'estimation des mesures ponctuelles et temporaires est inchangée.

En 2015, le déficit structurel s'établit à - 1,9 % du PIB, contre un niveau de - 2,1 % prévu par la loi de programmation. Nous constatons que le déficit structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement est donc inférieur de 0,2 point de PIB à ce qui était prévu par la loi de programmation en vigueur.

Pour autant, on ne peut, à nos yeux, se contenter de ce constat.

Nous voyons deux raisons à cela.

La première raison est que la trajectoire de solde structurel figurant dans la loi de programmation de 2014 était peu exigeante.

Le Haut Conseil avait jugé à l'époque qu'elle n'était pas cohérente avec les engagements européens de la France. Il a relevé qu'après plusieurs échanges avec la Commission européenne et le Conseil, cette trajectoire a été en quelque sorte « corrigée » par le Gouvernement dans les programmes de stabilité ayant suivi, en avril 2015 et en avril 2016. Ces documents, selon nous, représentent mieux les engagements européens de notre pays que la loi de programmation à laquelle le Haut Conseil se réfère en application de la loi organique.

La seconde raison est que les résultats de 2015 mettent une nouvelle fois en évidence la sensibilité de l'indicateur de solde structurel aux révisions de la croissance du PIB.

Les révisions à la hausse des chiffres de la croissance tout récemment annoncées par l'Insee, dont la principale porte sur l'année 2014, ont eu pour effet d'augmenter le déficit structurel de 0,3 point de PIB par rapport aux estimations dont on disposait jusqu'ici. La nouvelle estimation s'élève ainsi à - 1,9 % au lieu de - 1,6 %.

Nous l'avions déjà constaté dans le passé : l'estimation du solde structurel peut être révisée pour des raisons indépendantes de la politique budgétaire.

Pour ces deux raisons, le Haut Conseil suggère que l'appréciation soit complétée par l'examen d'un indicateur traduisant mieux l'action des pouvoirs publics en matière de recettes et de dépenses, à savoir l'effort structurel.

À cet égard, il constate que l'effort structurel réalisé en 2015, qui représente 0,4 point de PIB selon les dernières estimations, est moindre que celui qui était prévu dans la loi de programmation - 0,6 point de PIB. Il est sensiblement inférieur aux objectifs des deux derniers programmes de stabilité, prévoyant respectivement 0,8 et 0,7 point de PIB. Le constat est le même sur les deux années 2014 et 2015.

Ces écarts par rapport aux programmes de stabilité s'expliquent, pour l'essentiel, par une révision à la hausse des dépenses en volume, du fait d'une inflation plus faible que prévu. Ils résultent, pour le reste, de mesures en prélèvements obligatoires un peu plus importantes que celles qui avaient été programmées. Ces différents points feront l'objet d'analyses détaillées dans le rapport sur la situation et les perspectives, que la Cour des comptes doit publier à la fin du mois de juin.

Je conclurai mon propos sur l'avis du Haut Conseil en rappelant ses trois principales conclusions.

Le déficit structurel estimé pour 2015 est inférieur de 0,2 point à celui de la loi de programmation. Ce déficit structurel, recalculé en 2015 avec les nouvelles données de la comptabilité nationale, est toutefois plus creusé que dans les programmes de stabilité d'avril 2015 et même d'avril 2016, qui engagent la France - cela signifie, et ce n'est pas sans importance, que l'effort à réaliser pour revenir à l'objectif d'équilibre structurel de moyen terme, tel que prévu dans la trajectoire, sera plus élevé.

L'effort structurel réalisé en 2014 et 2015 a été moins important que prévu dans les deux derniers programmes de stabilité.

J'en viens à l'acte de certification des comptes de l'État et au rapport sur le budget de l'État.

En préalable, j'insiste à nouveau sur le fait que ces travaux sont consacrés au seul budget de l'État et au dernier exercice clos, à savoir l'année 2015. Ils ne portent pas sur les autres administrations publiques. Ils constituent, je le souhaite, une source de données, d'informations utile pour l'analyse du budget et des comptes de l'État.

La vision d'ensemble « toutes administrations publiques » vous sera apportée dans notre rapport de la fin du mois de juin sur la situation et les perspectives des finances publiques.

J'ai à mes côtés Raoul Briet, qui préside la formation inter-chambres. Les travaux sur lesquels s'appuient ces documents ont été réalisés par des équipes animées par Emmanuel Belluteau, Lionel Vareille, Laurent Zérah, pour l'acte de certification, et par les équipes animées par Guilhem Blondy et Vianney Bourquard, ainsi que Louis-Paul Pelé, pour le rapport sur le budget de l'État en 2015. Les contre-rapporteurs étaient respectivement Jean-Pierre Laboureix et Christian Charpy.

S'agissant de l'acte de certification des comptes de l'État, depuis 2006, en application des dispositions de la LOLF, la Cour procède à un examen approfondi des comptes de l'État. Ces comptes sont arrêtés par le ministre des finances et des comptes publics. Ils sont intégrés dans le projet de loi de règlement, qui vous est soumis par le Gouvernement.

Dans l'acte porté à votre connaissance aujourd'hui, la Cour apporte une opinion motivée sur la régularité, la sincérité et la fidélité de l'image que donnent les documents produits par l'État de sa situation comptable et financière. Cette opinion porte sur la comptabilité générale de l'État. Il ne s'agit pas, en revanche, d'une appréciation quant à la sincérité de la comptabilité budgétaire de l'État.

Je vous rappelle trois chiffres-clés, permettant d'appréhender synthétiquement le bilan de l'État au 31 décembre 2015. Premièrement, le passif total s'élève à environ 2 100 milliards d'euros, en hausse de 100 milliards d'euros par rapport à la fin de 2014. Deuxièmement, le total des actifs atteint presque 1 000 milliards d'euros, à un niveau globalement stable par rapport à la fin de 2014, ce qui signifie que la situation nette de l'État est négative, d'environ 1 100 milliards d'euros. Troisièmement, les engagements hors bilan de l'État atteignent 3 300 milliards d'euros, soit un montant stable par rapport à la fin de 2014.

Au titre de l'exercice 2015, la Cour certifie que les comptes de l'État donnent une image fidèle de son patrimoine et de sa situation comptable et financière.

Nous assortissons cette certification de cinq réserves substantielles, identiques à celles que nous avions émises l'an dernier. Trois d'entre elles présentent un caractère quasi systémique.

Premièrement, la Cour estime toujours que le système d'information financière et comptable de l'État reste complexe, coûteux, peu sûr et exposé à des risques d'erreur. Je rappelle qu'il est constitué de Chorus et de plus de 300 autres applications informatiques.

Deuxièmement, les dispositifs ministériels de contrôle interne et d'audit interne ne sont pas encore organisés et pilotés de manière satisfaisante. La Cour a néanmoins constaté cette année des progrès. Certains ministères sont désormais dotés de dispositifs d'audit conformes aux attentes. Je pense, en particulier, au ministère de la justice.

Troisièmement, la comptabilisation en droits constatés des produits régaliens, autrement dit du produit des impôts, des créances et des dettes fiscales, continue de pâtir des insuffisances des données fiscales et des contrôles qui leur sont appliqués.

Les deux autres réserves concernent à nouveau, d'une part, les immobilisations et les stocks du ministère de la défense et, d'autre part, les immobilisations financières de l'État.

S'agissant des immobilisations et des stocks du ministère de la défense, des incertitudes continuent de peser sur les inventaires de stocks et de matériels militaires, sur leur évaluation, et sur le recensement et l'évaluation par le ministère de ses biens immobiliers.

S'agissant des immobilisations financières de l'État, la Cour ne peut toujours pas se prononcer sur la fiabilité de l'évaluation d'un grand nombre de participations financières.

Un tableau retraçant l'évolution des réserves dans le temps vous a été communiqué dans la synthèse. Il met en évidence le fait que depuis 2006, premier exercice soumis à la certification, l'administration a consenti des efforts importants, ayant permis la levée progressive de réserves substantielles.

Le fait que les cinq réserves substantielles soient inchangées depuis 2013 ne signifie pas qu'aucun progrès n'a été enregistré dans cette période. Cela ne signifie pas non plus que rien n'a changé sur le fond, ni davantage qu'aucun constat d'audit nouveau n'est apparu. L'année 2015 en donne une illustration claire.

Comme l'an dernier, la dynamique d'amélioration se poursuit, malgré la stabilité globale apparente. De multiples évolutions, dans le bon sens, ont été relevées : 43 parties de réserves font l'objet d'une levée dans l'acte ; toutes les réserves sont concernées par ces levées, y compris celles, dites « systémiques », qui concernent le système d'information et le contrôle interne ; des levées interviennent sur des sujets récurrents, comme les immobilisations anciennes du ministère de la défense ou le classement comptable des établissements publics de santé.

Je le disais, l'administration consent des efforts en matière de gestion comptable et financière. Ces efforts sont très utiles, car ils accroissent la fiabilité des comptes, sous le regard attentif du certificateur, et agissent comme un levier décisif de modernisation des administrations.

Dans un rapport récemment publié, la Cour a dressé le bilan de la tenue par l'État d'une comptabilité générale, dix ans après son entrée en vigueur. Elle a pu en mesurer les apports, notamment dans la connaissance de sa situation patrimoniale et la modernisation de ses services. Elle a mis en évidence les progrès importants réalisés grâce au dialogue soutenu entre certificateur et certifié.

Mais la Cour a aussi relevé une utilisation trop limitée de la comptabilité générale par l'administration, en particulier par les gestionnaires, et par les parlementaires eux-mêmes, qui avaient souhaité la réforme comptable. La Cour regrette d'autant plus cet état de fait que la bonne utilisation de la comptabilité générale devrait permettre d'identifier des leviers d'amélioration de la gestion des organismes publics. Les familiers de ces sujets parlent de « chaînage vertueux » ; pour l'instant, nous n'en sommes pas tout à fait là.

À cet égard, l'effort prioritaire doit être porté sur l'amélioration des conditions d'établissement des comptes et sur leur meilleure utilisation. Le souci constant doit bien sûr être de proportionner les travaux à l'objectif de fournir une information comptable fiable et répondant aux besoins de ses destinataires, qu'ils soient institutionnels, financiers ou citoyens.

Il importe à cette fin de tirer davantage parti des possibilités d'automatisation et de dématérialisation, d'enrichir l'information comptable à la disposition des gestionnaires et de développer la comptabilité analytique. C'est une nouvelle étape à engager, guidée par le souci de faire de la comptabilité générale un outil utile aux décideurs et gestionnaires publics. Le colloque organisé au Sénat, le 30 juin prochain, nous permettra, je l'espère, d'approfondir encore le sujet.

S'agissant maintenant du rapport sur le budget de l'État, ce travail apporte un éclairage sur les finances de l'État, en analysant l'exécution budgétaire de l'année 2015. Il permet de l'apprécier au regard des prévisions budgétaires initiales, mais aussi de la comparer avec l'exercice budgétaire précédent.

Pour la première fois cette année, il comporte en outre un chapitre consacré à une problématique de gestion budgétaire. Le thème retenu cette année, central pour la politique budgétaire, est celui des normes de dépenses de l'État. Ces normes constituent les dispositifs d'encadrement de l'évolution de ces dépenses d'une année sur l'autre. Le chapitre s'efforce de dresser un bilan de leur mise en oeuvre depuis leur instauration en 1996.

Ce rapport est également livré avec 58 analyses de la gestion des missions budgétaires et cinq analyses spécifiques : deux sur l'exécution des recettes, fiscales et non fiscales, une sur les dépenses fiscales et, pour la première fois aussi cette année, deux sur les prélèvements sur recettes, au profit respectivement des collectivités territoriales et de l'Union européenne. Au total, ce sont plus de 2 500 pages qui sont mises à votre disposition.

Je l'indiquais dans mon introduction générale, ce travail ne traite que du budget de l'État, et non de l'ensemble des finances publiques. Je vous demande par avance de m'excuser si je frustre un certain nombre d'entre vous qui auraient des questions à poser sur des sujets, comme la sécurité sociale ou les collectivités territoriales, ne faisant pas l'objet de ce rapport.

Dans ce rapport, nous dressons six constats. Premièrement, le déficit budgétaire est inférieur aux prévisions, mais en faible amélioration par rapport à 2014, hors éléments exceptionnels. Il reste à un niveau élevé. Deuxièmement, le ralentissement de la croissance de la dette par rapport aux années précédentes est lié principalement à la politique d'émission. Troisièmement, contrairement aux années précédentes, les recettes ont été proches des prévisions. Cela va dans le bon sens. Quatrièmement, la maîtrise des dépenses est partielle et ses résultats restent fragiles. Cinquièmement, le périmètre des normes de dépenses doit être clarifié, puis stabilisé et leur suivi rendu plus transparent. Sixièmement, le contexte économique ne doit pas conduire à relâcher l'effort en faveur d'une gestion plus rigoureuse des dépenses, compte tenu des marges d'efficacité et d'efficience que nous constatons régulièrement, si les pouvoirs publics veulent respecter la trajectoire de finances publiques arrêtée par leurs soins.

Je reprends ces différents constats.

En premier lieu, la Cour constate que l'exécution du budget de l'État en 2015 se caractérise par une amélioration du solde budgétaire, qui demeure toutefois à un niveau élevé. Le déficit budgétaire - 70,5 milliards d'euros - est inférieur, tout du moins en apparence, de 15,1 milliards d'euros à celui de 2014 et de 3,9 milliards d'euros à celui qui avait été prévu en loi de finances initiale.

Par rapport au déficit enregistré en 2014, on pourrait avoir l'impression d'une forte amélioration. Mais, comme la Cour le fait remarquer chaque année, l'appréciation du niveau de déficit doit se faire après retraitement des éléments exceptionnels. Pour 2015, il s'agit notamment, d'une part, du deuxième programme d'investissements d'avenir (PIA) et, d'autre part, du versement au mécanisme européen de stabilité (MES).

Une fois ce retraitement opéré, le déficit budgétaire ne s'améliore plus, en réalité, que de 300 millions d'euros, ce qui est relativement faible.

Il faut toutefois relever que cette faible amélioration a été obtenue, alors que la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, et la compensation à la sécurité sociale du pacte de responsabilité et de solidarité ont pesé sur le budget de l'État à hauteur respectivement de 5,4 et 5,1 milliards d'euros. Au sein des administrations publiques, c'est en effet l'État qui supporte, dans son budget, la totalité de la politique d'amélioration de la compétitivité des entreprises décidée par le Gouvernement et mise en oeuvre depuis trois ans.

Au total, le déficit reste à un niveau toujours élevé en valeur absolue, puisqu'il s'élève à 70,5 milliards d'euros. Il représente près de trois mois de dépenses du budget général, ce qui est équivalent au budget de l'enseignement scolaire ou au produit de l'impôt sur le revenu.

En deuxième lieu, la Cour observe que le ralentissement de la croissance de la dette est lié principalement à la politique d'émission. À la fin de 2015, la dette financière négociable de l'État atteignait 1 576 milliards d'euros, soit une augmentation de 48 milliards d'euros par rapport à 2014. Cette hausse est conséquente, mais inférieure à celle qui a été enregistrée en 2014. Elle est surtout inférieure au déficit de l'année 2015.

Ce ralentissement de l'augmentation de la dette s'explique par les spécificités de la politique d'émission de l'Agence France Trésor dans l'environnement actuel de taux bas.

La politique d'émission d'obligations par l'État a été telle que l'Agence France Trésor a encaissé en 2015 des primes à l'émission à hauteur de près de 23 milliards d'euros. Je pourrai revenir, si vous le souhaitez, sur le mécanisme qui l'explique. Une grande partie de ce montant a été mobilisé pour réduire l'encours de la dette à court terme.

Cette politique d'émission a permis une déconnexion entre la croissance de la dette et le niveau du déficit. Mais cette déconnexion n'est que temporaire. La dette rattrapera progressivement le niveau qu'elle aurait atteint en l'absence de cette politique et les primes à l'émission encaissées en 2015 auront leur contrepartie dans le paiement de coupons plus élevés dans les prochaines années.

Selon l'Agence France Trésor, cette particularité de la politique d'émission, relevée en 2015 et qui semble se prolonger, à un degré moindre, sur 2016, vise à répondre à la demande des investisseurs et aux évolutions de cette demande provoquées par la politique d'achats de la BCE. Elle a permis en 2015 de protéger la dette française du risque de remontée des taux, en réduisant la part de dette à court terme dans la dette totale, celle-ci s'étant fortement accrue après la crise de 2008.

Ces objectifs sont prudents : vouloir optimiser la charge budgétaire de la dette à n'importe quel risque serait contre-productif. En revanche, il serait erroné d'interpréter le ralentissement temporaire de la croissance de la dette observé en 2015 comme une amélioration structurelle des finances de l'État. À cet égard, comme je le rappelais tout à l'heure, la situation nette de l'État est négative d'environ 1 100 milliards d'euros en 2015, soit quatre mois de produits régaliens, contre seulement deux en 2008.

En troisième lieu, la Cour constate qu'en 2015, contrairement aux années précédentes, les recettes ont été proches des prévisions. Les recettes fiscales nettes se sont élevées à 280,1 milliards d'euros, soit 1 milliard d'euros de plus que les prévisions en loi de finances initiale. L'évolution spontanée, c'est-à-dire, à législation constante, des recettes fiscales a été conforme aux évaluations initiales pour plusieurs raisons : grâce à des prévisions macroéconomiques réalistes, à des prévisions prudentes d'élasticité des recettes et à un bon rendement du contrôle fiscal.

Le léger surcroît de recettes fiscales par rapport à la loi de finances initiale s'explique également en partie par un effet base : les recettes pour 2014 ont été un peu plus élevées que prévu.

L'amélioration de la qualité et de la sincérité des prévisions de recettes fiscales est indéniable. C'est un progrès à saluer.

L'impact des mesures fiscales a été inférieur à celui estimé en loi de finances initiale, en raison d'une montée en charge plus rapide que prévu du CICE. Son coût s'est élevé à 12 milliards d'euros en 2015. Cette sous-évaluation du CICE a été en partie compensée par des événements favorables non reconductibles en 2016 : régularisation versée par EDF au titre des années antérieures ; moindres remboursements dans le cadre des contentieux communautaires ; rendement élevé de la réforme des délais de paiement des droits de succession.

L'augmentation plus rapide que prévu du coût du CICE a conduit à dépasser les plafonds annuels de dépenses fiscales et de crédits d'impôt fixés par la loi de programmation, en l'absence de mesures visant à réguler le niveau des autres dépenses fiscales.

Dans ce contexte, un renforcement des dispositifs de maîtrise des dépenses fiscales apparaît indispensable pour concentrer les moyens sur des dispositifs ciblés, cohérents avec les objectifs de politiques publiques. Les évaluations de dépenses fiscales sont trop rares pour alimenter des propositions de réformes argumentées et, pour le moment, les conférences fiscales encore dépourvues de résultats concrets.

En quatrième lieu, la Cour constate que la maîtrise des dépenses de l'État est partielle et ses résultats sont fragiles. D'une part, la maîtrise des dépenses est partielle. Les dépenses nettes du budget général de l'État en 2015 se sont élevées à 296,5 milliards d'euros, soit un niveau très proche de la loi de finances initiale.

Des redéploiements importants ont eu lieu en cours d'année. Des mesures nouvelles ont modifié la répartition des dépenses. Je pense notamment à l'augmentation des contrats aidés, aux mesures rendues nécessaires par les sous-budgétisations concernant notamment les opérations militaires extérieures ou Opex, par les refus d'apurement communautaire au titre de la politique agricole commune (PAC), à l'allocation adultes handicapés (AAH) ou encore à l'hébergement d'urgence des migrants.

Les dépenses supportées par le budget général ont été aussi accrues par le transfert de dépenses d'investissement militaire qui devaient initialement être financées sur un compte d'affectation spéciale.

Certains mouvements de rebudgétisation ont permis d'aller dans le sens d'un meilleur respect du principe de l'unité budgétaire. Ce principe vise à garantir au Parlement un contrôle sur le périmètre de dépenses publiques le plus étendu possible.

En revanche, le premier plan de lutte anti-terroriste a eu un impact encore limité sur 2015, en raison de recrutements qui se sont concentrés sur la fin de l'année. Les conséquences sur l'équilibre global de ces dépenses supplémentaires ont été limitées. Cela est dû à une charge de la dette plus faible que prévu de 2,2 milliards d'euros et à une forte sollicitation de la réserve de précaution.

Par rapport à 2014, après prise en compte de ces éléments exceptionnels et de ces effets de périmètre, les dépenses pour 2015 ressortent à 299,2 milliards d'euros, en augmentation de 2,6 milliards d'euros.

Ce diagnostic mitigé sur la maîtrise des dépenses est conforté si on examine les deux autres objectifs figurant dans l'exposé des motifs de la loi de finances pour 2015, concernant les économies et les normes de dépenses.

L'objectif d'économies sur les dépenses de l'État et de ses opérateurs, hors charge de la dette, hors pensions et hors PIA, s'élevait à 7,3 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiales pour 2014. Les économies sur l'État et les opérateurs imputables à l'exercice 2015 ne représentent, selon la Cour, que 1,7 milliard d'euros. Elles correspondent, à hauteur de 60 %, à des prélèvements sur le fonds de roulement d'organismes publics qui ne sont pas reconductibles en 2016.

Sur le périmètre de la norme de dépenses hors charge de la dette et pensions, les dépenses sont inférieures à l'exécution de l'exercice 2014 de 1,4 milliard d'euros, mais supérieures à l'objectif de la loi de finances initiale de 1,3 milliard d'euros.

La révision à la baisse de l'inflation a permis de faciliter la tenue de la norme de dépenses de l'État. Elle a conduit mécaniquement à diminuer la charge d'intérêts, une partie de la dette étant indexée sur l'inflation.

Par ailleurs, la norme de dépenses hors charge de la dette et pensions a été assouplie en fin de gestion. Initialement fixée à 282,6 milliards d'euros, elle a été portée à 284 milliards d'euros, notamment pour prendre en compte le transfert sur le budget général de dépenses d'investissement militaire initialement financées sur un compte d'affectation spéciale, transfert que j'évoquais précédemment. Les dépenses dans le périmètre de la norme ainsi révisée se sont élevées, selon le Gouvernement, à 283,9 milliards d'euros.

La Cour constate que des contournements de la charte de budgétisation ont permis de minorer ce montant d'environ 3 milliards d'euros. Ces contournements ont notamment pris la forme d'une substitution de recettes affectées à des crédits budgétaires, notamment pour le financement des infrastructures de transport à hauteur de 1,1 milliard d'euros, le remboursement de la dette à la sécurité sociale pour 600 millions d'euros ou la réforme du financement de l'apprentissage et de la formation professionnelle à hauteur de 500 millions d'euros.

D'autre part, la maîtrise des dépenses, partielle, repose sur des bases fragiles. Ces bases ne sont pas toutes reconductibles les années suivantes. L'évolution est en effet contrastée selon la nature des dépenses.

Les transferts de l'État aux collectivités territoriales et ses concours aux opérateurs sont stabilisés après des années d'augmentation rapide.

Des économies de constatation sur la charge de la dette, mais aussi le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne ont offert des marges de manoeuvre en gestion.

En revanche, l'effort est faible sur le périmètre propre de l'État. Les dépenses de personnel ont augmenté pour la deuxième année consécutive. L'État a créé des emplois publics pour la première fois depuis 2002. Ses dépenses de fonctionnement et d'investissement ont aussi fortement progressé.

En cinquième lieu, la Cour fait un constat d'une nature un peu différente, celui-ci ne portant pas seulement sur l'exécution 2015. Le bilan de vingt ans d'utilisation des normes de dépenses en France conduit la Cour à recommander que le périmètre de ces normes soit clarifié, puis stabilisé. Leur suivi devrait être rendu plus transparent.

La norme de dépenses est une règle d'évolution à périmètre constant des dépenses que l'État s'impose depuis 1996. Au fil du temps, les fonctions de la norme se sont diversifiées. Cette dernière ne constitue plus seulement un outil de pilotage interne des gestionnaires ; elle apparaît aussi comme un moyen d'expression externe de la stratégie budgétaire du Gouvernement. Elle est approuvée par le Parlement dans la loi de programmation des finances publiques depuis 2009.

Il est désormais indispensable de clarifier les périmètres des deux normes et d'assurer un meilleur suivi. La Cour propose de renforcer la distinction entre une norme de gestion, comprenant les dépenses maîtrisables annuellement par l'administration, et une norme globale, plus large et plus directement cohérente avec les objectifs généraux de finances publiques. Elle recommande en outre que le Gouvernement rende publique, régulièrement en cours d'année, une prévision d'exécution des dépenses sur le périmètre des deux normes.

En sixième lieu - il s'agit aussi d'une transition vers les constats que je serai amené à partager avec vous le mois prochain dans le rapport sur la situation et des perspectives des finances publiques -, le contexte économique ne doit pas conduire à relâcher l'effort en faveur d'une gestion plus rigoureuse des dépenses, compte tenu des marges d'efficacité et d'efficience, si les pouvoirs publics veulent respecter la trajectoire de finances publiques qu'ils ont arrêtée.

Les risques budgétaires sont significatifs pour l'État à moyen terme. La montée en charge du CICE et celle du pacte de responsabilité et de solidarité devront être financées dans la durée. En dépenses, des engagements juridiques importants ont été pris en 2015, concernant notamment le fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts toxiques, le plan France très haut débit ou les grands programmes d'armement. S'y ajoutent les décisions concernant la politique de recrutement de l'État, sa politique salariale, la programmation militaire ou le deuxième plan de lutte anti-terroriste, qui auront des conséquences sur la programmation pluriannuelle 2017-2019. Ces conséquences ne sont pas encore complètement mesurées.

Bien que la Banque centrale européenne (BCE) ait prolongé au moins jusqu'en mars 2017 sa politique monétaire non conventionnelle, l'État est toujours exposé au risque de taux : une remontée des taux de 1 % sur l'ensemble de la courbe des taux conduirait à augmenter la charge de la dette de 2,1 milliards d'euros la première année, de 4,8 milliards d'euros la deuxième année et de 16,5 milliards d'euros au bout de dix ans.

Pour financer ses politiques prioritaires et faire face à la remontée inéluctable à terme de la charge de la dette, des économies structurelles sont nécessaires. Celles-ci n'apparaissent pas clairement dans l'exécution 2015. En 2016, le contexte économique et financier plus favorable devrait pouvoir être utilisé pour mettre en oeuvre, par des choix explicites reposant sur une évaluation de l'efficacité des dépenses, des réformes nécessaires au rétablissement durable des finances de l'État.

Dans quelques jours, vous examinerez le projet de loi de règlement. Il y a là une incitation à regarder les résultats de l'action publique - ce texte de loi gagnerait d'ailleurs sûrement à reprendre ce terme dans son intitulé. En effet, c'est l'occasion pour vous de mesurer très directement l'écart entre les annonces, l'action du Gouvernement, et les résultats obtenus, mais aussi de constater le décalage entre les moyens consacrés et les résultats obtenus, que nous évoquons régulièrement lors des présentations des travaux des juridictions financières.

C'est aussi l'occasion pour vous d'en tirer les conséquences, au regard des priorités que vous avez fixées pour l'action publique et pour la maîtrise des finances publiques. Les constats, les observations et les recommandations de la Cour des comptes sont à votre disposition pour vous éclairer dans ces choix.

Je vous remercie de votre attention et me tiens, avec les magistrats qui m'entourent, à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je vous remercie de cette présentation, monsieur le Premier président, qui, effectivement, sera très éclairante à la veille de l'examen du projet de loi de règlement.

Voilà peu, Christian Eckert, secrétaire d'État en charge du budget, se trouvait à votre place et se félicitait d'une très bonne exécution budgétaire au titre de l'exercice 2015. La commission des finances avait une autre analyse, qui se trouve être plus en ligne avec celle de la Cour des comptes, si j'en crois votre rapport sur le budget de l'État en 2015.

Au deuxième paragraphe de son chapitre I, la Cour constate qu'une fois retraité d'un certain nombre d'éléments exceptionnels, « le solde budgétaire ne s'améliore que de 300 millions d'euros ». Nous sommes loin du résultat exceptionnel annoncé ! De la même manière, le rapport souligne le niveau très élevé de la dette de l'État, un niveau « inédit depuis l'après-guerre ». Il n'y a pas lieu de trop se réjouir ! L'analyse de la Cour des comptes rejoint donc celle de la commission des finances.

J'en viens à des points plus précis.

S'agissant des objectifs d'économie, dans le cadre du programme annoncé de 50 milliards d'euros d'économie, le Gouvernement s'était engagé à réaliser, en 2015, 7,7 milliards d'euros d'économie sur l'État et les opérateurs. La Cour des comptes considère-t-elle que cet objectif a été tenu ?

S'agissant des recettes, le Gouvernement répète à l'envi que les prévisions de recettes sont en lignes avec les résultats. Mais, selon la Cour des comptes, cela est lié à des recettes exceptionnelles, notamment des recouvrements opérés par le service de traitement des déclarations rectificatives, ou STDR, ou des recettes engrangées à la suite de contrôles fiscaux. Doit-on ces performances au seul STDR ou à un meilleur ciblage des contrôles fiscaux ? Ces recettes vont-elles se tarir ? Pouvons-nous avoir un éclairage sur le rendement pour le moins inattendu des droits de succession dont la réforme des délais de paiement a conduit à une hausse des recettes de 1 milliard d'euros ?

S'agissant des dépenses de personnel, en dépit de leur progression constante, on constate parfois un décalage entre le nombre de postes inscrits au budget et le nombre de postes réellement pourvus. Avez-vous des informations quant à ce décalage ? Celui-ci s'est-il amélioré ou détérioré en 2015 ? La Cour des comptes dispose-t-elle, en particulier, d'une estimation des postes pourvus dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, au regard des annonces de la fin de l'année 2015 ?

Enfin, on constate une progression constante du taux de crédits mis en réserve qui atteint aujourd'hui 8 %. La mise en réserve initiale, accompagnée de surgels de crédits en cours d'année, parfois difficiles à comprendre. Ces procédés, tout comme le recours aux crédits d'avance, pour des montants pouvant s'avérer significatifs, ne contribuent-ils pas à nous éloigner du cadre budgétaire tel que voté par le Parlement ? À partir de quel taux de mise en réserve la Cour des comptes considérera-t-elle que l'autorisation parlementaire n'est plus respectée ?

M. Didier Migaud . - Nous aurons l'occasion de revenir plus amplement sur le sujet sensible des économies dans notre rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.

Effectivement, les économies sur le budget de l'État et de ses opérateurs s'établissent à 1,7 milliard d'euros par rapport à l'exécution du budget de 2014 et à 3,8 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Ces montants, significatifs, sont inférieurs à l'objectif fixé en loi de finances pour 2015, à savoir 7,7 milliards d'euros.

Cet objectif avait été calculé en prenant comme référence une base pour 2014 plus élevée - de 2,1 milliards d'euros - que les dépenses réellement constatées et une évolution tendancielle des dépenses de personnel surestimée - de l'ordre de 1 milliard d'euros. Par ailleurs, les dépenses de 2015 sur le périmètre des économies ont été supérieures de 2,5 milliards d'euros aux prévisions en loi de finances. Cela explique le résultat de 1,7 milliard d'euros, d'ailleurs peu contesté par les représentants du Gouvernement.

Selon les informations qui nous ont été transmises par la DGFiP, l'année 2015 a été marquée par quelques redressements fiscaux au titre de l'impôt sur les sociétés d'un montant exceptionnel. Il se pourrait qu'il y en ait à nouveau en 2016, mais nous ne sommes pas en mesure d'en évaluer l'ampleur.

L'évolution constatée au niveau des droits de succession correspond plutôt à un effet de trésorerie. Le gain budgétaire est manifeste, les sommes recouvrées étant définitivement acquises à l'État, mais il se limite à l'exercice 2015 car il est lié à une anticipation de versements par les redevables, du fait d'une réforme des délais et d'une réduction de la période d'étalement des paiements.

Par ailleurs, les recrutements sont limités par deux plafonds : le plafond d'emplois - le nombre maximum d'agents, en moyenne annuelle, qu'une mission peut recruter - et le plafond de crédits de personnel. Au cours des dernières années, le second a représenté une contrainte plus forte que le premier, l'écart entre les deux représentant environ 20 000 ETP, en 2015, pour l'État. Nous ne disposons pas des données consolidées pour les opérateurs, mais, sur ce périmètre, l'écart était également de 20 000 ETP en 2014.

Le premier plan de lutte antiterroriste prévoyait la création, entre 2015 et 2017, de 2 468 postes en ETP sur les missions justice et sécurité, auxquels s'ajoutaient 80 emplois au ministère des finances. Ces créations devaient être opérées, en 2015, à plafond d'emplois constant, du fait des sous-exécutions précédemment mises en évidence. Les recrutements prévus ont bien été effectués mais, étant intervenus en fin d'année, ils ont eu un faible impact budgétaire.

Le deuxième plan de lutte antiterroriste prévoit des recrutements supplémentaires pour les années 2016 et 2017 et la Cour des comptes, bien évidemment, suivra sa réalisation.

Le travail sur l'exécution est essentiel, précisément parce qu'il permet de constater que des crédits supplémentaires sont parfois demandés, alors même que les crédits initiaux n'ont pas été consommés.

Effectivement, les crédits mis en réserve ont tendance à progresser, avec des cas de surgels, qui doivent nous interroger sur l'efficacité des gels tels qu'ils peuvent être annoncés.

M. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes . - Le gel des reports a constitué une innovation de l'année 2016. C'est la première fois, sous l'ère de la loi organique relative aux lois de finances, qu'une telle pratique est décidée, ce qui, effectivement, traduit un éloignement de certains principes initialement fixés.

Plus fondamentalement, ces phénomènes de mise en réserve immédiate renvoient à des phénomènes récurrents de sous-budgétisation, souvent décelés dès le vote du budget. Je pense, par exemple, aux missions relatives aux opérations extérieures ou à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile. C'est à ces problématiques de sous-budgétisation qu'il faut avant tout remédier.

La mesure des économies est un exercice reposant, du début jusqu'à la fin, sur des conventions. À quelle base se compare-t-on ? Pour notre part, nous mesurons l'effort d'économie en comparant les exécutions budgétaires, ce qui n'est pas forcément le cas du Gouvernement. L'effort réalisé sur les prélèvements sur recettes destinés aux collectivités locales est-il porté par l'État ou par les collectivités locales ?

M. Philippe Dallier . - Poser la question, c'est donner la réponse !

M. Raoul Briet . - Enfin, l'évaluation des trajectoires tendancielles pour certaines dépenses répond aussi à des conventions. De toute évidence, selon les hypothèses conventionnelles retenues, l'effort d'économie sera plus ou moins important.

M. Vincent Delahaye . - Je retiens la suggestion qui nous est faite de dénommer « loi de résultat » la loi de règlement. Je suis de ceux qui estiment nécessaire de consacrer plus de temps aux résultats qu'aux prévisions !

Les premières pages du rapport font apparaître une situation financière profondément dégradée et des perspectives à long terme peu réjouissantes pour les finances de l'État. Cette situation doit nous conduire à nous interroger.

La question de l'annualité budgétaire mériterait d'être plus amplement développée dans le rapport. Des volumes importants de factures, notamment au niveau des régions et des départements, sont « restés dans les tiroirs » et n'ont pas été intégrés aux comptes. S'agissant du budget de l'État, la séparation entre exercices est-elle correctement opérée ? Peut-on expliciter la différence entre les restes à payer - ils attendraient 90 milliards d'euros - et les charges à payer et factures non parvenues ?

M. Richard Yung . - J'admire le rapporteur général, qui a pu lire le rapport. Pour ma part, je n'ai pas pu le lire, y ayant eu accès à midi seulement. Il est difficile de préparer une réunion de cette nature dans de telles conditions.

La question des mises en réserve et des surgels a été évoquée, mais des difficultés apparaissent sur toute une série de sujets. Il faudra donc, à un moment donné, revoir la loi organique relative aux lois de finances.

J'attire aussi l'attention sur la vanité des chiffres. La croissance du PIB, estimée, jusqu'à la semaine dernière, à 0,2 % pour 2014, a été réévaluée à 0,6 % ou 0,7 %. On voit bien à quel point les hypothèses et les calculs sont fragiles. C'est précisément cette fragilité qui me pousse à critiquer assez vivement la notion de croissance potentielle, à partir de laquelle le déficit structurel est établi. Je ne m'y étendrai pas davantage. Un certain nombre d'entre nous a d'ailleurs écrit récemment à Pierre Moscovici pour souligner le fait que la notion de croissance potentielle est à la fois fragile et discutable.

Je ne partage pas les remarques acerbes et négatives qui ont été formulées. Le déficit s'élève à 3,6 points de PIB, contre une prévision de 4,1 %, soit une amélioration de 0,5 point. La trajectoire est tout de même bonne, au regard des engagements qui sont les nôtres dans le cadre de l'Union européenne.

M. Philippe Dallier . - Je voudrais revenir sur le respect des normes de dépenses, au travers de l'exemple assez emblématique des aides personnelles pour le logement, ou APL.

Dans la loi de finances rectificative votée au mois de décembre dernier, nous avons ajouté 70 millions d'euros de crédits pour boucler l'année. Nous découvrons alors qu'avec les inscriptions en loi de finances initiale et cet ajout, non seulement nous pouvons tout payer, mais en plus, nous avons les moyens de résorber partiellement la dette de 2014. Mais, quelques jours plus tard, le Gouvernement bloque 300 millions d'euros sur les APL, portant la dette à 400 millions d'euros, au lieu de la réduire.

En guise d'explication, on invoque le respect de la norme de dépenses. La dépense est certaine ; les sommes sont inscrites au budget et pour améliorer facialement le déficit, on décide de bloquer 300 millions d'euros. Ne faut-il pas modifier la loi organique relative aux lois de finances et interdire ce genre de pratiques ?

Question subsidiaire, ces 300 millions d'euros ont-ils été pris en compte dans le retraitement opéré sur le solde budgétaire, qui vous a conduit à évaluer ce dernier à 300 millions d'euros ?

M. Michel Bouvard . - Je remercie également la Cour de la somme d'informations qu'elle nous livre et dont nous pourrons faire usage dans le cadre des discussions sur le projet de loi de règlement.

Le véritable changement, à mes yeux, consistera, non pas à modifier l'intitulé de ce texte de loi, mais plutôt à accepter de consacrer du temps à son examen, notamment en séance publique.

J'ai deux motifs de satisfaction : d'une part, je me réjouis des constats relevés sur la dette - ils montrent la grande qualité de l'Agence France Trésor, mais aussi la fragilité persistante en la matière - ; d'autre part, la dépense fiscale ne s'accroît plus hors CICE.

Pour le reste, la réduction du déficit est liée à des effets d'aubaine et des performances dans la gestion de la dette. Mais les économies ne sont pas au rendez-vous. D'où ma question : comment peut-on mieux documenter les économies, sans en rester à des réductions de déficit liées à toute autre chose que des économies structurelles ?

M. Vincent Capo-Canellas . - En matière de gestion de la dette, nous connaissons bien les effets anesthésiants des taux faibles. Le rapport de la Cour des comptes met également en avant la politique d'émission, consistant à toucher une prime d'émission dès 2015, contre un coupon supérieur sur dix ans. N'est-ce pas une double fuite en avant ? Quelle est votre appréciation sur le sujet ?

M. François Patriat . - Quand sortirons-nous du duel manichéen, conduisant certains à verser des larmes de crocodile quand la situation empire et à chercher à minimiser les résultats quand elle s'améliore ? Un effort significatif a été accompli sur les dépenses publiques, avec la réalisation partielle, à hauteur de 7 milliards d'euros, du plan d'économies annoncé de 50 milliards d'euros sur trois ans. On ne peut pas passer un tel effort par pertes et profits.

M. Serge Dassault . - Concernant la charge de la dette l a faiblesse des taux d'intérêt actuels nous est favorable, mais leur maintien à un tel niveau n'est absolument pas assuré. Quelles seraient, d'après vous, les conséquences d'une augmentation des taux d'intérêt ? Ne courrons-nous pas le risque de nous retrouver en cessation de paiement ?

Est-il normal que le Gouvernement, une fois le budget voté, puisse décider de sa propre initiative d'augmenter certaines dépenses, sans réaliser d'économies en contrepartie ? Une hausse de 10 milliards d'euros a déjà été actée sur le budget de l'État pour 2016.

M. Maurice Vincent . - Le rapport de la Cour des comptes révèle la qualité de la gestion mise en oeuvre par le Gouvernement, ainsi qu'une trajectoire sur plusieurs années de nature à rassurer l'Union européenne et les investisseurs. Certains semblent regretter ce qu'ils présentent comme une maîtrise insuffisante des dépenses publiques... Aller au-delà de ce qui est fait, ce serait réduire le taux de croissance !

J'ai compris que la politique d'émission de l'Agence France Trésor, conduisant à une moindre dégradation de notre endettement, était liée à une très forte demande de l'Eurosystème. Peut-on s'attendre à un tel niveau de primes à l'émission en 2016 ? Pourriez-vous préciser quels seraient les effets moins positifs à moyen terme ?

M. Francis Delattre . - J'ai eu une discussion très dure avec le secrétaire d'État en charge du budget sur le fonds de solidarité intervenant dans les mécanismes nationaux d'indemnisation du chômage. Celui-ci est intégré au budget de la sécurité sociale, mais relève de décisions de l'État. Pour autant, selon Christian Eckert, ce dernier n'a pas à faire face à la dépense. Pour sa part, la Cour des comptes évoque une « débudgétisation ». Ce fonds présente un déficit, qui a été assumé par l'ACOSS. Que l'on intègre celui-ci au budget de l'État, et l'amélioration budgétaire disparaît... Quel regard portez-vous sur cette situation ?

M. Didier Migaud . - Les restes à payer correspondent à des autorisations d'engagement, dont le paiement s'étale sur plusieurs années ; les charges à payer et les factures non parvenues correspondent à ce que l'on appelle communément les « factures dans le tiroir ». Leur montant est légèrement inférieur à 10 milliards d'euros, loin des 90 milliards d'euros des restes à payer.

L'Insee procède effectivement à certaines corrections, que le Haut Conseil des finances publiques et la Cour des comptes ne peuvent que constater. Ces révisions sont inévitables, dès lors que les premières estimations sont imprécises. Logiquement, l'information disponible se complète au fil de temps. Il faudrait donc, en fait, manier les premières estimations avec un peu plus de précaution.

Nos chiffres quant à l'exécution budgétaire sur l'exercice 2015 sont incontestables, car ils correspondent à des réalités. Je confirme l'existence de débats autour de la croissance potentielle et du solde structurel calculé à partir de cette dernière. Les estimations diffèrent selon les acteurs. Le gouvernement français a tendance, selon le Haut Conseil, à surestimer la croissance potentielle et, en conséquence, à sous-estimer le déficit structurel. C'est pourquoi nous suggérons de prendre en compte la notion d'effort structurel. Visant à mesurer l'effort réalisé en termes de prélèvements obligatoires ou d'économies, cette notion est moins liée à celle de croissance potentielle, même si elle peut être également fondée sur des notions empiriques ou arbitraires. Mais le débat sur ce sujet me paraît tout à fait utile. L'amélioration de la conjoncture ne doit pas faire oublier la composante structurelle du déficit !

Certains d'entre nous ont évoqué une amélioration du déficit public, limité en 2015 à 3,6 % du PIB mais ce chiffre concerne l'ensemble des administrations publiques. L'État et ses opérateurs ne participent pas à cette amélioration : on observe une légère amélioration au niveau de l'État, compensée par une dégradation des finances des ODAC.

J'entends les réflexions sur la loi organique relative aux lois de finances, mais tout ne relève pas d'elle et certaines pratiques, en exécution, s'éloignent de l'esprit de ce texte. Peut-être faudrait-il remettre tout cela à plat et faire le tri...

Par ailleurs, il ne nous appartient pas de qualifier la gestion, de juger les résultats bons ou mauvais. On le voit bien, les commentaires sont multiples et les observations de la Cour peuvent être lues de différentes manières. Ce que nous constatons, c'est un effort au niveau de la maîtrise de la dépense, mais celui-ci n'est pas aussi important qu'on le dit et il ne correspond pas tout à fait aux engagements pris. Si la France veut respecter la trajectoire qu'elle a définie, il faudra l'augmenter.

Les résultats obtenus en 2015 sont, pour certains, liés à des mesures non-reconductibles. Cette exécution budgétaire n'est donc pas, en soi, rassurante quant à la maîtrise de la dépense sur les années 2016, 2017 ou 2018.

Nous reviendrons sur la question soulevée par Serge Dassault. Le risque que nous courrons est lié, non pas à une éventuelle cessation de paiement, mais à la perte de marges de manoeuvre. À la remontée des taux, tous les efforts réalisés pourront être absorbés par la charge de la dette, nous savons la France fragile à cet égard.

La politique d'émission n'est en rien nouvelle, la différence tenant surtout aux proportions qu'elle a prise en 2015. D'autres pays pratiquent cette politique dont, il faut en être conscient, les effets sont temporaires.

M. Raoul Briet . - Effectivement, la politique d'émissions sur des souches anciennes est tout à fait classique. Elle a subi une forte accentuation en 2015, car l'Eurosystème a acquis des titres publics sur le marché secondaire, ce qui a sensiblement diminué la liquidité de certaines souches anciennes. Cela a poussé l'Agence France Trésor à émettre plus sur ces souches. Toutefois, lorsque celles-ci parviendront à maturité, les primes d'émissions encaissées devront être décaissées sous forme de coupon. Il existe donc un effet dans le temps, mais cette politique correspond à la situation actuelle du marché.

Enfin, Francis Delattre, il existe de nombreux fonds de solidarité. Certains servent à recueillir les contributions versées par les agents publics pour financer l'indemnisation du chômage. La Cour y voit là une forme d'opérateur quasi transparent et inutile, qu'elle propose de supprimer.

Mais, en matière de relations financières entre le régime général de la sécurité sociale et le fonds de solidarité vieillesse, elle plaide régulièrement pour une approche combinée des comptes, qui garantirait cohérence et sincérité. Ce sujet, toutefois, concerne les comptes de la sécurité sociale, et non ceux de l'État.

B. AUDITIONS SUR LES MOYENS DE LA JUSTICE : AUDITIONS DES RESPONSABLES DES PROGRAMMES DE LA MISSION « JUSTICE » (8 JUIN 2016)

Réunie le mercredi 8 juin 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'audition de M. Éric Lucas, secrétaire général du ministère de la justice, de Mme Marielle Thuau, directrice des services judiciaires, de M. Charles Giusti, chef de service, adjoint de la directrice de l'administration pénitentiaire, de M. Hugues Tranchant, directeur de la protection judiciaire de la jeunesse adjoint, et de M. Philippe Lonné, sous-directeur, direction du budget.

Mme Michèle André , présidente de la commission des finances . - Avec la commission des lois, nous entamons ce matin un cycle d'auditions consacrées aux moyens de la justice : dans la perspective de l'examen du projet de loi de règlement et alors que les moyens, budgétaires et humains du ministère de la justice suscitent beaucoup de débat, il nous a paru utile d'entendre ceux qui gèrent, au quotidien, les crédits de ce ministère.

Ce sujet nous intéresse tout particulièrement : à la suite de l'audition d'Éliane Houlette, procureur de la République financier, notre rapporteur spécial, Antoine Lefèvre, notre rapporteur général, Albéric de Montgolfier et moi-même nous sommes rendus hier au parquet national financier, pour prendre la mesure concrète de ses besoins.

Nous accueillons les responsables de programme de la mission « Justice » ainsi que des représentants de la direction du budget. Il s'agit de dresser un premier bilan de l'exécution, en 2015, d'un budget de près de 8 milliards d'euros. Considérée comme prioritaire, la mission « Justice » connaît une augmentation régulière de ses crédits depuis dix ans. L'année 2015 a notamment été marquée par une ouverture importante de crédits en cours d'exercice, après les attentats de janvier contre Charlie Hebdo.

Nous poursuivrons nos travaux en écoutant, en fin de matinée, les présidents des conférences nationales qui représentent les magistrats qui gèrent, au quotidien, les juridictions judiciaires. Cette séquence se poursuivra, le mardi 14 juin, par une audition du garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas.

Je souhaite donc la bienvenue ce matin à Éric Lucas, secrétaire général du ministère de la justice et responsable des programmes « Accès au droit et à la justice » et « Conduite et pilotage de la politique de la justice » accompagné d'Anne Duclos-Grosier, son adjointe ; à Marielle Thuau, directrice des services judiciaires et responsable du programme « Justice judiciaire », accompagnée de Thomas Lesueur, son adjoint ; à Charles Giusti, chef de service, adjoint de la directrice de l'administration pénitentiaire qui est la responsable du programme « Administration pénitentiaire » ; à Hugues Tranchant, directeur-adjoint de la protection judiciaire de la jeunesse, pour le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » et, enfin, à Philippe Lonné, sous-directeur chargé notamment de la mission « Justice » à la direction du budget, accompagné de Sabine Deligne, cheffe du bureau « Justice et médias ».

Les responsables de programme sont chargés de trois missions principales : établir le projet annuel de performances dans lequel il leur est demandé de préciser les orientations stratégiques ainsi que les objectifs du programme et de justifier des crédits et des autorisations d'emplois demandés ; assurer le pilotage du programme dont ils ont la charge ; établir le rapport annuel de performances.

M. Philippe Bas , président de la commission des lois . - Cette audition conjointe à nos deux commissions montre la préoccupation du Sénat à l'égard de la justice : si ses moyens sont passés de 6,2 milliards à 8,2 milliards d'euros en dix ans, les lois se sont multipliées qui ont accru les charges de la justice sans que les impacts ne soient convenablement mesurés, et les contentieux ont explosé dans un certain nombre de domaines. Paradoxalement, nous avons constaté qu'un certain nombre de postes ouverts n'étaient pas pourvus et que les prévisions en matière de recrutement et de sortie des différents corps, notamment pour l'administration pénitentiaire, se sont révélées très éloignées de la réalité.

La question du bon fonctionnement du service de la justice est donc posée de façon plus aiguë que jamais.

Avec le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, je me suis rendu au tribunal de grande instance de Créteil et à la prison de Bois-d'Arcy pour constater les difficultés du service public judiciaire qui ne cessent de s'aggraver. Rompant avec plusieurs années de pratiques, l'actuel garde des Sceaux a pris la mesure de ces problèmes et il se donne les moyens d'y répondre convenablement.

Nous saisissons l'occasion de l'examen prochain de la loi de règlement pour procéder à ces diverses auditions : elles nous permettront de mieux définir nos orientations et de contribuer au redressement de la justice.

M. Antoine Lefèvre , rapporteur spécial des crédits de la mission « Justice » . - Le projet de loi de règlement fait apparaître des taux d'exécution élevés par rapport aux crédits prévus par la loi de finances initiale en raison de l'ouverture de moyens supplémentaires en cours d'année à la suite des attentats contre Charlie Hebdo : pouvez-vous présenter le bilan des moyens mis en oeuvre dans le cadre du plan de lutte anti-terroriste (PLAT) ? A-t-il apporté une bouffée d'oxygène ou bien n'a-t-il servi qu'à financer les moyens spécifiquement dédiés à la lutte contre le terrorisme ? À l'attention de la direction du budget : ces crédits ont-ils fait l'objet d'un suivi particulier ?

Selon la Cour des comptes, « l'augmentation très significative des crédits en loi de finances puis à l'occasion du PLAT peut sembler excessive au regard de la capacité du ministère à exécuter les crédits de T2. Celui-ci rencontre en effet d'importantes difficultés pour réaliser les recrutements et fidéliser ses effectifs ». Si les créations de postes en 2015 ont été significatives, on observe toutefois un nombre de sorties particulièrement important et qui dépasse les seuls départs en retraite : comment l'expliquer ? Outre les spots et les affiches en faveur des métiers de l'administration pénitentiaire, quelles mesures envisagez-vous pour augmenter l'attractivité du ministère de la justice ?

Le taux de mise en réserve peut atteindre jusqu'à 20 % des crédits prévus sur certaines briques de budgétisation : ainsi en est-il des moyens de fonctionnement du « secteur public intervention » de la protection judiciaire de la jeunesse. Quelles sont les conséquences en gestion ?

Comment, pratiquement, gérez-vous cette fin d'exercice et quelles dépenses priorisez-vous ?

Quelles mesures envisagez-vous pour diminuer les délais de paiement, évalués par la Cour des comptes à 43 jours contre 18 en moyenne pour les services de l'État ?

Cette question s'adresse au Secrétaire général : la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) n'a pas permis de réaliser les économies escomptées car elle n'est pas opérationnelle et les services enquêteurs ne veulent plus l'utiliser, d'où un recours aux prestataires externes : où en est-on ?

La direction des services judiciaires peut-elle faire le point sur le règlement des questions relatives au statut fiscal et social des collaborateurs occasionnels du service public de la justice (COSP) ?

Enfin, l'administration pénitentiaire peut-elle parler des difficultés de recrutement et de fidélisation des surveillants pénitentiaires et revenir sur le coût et la quantité des heures supplémentaires réalisées par les surveillants pénitentiaires ? Peut-elle enfin nous indiquer le nombre total de jours de congés dits « bonifiés » et la proportion de personnels en bénéficiant dans les établissements pénitentiaires d'Île-de-France ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Quelle est l'analyse de la direction du budget sur la fin de gestion 2015 ? Selon la Cour des comptes, les 54 millions d'euros de reports de crédits sur 2016 « témoignent de la persistance de l'artifice destiné à faire en sorte que la mission participe à atteindre la cible d'exécution du budget de l'État ; le montant des reports a été de surcroît aggravé cette année par la cessation par les comptables des validations de demandes de paiement, le 23 décembre, ce qui contrevient au principe d'annualité budgétaire ».

Comment expliquer la diminution du nombre de magistrats et comment améliorer la situation ? Par la loi de finances rectificative, le Parlement a autorisé la création de postes, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Peut-on disposer d'un bilan précis du nombre de postes pourvus ? Des mesures exceptionnelles sont-elles envisagées, comme la prolongation d'activité de certains magistrats devant partir à la retraite ou le recrutement d'avocats ?

Peut-on également disposer d'un bilan des postes créés dans l'administration pénitentiaire ? Le taux de vacance diminue-t-il ? En dehors des concours, est-il possible de recruter ?

M. Éric Lucas, secrétaire général du ministère de la justice . - L'exécution du budget 2015 est plus favorable que l'année précédente : les crédits dépensés s'élèvent à 7,85 milliards d'euros. L'exécution est ainsi en hausse de 2,5 % par rapport à 2014, en dépit des mesures d'annulation. Le PLAT a augmenté les crédits disponibles : nous avons consommé 80,54 % de la ressource en autorisations d'engagement et 75,45 % s'agissant des crédits de paiement. Cette consommation doit être saluée car nous avons mis en oeuvre de nouveaux projets en cours d'année et nous avons procédé à des recrutements supplémentaires. Nous sommes parvenus à créer tous les emplois prévus par la loi de finances initiale, soit 600 emplois, et par le PLAT. En revanche, du fait de recrutements tardifs, les dépenses de personnel ont été sous-exécutées.

La plateforme nationale des interceptions judiciaires, la PNIJ, fonctionne depuis octobre 2015. Elle s'est déployée à partir de cette date sur l'ensemble du territoire par zones de défense. Aujourd'hui, toutes les zones sont couvertes, y compris les départements d'outre-mer. En revanche, certaines zones de gendarmerie enregistrent encore des retards. La PNIJ représente aujourd'hui 65 % des prestations annexes demandées par les officiers de police judiciaire, les OPJ, et un tiers des interceptions judiciaires de tout type ; 65 % des réquisitions - identification de l'abonné, détail de trafic - faites aux opérateurs de communications téléphoniques sont traités par la PNIJ. Enfin, 80 % des demandes sont aujourd'hui automatisées. Il ne faut désormais plus que quelques minutes pour obtenir ce qui mettait plusieurs jours à l'être auparavant. Il s'agit donc d'un vrai confort pour les enquêteurs.

Le 24 mars, nous avions 3 000 interceptions judicaires simultanées, sur un total de 9 900. La PNIJ permet d'intercepter chaque jour 40 000 communications, 70 000 SMS et 700 MMS. Nous avons fourni 630 ordinateurs portables sécurisés au profit des traducteurs et nous en livrerons 600 supplémentaires ce mois-ci.

Les économies ne sont pas à la hauteur des ambitions puisque la PNIJ a été mise en place beaucoup plus tardivement que prévu. Sur la base des éléments fournis par la direction des services judiciaires, de janvier à avril 2016, par rapport aux mêmes mois de 2015, les économies s'élèvent à 2,7 millions d'euros, dont un peu plus d'un million pour le seul mois d'avril. Les économies commencent à être réalisées, ce qui se traduit d'ailleurs par une légère diminution des chiffres d'affaires des prestataires chaque mois depuis le début de l'année 2016. Il est vrai - et nous ne l'avons pas caché - que la PNIJ a connu des problèmes, notamment en mars, problèmes relatés par la presse. Ces difficultés étaient dues à l'augmentation des requêtes par les enquêteurs et à des capacités techniques et logicielles insuffisantes. Avec la société Thalès, nous résolvons ces problèmes : au 31 mars, 12 000 personnes pouvaient utiliser la plateforme et bientôt 4 000 interceptions simultanées seront possibles. D'ici la fin de l'année, nous devrions atteindre 12 000 interceptions simultanées.

Mme Marielle Thuau, directrice des services judiciaires . - Les moyens alloués dans le cadre du PLAT-1 en 2015 ont été principalement consacrés à la sécurisation des juridictions : contrôles d'entrée, vidéo-protection, alarme, gardiennage. En outre, l'information relative à la lutte anti-terroriste a été renforcée et des tablettes et des ordinateurs portables ont été attribués notamment au parquet pour assurer la mobilité des magistrats. Des greffiers supplémentaires ont été recrutés. Enfin, les juges anti-terroristes ont bénéficié de voitures plus adaptées à leurs besoins. Ces moyens ont été centrés sur Paris, juridiction consacrée à la lutte contre le terrorisme.

Dans le cadre du PLAT-2 de la fin de l'année 2015, nous avons élargi l'attribution des moyens afin d'améliorer le fonctionnement des juridictions : pour que les juges puissent davantage se consacrer au pénal, nous avons cherché à fluidifier l'ensemble de la chaîne juridictionnelle. Dans un certain nombre de juridictions, les magistrats ne font pas que du pénal : ils font aussi du civil.

Nous avons aussi fait en sorte que pour chaque personne arrivant au sein d'une juridiction, qu'il s'agisse d'un magistrat, d'un assistant de justice ou d'un vacataire, la juridiction d'accueil dispose de moyens supplémentaires. Nous avons appelé cela le « sac à dos », qui correspond au coût de fonctionnement d'un nouvel arrivant : il s'agit de ne pas aggraver le fonctionnement courant des juridictions par l'arrivée importante de personnel. Car plus de 1 150 équivalents temps plein (ETP) sont en cours de recrutement actuellement.

Vous m'avez interrogée sur les délais de paiement qui concernent principalement les frais de justice. Afin de contenir cette dépense, la direction des services judiciaires a pris diverses mesures. Ainsi, expérimentons le recrutement de 45 interprètes contractuels afin de les fidéliser et de les solliciter à temps plein plutôt que de recourir à des collaborateurs occasionnels qu'il est parfois difficile de mobiliser au bon moment et pour limiter la dépense.

Les charges à payer en matière de frais de justice ont diminué en 2015 : 141 millions d'euros contre 156,8 millions en 2014.

Parallèlement, nous avons enregistré 10 millions d'euros supplémentaires de charges à payer en fonctionnement courant. La maîtrise des frais de justice permet d'apurer l'arriéré mais les dotations en fonctionnement courant des juridictions sont sous-évaluées, ce qui entraîne une augmentation des charges à payer même si elle est contenue grâce aux mesures d'économies prises.

Pour réduire les délais de paiement, notamment pour les frais de justice, nous avons mis en place Chorus portail pro : le prestataire de frais de justice saisit sa dépense sur le site internet et il est remboursé par le trésor public. Ce site a été développé entre 2014 et 2015 : aujourd'hui, toutes les juridictions et tous les prestataires l'utilisent. Notre objectif est bien de réduire les délais de traitement des frais de justice.

Je tiens à souligner que le nombre de magistrats est totalement dépendant du nombre d'auditeurs de justice recrutés hier. Or, il faut trente-et-un mois pour former un auditeur de justice. La situation actuelle est donc liée à des baisses significatives de recrutement entre 2009 et 2011 : environ 135 postes étaient offerts par an à l'École nationale de la magistrature, l'ENM, et les étudiants en droit s'en étaient désengagés. En 2012, il a été décidé d'augmenter le nombre de postes offert au concours, mais la décision a été prise en mai pour un concours qui avait lieu en juin : le concours 2012 n'a pas fait le plein. Ce n'est qu'à partir de 2013 que les promotions d'auditeurs de justice ont été complètes.

Le garde des Sceaux tente à l'heure actuelle de réduire le nombre de contentieux portés devant les juridictions, mais, d'une manière générale, celui-ci est « alourdi » par l'effet des nouvelles lois. En outre, la durée des sessions d'assises a tendance à s'accroître du fait de la multiplication des demandes d'intervention de témoins, d'experts, ce qui se traduit par des besoins supplémentaires en ETP.

Nous ne connaissons plus de problèmes d'attractivité : les concours attirent un nombre suffisant de candidats, notamment pour les auditeurs de justice. Nous n'enregistrons pas non plus de hausse significative du nombre de départs : ces cinq dernières années, nous observons entre 300 et 350 départs annuels. En revanche, nous avons mis en place une procédure simplifiée de détachement judiciaire pour favoriser le détachement des magistrats administratifs ou de la Cour des comptes dans les services judiciaires. Il fallait dix-huit mois pour examiner ces demandes : il n'en faut plus que six.

Dans le cadre du projet de loi organique, un certain nombre de dispositions ont été validées par le Parlement, comme l'intervention des magistrats honoraires dans les procédures et le recrutement temporaire de magistrats.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Combien de postes de magistrats prévus par le Parlement sont-ils effectivement pourvus ?

Mme Marielle Thuau . - C'est compliqué car les vacances de poste sont en perpétuelle évolution. Globalement, nous avons 450 postes vacants.

Mme Michèle André , présidente . - Pourrez-vous nous transmettre des chiffres précis à une date déterminée ?

M. Thomas Lesueur, adjoint de Mme Thuau . - Au ministère, la notion de taux de vacance détermine l'écart entre les effectifs présents en juridiction et la circulaire de localisation des emplois. Cette circulaire n'est pas strictement ajustée sur les effectifs ouverts en loi de finances, notamment parce que le périmètre n'est pas identique. Il y a les emplois ouverts à l'ENM pour les auditeurs de justice, mais également ceux de l'administration centrale et de la Cour de cassation. Les 450 emplois correspondent aux vacances.

S'agissant des données budgétaires, le plafond d'emplois agrège plusieurs éléments : les effectifs de magistrats, qu'ils soient en formation ou en poste dans les juridictions ou dans l'administration centrale, mais aussi les assistants spécialisés et les juges de proximité. Il y a des mécanismes de conversion qui contribuent à consommer le plafond d'emplois même si ce ne sont pas stricto sensu des effectifs de magistrats. Cela explique l'écart entre le plafond d'emploi qui est fixé à 9 125 magistrats de l'ordre judiciaire et une réalisation significativement plus basse. Il est important de voir quels sont les effectifs de magistrats stricto sensu à l'ENM et dans les juridictions et le nombre de juges de proximité, qui ne représentent pas un ETP complet par personne physique, qui contribuent à consommer le plafond d'emplois et expliquent une partie de la sous-consommation.

Mme Marielle Thuau . - Le taux de vacances s'établissait au 1 er octobre 2015 à 5,15 %. Ce chiffre dépend du nombre de localisations. Pour 2016, le ministre a décidé de localiser 105 postes supplémentaires (juges d'application des peines, substituts, juges des enfants...). La circulaire de localisation qui a été publiée il y a quelques semaines a donc localisé ces 105 postes dans les juridictions, ce qui a mécaniquement augmenté la vacance. Tout dépend donc du nombre de postes localisés l'année N-1et du temps qu'il faut pour les pourvoir.

Mme Michèle André , présidente . - La mise en place du portail Chorus dans diverses administrations ne s'est pas toujours déroulée dans de bonnes conditions. Qu'en est-il pour la justice ?

M. Philippe Bas , président . - Vous avez de grandes difficultés pour recruter rapidement des magistrats qui doivent suivre une longue formation. Mais quand chaque année, nous votons un plafond d'emplois et qu'ils ne sont pourvus qu'à 95 %, nous sommes conduits à nous interroger sur les raisons de ce décalage. Je ne comprends pas les raisons de cet écart important pour un service public dont les difficultés sont très grandes. En outre, des membres de professions juridiques ont été intégrés dans le corps des magistrats, ce qui a permis de gagner du temps : pourquoi ne pas avoir privilégié cette voie ?

Mme Marielle Thuau . - Chorus portail pro n'a pas résolu tous les problèmes, mais les améliorations sont sensibles. Pour certaines cours, la situation est plus compliquée que pour d'autres. La mise en place de ce site a imposé une réorganisation des services en amont, d'autant que dans les juridictions, un service gérait les frais de justice au parquet, un autre les frais de justice au siège et une régie payait les mémoires. Il a donc fallu reporter le personnel vers le service centralisé des frais de justice qui traite tous les mémoires dématérialisés. Dans l'ensemble, les prestataires estiment que ce service a amélioré la situation. En cas de difficulté dans une juridiction, une équipe spécialisée au service judiciaire se déplace.

Il convient de distinguer le schéma d'emploi, lié à la masse salariale, du plafond d'emploi voté par les parlementaires. Nous prenons en compte la masse salariale globale pour recruter le personnel.

Les services sont favorables à l'intégration, notamment des avocats qui rejoignent la magistrature par dizaines chaque année. Les concours complémentaires permettent également de recruter : en juin, 60 personnes sortiront de ce concours. Nous essayons d'élargir l'intégration dans la magistrature et nous recrutons, dans le cadre du PLAT-2, des juristes-assistants dans le cadre de contrat de trois ans. Nous devrons sans doute continuer à recruter des magistrats mais aussi penser à une autre façon de travailler, comme l'ont déjà fait d'autres pays européens, afin que les magistrats se recentrent sur leur coeur de métier, à savoir trancher les litiges. C'est pourquoi nous recrutons des juristes-assistants et des greffiers pour constituer des équipes autour des magistrats.

M. Charles Giusti, chef de service, adjoint de la directrice de l'administration pénitentiaire . - Le PLAT est bien consacré à la lutte contre le terrorisme : dans quatre établissements, cinq unités dédiées contre la radicalisation ont été créées en début d'année, tant pour l'évaluation que la prise en charge des personnes détenues. Nous accordons beaucoup d'importance à cette expérimentation.

S'agissant du renseignement pénitentiaire, nous avons beaucoup recruté en 2015 et nous allons poursuivre en ce sens cette année pour tenir compte de la loi sur la criminalité organisée.

Nous avons aussi mis en place des mesures de prévention : nous avons fait appel à des chercheurs et des associations pour nous aider à définir les modalités d'actions concrètes pour les unités dédiées, mais aussi pour lutter contre la radicalisation des mineurs et pour mieux encadrer les personnes en milieu ouvert.

Nous avons créé des programmes pour les arrivants : tous les détenus qui entrent en détention suivent des stages de citoyenneté, ce qui permet d'identifier ceux qui rejettent le discours sur les valeurs républicaines.

Les crédits consacrés à l'aumônerie musulmane ont été doublés : nous avons recruté trente-neuf aumôniers l'an dernier et nous poursuivons l'effort cette année, en lien avec les préfectures, pour identifier les candidats idoines. En 2016, l'aumônerie musulmane disposera des crédits les plus importants parmi les aumôneries pénitentiaires.

Outre ces actions du PLAT, un deuxième ensemble d'initiatives a été pris pour sécuriser nos établissements. Nous luttons contre l'introduction de produits illicites et de téléphones portables. Les projections sont la plaie d'un certain nombre de nos établissements. Nous avons également amélioré l'équipement de nos surveillants pour plus de sécurité.

En matière de prévention, nous travaillons sur l'amélioration des conditions de détention afin de limiter les conséquences de la surpopulation carcérale et sur le développement des activités : en maison d'arrêt, les détenus passent parfois 22 heures sur 24 dans leurs cellules. Une offre d'activités plus large - enseignement, travail, activités socio-culturelles et sportives - permettrait de les sortir de cet enfermement et de travailler sur leurs projets.

Un troisième ensemble d'actions, dans le cadre du PLAT-2, vise à combler les vacances de postes dans nos établissements et à améliorer notre parc immobilier. Le programme de la mission pénitentiaire a bénéficié depuis plusieurs années d'augmentations significatives, de 17 % entre 2012 et 2016 et surtout, entre 2015 et 2016, de 78 millions d'euros en dépenses de personnel et 22 millions d'euros pour les autres dépenses.

Comme les autres programmes, nous connaissons des annulations et des gels de précaution qui limitent nos capacités d'exécution. Nous veillons à bénéficier au mieux des dégels pour compléter nos dépenses de fin d'année, notamment pour éviter les charges à payer qui, malgré tout, continuent à augmenter depuis 2012, soit 85 millions d'euros à l'heure où je vous parle.

Notre budget connaît diverses rigidités, notamment en ce qui concerne les partenariats public-privé (PPP), les gestions déléguées et les dépenses de santé : la dette vis-à-vis des maisons de santé s'élève à 54 millions d'euros. Il s'agit de dépenses sur lesquelles nous n'avons aucune prise.

Ces contraintes se reportent sur deux briques qui peuvent supporter des reports : l'immobilier et la gestion publique. Les dépenses d'entretien du parc existant en subissent les conséquences.

Le 6 juin, 1 419 postes de surveillants étaient vacants sur un effectif total de 26 000 agents. C'est ce corps qui concentre toutes les difficultés. Nous avons atteint un pic de 1 800 postes vacants en mai. L'année 2016 sera difficile et le comblement des vacances commencera début 2017. En mars 2018, nous devrions ne plus enregistrer que 300 vacances d'emplois.

Nous devions recruter 717 emplois nets de surveillants en 2015 et nous n'en avons recruté que 426, soit 291 emplois non pourvus. Nos prévisions de départs en retraite sont correctes. En revanche, nous avons plus de mal à anticiper les détachements et les réussites à d'autres concours. La police nationale, les polices municipales et la gendarmerie nous concurrencent directement. Nous avons pris des dispositions et avons recruté 82 contractuels administratifs ou techniques pour remplacer les surveillants qui occupent ces postes. Notre politique de recrutement est extrêmement dynamique : une promotion de 880 surveillants va entrer à l'École nationale d'administration pénitentiaire, l'ENAP, en juillet et un effectif identique y entrera en octobre prochain. Les années à venir seront aussi extrêmement dynamiques.

Le PLAT-2 a prévu des revalorisations indemnitaires pour le personnel de surveillance afin que ces emplois restent suffisamment attractifs par rapport à la police nationale. Pour fidéliser notre personnel, nous allons expérimenter un concours d'affectation régionale en Île-de-France qui concentre les vraies difficultés en termes de renouvellement d'effectifs. Nos établissements franciliens servent souvent de « déversoir » à nos élèves de l'ENAP qui, rapidement, essayent de rejoindre leur terre natale. La moyenne d'âge des surveillants s'élève à 29 ans.

Dans le cadre du PLAT-2, nous avons bénéficié de crédits pour instaurer une prime de fidélisation. Le premier versement de 20 % serait effectué dès l'arrivée dans les établissements structurellement déficitaires, 20 % seraient versés au bout de trois ans et les 60 % restants à l'issue de cinq ans d'affectation. Le montant de la prime serait d'environ 5 000 euros. En région parisienne et en PACA, les coûts de l'immobilier sont très élevés : nous devons développer une politique d'action sociale pour permettre aux surveillants et à leur famille de trouver à s'installer.

Nous avons beaucoup travaillé sur le métier de surveillant, notamment avec les organisations syndicales, qu'il s'agisse des surveillants en détention, des missions extérieures ou des modules de respect : le surveillant doit être davantage responsabilisé dans le parcours d'exécution de peine des détenus. Cette approche serait valorisante pour les surveillants. Il faut éviter que le surveillant n'apparaisse - à tort - que comme un tourneur de clés, sans autorité sur la population pénale.

Comme l'an dernier, nous avons lancé une campagne de recrutement autour de la fierté. Ce métier difficile doit être valorisé pour sortir de l'image du « maton ». N'oublions pas non plus la filière insertion-probation dont le travail est essentiel pour lutter contre le terrorisme. Nous sommes très fiers de pouvoir défiler le 14 juillet à Paris : cela démontrera que l'administration pénitentiaire fait partie des forces de sécurité qui concourent à la lutte contre le terrorisme.

Les heures supplémentaires coûtent de 60 millions à 65 millions d'euros, dont une grande partie est due aux heures « frictionnelles » : les surveillants pénitentiaires continuent en effet à travailler 39 heures par semaine, soit un surcoût de 40 millions à 45 millions d'euros. Les 15 millions d'euros restants concernent les heures supplémentaires réalisées en raison des vacances de postes.

En Île-de-France, 420 agents sont partis en congés bonifiés en 2015, sur 612 à l'échelle nationale, soit 27 300 jours de congés bonifiés dus au titre de l'outre-mer. En Île-de-France, 1 549 agents sont susceptibles de bénéficier de ces congés bonifiés.

M. Hugues Tranchant, directeur adjoint de la protection judiciaire de la jeunesse . - Le PLAT a attribué à la protection judiciaire de la jeunesse 163 ETP qui ont tous été recrutés dès le début de l'année.

Nous avons mis en place une mission nationale de veille et d'information qui s'appuie sur 69 référents laïcité-citoyenneté, soit un référent par direction interrégionale et un référent par direction territoriale, présent dans les cellules préfectorales, avec un rôle d'appui des professionnels et d'identification des situations. De plus, 76 psychologues et 18 éducateurs ont été recrutés dans le cadre du PLAT-1.

La consommation de la masse salariale a été un peu en-deçà de la cible car les recrutements ont débuté en mars.

Hors dépenses de personnel, une enveloppe est dévolue à la formation. L'École nationale de protection judiciaire de la jeunesse a disposé de 2 millions d'euros pour former 3 630 agents de la protection judiciaire mais aussi du secteur associatif habilité par les conseils départementaux.

Sur l'enveloppe de 3,5 millions d'euros consacrée au stage laïcité, nous avons consommé 3,130 millions d'euros en autorisations d'engagement, ou AE, et 2,9 millions d'euros en crédits de paiement, ou CP. Nous avons également bénéficié d'une enveloppe pour financer la mise en place de projets nouveaux et de partenariats locaux destinés à favoriser l'initiation des jeunes aux valeurs de la République. De manière globale, nous consommons 80 % des AE.

Pour développer l'attractivité de nos métiers, nous avons mis en place une campagne de communication, à la hauteur de nos moyens modestes, qui a contribué à doubler le nombre de candidats au concours d'éducateur. Grâce à une réflexion plus fine, à un meilleur ciblage, et à un démarchage plus efficace, nous avons pu recruter davantage de candidats, avec des formations plus hétérogènes qu'auparavant, et pas seulement juridiques. Dans le cadre de la note d'orientation signée en 2014 par la directrice de la protection de la jeunesse, nous avons également travaillé sur le sens à donner au métier d'éducateur, notamment en milieu ouvert. Les rémunérations à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) restent en deçà de ce qui se pratique dans le secteur associatif habilité ou dans les conseils départementaux, ce qui explique une fuite assez importante du personnel vers les services de l'aide sociale à l'enfance. Nous avons lancé une réflexion sur le sujet dans le cadre du protocole « Parcours professionnels, carrières, rémunérations », dont nous aurons bientôt à débattre.

Nous avons fait le choix de moduler la mise en réserve de 8 %, car notre priorité est de faire tourner le secteur public et le secteur associatif habilité. Par conséquent, nous avons fait porter la réserve sur la subvention aux fédérations plutôt que sur ces deux blocs. Cela a contribué à préserver la dynamique vertueuse enclenchée en 2014, avec l'assèchement de la dette accumulée auprès du secteur associatif habilité : 30 millions d'euros de charges à payer, cette année-là contre 14 millions d'euros aujourd'hui.

Une analyse fine des dépenses effectuées au sein de la protection judiciaire de la jeunesse nous a conduits à mettre en place des cartes d'achat dans les services plutôt que de procéder selon la seule logique de marchés publics. Dans la mesure où le coût de traitement de la chaîne financière est d'environ 80 euros, il vaut mieux traiter les factures d'un montant inférieur en cartes d'achat.

M. Philippe Lonné, sous-directeur à la direction du Budget . - Nous suivons attentivement le PLAT, depuis qu'il a été conçu, en 2015. Nous le prenons en compte dans la construction du budget du ministère de la justice et nous en discutons à chaque étape de la procédure budgétaire avec le secrétariat général et les responsables des différents programmes. En 2015, le PLAT a représenté plus de la moitié de la progression prévue pour les effectifs du ministère de la justice, cette part relative devant atteindre 70 % en 2016. Aucun programme budgétaire spécifique n'existe pour le PLAT, de sorte qu'il n'y a pas de suivi direct possible dans les outils interministériels et notamment Chorus. Nous nous fondons sur des échanges d'informations avec le ministère de la justice et sur les outils de gestion de celui-ci. Sur les 108 millions d'euros ouverts par le décret d'avance de 2015, nous avons enregistré une sous-consommation de masse salariale, due à des recrutements plus tardifs que prévu.

Les charges à payer ont globalement diminué en 2015, avec 15 % en moins sur les frais de justice. Elles ont cependant augmenté sur le programme « Justice judiciaire », notamment au niveau des dépenses des cours d'appel. Les dettes vis-à-vis des fournisseurs restent stables et sont même en diminution sur le programme 310, à hauteur de 11 millions d'euros, en 2015.

Le taux de la mise en réserve est proposé par le Gouvernement dans le projet de loi de finances, selon une logique assurancielle qui consiste à intégrer les aléas dans le budget de l'État. Le taux interministériel, fixé à 8 % en 2015, s'applique au niveau du programme, mais l'imputation fine de cette mise en réserve est à la main des responsables de programmes dans les ministères, le rôle du ministère des finances étant d'apprécier en début d'année si la répartition de cette mise en réserve a un caractère soutenable ou non. Des ajustements sont apportés dans le cadre de la conférence de fin de gestion, avec la possibilité de lever les mises en réserve pour faire face aux dépenses obligatoires.

Je ne suis pas totalement à l'aise avec la citation de la Cour des comptes. Le respect de la cible d'exécution du budget de l'État est un impératif interministériel et impose des ajustements pour l'ensemble des ministères : des économies, un décalage ou un renoncement à certaines dépenses.

Depuis deux ans, en amont de la préparation du projet de loi de finances, nous nous réservons un temps de discussion avec les ministères, et notamment celui de la justice, pour déterminer la cible d'exécution des crédits pour l'année en cours. Cette cible prend en compte la trajectoire des finances publiques, mais aussi les impératifs fixés par la Commission européenne. Nous nous livrons à des arbitrages ministère par ministère. Plus qu'un artifice, les ajustements de gestion d'un exercice à l'autre sont la conséquence nécessaire de la fixation de cette cible, l'objectif restant bien entendu le respect de la norme d'exécution du budget de l'État.

Entre 2015 et 2016, le montant des reports de crédit du ministère de la justice a progressé, en partie en raison des moyens nouveaux développés au titre du PLAT qui ont mis du temps à être décaissés. Ce niveau de report reste inférieur à 2 % des moyens ouverts sur le ministère, ce qui est tout à fait correct. Dans la loi de finances pour 2016, seuls deux programmes ont été déplafonnés au titre des reports : le programme support du ministère de la justice et le programme du Conseil supérieur de la magistrature.

Enfin, il convient de relativiser les éventuels écarts entre les plafonds d'emplois et la réalité de leur exécution. En effet, la notion de plafond d'emplois prend en compte les flux d'arrivée physique des nouveaux recrutés, mais aussi la date à laquelle ils interviennent. Lorsque les recrutements sont décalés, même de deux mois, le décompte du ministère en équivalent temps plein travaillé (ETPT) varie. D'où l'importance de rester souples pour gérer ces aléas de gestion classiques, départs anticipés, recrutements tardifs, etc.

M. Yves Détraigne , rapporteur pour avis de la commission des lois . - On entend dire que la réforme des transfèrements judiciaires aurait eu des effets défavorables sur le ministère de la justice, avec des procédures fragilisées faute d'effectifs suffisants, et des déferrements retardés. Qu'en est-il ?

Jusqu'à récemment, on constatait une sous-consommation du plafond d'emplois, à hauteur de 300 emplois. Les entrées et les sorties sont mal prévues et les emplois localisés restent souvent non pourvus. Mme Thuau a rappelé que le taux de vacance d'emplois était de 5 % pour les magistrats et de 7 % pour les fonctionnaires. C'est considérable. Depuis quelques années, le ministère recourt à des vacataires. Savez-vous dans quelles proportions, en termes d'ETPT ?

Si l'on crée des emplois dans le cadre des deux PLAT, reste-t-il des marges de manoeuvre pour en créer dans d'autres domaines que la lutte contre le terrorisme ?

Enfin, indépendamment des événements et des urgences de ces derniers mois, un certain nombre de réformes récentes ont accru la charge de travail des magistrats. Les évaluations des études d'impact sont souvent minorées, en termes d'emplois. On nous garantissait que Cassiopée et Portalis résoudraient tout. À combien se chiffrent les mesures adoptées en 2015, en termes d'ETPT de magistrats et de fonctionnaires, et notamment la réforme du contentieux des étrangers ?

M. Hugues Portelli , rapporteur pour avis de la commission des lois. - Les candidats passent souvent plusieurs concours, de sorte que même s'ils sont reçus à celui de l'administration pénitentiaire, ils préfèrent souvent opter pour d'autres métiers de la fonction publique. Si l'on ajoute à cela que ceux qui s'engagent dans cette voie ne restent souvent que temporairement dans la fonction publique, ne faudrait-il pas introduire une autre voie de recrutement qui serait contractuelle ?

Il est rare que les fonctionnaires trouvent à se loger à proximité de la prison où ils travaillent. Les logements sont souvent chers et ils choisissent fréquemment la colocation, pour pouvoir rentrer chez eux plus facilement lorsqu'ils ne travaillent pas. Ne pourrait-on pas développer un partenariat avec les collectivités locales pour obtenir que ces fonctionnaires aient un contingent de places réservées dans les HLM ?

M. Charles Giusti . - L'arbitrage de 2010 prévoyait que nous bénéficiions, au titre des transfèrements judiciaires, d'un transfert de 800 emplois qui s'est très vite révélé insuffisant. Celui de novembre 2013, qui faisait suite à un rapport des inspections générales de la justice, de l'administration et des finances, définissait différentes cibles en termes de moyens, avec une fourchette basse à 1 200 emplois, intégrant une baisse du volume des extractions judiciaires, que nous n'avons pas constatée. Nous sommes au contraire en augmentation. Pour information, la fourchette haute était de 1 800 emplois. Dans le cadre du PLAT-2, nous avons obtenu la création de 450 emplois supplémentaires, dont 86 dès la fin de cette année, pour renforcer les pôles existants.

Une nouvelle mission des inspections générales de la justice et de l'administration devrait refaire un point sur les extractions judiciaires pour optimiser la charge de l'État tant dans les grands pôles urbains que dans les petites maisons d'arrêt isolées où il faut parfois faire des kilomètres pour une comparution qui dure quelques minutes. En tout état de cause, si l'administration pénitentiaire doit reprendre la mission qui lui a été attribuée, il y aura toujours une dose de subsidiarité par les forces de sécurité intérieure, car notre maillage territorial ne nous permet pas de faire face à tous les pics d'activité propres aux extractions judiciaires.

Mme Marielle Thuau . - En ce qui concerne le coût des vacataires, l'exécution 2014 était de l'ordre de 23 millions d'euros. Nous l'avons ramenée à 11,7 millions d'euros grâce aux deux PLAT, particulièrement celui de novembre 2015. Nous devrions retrouver le même niveau qu'en 2014, soit un volume de vacataires équivalant à 1 120 ETPT pour assurer un renfort dans les greffes.

Dans le cadre du PLAT-2, nous avions prévu des mesures pour renforcer toute la chaîne pénale, notamment les juridictions inter-régionales spécialisées (Jirs) et les parquets, et pas seulement les juridictions anti-terroristes. Nous avons affecté 105 postes supplémentaires par la localisation en 2016 et nous recrutons 300 assistants juristes qui interviendront au siège et au parquet dans toutes les cours d'appel.

En 2015, le plafond d'emplois des magistrats était fixé à 9 125. En septembre de la même année, nous en étions en fait à 8 553 magistrats, dont des magistrats en activité, des auditeurs de justice, des magistrats en maintien d'activité qui consomment des ETPT et des magistrats affectés à l'administration centrale du ministère. La différence recouvre les 450 magistrats à titre temporaire et ceux qui sont détachés ainsi que les 2 % à 3 % dits frictionnels. Cela signifie que nous sommes contenus par une masse salariale qui ne nous autorise pas à recruter plus que nous pouvons dépenser. Pour 2016, nous disposons de 366 auditeurs de justice et d'un concours complémentaire de 70 magistrats en formation. Nous avons également facilité les détachements judiciaires de sorte que nous pourrons augmenter nos effectifs de 100 ETPT supplémentaires : le taux frictionnel devrait diminuer et l'exécution être plus importante.

L'étude d'impact sur la réforme du contentieux des étrangers a prévu que la charge de travail supplémentaire représentait 24 ETPT de magistrats et 10 ETPT de greffiers sur l'ensemble du territoire. Cette loi doit s'appliquer à partir de novembre 2016, mais nous avons anticipé en affectant d'ores et déjà les auditeurs de justice qui sortiront de leur formation en septembre dans les juridictions particulièrement concernées, dans le Nord, ou à Bobigny, Toulouse ou Marseille. Les juges des libertés et de la détention devraient ainsi pouvoir se consacrer davantage au supplément de contentieux qui arrivera.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances . - Je rappelle que nos travaux portent sur la loi de règlement.

M. Éric Lucas . - La modernisation du ministère de la justice passe nécessairement par la dématérialisation et la numérisation. Nos effectifs ne sont pas suffisants pour répondre à toutes les évolutions nécessaires. Nous pourrons créer 94 emplois dans le cadre du PLAT-2, dont 64 cette année et 30 l'an prochain. Il s'agit d'une évolution historique, car nous n'avons jamais connu une telle hausse des effectifs au sein du secrétariat général, encore moins sur la fonction informatique. Nous avons également fait des demandes dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 afin de renforcer le secrétariat général dans ses fonctions de synthèse et de support.

Le ministère de la justice ne dispose que de 2 000 logements à destination des surveillants de l'administration pénitentiaire. Le projet de loi de finances pour 2015 prévoyait 2 millions d'euros pour que nous puissions conventionner des logements, auxquels s'ajoute 1 million d'euros supplémentaires que nous avons dégagé en cours d'année, soit un total de 3 millions d'euros pour le logement. Cette année, les crédits sont en augmentation et nous faisons ce que nous pouvons pour consommer la totalité des crédits qui nous sont alloués.

Mme Michèle André , présidente de la commission des finances . - La Cour des comptes relève régulièrement l'insuffisance des moyens humains dont dispose le secrétariat général. Le fait que ce ministère soit essentiellement administré par des magistrats est-il la garantie d'une gestion optimale ?

M. Éric Lucas . - Votre analyse a certainement sa pertinence...

Mme Michèle André , présidente de la commission des finances . - Merci, ma question doit être prise dans un sens positif, comme un encouragement et nullement comme une critique à l'encontre des magistrats.

M. Éric Lucas . - Dans l'administration centrale, les fonctions de support et de synthèse sont en général tenues par des non-magistrats, à l'exception de quatre d'entre elles. Au secrétariat général, toutes les fonctions support sont occupées par des administrateurs civils ou des experts techniques. En même temps, je ne souhaite pas un secrétariat général sans magistrats en son sein.

M. Yves Détraigne , rapporteur pour avis de la commission des lois . - Tout à fait.

M. Antoine Lefèvre , rapporteur spécial des crédits de la mission « Justice » . - Oui.

M. Éric Lucas . - Cela dit, la question de la professionnalisation des fonctions de gestion peut se poser dans les services déconcentrés.

M. Philippe Bas , président de la commission des lois . - La présidente André ne cherchait certainement pas à disqualifier les magistrats. Cependant, quand un magistrat accède aux fonctions de chef de cour, bénéficie-t-il d'une formation à la gestion ? On attend en général d'un magistrat qu'il soit bon juriste et qu'il fasse preuve de discernement humain. S'il est appelé à exercer des fonctions administratives, il doit aussi être bien préparé.

M. Éric Lucas . - C'est le cas. Il existe des formations permanentes. Les magistrats choisis comme présidents ou chefs de cour ont souvent exercé auparavant des fonctions de président de juridiction.

Mme Marielle Thuau . - Rassurez-vous : je suis la seule magistrate sur ces bancs ! Les nouveaux chefs de cour et chefs de juridiction sont systématiquement formés. On pourrait encore insister davantage sur leur formation en gestion, en ressources humaines et management. Nous y travaillons avec le futur directeur de l'École nationale de la magistrature. Le Conseil supérieur de la magistrature prend toujours en compte la carrière et la formation des magistrats lorsqu'il rend ses avis.

M. Charles Giusti . - On pourrait envisager la piste suggérée par le sénateur Portelli sur le recrutement de contractuels pour le personnel de surveillance. Dans ce domaine, nous sommes en concurrence avec le ministère de la défense, la gendarmerie, la police, mais aussi de plus en plus avec la sécurité privée. En plus de créer un vivier, nous devons veiller à la qualité du recrutement. Nous offrons une formation de huit mois à ceux que nous recrutons, et cet investissement de départ amoindrit l'intérêt d'un recrutement contractuel. D'autant que la contractualisation pourrait au contraire inciter le personnel à aller chercher une sécurité de l'emploi et un statut dans d'autres administrations.

M. Michel Bouvard . - J'entends vos explications sur les effectifs. Pour autant, en 2015, on compte moins de magistrats en activité qu'en 2012 : c'est un constat de la Cour des comptes. Je n'ai pas été convaincu par les raisonnements que j'ai entendus sur les mises en réserve. Il y a eu des sous-budgétisations notoires au moment de l'élaboration du budget : l'accès au droit et la médiation familiale ont été négligées, alors qu'on est à 12 % de mise en réserve pour l'aide aux victimes.

C'est une très bonne chose que de dégager des moyens supplémentaires pour la justice. Encore faut-il pouvoir en apprécier les résultats. La Cour des comptes demande depuis plusieurs années des indicateurs stables qui prennent en compte également le taux de récidive, le taux de réponse pénale et la valeur des confiscations en matière pénale. Le ministère a-t-il l'intention de mettre en place ces indicateurs dans le projet de loi de finances pour 2017 ?

Aujourd'hui, le ministère ne respecte pas les dispositions de l'article 8 de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui oblige dans le cas de partenariats public-privé à inscrire, au plus tard à la livraison de l'intégralité de l'opération, des autorisations d'engagement sur les opérations immobilières financées, avec un montant égal en AE et en CP, en fonctionnement et en investissement. Or, dans les programmes immobiliers pénitentiaires, on constate un écart de 154 millions d'euros entre les AE et les CP : ce n'est pas rien ! Comment comptez-vous remédier à cela ?

Enfin, j'aimerais connaître les conditions dans lesquelles le ministère a refusé l'opération de construction d'une extension de prison à Nanterre. Le terrain est en gardiennage depuis 2012, aux frais de l'État.

M. René Vandierendonck . - Les maires déplorent depuis longtemps le manque de moyens pour faciliter l'accès au droit. On manque de greffiers dans les maisons du droit, dans les maisons de services au public. Des vacataires ont été recrutés. Est-ce suffisant ?

Les élus regrettent également que dans les services départementaux, ceux qui doivent traiter des violences intrafamiliales sont souvent des gens inexpérimentés, en première affectation et sujets à l'absentéisme. Pourquoi les juges des enfants ne bénéficieraient-ils pas d'un aménagement de carrière avec des bonifications indiciaires qui assureraient leur fidélisation dans les territoires ?

M. Éric Lucas . - Les indicateurs sur le taux de récidive et le taux de réponse pénale sont difficiles à mettre en place, car nous ne disposons pas encore des données. Nous dépendons d'un système d'information décisionnelle qui croise les données de Cassiopée et d'Application des peines, probation et insertion (APPI). Nous avons mis en place la première version de ce système ; il faut attendre la deuxième pour que le croisement de ces données soit possible.

Mme Marielle Thuau . - Dans la mesure où les maisons de justice et du droit sont rattachées au tribunal de grande instance, le TGI, un greffier leur est systématiquement affecté. Ce n'est pas le cas dans les points d'accès au droit locaux ou maisons de services au public qui ne sont pas des lieux judiciaires.

En tant que magistrats du siège, les juges des enfants ont le droit de demander leur mutation. Ils ont également la possibilité d'évoluer dans leur fonction, en devenant vice-président ou premier vice-président par exemple. Dans le projet de loi organique, nous avons prévu des postes hors hiérarchie dans un certain nombre de tribunaux et de cours d'appel, pour favoriser la progression de carrière des magistrats tout en leur donnant la possibilité de rester spécialisés dans leur domaine. Il est difficile de fidéliser les juges sur un territoire. Nous y réfléchissons en lien avec les juridictions en difficulté.

M. Michel Bouvard . - Et sur le non-respect de l'article 8 de la LOLF et les 154 millions d'euros d'écart en AE et en CP ?

M. Charles Giusti . - Je vous enverrai une réponse écrite. En ce qui concerne l'extension de la prison sur le terrain de Nanterre, la construction d'un quartier de semi-liberté de 90 places devrait commencer en 2017.

C. AUDITIONS SUR LES MOYENS DE LA JUSTICE : AUDITIONS DES GESTIONNAIRES DES JURIDICTIONS (8 JUIN 2016)

Réunie le mercredi 8 juin 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'audition de Mme Dominique Lottin, présidente de la Conférence nationale des premiers présidents de cour d'appel, M. Jean-Jacques Bosc, membre de la Conférence nationale des procureurs généraux, M. Gilles Accomando, président de la Conférence nationale des présidents des tribunaux de grande instance, et M. Thomas Pison, vice-président de la Conférence nationale des procureurs de la République.

Mme Michèle André , présidente de la commission des finances . - Après les responsables des programmes de la mission « Justice », nous avons souhaité entendre les gestionnaires des juridictions : ce sont eux qui, au quotidien, sur le terrain, cherchent à assurer au mieux leur fonctionnement. Nous souhaitons la bienvenue à Dominique Lottin, présidente de la Conférence nationale des premiers présidents de cour d'appel, Jean-Jacques Bosc qui représente Catherine Pignon, présidente de la Conférence nationale des procureurs généraux, Gilles Accomando, président de la Conférence nationale des présidents de tribunaux de grande instance, et Thomas Pison, président de la Conférence nationale des procureurs de la République.

M. Philippe Bas , président de la commission des lois . - La commission des lois est pleinement engagée dans un travail de réflexion sur le service public de la justice, ce qui suppose une corrélation entre l'examen des moyens et celui du droit. Nous avons vu s'empiler au fil des années des législations qui ont alourdi la charge des tribunaux au moment où le recours à la justice ne cessait de prendre de l'ampleur dans les pratiques sociales. Il y a vingt ans, nous avions publié un rapport qui mentionnait l'asphyxie de la justice ; c'est d'embolie qu'il faudrait désormais parler. Nous souhaitons travailler à vos côtés pour remédier à cette situation. La semaine dernière, avec mon homologue de l'Assemblée nationale, nous nous sommes rendus au tribunal de grande instance de Créteil. Il y a une dizaine de jours, certains d'entre nous se sont réunis dans le cadre d'un colloque sur l'indépendance de la justice organisé au Sénat par le premier président et le procureur général près la Cour de cassation. Il en est ressorti que la crise que traverse la justice n'est ni constitutionnelle, ni statutaire, mais tient au manque de moyens. Sur le terrain, aucun magistrat ne se plaint d'un manque d'indépendance ; pas un ne vous dirait en revanche qu'il n'y a pas de problème dans le fonctionnement matériel de la justice.

Mme Dominique Lottin, présidente de la conférence nationale des premiers présidents de cour d'appel . - La conférence des premiers présidents a souhaité vous remettre une note écrite. Depuis de très nombreuses années, et notamment dans une délibération du 1 er février 2016, nous dénonçons la pénurie persistante de moyens, qui nous conduit à ne pas pouvoir remplir toutes nos missions ou à les remplir de manière dégradée. Les délais raisonnables ne sont plus remplis, et nous devons faire des choix dans le traitement des contentieux, ce qui est particulièrement inégalitaire pour les justiciables.

La note que nous vous avons remise concerne essentiellement les crédits de fonctionnement et les frais de justice. Elle laisse de côté l'accès au droit qui relève davantage du budget de l'aide juridictionnelle. Le budget du ministère de la justice ne représente que 2,17 % du budget de l'État, et celui consacré à la justice judiciaire ne représente qu'un peu plus de 38 % du budget alloué à l'ensemble du ministère, ce qui est nettement insuffisant.

Comment en est-on arrivé à cette situation ? Le budget de la justice n'a jamais constitué une priorité. La dernière loi de programmation qui date de 2002 n'a pas été exécutée jusqu'à son terme. En dix ans, la part du budget du ministère de la justice consacrée à la justice judiciaire a diminué de 44 % à un peu plus de 38 %, entraînant des recrutements insuffisants de magistrats et de fonctionnaires. Face au développement des contentieux de masse, des réformes ont été votées sans que l'on n'affecte aucun moyen supplémentaire aux juridictions.

Rien pour le contrôle des hospitalisations sous contrainte qui occupe pourtant chaque jour un magistrat à temps plein et un greffier, au tribunal de grande instance de Versailles. Rien pour le droit des étrangers. Et que dire de la loi dite « Macron » sur les conseils des prudhommes ? Pour mettre en place la procédure écrite, la cour d'appel de Versailles n'a obtenu que quelques assistants juristes, quelques greffiers et 45 000 euros en tout et pour tout. Comment envisager dans ces conditions la création de pôles sociaux dans les tribunaux de grande instance pour traiter tout à la fois du contentieux du tribunal des affaires de sécurité sociale, mais aussi de celui des tribunaux de l'incapacité et de certaines décisions d'aide sociale ? Sans compter les exigences plus fortes et légitimes de nos concitoyens, et celles induites par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) en matière procédurale : renforcement du contradictoire, développement de la motivation des décisions de justice et demandes d'actes plus nombreuses au pénal... Telle est l'ampleur du constat.

Quels effets ces évolutions ont-elles sur la gestion des budgets de nos cours d'appel et des juridictions du premier degré ? L'imprévisibilité aggrave le phénomène d'insuffisance budgétaire. Les dotations initiales annuelles très insuffisantes conduisent les contrôleurs budgétaires à multiplier les décisions d'insoutenabilité. Elles ne couvrent les besoins des cours d'appel que pendant cinq à six mois, de sorte qu'en 2015, les dotations complémentaires ont représenté 21 % de la dotation initiale de la cour d'appel de Versailles, donnant lieu à une douzaine de mouvements budgétaires tout au long de l'année. Quelle entreprise pourrait fonctionner efficacement avec une prévisibilité à si court terme de ses moyens budgétaires ? Idem pour les moyens humains.

Nous démarrons l'année avec des restes à payer qui représentent entre 20 % et 30 % de nos dotations initiales. Nos difficultés en termes de frais de justice se traduisent par notre incapacité à recruter des experts de qualité, psychiatres, psychologues, comptables qui acceptent d'être payés à des tarifs sous-évalués et dans des délais inacceptables. Il en va de la qualité de nos décisions. Sans parler de l'entretien immobilier qui n'est plus assuré depuis plusieurs années, avec l'effet boule de neige qui s'ensuit et des coûts toujours plus importants.

Quant aux ressources humaines, on ne compte plus les postes vacants, ce qui crée un malaise chez les magistrats dont les demandes de mutation sont de plus en plus fréquentes. Les rotations trop nombreuses font perdre aux juridictions deux à trois mois d'audiencement. Les effectifs de la cour d'appel de Versailles ont été affectés par huit mouvements de magistrats au cours de l'année 2015. Comment un chef de cour ou de juridiction pourrait-il mener des projets à leur terme ?

La situation n'est pas meilleure dans les greffes, puisque les juridictions ne fonctionnent qu'avec le renfort des vacataires. Les 1 120 ETPT de vacataires représentent 5,3 % des effectifs de nos juridictions. Ces vacataires ne sont pas qualifiés et tournent à un rythme qui varie entre trois et six mois. Comment pourraient-ils suppléer des fonctionnaires formés à la procédure judiciaire ? Nous ne pouvons pas continuer ainsi.

Alors, comment en sortir et rendre une justice de qualité dans des délais raisonnables ? La Cour des comptes préconise une loi de programmation qui engage les gouvernements successifs pour les cinq prochaines années : elle a raison. On peut s'interroger sur la nécessité de revenir au paiement d'un timbre. Nous n'excluons pas cette solution, dans la mesure où les plus démunis qui bénéficient de l'aide juridictionnelle en seraient exonérés. Payer un timbre de 35 euros reste raisonnable. La justice n'est pas gratuite. Conseil, experts, huissiers, tout cela a un prix.

La conférence des premiers présidents de cour d'appel, ensuite, souhaiterait que le budget de la justice judiciaire devienne une mission au sens de la loi organique relative aux lois de finances, pour mieux suivre les évolutions de ce budget.

Ces mesures seraient utilement complétées par un rapport adressé au Conseil supérieur de la magistrature, lui-même pouvant être entendu par le Parlement avant l'adoption du budget.

L'augmentation des moyens budgétaires doit s'accompagner d'une modernisation de la structuration administrative et budgétaire. L'indépendance de la justice est étroitement liée au fait que les présidents de cour restent ordonnateurs secondaires des crédits, c'est ce qui leur donne la capacité de fixer des priorités et il faut limiter les crédits fléchés. Autre réforme d'envergure, le tribunal de première instance, qui permettra de mutualiser les moyens des juridictions. De même faudrait-il que le ministère de l'intérieur paie les frais de justice qu'il occasionne et qui sont aujourd'hui pris en charge par le ministère de la justice.

La conférence des présidents de cour d'appel souhaite, encore, des réformes de procédure pour un développement effectif des modes alternatifs de règlement de litiges, une meilleure rémunération des avocats pour ces alternatives, ainsi qu'une réflexion approfondie sur les voies de recours pour redonner toute sa place à la première instance, à condition que la collégialité y soit garantie.

Enfin, il faut absolument moderniser l'informatique judiciaire, qui n'est pas du tout au niveau requis par le contentieux de masse. Tous les jours, des juges d'instruction doivent renoncer à des auditions faute d'extractions judiciaires ; la visioconférence est impossible avec les équipements mis à disposition, la bande passante et les serveurs sont très en-deçà des besoins, sans parler des téléphones portables que l'administration nous a livrés : leur batterie se déchargeant en deux heures, la plupart ont fini au placard et les magistrats en sont à utiliser leur propre téléphone portable dans l'exercice de leurs missions...

M. Jean-Jacques Bosc, en remplacement de Mme Catherine Pignon, présidente de la conférence nationale des procureurs généraux . - La justice a reçu des moyens supplémentaires au titre des PLAT 1 et 2, même si nous sommes encore loin du compte et que notre budget reste très insuffisant.

Le manque d'argent freine la politique pénale, quand il rend plus difficile le recrutement d'experts, de traducteurs - c'est notre quotidien ; les impayés représentent, d'une année sur l'autre, le quart de nos moyens consacrés aux frais de justice. Cette pénurie peut aussi bloquer les procédures, quand l'expertise est indispensable ; c'est le cas de l'expertise psychiatrique, on l'a vu avec le mouvement de grève lancé par les psychiatres qui dénoncent les retards excessifs de paiement. Une bonne politique pénale demanderait une recherche plus importante d'ADN en cas de cambriolage, pour un croisement avec le fichier national ; or, avec les délais importants avec les laboratoires d'État, la limitation par le laboratoire de la gendarmerie nationale à un seul prélèvement d'ADN par scène de cambriolage, nous sommes contraints de nous adresser aux laboratoires privés, ce qui nous fait réserver la recherche d'ADN aux crimes et délits les plus graves. De même, quand les frais de justice sont plus importants que la valeur des biens concernés - je pense au vol de téléphones portables -, le parquet hésite à poursuivre, les procureurs donnent instruction à leurs substituts de prendre en compte cette donnée matérielle qui conditionne ainsi la politique pénale. Autre exemple, la mise en fourrière est si onéreuse que les forces de l'ordre sont loin de saisir systématiquement les véhicules des automobilistes commettant des délits routiers, alors que les textes prévoient cette saisie pour faire cesser le danger.

Des réformes pénales récentes accentuent ces charges, par exemple pour la traduction des pièces du dossier - le parquet va être dans l'impossibilité de traduire toutes les pièces, il n'en n'a tout simplement pas les moyens. Des considérations financières, encore, s'imposent eu égard à la réforme de la médecine légale.

La plateforme nationale d'interceptions judiciaires (PNIJ) devrait permettre d'importantes économies ; or, la police et de la gendarmerie rapportent que le service ne fonctionne pas, en particulier pour les écoutes téléphoniques : il est grand temps d'avancer sur cet outil.

Autre préconisation de la conférence des procureurs généraux : retirer du budget des frais de justice les dépenses qui n'en relèvent pas sur le fond, par exemple l'indemnisation des jurés d'assises, qui sont plutôt à classer parmi les dépenses de fonctionnement ; les frais postaux ont été ainsi déplacés, il faut continuer. D'une façon plus large, il faut parvenir à ce que le chef de cour gère la totalité du budget des frais de justice sur sa circonscription judiciaire, alors qu'une partie est aujourd'hui gérée directement par l'administration centrale ; une telle maîtrise autoriserait un pilotage bien plus fin des frais de justice.

M. Michel Bouvard . - Très bien !

M. René Vandierendonck . - Oui.

M. Jean-Jacques Bosc . - Les crédits de fonctionnement sont insuffisants eux-aussi et la conférence des procureurs généraux souhaiterait que le Parlement « remette les compteurs à zéro » en votant un budget qui couvre les dépenses réelles, plutôt que de prévoir chaque année le report d'un déficit sur l'année suivante - d'autant que les gels et dégels en cours d'année nuisent à l'efficacité de la programmation budgétaire, c'est particulièrement vrai en matière immobilière...

M. Michel Bouvard . - Très juste.

M. Jean-Jacques Bosc . - Le parquet compte quelque deux mille magistrats localisés, soit un peu plus du quart du corps judiciaire, c'est quatre fois moins que la moyenne européenne ; la vacance atteint 6 % du nombre de postes. Les magistrats du parquet remplissent des tâches très nombreuses et diverses, en particulier en matière civile - il y aurait, selon le site internet de la direction des affaires civiles et du Sceau, 1 929 occurrences législatives prévoyant l'intervention du parquet en matière civile, c'est considérable. Le plan d'action pour le ministère public, lancé en 2014, a déçu les magistrats du parquet, même si, il faut le reconnaître, la revalorisation du paiement des astreintes est une bonne chose.

Les magistrats du parquet ont besoin d'assistants, car ils travaillent dans l'urgence, ils doivent prendre des décisions parfois immédiates - ils ont besoin d'être assistés dans la rédaction et dans le règlement des dossiers, ce doit être une priorité.

À signaler, également, l'importance des mesures de forfaitisation.

Enfin, nous avons besoin d'indicateurs de performance des forces de l'ordre cohérents avec notre politique pénale ; elles utilisent le taux d'élucidation des affaires, nous savons qu'il est facile à manipuler dans un sens ou dans l'autre. Pourquoi ne pas mesurer l'exécution des peines, ou encore les condamnations après diffusion ?

Mme Michèle André , présidente . - Merci, c'est une incitation à entendre prochainement les services de la police et de la gendarmerie nationales.

M. Gilles Accomando, président de la conférence nationale des présidents des tribunaux de grande instance . - Le président de votre commission des lois a parfaitement résumé la situation : en quelques années, notre justice est passée de l'asphyxie à l'embolie. Cependant, elle continue de fonctionner - ce qui pose cette question simple : comment fait-elle pour fonctionner encore ?

Les présidents des juridictions, d'abord, gèrent la pénurie, c'est notre quotidien : nous savons chaque année que nous manquerons de moyens, alors nous avons appris à utiliser toutes nos marges de manoeuvre, par exemple à faire qu'un juge soit rapporteur dans les audiences collégiales ; nous sommes devenus aussi plus productifs, chaque juge devenant plus autonome et gérant un plus grand nombre de dossiers. Sur cette voie, nous avons atteint nos limites, nous ne ferons plus guère de progrès sans revoir les procédures, en particulier de recours.

La justice parvient à fonctionner, ensuite, parce que les magistrats, les greffiers, tous les professionnels de la justice ont un grand sens du service public, ils sont attachés à leur mission au service de leurs concitoyens. Ce levier n'est cependant pas illimité : depuis des années, nous demandons à chacun d'en faire plus pour combler les manques d'effectifs, tout le monde a travaillé davantage - nous sommes au maximum et nous faisons face à des risques psycho-sociaux avérés, sur lesquels nous devons être très vigilants. Dans ces conditions, nous devons hiérarchiser les priorités, en traitant d'abord les dossiers les plus urgents et en faisant attendre ceux qui nous paraissent moins urgents : ce n'est guère satisfaisant.

Que faire ? Je crois, d'abord, que nous avons besoin d'une gestion plus stable et prévisionnelle du nombre de magistrats. On recrutait moins de 200 magistrats il y a cinq ans et on en recrutera 366 cette année. Pourquoi de tels à-coups alors que la pyramide des âges est parfaitement connue et qu'il est facile d'anticiper ? La conférence des présidents de tribunaux de grande instance souhaite, également, des changements dans les méthodes de travail elles-mêmes : il faut sortir du modèle du « juge artisan » et reconnaître que le magistrat travaille en équipe, avec des assistants, des collaborateurs.

Nos moyens budgétaires sont très insuffisants et leur mode d'administration n'est pas adapté : les gestionnaires du budget opérationnel de programme, le BOP, dont nous dépendons, nous demandent constamment de faire des économies sans mesurer l'impact de leurs décisions, je pense en particulier aux économies sur la documentation, les codes. Nous payons en retard les experts, les interprètes auxquels nous recourons, notre informatique est mauvaise, déficiente : c'est cela que nous vivons au quotidien dans les tribunaux de grande instance.

La conférence des présidents des tribunaux de grande instance propose de revoir l'architecture de l'organisation administrative de la justice. Il faut, premier élément, instituer le tribunal de première instance, qui mettra fin à la balkanisation de la justice et nous fera retrouver un peu de cohérence. Actuellement, nous sommes administrés par des plateformes trans-directionnelles peu pertinentes - par exemple entre la justice judiciaire et l'administration pénitentiaire - ou par des budgets opérationnels de programme inter-régionaux dont la cote est nécessairement mal taillée : la gestion administrative est déliée de l'aspect juridictionnel de nos missions... Or nous avons des propositions organisationnelles pour retrouver de la cohérence.

Enfin, nous souhaitons vous alerter sur le périmètre de nos missions, qui relève directement de votre rôle de législateur. Attention aux mesures qui accroissent nos missions sans mesure d'impact préalable ! Dans la loi « Macron », par exemple, il a été question de transférer une partie des compétences de l'inspecteur du travail vers le juge judiciaire : nous vous en avons alertés, cette mesure n'avait pas du tout été évaluée et elle aurait encore alourdi notre charge de travail. Même chose pour la juridiction du pôle social : il faut certainement transformer en juridiction véritable le tribunal des affaires sociales, mais quelles en sont les conséquences organisationnelles ? Cette réforme passe par l'institution d'un règlement amiable en amont : pourquoi ne pas l'anticiper en l'appliquant dès l'an prochain ? Cela désengorgerait la justice, dans l'intérêt des justiciables.

M. Thomas Pison, président de la conférence nationale des procureurs de la République . - Jean-Jacques Urvoas a parlé d'une justice « sinistrée », d'une institution « en urgence absolue » : ce sont des termes très forts, qu'on utilise pour une personne près de la mort, au bord du gouffre. La conférence nationale des procureurs de la République se réjouit que le garde des Sceaux prenne ainsi la mesure des problèmes, nous sonnions l'alarme depuis des années ; cependant, force est de constater que ce changement de discours ne s'est pas encore traduit concrètement et que nous sommes encore très loin du compte. Les chiffres sont connus : le budget que la France consacre à la justice est en-deçà de la moyenne européenne, nous sommes même au 37 e rang européen sur 45, derrière la Turquie, la Géorgie et Chypre ; la justice coûte 61 euros par an et par habitant - c'est moins que la redevance audiovisuelle -, contre 114 euros en Allemagne et 200 euros en Suisse.

Sur le terrain, nous devons faire avec des budgets très dégradés, qui entraînent des cessations de paiement dès le mois de mai... Cela contraint fortement la réponse pénale : faute de recherche ADN, des délinquants ne sont pas arrêtés ; on ne paie pas les experts : à Nancy, de petites entreprises de traduction ont fait faillite parce qu'elles n'avaient pas été payées par le ministère de la justice - de quelle entreprise privée accepterait-on un tel comportement ? Emmanuel Macron parlait de faire la chasse aux mauvais payeurs, mais le ministère de la justice est le mauvais payeur en chef dans notre pays ! Ceci, alors même que le produit des biens saisis illégalement, logé à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, l'Agrasc, couvrirait nos besoins s'il n'était pas reversé au budget général de l'État. Le tribunal de Nancy reçoit 59 000 euros annuels pour son fonctionnement : au 22 mai, nous avions déjà tout consommé...

Les effectifs manquent, nous comptons 500 postes vacants alors que les missions confiées aux magistrats ne cessent d'être élargies - par exemple la gestion des mineurs étrangers isolés, l'introduction du contradictoire dans la phase préliminaire de l'enquête, les exigences nouvelles de communication introduites, elles aussi, par la réforme pénale de 2014 : nous n'en contestons bien sûr pas le fond, mais sans moyens nouveaux, nous aurons la plus grande peine, voire il sera impossible d'appliquer la loi.

Les procureurs, ensuite, sont de plus en plus appelés dans des commissions diverses, par exemple sur la radicalisation : les magistrats sont volontaires pour y participer, mais sans ressources nouvelles, c'est du temps supplémentaire pris sur leur coeur de métier
- l'action publique et la direction de la police judiciaire - qu'ils peinent déjà à faire tant ils sont surchargés. La loi relative à « Justice du XXI e siècle » est intéressante, mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle n'allège pas les tâches du parquet.

La justice fonctionne effectivement, mais à quel prix ? Nous nous sommes adaptés, d'abord, par une plus grande productivité : un parquetier français traite 2 500 procédures par an, contre 615 en moyenne européenne. Ce chiffre remarquable traduit les efforts fournis, mais cette capacité d'adaptation se referme comme un piège sur les magistrats : on nous dit que si nous y parvenons, c'est donc que nous n'avons pas besoin de moyens supplémentaires, mais si nous n'y parvenons plus, le rappel à l'ordre est immédiat - nous sommes donc pris entre l'arbre et l'écorce, entre l'exigence de faire toujours plus et celle de ne pas demander de moyens supplémentaires pour y parvenir...

Nous manquons cruellement d'assistants. À Nancy, sans greffier, où nous traitons 45 000 dossiers par an, le substitut du procureur se retrouve tout seul pour les permanences du week-end au palais, il doit veiller à tout, exécuter toutes les tâches - et c'est tout juste s'il ne passe pas la serpillière le dimanche soir...

Nous demandons, unanimement, qu'une circulaire de la direction des services judiciaires précise les règles pour le travail au moins le samedi. Nous avons aussi un problème pour mesurer notre travail, cela pèse dans la négociation avec l'administration. Les rémunérations, ensuite, ne sont pas à la hauteur des responsabilités d'un procureur ou d'un président de cour. Nous avons une obligation de résidence, de disponibilité, de mobilité tous les sept ans, mais la prise en compte du logement nous a été supprimée en mai 2012 ; toutes les professions ont vu cette prise en compte rétablie, à l'exception des magistrats : cette restriction est vécue comme une mesure vexatoire.

Ces conditions créent une tension dans le parquet et de la souffrance au travail, qui est nouvelle ; je vois des jeunes excellemment formés, d'un niveau meilleur que le nôtre quand nous entrions dans la carrière, des jeunes qui s'engagent pleinement dans leur métier mais qui sont parfois « lessivés », parce que le travail est trop intense. Cela crée une crise des vocations, en particulier pour les postes de chef de parquet et les candidatures se font désormais rares sur les postes de procureur de la République. Un exemple personnel : avant d'être à Nancy, qui compte 17 parquetiers, j'étais à Ajaccio, où nous étions cinq parquetiers, mais j'ai perdu 1 000 euros par mois au changement de poste.

Ce que nous demandons, ce sont donc des moyens décents pour remplir nos missions, nous le demandons comme magistrats, aussi bien que comme citoyens.

M. Philippe Bas , président . - Nous sommes saisis par le contraste entre la sérénité affichée par les responsables de l'administration centrale que nous avons entendus avant vous, et vos propres cris d'alarme. S'il nous faut tenir compte de la situation générale des finances publiques, nous devons également, comme nous l'avons fait pour la défense nationale, trouver une voie qui sanctuarise les crédits de la justice, pour une programmation qui mette fin aux à-coups dans la gestion des effectifs et aux cessations de paiement dont vous nous parlez.

Il y a ce que vous pouvez faire, pour optimiser vos ressources - quid , en particulier, du fruit des saisies des biens confisqués ? -, et il y a ce que nous devons faire, comme législateurs ; nous pourrions commencer par une revue détaillée de l'impact de nos textes sur les services de la justice, et par nous interroger sur le périmètre des compétences des juges, tout comme il nous revient de renforcer les procédures précontentieuses.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Les magistrats utilisent-ils tous les moyens technologiques contemporains pour améliorer l'efficacité de leur travail, je pense en particulier à la visioconférence ? Sinon, pourquoi ? Les freins sont-ils d'abord techniques, financiers ?

M. Antoine Lefèvre , rapporteur spécial . - Ce que nous avons entendu est édifiant et notre responsabilité de législateur est engagée : on ne doit plus adopter de disposition concernant les mesures de justice sans étude d'impact préalable. Ce que vous nous dites des téléphones portables qui vous ont été fournis est affligeant - surtout quand on sait que des téléphones bien plus performants circulent en prison...

M. Yves Détraigne , rapporteur pour avis . - Rapporteur pour avis des crédits des services judiciaires depuis une décennie, je mesure l'aggravation de la situation, en particulier du fonctionnement de ce grand service public qu'est la justice : elle est en effet « sinistrée », le terme est approprié. Vous avez dit les choses : les réformes se multiplient mais la situation est toujours plus difficile ; dès lors, il faut se concentrer sur les moyens confiés à la justice - quant à la comparaison internationale, l'exercice a ses limites puisque chaque pays a son organisation propre, avec des spécificités bien marquées.

M. Marc Laménie . - Je vous remercie pour votre franchise : votre propos nous saisit, nous devons trouver des solutions. La situation se dégrade, je le vois dans mon département des Ardennes, les magistrats - qui sont de plus en plus souvent des magistrates - ne sont pas suffisamment payés, le mal-être au travail devient une réalité. Quelles sont les bonnes solutions ?

M. Jean-Claude Boulard . - Je veux relayer ce message de tous les magistrats que je rencontre : arrêtons de faire des lois pénales ! Le droit pénal a besoin de stabilité, mais nous ne cessons d'étendre le périmètre de compétence des juges, alors que nous savons pertinemment que leurs moyens n'augmenteront pas en proportion : notre responsabilité est écrasante. Prenons d'autres voies, en particulier celle de la conciliation.

M. Jean-Pierre Sueur . - Le constat que vous faites est inchangé depuis quarante ou cinquante ans : quelles vous paraissent les raisons de ce déficit chronique sur tant d'années ? Les parlementaires et les ministres qui se sont succédé n'étaient pas hostiles à la justice, alors pourquoi de tels manques de moyens ?

Il est établi, cependant, que depuis quatre ans les moyens de la justice augmentent, aussi bien les moyens budgétaires que le nombre de postes de magistrats ; or, sur le terrain, on ne voit pas de changement, nous avons le sentiment étrange que l'ouverture de nouveaux postes ne change rien à la situation, qu'ils n'arrivent pas, concrètement, dans les juridictions : pourquoi ?

Enfin, vous nous alertez de la perte de temps liée à la multiplication des réunions, alors que c'est sur le terrain qu'il faut aller : nous devons réduire le nombre de ces instances, et cesser de suivre cette idée de Montesquieu qui voulait qu'en république, tout le monde s'occupe de tout - je crois plutôt qu'une république fonctionne bien quand chaque pouvoir assume pleinement ses missions.

Quant à l'idée de ne pas faire de loi, nous savons ce qu'il en est : on n'a jamais vu un ministre prendre son poste en annonçant qu'il ne fera adopter aucun texte... qui porte son nom !

M. François Pillet . - Vos propos qui, hélas, ne nous étonnent pas, ont été dits sur un ton qui doit nous alerter. Attention, aussi, au décalage entre des réformes qui visent à diminuer l'intervention du juge, à faire toujours plus d'économies, et la demande de nos concitoyens, qui veulent plus de justice et qui souhaitent plus d'intervention des juges. Le divorce par consentement mutuel fera gagner du temps, mais prend-t-on en compte les contentieux qui suivront cette nouvelle procédure ? Qu'en est-il du contrôle des hospitalisations d'office ?

Je m'inquiète, ensuite, de la réforme des relations entre le procureur et le juge de la liberté et de la détention (JLD) : ils en auront davantage de travail - comment comptez-vous faire ?

M. André Gattolin . - La justice a un coût, certes, mais faut-il, pour autant, en revenir au paiement d'un timbre ? Ne faut-il pas affirmer, plutôt, que la justice, c'est un service public ?

La conférence des premiers présidents de cour d'appel demande, également, que le budget de la justice judiciaire devienne une mission au sens de la LOLF, mais la LOLF dispose qu'un programme ne peut constituer une mission à lui seul.

Mme Dominique Lottin . - C'est pourtant le cas de la justice administrative.

M. André Gattolin . - On recherche des solutions du côté des voies alternatives, mais il ne faut pas oublier les ressources possibles, nouvelles, pour la justice. Si nous parvenions à supprimer le verrou de Bercy, qui abrite bien des arrangements opaques, nous y verrions plus clair ; il y a aussi le recouvrement pénal des fraudes fiscales et de la corruption, dont le produit dépend lui-même des moyens que l'État met dans la lutte contre ces délits. À ce titre, le parquet national financier compte seulement 15 magistrats, alors que nous en avions prévu 22 ; l'objectif était que chacun traite en moyenne 8,5 dossiers, on en est à 27 ! Des dossiers liés à des opérateurs comme Google paraissant trop complexes, on se tourne vers la négociation, à l'anglo-saxonne...

Mme Michèle André , présidente . - Bercy ne fait pas des « arrangements ». Éliane Houlette elle-même, à la tête du parquet national financier, a reconnu que la lutte contre la fraude fiscale n'obtiendrait pas les mêmes résultats si elle ne reposait que sur l'outil judiciaire. Ce sujet est plus complexe que vous le laissez entendre...

M. André Gattolin . - Effectivement, et je retire mon propos excessif...

Mme Dominique Lottin . - Pourquoi un déficit chronique depuis tant d'années ? Nous en identifions les causes dans notre note : des réformes successives ont étendu le droit pénal, et il y a eu aussi ce qu'on a appelé le contentieux de masse, l'accroissement massif des procédures contentieuses. Nous sommes bien sûr favorables à l'intervention du juge, mais il faut que les moyens suivent, en particulier informatiques ; ce n'est pas du tout le cas, il faut que vous le sachiez : faute de serveurs et de bande passante suffisants, les magistrats ne peuvent pas consulter les documents électroniques en temps réel dans les salles d'audience ! Quant à la visioconférence, une incompatibilité technique a pour effet que nos dispositifs ne fonctionnent pas, l'obstacle est donc technique et financier.

Sur la PNIJ, les choses sont moins simples qu'il y paraît et, pour avoir étudié cette question lorsque j'étais à l'inspection des services judiciaires, je n'hésite pas à dire que les difficultés techniques actuelles sont liées aux importants intérêts financiers de personnes ayant investi dans des sociétés privées louant du matériel et qui ont intérêt à ce que cela ne sorte pas.

Enfin, la conférence des premiers présidents de cour d'appel a pris une délibération sur la réforme du JLD, qui lui apparaît comme un alibi - et nous demandons effectivement plus de moyens pour appliquer la loi.

M. Jean-Jacques Bosc. - La multiplication des réunions sous l'égide du préfet prend effectivement toujours plus de temps, tout en constituant un risque d'immixtion dans la justice - alors que ces réunions sont loin d'être toujours nécessaires : notre action était coordonnée avant la constitution des états-majors de sécurité.

Le ministère public s'intéresse bien entendu au recouvrement des amendes, nous y mettons des moyens, mais nous manquons ici encore d'outillage informatique ; dans les faits, le greffe continue de remplir des bordereaux, que la direction des finances publiques doit saisir par la suite : c'est un véritable gâchis.

M. Gilles Accomando . - Pourquoi ce déficit chronique depuis quarante ou cinquante ans ? La justice a longtemps fonctionné avec des greffes privés, ce qui impliquait qu'elle était peu administrée ; quand les greffes privés ont été progressivement remplacés par des fonctionnaires, les moyens n'ont pas suivi l'explosion du contentieux, la juridiciarisation de la société : le hiatus a perduré, la justice est restée sous-administrée.

Mme Michèle André , présidente . - Merci pour ces explications, où l'on voit que les déficits d'aujourd'hui s'enracinent dans notre histoire et que notre tâche est immense, tant la demande de nos concitoyens est forte pour l'intervention des juges.

D. AUDITION DE M. JEAN JACQUES URVOAS, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE (14 JUIN 2016)

Réunie le mardi 14 juin 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'audition, commune avec la commission des lois, de M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, ministre de la justice.

Mme Michèle André , présidente . - Dans le cadre de nos travaux sur les moyens de la justice à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement, nous accueillons, avec la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux. Merci de venir nous rendre compte d'une exécution qui a été pilotée par votre prédécesseur, Christiane Taubira. Nous avons déjà entendu les responsables de programme du ministère de la justice et les présidents des conférences nationales des juridictions. Le budget du ministère de la justice concerne à la fois l'administration pénitentiaire, la protection judiciaire de la jeunesse et les services judiciaires. Il a régulièrement augmenté depuis dix ans pour atteindre environ 8 milliards d'euros en 2015. Cette même année, le ministère s'est vu octroyé des moyens supplémentaires dans le cadre du plan de lutte antiterroriste.

Je rappelle que nous examinerons en octobre un projet de loi de programmation des finances publiques, qui fixera le budget triennal pour 2017-2019 des missions du budget général et donc de la mission « Justice ».

M. Philippe Bas , président de la commission des lois . - Monsieur le garde des Sceaux, nous sommes honorés de vous accueillir. J'espère que nous pourrons vous entendre aussi sur le projet de loi sur la Justice du XXI e siècle, avant la réunion de la commission mixte paritaire. Vous avez été président de la commission des lois de l'Assemblée nationale : vous auriez été surpris de ne pas entendre le ministre sur un texte aussi important !

Nous partageons votre préoccupation sur les crédits du ministère de la justice et ferons tout pour vous aider à obtenir les crédits nécessaires pour 2017. Mais ces crédits sont aussi la contrepartie des réformes du ministère. Trop de lois sont votées sans que la question des moyens n'ait été posée. La logique consistant à ne plus créer de places en prison et à rechercher de peines alternatives a trouvé ses limites. Nous avons beaucoup de questions à vous poser et sommes très intéressés par votre volonté de réhabiliter le service public de la justice qui souffre actuellement.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux . - Merci de votre accueil et d'organiser cet exercice de vérité. On passe traditionnellement beaucoup de temps sur le projet de loi de finances, qui définit les intentions, et moins sur la loi de règlement, qui retrace les réalités. Vous avez entendu les directeurs de mon ministère et les présidents des conférences des magistrats du siège et du parquet, les mieux placés pour rendre compte de la réalité du terrain. Les témoignages sont édifiants. Je reprends à mon compte les propos de Virginie Duval, présidente de l'Union syndicale des magistrats, qui affirmait dans une tribune de presse que la justice vit à crédit et que les tribunaux sont en cessation de paiement.

Nos concitoyens ont d'ailleurs une image contrastée de la justice : 95 % des Français la trouvent trop complexe, 88 % trop lente et 60 % la jugent inefficace. En somme, comme aurait pu le dire Montesquieu, l'injustice n'est pas tant dans les jugements que dans les délais de jugement.

Le combat pour le budget est crucial. Je ne veux pas être un garde des Sceaux de papier, porteur de réformes impossibles à mettre en oeuvre faute de moyens. J'ai évoqué une justice en voie de clochardisation. Les mots ont choqué. J'assume mes propos car c'est la réalité qui est choquante. Il importe que le service public de la justice soit à la hauteur des attentes des citoyens. Ce combat n'est pas partisan et s'étendra nécessairement au-delà de la législature. Tous, élus, magistrats, responsables, devons trouver une solution.

Le ministère de la justice est celui des paradoxes. Premier paradoxe : le budget augmente mais l'institution est à la peine. J'ai lu avec attention les rapports de votre commission des lois. Yves Détraigne notait dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2016 que si la mission « Justice » était globalement préservée, la hausse des crédits profitait d'abord à l'administration pénitentiaire. Hugues Portelli soulignait que les loyers versés dans le cadre des partenariats public-privé enregistraient une hausse substantielle, accrue par la livraison des établissements pénitentiaires de Riom, Valence ou Beauvais. Entre 2006 et 2016, le budget du ministère est passé de 6 milliards à 8 milliards d'euros, soit une hausse de 30 %. Toutefois, hors pensions, le budget n'est plus en 2016 que de 6,6 milliards d'euros. Le principal bénéficiaire est l'administration pénitentiaire, car nous payons en priorité les loyers contractés dans le cadre des partenariats public-privé, sur lesquels nous n'avons aucune prise. Ils s'élevaient à 133 millions d'euros en 2015, seront de 170 millions d'euros en 2016 et dépasseront les 200 millions d'euros en 2017, notamment en raison de la livraison du futur palais de justice des Batignolles.

Deuxième paradoxe : alors que la situation budgétaire est tendue, les crédits ne sont que partiellement consommés. En 2015, l'écart entre budget voté et budget exécuté était de 125 millions d'euros. En 2014, il était de 145 millions d'euros. La cause ? Des techniques de régulation budgétaire qui ne datent pas de 2012, Michel Mercier le confirmera. La réserve de précaution, ou gel budgétaire, ne cesse d'augmenter : 5 % des crédits en 2011, 8 % en 2015. S'y ajoutent le surgel, les annulations de crédits en cours d'année - 138 millions d'euros en 2013, 116 millions d'euros en 2014 -, les arbitrages de fin de gestion et les reports de crédits - 55 millions d'euros reportés de 2015 à 2016. Je ne remets pas en cause la nécessité de ces mesures dans le contexte actuel, mais il est difficile d'établir une programmation immobilière dans ces conditions. Beaucoup d'élus se plaignent que la livraison d'établissements, prévus dans le plan triennal, soit reportée. Ce n'est pas la faute directe du ministère.

Si certains crédits sont annulés, d'autres sont ouverts pour faire face aux imprévus et à l'actualité. Le déblocage de crédits pour faire face aux inondations illustre le caractère précautionneux de la gestion du Gouvernement. Yves Détraigne se demandait comment seraient financées les mesures annoncées par le Président de la République en novembre devant le Congrès. Elles le seront grâce aux ouvertures de crédits liées aux plans de lutte contre le terrorisme (PLAT) 1 et 2, à hauteur de 110 millions d'euros.

Dernier paradoxe, alors que les chefs de cour, les syndicats ou les élus se plaignent d'effectifs insuffisants, les recrutements sont en-deçà du plafond d'emplois - et Yves Détraigne estime que le décalage systématique entre les crédits ouverts et dépensés affecte la sincérité du budget. Là encore, la question ne date pas d'hier. Ces écarts sont inévitables à cause des départs en retraite, des promotions ou du délai de formation des recrues. Mais cela rend illisible les efforts de création de postes : entre 2013 et 2016, le plafond d'emplois de l'administration pénitentiaire a augmenté de 2 857 postes, mais le nombre d'emplois créés est très inférieur et les vacances de postes augmentent : 541 en 2014, 546 en 2015. En 2016, le nombre de créations nettes de postes a été de 725 pour le PLAT 2. Tous les crédits non utilisés ne sont pas reportés et sont alors perdus : le taux de consommation des crédits pour les emplois pour l'ensemble des juridictions s'élevait à 97 % en 2013, à 98 % en 2014. Cela représente une perte de 600 équivalents temps plein (ETPT). Des annonces en cours d'année peuvent aussi intensifier la pression sur les services. Enfin, il faut 31 mois à l'École nationale de la magistrature pour former les lauréats. Finalement, pour un plafond d'emplois de 78 941 ETPT, le nombre réel de personnes employées en 2015 n'était que de 77 381. La situation s'améliore toutefois. Nous avons créé 1 342 emplois en 2015, 855 en 2014, 480 en 2013.

Oui, il faut réformer ce ministère. On ne peut toutefois le faire sans ressources. Les personnels doivent pouvoir se consacrer aux tâches pour lesquelles ils ont été recrutés : un magistrat doit juger, un éducateur doit accompagner les jeunes, etc. On leur a confié trop de tâches inutiles ou annexes. Les justiciables attendent une justice plus simple, plus accessible. Des réformes ont été engagées. Il faut aussi dégager des moyens pour assumer de nouvelles missions ; c'est le cas des extractions judiciaires, qui relevaient de la police et de la gendarmerie, et qui ont été confiées, à bon droit, au ministère de la justice.

Autre dossier, la carte des cours d'appel, qui sont toujours au nombre de 36 alors que la carte des régions a changé. Un préfet peut avoir trois ou quatre procureurs généraux comme interlocuteurs ! Pas moins de trois cartes se superposent au sein du ministère : celle de l'administration pénitentiaire, celle des services judiciaires et celle de la protection judiciaire de la jeunesse... La faiblesse du secrétariat général, de création récente, ne facilite pas les réformes. Il conviendrait aussi de moderniser la gestion des ressources humaines, en particulier en déconcentrant la gestion des personnels pénitentiaires. Avec 858 surveillants en formation à l'École nationale d'administration pénitentiaire d'Agen, le système pyramidal n'est plus adapté. Ces réformes, de bon sens, sont d'ailleurs préconisées par les parlementaires ou par la Cour des comptes. Sur recommandation de la Cour des comptes, nous allons débuter une mission d'inspection conjointe de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des services judiciaires sur la gestion des juridictions.

Il faut aussi savoir bien dépenser. Yves Détraigne a noté que des efforts importants ont été faits pour contenir l'inflation des frais de justice et apurer les dettes auprès des prestataires. Il faut saluer l'action de Christiane Taubira. De même, je me suis battu et j'ai obtenu un dégel de 107 millions d'euros, du jamais vu ! Il était indispensable de restaurer le crédit de la parole publique : 41 millions d'euros ont été consacrés aux frais de justice pour payer nos prestataires qui attendaient parfois depuis longtemps, à tel point que certains ont fait faillite, 27 millions d'euros ont été affectés au fonctionnement des juridictions, 18 millions d'euros à l'immobilier, 21 millions d'euros à l'informatique. En outre , j'ai redéployé 14 millions d'euros pour renforcer l'équipe du juge en recrutant des assistants de justice, des juges de proximité, des vacataires.

J'ai demandé aux chefs de cour et aux procureurs généraux, dont je souhaite renforcer le rôle de coordonnateurs, de payer leurs dettes, en fixant comme objectif que les délais de paiement ne dépassent pas deux mois. En 2015, ces délais atteignaient 43 jours en moyenne, contre 18 jours en moyenne pour le reste des ministères ! Cela tient à l'éparpillement territorial du réseau des ordonnateurs, à la multiplication des petites dépenses, depuis la cantine des détenus jusqu'à l'hébergement des mineurs par la protection judiciaire de la jeunesse, etc. Je suivrai avec attention la résorption des arriérés de paiement et rencontrerai régulièrement la directrice des services judiciaires pour faire le point. Je me battrai à nouveau dans le cadre de la loi de finances rectificative pour obtenir un nouveau dégel de crédits et j'espère que vous serez nombreux à me soutenir.

Enfin, il convient de remettre à niveau les crédits de fonctionnement et d'immobilier du ministère. Pour réformer, il faut trouver des moyens, sinon nous ne ferons qu'organiser la paupérisation. Je considère que nous n'avons pas les moyens de mettre en place la collégialité de l'instruction, d'autant que la co-saisine permet déjà de revenir sur une décision. Début juillet, je vous présenterai un rapport sur l'encellulement individuel. Je souhaite en profiter pour dresser un inventaire de la situation de l'immobilier pénitentiaire. Il importe que nous connaissions avec précision le nombre de places de prison ainsi que la vétusté des établissements - à Caen, certains détenus sont dans des cellules de cinq mètres carrés ! Nous devons déterminer le nombre de places dont nous avons besoin, dans quels établissements : maisons centrales, maisons d'arrêt, centres de détention, établissements pour mineur, etc. Je suis attentif à la question de l'aide juridictionnelle : les avocats ont besoin de prévisibilité. Pour conclure, la mission « Justice » représente 2,6 % des dépenses de l'État en 2015, contre 2,17 % il y a dix ans. Pourtant, les besoins restent immenses.

Mme Michèle André , présidente . - Merci pour cet exercice de vérité. Nous regrettons comme vous que la loi de règlement ne soit pas l'occasion d'un débat plus approfondi et c'est pourquoi nous organisons ces auditions. L'année dernière, nous avions invité d'autres ministères. Nous partageons votre diagnostic sur la faiblesse du secrétariat général et la nécessité de recentrer les professionnels sur leur coeur métier.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - La commission des finances, tout comme la commission des lois, n'a cessé de dénoncer le gel des crédits, le surgel et la hausse de la réserve de précaution. Autant de procédés qui réduisent les prérogatives budgétaires du Parlement.

Je vous remercie pour votre franchise. Au-delà des incantations, à la veille du débat d'orientation des finances publiques, avez-vous eu des arbitrages budgétaires favorables ? Les plafonds d'emploi augmentent mais le nombre de magistrats en activité baisse et des postes restent vacants. Envisagez-vous des mesures exceptionnelles : maintien de magistrats en activité au-delà de l'âge de la retraite ? Concours exceptionnels de recrutement destinés aux avocats ?

Ma deuxième question porte sur les moyens des juridictions. Les présidents des conférences nationales ont évoqué l'obsolescence des téléphones, les problèmes informatiques... L'amélioration du fonctionnement de la justice ne passe-t-elle pas aussi par une modernisation des méthodes de travail ou des procédures ? Par exemple, pourquoi ne pas remplacer des extractions coûteuses de prévenus par la visioconférence ?

Enfin, le Conseil constitutionnel se prononcera bientôt sur une question prioritaire de constitutionnalité, déposée par les avocats de MM. Cahuzac et Wildenstein, sur la double sanction pénale et administrative en matière fiscale. Est ainsi posée la question du « verrou de Bercy », le monopole de l'administration fiscale pour le déclenchement de l'action pénale en matière de fraude fiscale. Certes, les parquets peuvent déjà s'autosaisir des affaires les plus importantes sur le fondement du blanchiment. Si le « verrou de Bercy » était remis en cause, les juridictions auraient-elles les moyens de prendre en charge ces affaires ?

M. Antoine Lefèvre , rapporteur spécial des crédits de la mission « Justice » . - J'ai également soulevé dans mes rapports budgétaires les difficultés liées au gel, au dégel ou aux annulations de crédits.

Nous devons maintenir nos efforts pour lutter contre le terrorisme. Dans quelle mesure les PLAT 1 et 2 permettent-ils un rattrapage pour compenser les effets de réformes votées sans avoir été accompagnées des moyens associés ?

Le secrétaire général du ministère, Éric Lucas, nous a indiqué que les problèmes d'ergonomie ou de fonctionnalités rencontrés par la plateforme des interceptions judiciaires (PNIJ) étaient en cours de résolution. Les représentants des forces de l'ordre semblent moins optimistes. Qu'en est-il ?

M. Philippe Bas , président de la commission des lois . - Vous avez évoqué la nécessité d'une remise à niveau des crédits du ministère. Quelles sont vos attentes ? Quelles mesures de gestion entendez-vous prendre pour mieux faire coïncider les effectifs réels et théoriques ? Nos auditions ont révélé l'existence de difficultés de gestion.

Ne regrettez-vous pas la mise à l'écart de la loi relative à l'exécution des peines votée début 2012, au vu du retard pris dans ce domaine ? Pour nous être rendus dans les prisons, nous confirmons votre constat : les conditions de détention sont contraires à nos engagements internationaux, et même à la décence la plus minimale.

Nous partageons également votre conviction qu'au-delà de la question des moyens, un effort interne doit être entrepris. Au tribunal de grande instance de Créteil, où je me suis rendu avec le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, les crédits de fonctionnement s'élèvent à 3 millions d'euros par an ; les frais de justice, à 8 millions d'euros... Sur quels leviers agir pour réduire ces frais ? Envisagez-vous de rétablir le droit de timbre, mis en place par Michel Mercier puis supprimé ? Peut-on récupérer une partie du produit des saisies de justice, notamment de drogue, dont la plus grande part va à la lutte contre la toxicomanie ?

En matière d'allégement des procédures, un inventaire s'impose. Dans certains cas - notamment le divorce contresigné par deux avocats - on reporte les économies sur les familles, avec des charges multipliées par cinq ou dix. Vous avez évalué à 4,5 millions d'euros l'économie pour les tribunaux ; d'après nos estimations, le coût pour le justiciable serait de 70 millions d'euros. Avez-vous des chiffres précis ?

M. Yves Détraigne . - Vous avez identifié - en citant mon rapport budgétaire - le véritable problème de la justice : le sous-financement. Les projets de loi sont accompagnés d'études d'impact qui sont parfois de pure circonstance. La justice est fatiguée de l'empilement des réformes qui se succèdent sans être menées à leur terme. Je salue votre discours de vérité à cet égard. Souhaitons qu'après la loi « Justice du XXI e siècle », l'accumulation prenne fin et que la justice reçoive enfin des moyens à la hauteur des enjeux.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux . - Je ne sais si mon ministère a connu un âge d'or depuis Saint Louis... Son rôle est pourtant essentiel : chaque année, quatre millions de Français entrent dans un Palais de justice, tous par contrainte, et en espérant la protection du droit. C'est pourquoi j'insiste sur la notion de service public de la justice.

Quant à mon budget, je ne connais pas la fin du match. Le Gouvernement est entré dans une phase de discussions internes : nous avons fait connaître nos ambitions, qui seront mises en balance par le Premier ministre avec le réalisme des moyens. Exercice douloureux... Solidaire des efforts gouvernementaux, je serai par définition satisfait du budget qui me sera alloué. En inaugurant le tribunal de grande instance de Caen, le Premier ministre a annoncé hier son intention de prolonger la trajectoire budgétaire amorcée. Je m'en félicite. Ce n'est pas l'affaire d'un seul mandat.

Je souhaite que le budget 2017 s'appuie sur un constat partagé. Les attentes des magistrats, des fonctionnaires du ministère seront nécessairement déçues ; j'espère en tout cas obtenir l'indispensable. Nous comptons sur la conscience professionnelle et le dévouement des personnels. Rappelons qu'un Français consacre 61 euros par an au fonctionnement de la justice. Comparé au prix de l'abonnement à une chaîne privée, c'est un effort tout relatif.

L'appel à la technologie pour maîtriser les frais de justice se heurte au principe d'impartialité et d'indépendance du magistrat : une audience en vidéoconférence nécessitera toujours l'accord de ce dernier et de l'avocat. C'est le droit existant, et il n'est pas dans mes intentions de le modifier. Contingenter les frais d'enquête et le recours aux laboratoires, par exemple pour les analyses d'ADN, porterait atteinte à la liberté de l'investigation. Imaginons une affaire non élucidée pour des raisons financières...

C'est pourquoi j'insiste auprès des chefs de cour sur la coordination au sein des ressorts : ainsi, on pourrait lisser sur la semaine les procès d'assises au sein d'une juridiction d'appel au lieu de les tenir en même temps. Les présidents de tribunaux de grande instance sont plutôt allants, mais je n'ai pas de pouvoir de contrainte en la matière.

M. Philippe Bas , président de la commission des lois . - Depuis le plan Juppé, le ministère de la santé s'efforce, sans porter atteinte à la liberté des médecins, de contenir l'évolution des dépenses liées aux prescriptions. Peut-on s'en inspirer pour la maîtrise des frais de justice ?

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux . - Je ne puis vous répondre, ne connaissant pas en détail le mécanisme que vous évoquez.

Quelques mesures exceptionnelles sur les effectifs : nous avons amélioré les conditions de détachement, en particulier pour les professeurs d'université, élargi les responsabilités des magistrats réservistes honoraires, développé les passerelles pour une intégration directe. En matière de personnel, j'estime que le gros de l'effort est derrière nous. Les créations de postes ont été amplifiées dans toutes les écoles du ministère, ce qui n'est pas sans entraîner des problèmes d'intendance ; ainsi l'École nationale de la magistrature (ENM), qui manque déjà de place pour accueillir ses promotions actuelles, s'apprête à former les 12 000 à 15 000 juges prudhommaux et des juges consulaires. Les auxiliaires de justice et assistants de magistrats qui composeront l'équipe de justice, dont certains sont titulaires d'un doctorat, ont eux aussi vocation à recevoir une formation de déontologie que seule l'école pourra leur délivrer.

Nous avons consommé 80 % du PLAT 1 et veillerons à utiliser à plein les ressources du PLAT 2, même si cette utilisation a pu être présentée comme un effet d'aubaine.

Le Sénat s'est prononcé sur le verrou opposé par Bercy au sujet du non bis in idem . Je suis d'avis d'attendre l'avis du Conseil constitutionnel sur les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) portant sur ce thème. Le doyen Vedel disait que le Conseil constitutionnel avait la gomme mais pas le crayon ; ce crayon, c'est désormais la question prioritaire de constitutionnalité. De canon braqué sur le Parlement, il est devenu un acteur de son ordre du jour.

Pour rapprocher les effectifs théoriques de la réalité constatée, il convient de se garder des effets d'affichage. Nous organisons des concours déconcentrés : en Polynésie française, nous avons ouvert un concours pour le nouveau centre pénitentiaire de Papeari. 4 500 candidats se sont présentés pour 200 places. Nous avons raccourci la formation dispensée à l'école d'Agen, qui va accueillir deux promotions de 850 élèves en une année. Nous avons un problème de fidélisation du personnel dans l'administration pénitentiaire dont les agents, de catégorie C, s'en vont en moyenne trois ans après leur recrutement.

Les études d'impact sont incontestablement le moins beau bébé de la réforme constitutionnelle de 2008 ; elles n'ont pas les résultats attendus.

Vais-je rétablir le droit de timbre à 35 euros ? Non.

M. Michel Mercier . - Ou à 36 !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux . - Dans la procédure de divorce, il convient de définir ce que peuvent apporter l'avocat, le notaire. Je crois à l'aide juridictionnelle, mais pour la financer nous devons d'abord la pérenniser. Un renforcement de la présence des avocats dans la procédure peut se traduire par un ajustement des unités de valeur, base de la rémunération...

La Plateforme nationale des interceptions judiciaires est un outil pertinent et une source d'économies : les prestataires nous coûtaient 55 millions d'euros par an. L'augmentation du coût de l'outil n'est pas, strictement parlant, un dépassement, mais le résultat d'un réajustement que nous avons demandé à Thalès. Toutes les options sont ouvertes, y compris la ré-internalisation qui coûterait cher, puisque jusqu'à présent les tâches sont effectuées par des agents mis à disposition par le ministère de l'intérieur. Je ne suis ni optimiste, ni pessimiste. L'ergonomie a été améliorée, mais des dysfonctionnements inacceptables ont été mis en évidence par une mission de l'inspection générale. Des décisions seront prises avant la fin de l'année.

M. Daniel Raoul . - Vous avez évoqué les paradoxes de l'exécution : le gel, le dégel, le surgel... mais vous oubliez ce qu'en agriculture on appelle les gelées noires !

Le blocage, j'ai pu le constater lors de mon stage en juridiction, est humain et matériel ; la présidente de la conférence nationale des présidents de cour d'appel, que nous avons entendue la semaine dernière, demandait des postes de greffiers plutôt que de magistrats. La deuxième priorité concerne les moyens technologiques, à commencer par le raccordement Internet : sans débit correct, le logiciel le plus sophistiqué est inutile.

Mme Catherine Tasca . - Je salue la clarté et la franchise de votre diagnostic : des moyens insuffisants qui impliquent des arbitrages sévères. Quelle place sera réservée à la protection judiciaire de la jeunesse ?

M. Marc Laménie . - Ces interventions nous éclairent et nous interpellent. À peine 2,60 % du budget de l'État, c'est peu. Certains départements étant plus attractifs que d'autres, on entend dans les audiences de rentrée que des postes ne sont pas pourvus. Comment susciter des vocations ? Comment adapter le fonctionnement de la justice en termes de moyens humains, financiers, de communication interne, mais aussi d'effectifs de police, de gendarmerie et de renseignement ?

M. Jacques Bigot . - Merci de votre volontarisme, nous espérons qu'il produira ses fruits. La mission d'inspection conjointe sur les dépenses des juridictions s'accompagnera-t-elle d'une sensibilisation globale ? Dans les entreprises ou les collectivités, on identifie des sources d'économies en conduisant des audits organisationnels ; mais les méthodes de rationalisation ne sont pas dans l'ADN de la justice, même si vous avez commencé ce travail avec les assistants de justice. Les moyens vidéo sont disponibles à la prison de Strasbourg, mais les magistrats qui travaillent à proximité ne souhaitent pas les utiliser.

M. Éric Doligé . - Gel, surgel et dégel, reports et annonces - on se perd dans le suivi des crédits. Quels ont été les moyens financiers réellement mis en oeuvre en 2015, et les annonces ont-elles un sens ? Quant à 2017, je ne vous demande pas le budget que vous attendez mais celui que vous estimez nécessaire. Vous avez évoqué une « base zéro » des prisons : quels sont les besoins prévisionnels et les modes de financement ? Enfin, suite aux propos de Philippe Bas, je m'interroge : comment valorise-t-on les saisies de drogue ?

M. Michel Mercier . - Ce ministère de dimensions pourtant modestes en recouvre en réalité plusieurs : administration pénitentiaire et services judiciaires ont un fonctionnement différent. Sur près de 9 000 magistrats - un chiffre stable - plus de 7 000 sont au siège, inamovibles et mutés sur décision du Conseil supérieur de la magistrature : le ministre ne peut gérer les services judiciaires comme les services pénitentiaires.

Quelle part des frais de justice est-elle décidée par le ministère de l'intérieur, quelle part par la justice ?

Je comprends votre volonté de ne pas revenir au timbre mais qu'allez-vous inventer à la place ? J'ai confiance dans votre imagination...

Le ministère n'a pas les moyens techniques pour construire des prisons, les magistrats délégués à l'équipement ne sont pas des techniciens. Or construire des prisons est difficile, les partenariats public-privé coûtent cher, regrouper les détenus aussi. Il manque 10 000 places, alors que 85 000 personnes attendent la mise à exécution de leur peine...

À mon sens, le nombre de magistrats n'est pas loin de ce qui est nécessaire. Ceux qui continuent à exercer après l'âge de la retraite peuvent partir quand ils veulent, ce qui rend leur gestion difficile. Envisagez-vous une fusion des greffes de tribunaux d'instance et de grande instance qui libèrerait un grand nombre de postes ? Pour ce qui est de l'administration pénitentiaire, nous attendrons votre communication de juillet.

M. Thierry Carcenac . - Entre un secrétariat général dont vous admettez la faiblesse, l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ) et France Domaine, parvenez-vous à définir des orientations de politique immobilière et plus particulièrement des méthodes de montage des dossiers ? Une rationalisation est-elle envisageable, notamment pour les partenariats public-privé qui, comme l'a dit Michel Mercier, coûtent cher ?

M. Philippe Dominati . - D'après la Cour des comptes, votre ministère affiche le taux d'absentéisme le plus important, avec neuf journées de congé par fonctionnaire et par an.

Mme Michèle André , présidente . - Lors de notre visite au Parquet national financier (PNF), les magistrats ont insisté sur le ralentissement dû au manque d'effectifs dans les services d'enquête. Nous sommes prêts à vous soutenir sur ce dossier.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux . - Par comparaison avec les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), le PNF n'est pas mal loti en termes d'effectifs. Les besoins sont satisfaits. Certes, sans enquêteurs, au PNF comme dans les JIRS, le magistrat se borne au constat. Toutefois, le ministère de l'intérieur nous fournit des officiers de police judiciaire.

Je vous répondrai par écrit sur l'absentéisme ; le phénomène n'est pas aussi intense dans toutes les branches du ministère. J'ai ainsi dénoncé publiquement la situation intolérable dans certains établissements pénitentiaires, en particulier à Remire-Montjoly, en Guyane. À la suite d'une inspection, j'ai prononcé des révocations. On ne peut tolérer que des membres du personnel exercent par ailleurs une autre activité.

Je plaide la même ignorance sur l'immobilier, même si l'APIJ, saluée récemment par le maire de Caen et reconnue pour la fiabilité de son expertise, donne satisfaction. Cependant, elle travaille dans les limites de ses moyens et les choix de terrain dépendent aussi des propositions des élus.

Vous connaissez sans doute, monsieur Mercier, la réponse à votre question sur la répartition des frais de justice ; nous débattons avec le ministère de l'intérieur, qui a assumé ses responsabilités sur la question des balises.

Nous avons fusionné les trois inspections en une seule inspection générale de la justice, et je ne suis pas hostile au principe des fusions. Mais celle des greffes me paraît une fausse bonne idée. Certes, l'idée s'entend dans la perspective du tribunal de première instance mais ce sujet n'est pas consensuel au sein de l'institution : si la conférence des présidents de tribunaux de grande instance y est favorable, les organisations syndicales, très hostiles, ont combattu l'article 13 de la loi sur la Justice du XXI e siècle qui l'envisageait.

Nous obtenons chaque année le reversement de 6 millions d'euros par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) sur la valorisation des saisies de biens, notamment ceux des trafiquants de drogue.

J'accorde une grande importance à la notion nouvelle d'équipe du juge. Elle a vocation à libérer les magistrats des tâches de gestion : nous avons ainsi créé des chefs de cabinet pour les chefs de juridiction. Certains présidents étaient initialement peu enthousiastes, mais la conférence des présidents se montre ouverte à l'installation d'administrateurs civils ou d'attachés sur ces fonctions.

Le personnel de la justice est tellement habitué à la gestion de la disette budgétaire que les gestes de bonne gestion sont bien pris. Toutefois la protection judiciaire de la jeunesse, particulièrement maltraitée, a perdu beaucoup d'effectifs. Nous lui avons rattaché 185 agents. Au total, cette petite administration de 4 000 personnes se montre extrêmement réactive au regard de ses responsabilités et de l'attente sociale, notamment outre-mer. Je tiens à dire le bien que je pense de son travail et de la compétence avec laquelle elle l'exerce.

Je le répète, je ne saurais évaluer les besoins de mon ministère en matière financière. Ils sont immenses, mes espoirs plus mesurés. J'ai appris le pragmatisme auprès de Michel Rocard ; comme lui, je ne crois pas au grand soir mais aux progrès de tous les instants. J'espère que l'Assemblée nationale et le Sénat se retrouveront autour d'un constat partagé sur le budget 2017.

Mme Michèle André , présidente . - Nous sommes très satisfaits de ce moment d'échange. Dans cet esprit de pragmatisme que j'ai, tout comme vous, appris de Michel Rocard, je vous souhaite bonne chance dans les arbitrages qui s'annoncent.

E. AUDITION DE M. CHRISTIAN ECKERT, SECRÉTAIRE D'ÉTAT CHARGÉ DU BUDGET (15 JUIN 2016)

Réunie le mercredi 15 juin 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission entend M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget.

Mme Michèle André , présidente . - Nous recevons Christian Eckert pour nous présenter le projet de loi de règlement de l'exercice 2015 et faire le point sur l'exécution en 2015 des finances locales.

Notre commission s'attache depuis longtemps à analyser à la fois l'exécution du budget de l'État, mais aussi de l'ensemble des administrations publiques, puisque c'est bien l'ensemble des finances publiques qui est pris en compte pour l'application du Pacte de stabilité et de croissance et, en particulier, l'application du seuil de déficit de 3 % du PIB.

Il est donc utile que le secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget, qui en avait d'ailleurs exprimé le souhait, puisse présenter la contribution des collectivités territoriales à la trajectoire des finances publiques en 2015.

Monsieur le secrétaire d'État, je vais vous céder la parole pour une intervention liminaire. Vous serez ensuite interrogé par le rapporteur général et par les rapporteurs spéciaux qui préparent tous, en ce moment, leurs observations sur l'exécution, en 2015, des crédits dont ils ont la charge.

M. Christian Eckert , secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Dans tout débat budgétaire, les chiffres de l'exécution sont incontournables.

J'essaierai d'aller à l'essentiel en vous présentant le projet de loi de règlement du budget et l'approbation des comptes 2015, puis les résultats de l'exécution des finances locales. Je commencerai par un tour d'horizon de l'ensemble des administrations publiques et je me permets, à ce titre, de vous renvoyer à l'article liminaire du projet de loi de règlement.

Le premier constat est celui de la baisse ininterrompue du déficit public depuis le début de la législature. Il s'établit en 2015 à 3,6 % du PIB, alors qu'il avait atteint 5,1 % en 2011.

Deuxième constat : pour la première fois depuis 2000, le solde public s'améliore, alors que les prélèvements obligatoires diminuent.

Pour la deuxième année consécutive, la progression de la dépense publique, à seulement 0,9 % en valeur, hors crédits d'impôt, est historiquement basse. Grâce à cette politique, la dette est en train de se stabiliser.

J'en viens maintenant à la présentation des résultats du budget de l'État.

Pour la dixième année consécutive, les comptes de l'État ont été certifiés par la Cour des comptes. Cela permet de garantir la qualité comptable et le caractère incontestable des chiffres que nous évoquons. C'est la première condition d'un débat sérieux sur les finances publiques.

La baisse du déficit budgétaire de 15 milliards d'euros par rapport à 2014 constitue l'évolution majeure des comptes 2015. Je tiens à rappeler que le déficit s'est amélioré de près de 4 milliards d'euros par rapport aux anticipations de la loi de finances initiale. Fin 2015, il s'élevait à 70,5 milliards d'euros. S'il reste du chemin à parcourir avant le retour à l'équilibre budgétaire, il s'agit tout de même de son plus bas niveau depuis 2008.

La norme de dépense a également été respectée, alors même que cet objectif avait été durci de 700 millions d'euros en cours d'année. Des dépenses nouvelles, notamment pour assurer la sécurité des Français, ont été financées au sein de cette enveloppe.

L'exercice 2015 prouve que notre manière de faire des économies est entièrement compatible avec une gestion publique de qualité. D'exécution à exécution, nous avons réduit de 1,4 milliard d'euros la dépense de l'État, hors charges d'intérêts et pensions.

Dans le même temps, nous avons apuré la dette de l'État envers la sécurité sociale et réduit ses dettes à l'égard des fournisseurs. On nous parle toujours de reports de charge, d'augmentation de la dette de l'État envers la sécurité sociale, d'économies de constatation en pointant la charge de la dette... Or, indépendamment de ces trois facteurs, les dépenses de l'État ont été réduites, d'exécution à exécution, de 1,4 milliard d'euros.

Le budget 2015 repose également sur des prévisions prudentes de recettes. Alors que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a connu, en 2015, une montée en charge plus rapide que prévu, alors que l'inflation a été nettement moindre que prévu, les recettes perçues par le budget général de l'État ont été supérieures de 1 milliard d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale.

Je me souviens d'un mois de juin où beaucoup nous disaient qu'il nous manquerait 10 milliards d'euros... Ils avaient tort : nous avons dégagé 1 milliard d'euros de recettes supplémentaires ! Et même si, par exemple, les recettes de TVA sont très directement liées à l'inflation, l'ensemble des recettes a été conforme, et même supérieur, à nos prévisions.

Le produit des recettes a également été soutenu par le rendement du contrôle fiscal. Les moyens déployés en matière de lutte contre la fraude se traduisent par une augmentation de 1,8 milliard d'euros des encaissements au titre du contrôle fiscal. Ces encaissements - je parle bien d'encaissements et non de notifications - ont atteint 12,2 milliards d'euros en 2015.

Je voudrais également revenir sur l'évolution du déficit de l'État. Certains effectuent des retraitements au motif que tel ou tel événement serait exceptionnel et soulignent que le déficit ainsi corrigé augmente. La détermination du caractère exceptionnel d'un événement budgétaire est subjective. À mon sens, le seul juge de paix est le déficit retenu à l'article premier de ce projet de loi. La baisse de 15 milliards d'euros par rapport au déficit de la loi de règlement pour 2014 est un chiffre incontestable, issu de la comptabilité de l'État.

Bien entendu, nous pouvons tous convenir que le deuxième programme d'investissements d'avenir (PIA), constituait bien un élément exceptionnel en 2014, à hauteur de 12 milliards d'euros. Aller au-delà serait périlleux.

À ceux qui cherchent malgré tout à se livrer à cet exercice, je peux suggérer quelques corrections : en quoi ne serait-il pas légitime de retrancher les dépenses engagées pour la sécurité des Français ou encore le montant de la compensation des effets du pacte de responsabilité sur la sécurité sociale ? En effet, l'État a pris à sa charge, en 2015, près de 5 milliards d'euros au titre d'allégements de cotisations qui auraient, sans cela, pesé sur les comptes de la Sécurité sociale.

Je vous rappelle que l'essentiel de l'aide personnalisée au logement (APL), auparavant financée par la branche famille, a été transféré vers l'État. J'insiste sur cette compensation : c'est bien le budget de l'État qui compense systématiquement les pertes de recettes de la sécurité sociale. Or, malgré cette compensation, le déficit de l'État s'est réduit en 2015.

Venons-en à l'exécution des budgets des collectivités territoriales en 2015.

Comme vous le savez, en particulier dans cette assemblée, les constats financiers sur la situation des collectivités locales sont nécessairement globaux. Ils ne peuvent porter que sur une évolution moyenne des finances locales, laquelle ne rend pas suffisamment compte de la grande diversité des cas particuliers.

Je voudrais dresser avec vous quelques constats, tous fondés sur la consolidation des enregistrements comptables - définitifs - réalisés par la Direction générale des finances publiques, la DGFiP.

Ces chiffres sont aussi utilisés pour l'établissement du rapport annuel de l'Observatoire des finances locales, dont fait partie votre collègue Charles Guené. Les divergences - tout à fait minimes - que vous pourriez trouver entre les chiffres de la DGFiP et ceux de l'Observatoire ne résultent que de retraitements techniques et ne remettent en cause aucun des constats que je voudrais partager avec vous.

Premier constat, les recettes réelles de fonctionnement des collectivités locales ont progressé en 2015, et ce malgré la baisse des dotations. Ce constat est valable, globalement, pour chaque catégorie de collectivité locale. La hausse est de 1,7 % pour les communes, de 2,8 % pour les EPCI, de 1,3 % pour les départements et de 2 % pour les régions.

Je le répète, il s'agit d'un constat général qui ne vaut certainement pas pour chacune des collectivités. Il me paraît néanmoins utile de le partager.

Nous avions prévu cette augmentation. Souvenez-vous, voilà un an ou deux, de nos discussions sur la baisse des dotations : je vous avais alors expliqué que les projections de nos services montraient que la baisse des dotations n'empêcherait pas une stabilité des recettes. Je m'étais trompé : elles ne sont pas restées stables, elles ont augmenté !

M. Philippe Dallier . - Les impôts aussi !

M. Christian Eckert , secrétaire d'État . - J'y reviendrai, monsieur Dallier.

Cette augmentation des recettes résulterait-elle d'une hausse de la fiscalité votée pour rattraper la baisse des dotations ? Si la fiscalité est dynamique, cela ne résulte que pour une part de hausses de fiscalité directes.

On constate, en 2015, un fort dynamisme de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), dont les taux, qui ne sont pas fixés par les collectivités territoriales, n'ont pas varié.

Indépendamment des hausses de taux, le produit de la CVAE a augmenté de 4,5 % et celui des DMTO de 16 %. Sur les premiers mois de l'année 2016, le produit des DMTO a augmenté de 13 %. Je ne vois dans ces hausses aucune décision d'élu.

Par ailleurs, la revalorisation forfaitaire des bases des taxes directes locales, adoptée par le Parlement avec un avis de sagesse de votre serviteur, explique environ un quart des hausses de produit fiscal.

L'évolution naturelle des bases, notamment les constructions - ce que l'on appelle les variations physiques des bases - en explique la moitié.

Les décisions de hausses de taux ne représentent donc qu'un quart de la hausse du produit fiscal de la taxe d'habitation, de la taxe foncière et de la cotisation foncière des entreprises, soit 726 millions d'euros sur 2,6 milliards d'euros. Je tiens à votre disposition le détail des chiffres que je viens de vous indiquer.

Nous avons également comparé les hausses de taux en 2015 - première année du cycle électoral - à celles du dernier cycle électoral, en 2009. Cette année-là, les taux de taxe d'habitation avaient augmenté de 3,5 % ; en 2015, ils ont augmenté de 1,2 %, soit trois fois moins.

En 2009, la taxe foncière a augmenté de 4,5 % ; en 2015, elle a augmenté de 1,3 % en moyenne, soit trois fois moins.

Pour dire les choses simplement, il arrive souvent que les premières années de mandat correspondent à des années d'augmentation des taux. Je constate qu'en 2015 ces augmentations ont été trois fois inférieures, s'agissant de la taxe d'habitation et de la taxe foncière, à celles de 2009. Ces chiffres sont incontestables et chacun pourra en tirer les leçons qu'il souhaite.

Troisième constat, les collectivités locales ont fait des efforts pour réduire leurs dépenses de fonctionnement.

Vous ne m'avez jamais entendu critiquer la gestion des collectivités territoriales. Au contraire, je considère que nous pouvons collectivement nous féliciter des efforts réels entrepris pour limiter la progression des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales qui ont augmenté de 1,67 % en 2015, alors qu'elles avaient augmenté de 2,53 % en 2014. Il ne s'agit pas d'un procès, mais d'un constat.

Ce ralentissement important est bienvenu. Il se retrouve, par exemple, dans les dépenses de personnel qui ont augmenté de 1,9 % en 2015, alors qu'elles avaient augmenté de 4,1 % en 2014.

Comme vous le savez, l'objectif du Gouvernement est de réaliser des économies pour réduire le taux de progression de la dépense publique. La dépense locale, qui représente environ 20 % de cette dépense publique, augmentait historiquement en moyenne de 3 % par an, hors transferts de compétences, soit un taux largement plus élevé que celui de la croissance.

Il est sain que cette progression soit moins dynamique. La politique du Gouvernement y a probablement contribué, notamment à travers la baisse des dotations. Nous pouvons, quoi qu'il en soit, nous féliciter de ce résultat.

Quatrième constat, la capacité d'autofinancement (CAF), des collectivités locales progresse. En effet, en 2015, les recettes de fonctionnement ont davantage augmenté - 1,73 % - que les dépenses de fonctionnement - 1,67 %. La CAF est donc en progression de 2,1 %.

Je le répète, il s'agit d'un constat global qui n'est pas applicable à tous. En moyenne, la CAF des départements et des régions se réduit, - 1,8 % pour les départements et - 2,7 % pour les régions, tandis que celle des communes et des intercommunalités augmente.

Cinquième constat, même si cette CAF progresse, l'investissement local continue de diminuer.

Je n'ai jamais dit que tout allait bien dans les finances locales. Si on a pu lire, ici ou là, que j'avais exprimé l'idée que ces finances étaient saines, il ne s'agissait aucunement d'une insulte - bien au contraire ! - à la gestion des élus.

Je constate néanmoins que si les sections de fonctionnement se portent globalement mieux, l'investissement a encore diminué de 8,3 %, hors remboursement d'emprunt, en 2015, après avoir baissé de 7,8 % en 2014.

Les causes de cette baisse, indéniablement plus marquée que dans les cycles électoraux habituels, ne résident pas uniquement dans la baisse des dotations. Les incertitudes liées à la réforme territoriale, au calendrier, au périmètre des nouvelles intercommunalités ont pu conduire à reporter certains projets.

Par ailleurs, le climat excessivement catastrophiste entretenu par certaines associations d'élus a pu aider. Avec un tel discours, quel élu pouvait anticiper que ses recettes et sa CAF allaient progresser en 2015 ?

Enfin, la hausse inédite de près de 15 % des dépôts des collectivités locales sur le compte du Trésor, qui sont passés de 30,6 à 35,1 milliards d'euros entre 2014 et 2015, illustre cet attentisme en matière d'investissement local.

Ces constats montrent que toutes les conditions sont aujourd'hui réunies pour un redémarrage de l'investissement local. Viennent s'y ajouter les mesures annoncées par le Président de la République : création du Fonds de soutien à l'investissement local doté de 1 milliard d'euros et élargissement du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), en 2016 ; réduction de l'effort de baisse de dotations porté par le bloc communal de 1 milliard d'euros et majoration à 1,2 milliard d'euros du fonds de soutien à l'investissement en 2017.

Cette présentation des principaux éléments de l'exécution 2015 avec la transparence et la franchise habituelles touche à sa fin.

Je n'ai pas évoqué en détail la sécurité sociale, dont la situation financière, vous l'aurez certainement remarqué, s'est également améliorée.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Nous en convenons, le déficit budgétaire est inférieur à la prévision retenue en loi de finances initiale. Pour autant, partagez-vous le constat de la Cour des comptes selon lequel « l'amélioration apparente du déficit budgétaire par rapport à 2014 résulte largement de l'impact du deuxième programme d'investissements d'avenir lancé en 2014 et du versement au titre du mécanisme européen de stabilité (MES), effectué cette même année. Une fois ces éléments exceptionnels retraités, le solde budgétaire ne s'améliore que de 300 millions d'euros ».

Si cela reste une somme, nous nous inscrivons davantage dans la stabilité que dans l'amélioration. La Cour des comptes, qui mène sa réflexion dans la collégialité et dont l'objectivité est hors de doute, considère que l'amélioration du solde budgétaire n'est que de 300 millions d'euros. Quel est votre regard sur ces éléments exceptionnels ?

Les recettes se sont également améliorées, en partie en raison d'éléments exceptionnels. Je pense, par exemple, au travail du service de traitement des déclarations rectificatives, le STDR, et à la modification du régime des successions. Pourriez-vous distinguer la part pérenne de la part exceptionnelle des recettes ?

Le plan de lutte contre le terrorisme, annoncé en mars 2015, prévoyait 2 680 emplois supplémentaires. Pourriez-vous nous dire combien d'emplois ont été effectivement créés et pourvus au 31 décembre 2015 ?

Toujours dans le domaine de la sécurité, le garde des Sceaux, Jean-Jacques, Urvoas nous a dressé hier un constat plus qu'alarmiste sur la situation du ministère de la justice. Il a très honnêtement reconnu que les choses ne pourraient s'améliorer en une seule loi de finances. Que pensez-vous de la situation du ministère de la justice ?

À vous écouter, je me demandais pourquoi le Président de la République s'était engagé à réduire la baisse de la dotation globale de fonctionnement ? Si les choses vont si bien, si tous les comptes s'améliorent, ce n'était pas nécessaire...

La seule chose qui soit certaine, c'est la baisse nette de 13,42 % de l'investissement. C'est inquiétant, même si je conviens que la situation est très différente selon les collectivités. La situation des départements, par exemple, ne peut être comparée à celle du bloc local.

Enfin, j'ai demandé à vos services de m'indiquer le nombre de communes surveillées par le réseau d'alerte. On m'a répondu qu'il s'agissait d'une information confidentielle, ce que je trouve étonnant. Pourriez-vous au moins nous indiquer si le nombre de ces communes est stable ou s'il augmente ?

M. Christian Eckert , secrétaire d'État . - Non, il n'est pas normal que l'on vous ait fait cette réponse, monsieur le rapporteur général. Vous aurez communication de ce chiffre, dans les meilleurs délais. Je crois déjà pouvoir vous dire que le nombre de collectivités en réseau d'alerte n'a pas significativement augmenté.

N'attendez pas du secrétaire d'État chargé du budget qu'il critique l'objectivité de la Cour des comptes. Permettez-moi tout de même d'être en désaccord avec elle ; un désaccord n'est pas forcément une critique de l'institution.

Il est toujours facile de considérer les événements favorables comme exceptionnels et les autres non. Je n'ai jamais caché que le PIA était une source exceptionnelle d'accroissement du déficit en 2014. Encore faut-il sortir la part du PIA, soit 12 milliards d'euros dans le déficit quand on compare 2015 à 2014, comme je l'ai dit dans mon propos liminaire.

La participation au mécanisme européen de stabilité peut effectivement être considérée comme exceptionnelle. Mais alors quid , par exemple, des dépenses relatives aux apurements communautaires, dont nous avons hérité ? Nous avons certes obtenu des délais, mais nous payons les « difficultés de gestion » de nos prédécesseurs qui représentent 400 millions d'euros par an. L'année dernière, je crois même que nous avons réglé deux annuités, soit 800 millions d'euros ! Vous m'accorderez que ce n'est pas une paille.

Ne pourrait-on aussi considérer qu'une partie des dépenses de sécurité liées à la situation internationale, qu'il s'agisse d'opérations extérieures ou intérieures, soient exceptionnelles ?

La mise en oeuvre du Pacte ne peut-elle être également considérée comme exceptionnelle ? Nous parvenons à réduire le déficit de l'État tout en diminuant le poids des prélèvements obligatoires fet en compensant intégralement les pertes de recettes - à hauteur de 5 milliards d'euros - de la sécurité sociale.

Tous ces éléments devraient vous inciter à porter un regard quelque peu différent sur la rapidité de la diminution du déficit.

Les prévisions de recettes ont été relativement prudentes puisque - chose assez rare pour être soulignée - nous les avons réalisées malgré une inflation plus basse que prévu.

Vous m'interrogez sur le STDR. Ce service produira en 2016 des recettes à peu près équivalentes, peut-être même légèrement supérieures, à celles de 2015.

Le STDR n'a encore traité qu'un tiers des 45 000 dossiers qui lui ont été transmis. Il s'agit là, à l'évidence, d'une source de recettes importante pour plusieurs années. Chaque dossier reçu élargit l'assiette d'un certain nombre d'impôts : plus de 30 milliards d'euros d'avoirs ont déjà été révélés, au sens propre du terme.

Si les modalités de recouvrement des droits de succession ont évolué entre 2014 et 2015, ce ne sera pas le cas entre 2016 et 2015. Je ne pense donc pas qu'il s'agisse d'un ressaut exceptionnel, mais bien de recettes pérennes.

Il est trop tôt pour être affirmatif et nous ne sommes pas encore en mesure de chiffrer l'impôt sur le revenu, mais les indications dont nous disposons - TVA, impôts directs et même masse salariale - semblent montrer - je parle prudemment, je suis filmé - que les recettes seront en ligne avec nos prévisions.

Je ne suis pas encore en mesure de répondre à votre question sur les emplois. Nous sommes en pleine conférence budgétaire et nous faisons le point, ministère par ministère, sur les emplois effectivement occupés et ceux qui pourraient rester vacants. La plupart du temps, les ministres sont extrêmement sourcilleux sur le fait que les schémas d'emploi soient reproduits, voire augmentés, d'une année sur l'autre.

Nous travaillons avec Jean-Jacques Urvoas sur bien des sujets. Les reports de charges du ministère de la justice, sur une année ou plusieurs années, sont effectivement préoccupants. Je dois toutefois souligner qu'ils ont légèrement diminué - d'environ 30 millions d'euros - fin 2015 par rapport à fin 2014.

Il faut aller plus loin, il faut aller plus vite. J'ai proposé à Jean-Jacques Urvoas - cette information a été reprise par un grand quotidien du soir - que son administration travaille conjointement avec l'inspection générale des finances pour regarder la façon dont le ministère de la justice gère ses crédits.

La Cour des comptes s'est exprimée sur ce sujet. Si la Cour des comptes n'a pas toujours raison, elle n'a peut-être pas non plus toujours tort. Il faut regarder comment le ministère de la justice organise ses marchés publics et comment il s'intègre à la nouvelle direction des achats de l'État. La mutualisation des achats de l'État peut produire des économies extrêmement importantes. Je n'ai pas le temps, à moins que vous n'insistiez, de détailler ce point.

Nous aurons l'occasion, lors de la présentation du projet de loi de finances, de nous arrêter sur le ministère de la justice. N'ayant pas encore rencontré Jean-Jacques Urvoas dans le cadre des conférences budgétaires, je préfère ne pas en dire plus.

Par ailleurs, les moyens informatiques modernes me permettent de vous préciser que 1 600 communes étaient inscrites sur le réseau d'alerte, fin 2015, ce qui représente une légère hausse par rapport à 2014. Je vous présente mes excuses si la réponse qui vous a été transmise était incomplète.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Avec Charles Guené et d'autres collègues, nous avions travaillé sur la réforme de la taxe professionnelle. Je remercie le secrétaire d'État de reconnaître que la CVAE est une recette dynamique, en augmentation de 4,5 %.

M. Christian Eckert , secrétaire d'État . - Pardon mais il me semble que tel n'a pas toujours été le cas.

Je me souviens que beaucoup de collectivités locales, dont certaines situées dans l'agglomération parisienne, se sont étonnées, voilà deux ans, d'une baisse de la CVAE...

M. Charles Guené . - Je vais d'autant moins contester vos chiffres que nous avons les mêmes sources.

Selon vous, les résultats des collectivités locales donnent raison aux prévisions que vous aviez retenues, tout en reconnaissant qu'il existe un problème en matière d'investissement local. Malgré les pistes que vous proposez pour améliorer les choses, je pense que cette situation peut encore se dégrader.

La programmation est un critère essentiel de l'investissement local. En rédigeant le rapport au nom de la délégation aux collectivités territoriales relatif à l'évaluation des finances locales, nous pensions que le plein effet de la baisse des dotations serait senti en 2017. Ce sera sans doute un peu plus tard, puisque le prélèvement va être différé.

Parler de prévisions respectées me rappelle une discussion que nous avons eue au sein cette commission au sujet de l'objectif d'évolution de la dépense locale, l'Odedel. Sur la période qui nous concerne, en confrontant les prévisions de recettes à l'évolution des bases physiques et aux hausses de taux, nous retrouvons bien une correspondance.

Cependant, je persiste à dire qu'il s'agit de conclusions macroéconomiques qui cachent des réalités très inquiétantes. Nos collectivités locales sont très hétérogènes ; certaines d'entre elles connaissent de graves difficultés. Vous évoquez une augmentation moyenne des taux de 13 %, mais je connais des collectivités qui ont dû les augmenter de 50 % ! Derrière ces chiffres se cachent des surprises qui vont aller grandissantes.

Vous avez indiqué que la réforme de la DGF était reportée. Il s'agit d'un facteur d'incertitude. Ce que je vous dis de l'hétérogénéité plaide pour une réforme rapide d'une réforme de la DGF. D'ici à 2018, certaines collectivités connaîtront de gros problèmes.

Pensez-vous que l'article 150 du projet de loi de finances pour 2016 puisse répondre aux deux grandes problématiques que nous connaissons s'agissant sur de la DGF et des ressources globales des collectivités ? Il s'agit premièrement de la répartition de la richesse sur notre territoire qui a terriblement évolué durant les trois dernières décennies. Nous ne pouvons donc plus conserver le même système.

Le deuxième problème concerne la façon d'appréhender les charges des collectivités territoriales. Pensez-vous que celle-ci soit toujours viable, alors que cette question n'est pas abordée dans l'article 150 tel qu'il est rédigé ?

Mme Michèle André , présidente . - Je rappelle à la commission que nous entendrons, le 29 juin prochain, les conclusions du groupe de travail sur la réforme de la DGF que nous avions confié à Charles Guené, ainsi qu'à Claude Raynal.

Nous serons alors sans doute un peu plus informés. Je remercie tous ceux de nos collègues qui ont participé à ce travail.

M. Vincent Delahaye . - Monsieur le secrétaire d'État a reconnu l'objectivité de la Cour des comptes, voilà déjà une bonne chose.

Vous nous dites que les reports de charges d'une année sur l'autre ont un peu diminué. Après le pic historique de 2014 à plus de 10 milliards d'euros, ils sont aujourd'hui légèrement inférieurs à 10 milliards d'euros. Pensez-vous que nous allons progressivement résorber ces reports annuels et à quel rythme ?

Par ailleurs, quel crédit accordez-vous aux chiffres de Rexecode ?

La question des collectivités territoriales mériterait un débat en soi. Vous dénoncez l'attentisme des élus en matière d'investissement, mais l'incertitude est trop grande pour ne pas être attentiste. Les élus locaux sont dans l'incertitude permanente, leur vision de l'avenir est nulle. Certains pourraient sans doute investir davantage, mais ils ont peur. Ce que vous dites de l'augmentation des sommes mises en réserve sur les comptes du Trésor est logique dans la mesure où les élus locaux ne savent pas où ils vont.

L'État aurait, selon vous, participé à la maîtrise des dépenses des collectivités. Permettez-moi de sourire : quand on voit les augmentations de cotisations, de TVA, le glissement vieillesse-technicité (GVT) -, les rythmes scolaires, tout ce qui nous a été imposé et qui s'est ajouté à nos dépenses, je ne comprends pas comment vous pouvez dire que l'État a participé à la maîtrise des dépenses !

Bien au contraire, ce sont les élus à la tête des collectivités depuis 2014 qui ont fait preuve de raison et de sagesse en augmentant peu les impôts. Certes, l'augmentation des bases peut les aider et cela arrange tout le monde quand c'est le Parlement qui relève les bases. Cependant, la logique aurait voulu que l'on augmente peu les bases, compte tenu d'une inflation nulle, et que les baisses de dotation ne soient pas aussi importantes.

M. Michel Bouvard . -J'avais souligné, voilà quelques mois, la qualité du travail des équipes de l'Agence France Trésor (AFT). Elle est de nouveau manifeste : la gestion de la dette nous a permis de récupérer un peu plus de 20 milliards d'euros sous forme de prime d'émission, ce qui permet mécaniquement une moindre augmentation de la dette cette année. Les effets de 2017 à 2020 ont-ils été analysés et une stratégie durable a-t-elle été définie ?

Nous avons réalisé un travail précis sur le budget du ministère de la justice qui a mis en évidence l'existence de décalages entre les inscriptions en autorisation d'engagement et les crédits de paiement, ce qui est totalement orthogonal aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances. Cette situation se retrouve-t-elle dans d'autres ministères ? Sur le seul ministère de la justice, le décalage est d'environ 120 millions d'euros, ce qui n'est pas négligeable.

Sur l'exercice 2015, 8 milliards d'euros ont été mis en réserve dont 50 % ont été annulés. Ces mises en réserve et ces annulations ont des amplitudes très variables d'un programme à l'autre, d'une action à l'autre. Elles révèlent la tendance de certains ministères à « sous-inscrire » sur les programmes dont ils savent qu'ils seront mécaniquement abondés, afin d'échapper aux mises en réserve. Il en résulte des mises en réserve et des annulations d'autant plus violentes sur d'autres programmes. Je pense, par exemple, aux annulations portant sur l'aide aux victimes, au sein du budget du ministère de la justice, qui s'élèvent à plus de 10 %. Ne devrait-on pas, là aussi, mener une opération de vérité et de transparence ?

Pouvez-vous enfin nous expliquer les raisons de l'accroissement de 1,8 milliard d'euros du résultat des comptes spéciaux ?

M. Dominique de Legge . - Je ne reviendrai pas sur le sujet des collectivités territoriales, sinon pour dire que je partage ce qui vient d'être dit par Vincent Delahaye et Charles Guené.

En fin d'année, nous avons inscrit des crédits en remplacement des recettes exceptionnelles sur le budget de la défense. Eu égard au délai très court dont nous disposions pour mobiliser ces crédits, ont-ils pu être intégralement dépensés ? Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur leur taux d'exécution ?

En fin d'année, un jeûne général a été décidé pour respecter la norme de dépense. Il me semble que les crédits concernés s'élevaient à 590 millions pour le ministère de la défense. Y aura-t-il un report sur 2016 pour honorer les dépenses engagées en 2015 ?

M. Francis Delattre . - Vous avez déclaré, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale : « Avant de conclure, je voudrais réagir à la manière dont la Cour des comptes envisage l'évolution du déficit de l'État [...]. Un peu à la manière du rapporteur général du Sénat, la Cour retraite cette évolution de différents éléments qualifiés d'exceptionnels ». Ne trouvez-vous pas choquant de mettre en cause une assemblée par rapport à une autre ? À moins que vous ne soyez troublé par le fait que la Cour des comptes est désormais notre conseiller sur un certain nombre de sujets ?

Les comptes publics ont bien été certifiés par la Cour, mais vous oubliez toujours de dire qu'elle a émis cinq réserves, dont au moins quatre vous concernent directement : le service d'information financière et comptable de l'État est coûteux, peu sûr et exposé à des risques d'erreur ; les dispositifs ministériels de contrôle et d'audit internes ne sont pas organisés ; la comptabilisation en droit constaté des produits régaliens, autrement dit du produit des impôts, des créances et des dettes fiscales continue de pâtir des insuffisances des données fiscales ; et - cerise sur le gâteau - la Cour des comptes ne peut se prononcer sur la fiabilité et l'évaluation d'un grand nombre de participations financières. Dès lors quelles dispositions allez-vous prendre pour remettre tout cela en ordre ?

Le rapporteur général a expliqué que, de 15 milliards d'euros d'économies nous étions passés à 4 milliards, et que cette somme s'élevait en réalité à 300 millions d'euros.

La dette, quant à elle, ne s'est stabilisée qu'en raison d'une politique d'émissions menée par l'Agence France Trésor, qui a ainsi pu récupérer environ 23 milliards d'euros sous forme de primes à l'émission. Que pense la Cour des comptes de ce système ? Elle dit très clairement que la dette rattrapera progressivement le niveau qu'elle aurait atteint en l'absence de cette politique !

Vous nous dites que les choses vont mieux en matière de maîtrise des dépenses. La Cour des comptes parle d'une maîtrise des dépenses « partielle » dont les résultats sont « fragiles ».

Ces derniers sont d'autant plus fragiles que le montant de la réduction des dépenses, qui s'élève en réalité à 1,7 milliard d'euros, repose à 60 % sur des prélèvements effectués sur les fonds de roulement d'organismes publics qui ne sont pas reconductibles en 2016. Nous avons une conception différente des choses. Comment parler de progrès quand rien n'est pérenne ?

La Cour des comptes dénonce enfin des contournements de la charte de budgétisation qui ont permis de minorer, entre autres, les problèmes de la dette. Ces contournements ont pris la forme d'une substitution de recettes affectées à des crédits budgétaires.

Les bases sont non seulement fragiles, mais aussi de plus en plus difficiles à cerner pour les parlementaires que nous sommes. Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur les réflexions de la Cour des comptes ?

M. Christian Eckert , secrétaire d'État . - Francis Delattre, la certification des comptes de l'État par la Cour a toujours donné lieu à de nombreuses réserves. On en comptait 13 en 2006, 6 lors de ma première certification des comptes. Par rapport à 2014, 43 composantes de ces réserves ont été levées, ce qui traduit une amélioration continue de la présentation des comptes de l'État.

Si les choses peuvent toujours être améliorées, passer de 13 réserves en 2006, à 5 en 2015 montre une certaine progression. Je me réfère à 2006 pour montrer que nos prédécesseurs ont aussi dû essuyer un certain nombre de réserves, dont beaucoup ont été levées par la Cour. Tout cela me fait penser aux commissions de sécurité des établissements recevant du public, les ERP...

Je n'ai pas mis en cause le rapporteur général, et encore moins le Sénat. Albéric de Montgolfier parle souvent d'économies de « constatation ». C'est un peu dans cet esprit que j'ai fait cette remarque. Mais vous n'avez pas employé ce terme aujourd'hui et je ne vais donc pas ouvrir un débat que vous n'avez pas ouvert.

Je constate, Francis Delattre, que vous avez lu Le Canard enchaîné d'aujourd'hui...

M. Francis Delattre . - Pas du tout, monsieur le secrétaire d'État !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Nous ne l'avons pas lu ! Il faut nous le montrer !

M. Christian Eckert , secrétaire d'État . - ... qui parle de « trucage ». Revenons sur l'historique : monsieur de Courson a posé une question au Gouvernement, à l'Assemblée nationale, voilà environ trois semaines. La Tribune a ensuite publié un article, voilà une dizaine de jours, avant que la Cour des comptes ne s'intéresse à ce sujet. Ce matin, c'est au tour du Canard enchaîné ...

Il faut tout de même distinguer ce qui relève du trucage, de la dissimulation, de ce qui relève d'une pratique courante. Les primes à l'émission sont pratiquées par l'Espagne, le Royaume-Uni, la plupart des pays... Eurostat fixe les règles de calcul de la comptabilité nationale et l'Insee se conforme, en toute indépendance, à ces règles européennes.

Les taux, aujourd'hui, sont très faibles et même négatifs à certaines échéances.

Avec les primes à l'émission, notre objectif de financement du déficit est respecté et l'impact de ce dernier sur la dette est inférieur à ce qui était prévu. Il s'agit d'une pratique courante dans la gestion de la dette.

L'effet peut jouer dans ce sens, avec des primes à l'émission, mais aussi dans l'autre, c'est-à-dire conduire à payer des décotes à l'émission. Tout dépend des taux de marché. Cela nous permet aussi d'assurer la liquidité de la dette française. Il n'y a aucun loup.

Je veux être extrêmement clair sur la question des prélèvements sur fonds de roulement, considérés comme scandaleux par d'aucuns. Je ne suis pas de ceux-là. À partir du moment où nous voulons réduire le déficit public sans augmenter les prélèvements obligatoires - nous les avons même baissés ! - il est utile d'aller regarder dans certains fonds de roulement. Il s'agit parfois de sommes très importantes qui correspondent à plus d'une année de dépenses de fonctionnement. Je n'entends pas renoncer à cette méthode.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Pour la recherche également ?

M. Christian Eckert , secrétaire d'État . - La recherche comme le reste. Le fonds de roulement du CNRS est tout à fait suffisant pour assurer les dépenses de fonctionnement.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Et celui du CEA ?

M. Christian Eckert , secrétaire d'État . - C'est un peu moins le cas du CEA, mais puisque vous m'y invitez, que les choses soient claires : nous avons retenu un prélèvement inférieur aux préconisations du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le CEA. J'ai tenu les mêmes propos devant l'Assemblée nationale, vous pourrez le vérifier.

Nous avons constaté quelques tentatives de débudgétisation via le PIA. D'aucuns voudraient y transférer certaines dépenses qu'ils estiment relever des investissements d'avenir. Mais comment les caractériser ? Les aides à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) par exemple, relèvent-elles de la transition énergétique ? Nous sommes en pleine préparation du PIA III, ce sera l'occasion de recentrer un peu les choses.

Michel Bouvard a fait une remarque tout à fait pertinente sur la question de la mise en réserve et des sous-budgétisations. Nous préparons actuellement le budget : quand le ministère du budget dit 100, le ministère concerné demande 120, quand ce n'est pas 180. Et chaque fois que nous essayons de rapprocher les points de vue, les ministères tentent l'opération décrite par Michel Bouvard en proposant de diminuer les crédits sur certaines dépenses dont ils savent très bien qu'elles devront être faites. Ce peut être le cas des allocations logement, par exemple.

Le phénomène, assez itératif, porte généralement sur les dépenses de prestations, appelées parfois dépenses de guichet. Le ministère concerné se dit qu'au mois de septembre ou d'octobre, quand il n'aura plus les sous pour payer, il faudra bien dégeler les crédits nécessaires.

Laissez-moi vous rassurer : je ne suis pas un perdreau de l'année, c'est déjà la troisième fois que je me livre à cet exercice et je suis attentif à ce type d'opération.

Je comprends que l'on s'interroge sur l'importance de la réserve de précaution. Reconnaissez toutefois que préparer, au mois de juin, un budget au mois dont l'exécution aura lieu six à dix-huit mois plus tard revient à faire un saut dans l'inconnu. Prenons l'exemple de la crise agricole : n'était-il pas nécessaire d'alléger les cotisations des agriculteurs ? Que dire des opérations de sécurité ?

En 2014 et en 2015, nous n'avons pas été mécontents de pouvoir couvrir les dépenses que vous avez parfois appelées « cadeaux » par des crédits mis en réserve en début d'année. Ces réserves nous permettent d'être réactifs, de pouvoir réaliser des ajustements. Et comme le rappelait Michel Bouvard, une grosse partie de ces crédits a été annulée, ce qui correspond à une économie nette.

M. Michel Bouvard . - Que vaut-il mieux privilégier, le collectif ou la mise en réserve ?

M. Christian Eckert , secrétaire d'État . - Je crois que nous pouvons jouer sur les deux.

Le solde des comptes spéciaux se décompose de la manière suivante : 300 millions d'euros pour le compte d'avance aux collectivités ; 400 millions d'euros pour la participation de la France au désendettement de la Grèce ; 700 millions d'euros pour le refinancement de prêts à des États étrangers ; et 400 millions d'euros pour diverses opérations dont vous pourrez obtenir le détail sur demande.

Nous sommes en train de mettre en place une Direction de l'immobilier de l'État qui aura vocation à régler un certain nombre de problèmes dont je pense qu'ils sont aujourd'hui mal gérés.

Aujourd'hui, chacun des ministères et chacun des opérateurs de l'État - ils sont nombreux - considère les bâtiments qu'ils occupent comme leur propre propriété, alors qu'ils appartiennent à l'État.

Il me semble que l'analyse des besoins n'est pas toujours faite de manière très cohérente. Il m'est arrivé de devoir signer une promesse de vente, me semble-t-il, qui expirait le jour même à minuit ! Parfois encore, des ministères ou des opérateurs montent des opérations immobilières qu'ils considèrent opportunes et légitimes sans avoir forcément exploré l'ensemble des disponibilités, ni même songé - quelle idée saugrenue ! - que les services de l'État n'ont pas tous vocation à être situés à moins d'un kilomètre à la ronde de l'Élysée ou de Matignon.

Nous sommes en train de mettre en place de nouveaux dispositifs, aussi bien dans les services centraux que dans les régions. France Domaine, dont le nom et la structuration va changer, va se rapprocher des préfets pour permettre une gestion « plus optimale » - c'est un euphémisme - de l'immobilier de l'État.

Le ministère de la justice, comme les autres, est concerné par cette nouvelle organisation.

M. Michel Bouvard . - Ma question portait sur l'absence de concordance entre autorisations d'engagement et crédits de paiement, ce qui est contraire aux règles de la loi organique relative aux lois de finances. En l'espèce, il s'agit de 120 millions d'euros, sur un seul ministère. Au final, cela peut représenter bien davantage. Il me semble que c'est un vrai sujet en lien avec les partenariats public-privé (PPP).

M. Christian Eckert , secrétaire d'État. - Je vous proposerai, en loi de finances, une nouvelle organisation financière de l'immobilier de l'État à travers un compte d'affectation spéciale (CAS), renforcé et la suppression du fameux programme 309. Nous discuterons aussi de l'alimentation du CAS par les opérations immobilières et des conditions d'utilisation de ce dernier.

Vincent Delahaye, eu égard aux délais de paiement, il peut s'avérer nécessaire de procéder à des reports de charges d'une année sur l'autre. La Cour des comptes a d'ailleurs reconnu que ces reports avaient diminué, y compris en matière de défense.

Rexecode est un organisme parmi d'autres. Nous sommes attentifs à leurs publications.

Cela étant dit, vous connaissez mon humilité récurrente par rapport aux prévisions et aux études. Des tas de gens font des tas d'études et, même si j'en retire toujours quelque chose, je suis assez réservé. Il ne vous aura pas échappé que l'Insee avait révisé à la hausse la croissance de 2014 voilà quelques jours, en la multipliant par trois ! Deux ans après la clôture de l'exercice, nous allons bientôt apprendre que 2014 était une période de croissance faste, alors qu'on a toujours cru qu'elle avait été atone !

Je n'ai rien contre l'Insee, dont je salue l'indépendance et la qualité du travail, mais cela me pousse à relativiser notre capacité de prévoir. Si l'on n'arrive pas à prévoir ce qu'il s'est passé deux ans auparavant, comment prévoir quoi que ce soit pour les deux ans à venir ?

Je n'ai pas dénoncé l'attentisme des collectivités locales, je l'ai constaté et j'en prends, au nom du Gouvernement, ma part de responsabilité.

J'ai mesuré, comme vous, l'incertitude liée aux regroupements des EPCI, à la non-détermination des compétences de ces futurs EPCI reformatés, ou encore aux problèmes de gestion des marchés en cours qu'il faut transférer, ou de ceux à venir qui n'ont pas toujours été finalisés, en raison des fusions de région...

Il s'agit d'un constat, non d'un reproche adressé aux élus locaux. J'ai simplement souligné, de façon un peu provocante, que les propos alarmistes de certains sur les questions financières avaient probablement accru cette frilosité.

Je cite toujours l'exemple de ce maire d'une commune de 1 000 habitants dont la traversée de village doit être refaite. Alors qu'il dispose de l'argent nécessaire pour le faire, il m'a expliqué avoir intégré le coût de ces travaux dans les négociations préalables à la fusion de sa commune. Finalement, ces travaux ont été différés d'un an !

J'ai simplement voulu dire que les baisses de dotation, à elles seules, n'expliquaient pas la baisse de l'investissement local. C'est mon point de vue et, comme dirait l'autre, je le partage.

Charles Guené a fait beaucoup de remarques et a posé des questions précises concernant la réforme de la DGF. Il faudra probablement revenir sur l'article 150 adopté l'année dernière, en loi de finances.

Selon vous, l'hétérogénéité des situations appelle à une réforme de la DGF. Je me réjouis de cette position, que je partage. Il n'a pas été possible de le faire l'année dernière, en loi de finances, pour toute une série de raisons complexes.

La balle appartient maintenant à celles et ceux qui voudront bien s'en saisir. Je crois que votre assemblée y travaille, tout comme l'Assemblée nationale. Je crois même savoir que des contacts ont été établis avec vos collègues députés. Si des propositions consensuelles peuvent être formulées, par exemple en matière de péréquation, nous pourrons, le cas échéant, les intégrer immédiatement au prochain projet de loi de finances.

Vous aviez aussi demandé, me semble-t-il, tout comme l'Association des maires de France (AMF) qu'une loi spécifique réforme la DGF. Le Président de la République est allé dans ce sens. Si les parlementaires ont suffisamment travaillé et que le texte est prêt à être inscrit à l'ordre du jour, le Gouvernement s'inscrira dans cette démarche.

Dominique de Legge, le taux d'exécution des 2 milliards d'euros de crédit qui ont abondé la mission « Défense » a été conforme aux prévisions. La défense savait que les crédits allaient arriver en fin d'année et tout a été géré correctement.

Les reports de l'ensemble des ministères ont été mis en réserve. Celui de la défense a eu un traitement plus favorable dans la mesure où le premier décret d'avance ne comportait aucune annulation. Nous avons parfois procédé à un gel supplémentaire, mais le gel, par définition, peut s'interrompre. Tout crédit gelé peut être dégelé, et pas forcément annulé.

Nous verrons comment respecter la loi de programmation militaire (LPM). Nous nous y étions engagés l'année dernière, et nous avons tenu notre engagement. Bien évidemment, le même engagement vaut pour cette année. Je crois d'ailleurs pouvoir dire que les LPM n'avaient plus été respectées depuis de très nombreuses années.

M. Philippe Dallier . - Nous avons rarement constaté un tel décalage de tonalité entre un membre du Gouvernement et le Premier président de la Cour des comptes.

Vous parlez d'une réduction du déficit de 5 milliards d'euros quand la Cour des comptes évoque 300 millions d'euros seulement.

Vous nous dites que la dette de l'État vis-à-vis de la sécurité sociale s'est améliorée, mais j'aimerais que vous nous expliquiez le tour de passe-passe opéré sur les APL.

Mi-décembre 2015, en loi de finances rectificative, nous avons rajouté 70 millions d'euros de crédits pour boucler l'année. Cette somme aurait pu permettre de réduire la dette des APL envers le Fonds national d'aide au logement (FNAL), en la faisant passer de 171 millions à 100 millions d'euros. Or, quelques jours plus tard, il a été décidé de bloquer 300 millions d'euros.

Je n'arrive pas à comprendre : pour la première fois depuis bien longtemps, nous avions de quoi payer la totalité de la dépense de l'année et réduire un peu la dette. Et en trois jours, on change d'avis et on enlève 300 millions ! La Cour des comptes dit qu'il s'agissait de respecter la norme de dépenses. Mais si la réduction du déficit était vraiment de l'ordre de 5 milliards d'euros, était-on à 300 millions d'euros près ? Par contre, si le premier président de la Cour a raison et que la réduction des déficits n'est que de 300 millions d'euros, je comprends vos réticences...

Voilà deux ans, Charles Guené et moi-même avons rédigé un rapport sur l'évolution des finances locales dans lequel nous avons très clairement montré que la baisse des dotations entraînerait une baisse de l'investissement de 30 %. Nous y allons tout droit ! Nous en sommes presque à 20 %, alors que la baisse des dotations s'est élevée à 1,5 milliard d'euros en 2014 et à 3,6 milliards d'euros en 2015. Elle sera de nouveau de 3,6 milliards d'euros en 2016. Quant à 2017, on ne sait plus très bien si la dernière tranche sera réduite de moitié ou s'il s'agit d'un étalement sur deux ans... Toujours est-il qu'une fois ces diminutions absorbées, nous aurons atteint les 30 % annoncés !

Les collectivités locales, et notamment les communes, sont en train de tirer sur l'entretien de la voirie, des bâtiments publics... Au final, tout cela coûtera bien plus cher.

Si les élus se sont montrés modérés en matière de progression de la fiscalité, c'est aussi parce que nos concitoyens n'en peuvent plus ! Il ne faut pas voir un signe trop positif dans le fait que les élus locaux y soient allés moins fort qu'au lendemain des échéances électorales de 2009. Nous allons devoir rogner sur les investissements de manière très importante, et nous le paierons finirons par le payer.

M. Marc Laménie . - Vous avez évoqué la progression des recettes réelles de fonctionnement des collectivités locales. L'augmentation des bases, dans un souci d'équité, peut générer une hausse significative de la fiscalité directe locale.

Mme Fabienne Keller . - Je voudrais revenir sur les primes à l'émission que perçoit l'État. C'est magique ! La dette globale augmente moins alors que la réalité financière n'a pas changé. Pouvez-vous me confirmer, monsieur le secrétaire d'État, que le total de ces primes à l'émission représente 22 milliards d'euros en 2015 ?

Je voudrais également me pencher sur les collectivités locales, dont vous avez longuement commenté la situation. Vous avez relevé l'augmentation de leurs recettes de fonctionnement et regretté fortement la diminution de l'investissement local. Vous avez également dit que la capacité d'autofinancement progressait. Pourriez-vous documenter, maintenant ou plus tard, l'amélioration de cette capacité d'autofinancement ? Est-elle liée à des phénomènes conjoncturels tels que la baisse importante des charges d'énergie pour les communes ou la revalorisation des bases qui engendre des recettes supplémentaires ? A-t-elle une autre origine ?

Ce que vous dites ne correspond pas du tout à ce que je vis. Je connais les comptes de la ville et de la métropole de Strasbourg : les dépenses de fonctionnement augmentent, mais la capacité d'autofinancement baisse, tout comme les investissements. Cette moyenne ne masque-t-elle pas l'hétérogénéité des collectivités, dont certaines connaissent de grandes difficultés ?

Nous étions plusieurs, l'année dernière, à vous interroger sur la baisse de 7,8 % des investissements. Vous aviez répondu à notre inquiétude en disant qu'une telle baisse était habituelle l'année d'un renouvellement municipal...

Cette explication ne semble pas tenir la route : vous avez vous-même souligné que l'investissement local continuait de baisser. Comme mes collègues, je voudrais solliciter votre analyse sur la question de la confiance. Quand on investit, ce n'est pas seulement sur la base des résultats de l'année écoulée, mais c'est aussi en considération des perspectives budgétaires des dix ou quinze ans à venir. Nous sommes nombreux ici à partager les inquiétudes des maires et des responsables d'intercommunalité que nous rencontrons.

M. Claude Raynal . - Notre débat ne porte que très peu sur le projet de loi de règlement, qui devait pourtant être le sujet majeur de cette réunion.

Les inquiétudes étaient grandes voilà un an. Certains disaient que le déficit public ne baisserait pas dans les proportions annoncées. Il a baissé encore au-delà des attentes ! Force est de reconnaître que, depuis deux ans, les résultats de l'État sont conformes aux prévisions. Retrouver confiance, c'est aussi retrouver confiance dans la parole de l'État.

Le taux de prélèvements obligatoires est en baisse à 44,7 %, les recettes sont supérieures à celles qui étaient estimées, la croissance est supérieure à ce qui était attendu, à 1,2 %, le pouvoir d'achat des Français a progressé de 1,8 %, la marge des entreprises est remontée à 31,4 %... Je ne dis pas que tout va bien, mais la ligne proposée par Christian Eckert depuis deux ans a été tenue. Si l'on veut redonner de la confiance aux investisseurs, il faut aussi saluer ces résultats.

En tant que rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », je crois pouvoir dire qu'il faut savoir faire preuve de mesure. Le débat m'a parfois semblé extravagant. Je me souviens du président de l'Association des maires de France déclarant que 10 % des collectivités seraient sous contrôle préfectoral fin 2015. Elles ne furent que 50, comme les années précédentes... Ce qui est excessif n'est plus crédible.

Comme nous, Christian Eckert sait qu'un propos général et macroéconomique ne permet pas de rendre compte de l'hétérogénéité des collectivités territoriales françaises.

L'augmentation de la CVAE et des DMTO s'applique plutôt à des territoires en développement, dans lesquels on gagne sur l'habitat et sur la puissance économique. La spécificité de notre territoire français est d'être de plus en plus localisé : beaucoup de territoires ruraux n'ont quasiment pas de DMTO et pas du tout de CVAE.

La question de la territorialisation de la CVAE va se poser encore davantage. La taxe professionnelle, déjà très concentrée sur l'Île-de-France, a été remplacée par une CVAE encore plus concentrée sur l'Île-de-France. Aujourd'hui, la CVAE profite très largement aux territoires d'Île-de-France, alors que l'activité peut se tenir dans des territoires plus ruraux ou en dehors de l'Île-de-France.

Je ne crois pas, contrairement à Philippe Dallier, que l'investissement des collectivités locales va continuer de baisser. Elles ont certainement été attentives à ce qu'il se passait sur le plan national, à l'impact de la baisse des dotations sur leur budget, mais je commence à percevoir les signaux d'un redémarrage.

Par contre, je pense que les collectivités locales vont privilégier un investissement qui n'induit aucune contrainte de fonctionnement tel que la voirie ou le patrimoine. Je ne pense pas qu'elles investissent beaucoup dans des crèches, par exemple.

Si l'on veut rassurer, à tout le moins ne plus inquiéter, et développer l'investissement, peut-être faudrait-il éviter de proposer une diminution de la dépense publique de 100 milliards d'euros ! Autrement, vous n'empêcherez pas les maires de penser au coup de rabot qui suivra ces promesses ! Essayons de ne pas inquiéter.

Mme Marie-France Beaufils . - Vous l'avez dit, les collectivités locales sont très hétérogènes et connaissent des situations fort différentes. C'est la raison pour laquelle toute vision globale semble en décalage par rapport à la réalité.

Est-il possible de mieux anticiper les évolutions de la CVAE ? C'est une question importante pour la préparation des budgets de nos collectivités locales. Nous disposons rarement de réponses véritablement claires et efficaces des services de la DGFiP.

Si les collectivités territoriales ont diminué leurs dépenses, comme vous l'avez souligné, c'est par obligation. Il serait intéressant de regarder sur quels secteurs ces baisses, imposées par la réduction des dotations, ont porté. Bien souvent, il s'agit en premier lieu des services aux habitants et de la vie associative. Si nous pouvions disposer de travaux plus précis, cela nous permettrait peut-être de mesurer quels sont les territoires les plus touchés.

M. François Marc . - Nous pouvons nous réjouir de ce que Christian Eckert nous annonce : le déficit public est meilleur que prévu. Ce constat résume parfaitement cet exercice. On a beau vouloir noircir les choses, les résultats sont meilleurs que prévu.

Le CICE arrive à maturité. Si l'on ajoute le pacte de responsabilité, les entreprises ont bénéficié de 24 milliards d'euros en 2015 et de 33 milliards d'euros en 2016. On entend certaines voix critiquer ces « cadeaux aux entreprises » qui n'apportent pas les retombées espérées. Pouvez-vous nous rappeler dans quelles conditions les marges se sont reconstituées et comment l'investissement repart ? Je pense qu'il est bon de mesurer les résultats à l'aune des efforts consentis.

Alors que la suppression définitive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) semblait actée, quelques informations circulent sur un éventuel compromis. Pouvez-vous nous confirmer la suppression de la C3S ?

L'année 2015 a été celle de la mise en route de la réforme de la contribution au service public de l'électricité (CSPE), avec un engagement de 5,9 milliards d'euros sur cinq ans. Quelle en est la concrétisation budgétaire ?

M. Yannick Botrel . - L'exécution du budget 2015 traduit une amélioration globale de la situation budgétaire de l'État, sans doute plus ou moins nuancée selon l'orientation politique de chacun.

Profitez-vous d'un effet conjoncturel ? Oui, sans doute. On vous l'a quelque peu reproché mais la conjoncture n'est-elle pas un élément de contexte, un peu comme l'arbitrage en football ?

Vous avez évoqué un montant de 12 milliards d'euros de recettes imputable aux régularisations fiscales. C'est une somme tout à fait considérable. Pensez-vous que cette recette puisse être stabilisée, voire améliorée ?

Les années précédentes, à la faveur des renouvellements municipaux, on faisait toujours allusion à la baisse de l'investissement public, et singulièrement du bloc communal. Pourquoi en irait-il différemment aujourd'hui ? Est-ce lié au contexte anxiogène déjà souligné par les uns et les autres ?

La dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) a été réévaluée cette année. Son enveloppe a-t-elle été affectée, voire consommée ? Si elle a été affectée, cela signifie que des investissements ont eu lieu. C'est mon sentiment, pour participer, comme plusieurs d'entre nous, à de nombreuses inaugurations en cette période de l'année.

J'observe d'ailleurs que ceux qui ont investi bénéficient d'un meilleur taux global de subvention. Les services de l'État, et particulièrement les sous-préfectures, sont intervenus auprès des mairies pour leur offrir l'information la plus complète sur l'augmentation de l'enveloppe de la DETR. Qu'en est-il de son exécution ?

L'hétérogénéité de la situation des collectivités territoriales a été largement soulignée. Elle est réelle et doit conduire à nous interroger, même si elle résulte en partie de choix déjà anciens faits par ces collectivités.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Lors de l'examen de chaque loi de règlement, je reviens sur la dette.

Je n'ai pas lu Le Canard enchaîné , et je ne veux pas parler de « trucage ». Mais tout de même, ce qui a été dit aujourd'hui des primes à l'émission me conduit à m'interroger. Il va falloir se pencher très attentivement sur cette question.

Pouvez-vous nous dire clairement la vérité ? Vous êtes un excellent dialecticien !

M. Christian Eckert , secrétaire d'État . - Je ne sais pas s'il s'agit d'un compliment...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Si, et c'est très rare dans ma bouche !

Vous êtes très fort, parce que vous arrivez à mélanger les questions de dette, de charge de la dette... Je vous prie simplement de me dire la vérité.

Notre dette publique est toujours plus élevée, il ne peut en aller autrement. Le dernier chiffre dont je dispose est celui d'une augmentation de 2,8 % en un an.

Il est vrai que cette dette publique est moins chère, mais elle est plus élevée. Nous sommes en déficit depuis quarante ans. Chaque année, ce déficit est financé par un emprunt supplémentaire. Arrêtez de dire que la dette est stationnaire, comme vous l'avez fait au bout de trois minutes de réunion seulement !

Quand on compare notre niveau de dette publique aux autres pays européens, il n'y a pas de quoi pavoiser. La plupart des économistes disent que nous sommes arrivés à un seuil problématique. Je sais bien que notre situation dépend de beaucoup de facteurs - inflation, taux de croissance, taux d'intérêt... -, je n'ignore rien de tout cela. La dette a-t-elle bien augmenté ou non ? Et de combien ?

M. Christian Eckert , secrétaire d'État . - Marie-Hélène Des Esgaulx, merci de vos compliments.

La dette peut s'apprécier de plusieurs façons : en valeur brute ou en pourcentage du PIB. La plupart des commentateurs et des observateurs internationaux l'apprécient en pourcentage du PIB. On pourrait aussi convertir le poids de la dette en année de recettes, comme pour les collectivités territoriales. Toujours est-il que nous utilisons les standards européens recommandés par Eurostat.

Dans mon propos liminaire, j'ai dit que la dette commençait à se stabiliser. Vous avez vanté mes qualités de dialecticien, mais je ne suis pas un littéraire, je suis prof de maths !

« Commencer à se stabiliser » signifie bien que la dette continue d'augmenter en valeur brute. Elle ne se stabilise qu'en raison de l'augmentation du PIB.

Fabienne Keller, les produits financiers de la dette doivent s'apprécier par rapport à leur diversité, même s'ils vont à l'encontre de ce que nous pouvons avoir l'habitude de connaître.

Il existe une différence fondamentale entre la gestion de la dette par l'État et la gestion de la dette traditionnelle : l'État ne rembourse jamais le capital de sa dette. Plus précisément, au moment où il le rembourse, il s'endette d'autant. La France fait comme les autres États, sa dette est perpétuelle.

Lorsque l'échéance tombe, nous souscrivons un nouvel emprunt pour un même montant - ou à peu près, suivant les disponibilités que vous pouvez avoir par ailleurs - soit sur la même durée, soit sur une durée plus courte ou plus longue. Les spécialistes disent alors qu'ils gèrent la dette en fonction des marchés.

En effet, le nouveau produit financier souscrit peut dépendre des conditions du marché. Aujourd'hui, par exemple, les taux d'intérêt sur les dettes à court terme sont extrêmement faibles, voire négatifs, y compris pour la France. Quand nous empruntons à trois mois, les taux d'intérêt offerts sont négatifs. L'Allemagne bénéficie de taux négatifs pour les dettes à cinq ans et, quasiment négatifs pour les dettes à dix ans.

Nous avons emprunté récemment un faible montant à cinquante ans, avec un taux de 1,75 %. La question pourrait être posée : pourquoi s'endetter à 1,75 % à cinquante ans alors que les taux sont négatifs à trois mois ? Les spécialistes de l'Agence France Trésor - et j'avoue ici les limites de mes compétences - m'ont expliqué que la diversification de leurs produits leur permettait d'améliorer la liquidité de la dette et favorisait une gestion optimale.

Si vous ajoutez à tout cela les sommes inscrites sur les comptes du Trésor qui permettent également de gérer les besoins de financement de trésorerie de court terme, nous atteignons une certaine complexité...

Je vais être franc avec vous : 22,7 milliards d'euros, le chiffre est bon. Il figure d'ailleurs dans tous les rapports. Ces primes à l'émission représentent à peu près 1 % du PIB en France, 1,2 % en Espagne et 0,9 % au Royaume-Uni. Il s'agit d'une gestion tout à fait courante, pratiquée par tous les pays du monde, sous l'égide des règles comptables arrêtées par Eurostat. Ce n'est pas un phénomène anormal.

Marie-Hélène Des Esgaulx, la dette a augmenté de 4,4 % en 2012, de 2,8 % en 2013, de 0,9 % en 2014, de 0,8 % en 2015, soit 89,6 % du PIB en 2012 et 96,1 % aujourd'hui.

Je pense donc pouvoir dire que nous nous dirigeons vers une stabilisation en valeur de la dette. C'est encore plus frappant si nous l'exprimons en pourcentage du PIB, avec les réserves d'usage : le PIB de notre pays n'est pas connu avant un certain temps. Il peut même être révisé un an après et subir des variations importantes. Nous sommes dépendants des calculs de l'Insee et d'Eurostat. Quand on ignore le dénominateur, il peut être parfois difficile d'exprimer une valeur.

Yannick Botrel, les 12 milliards d'euros d'encaissements au titre de la lutte contre la fraude fiscale ne représentent que la moitié des notifications. Ces 12 milliards correspondent parfois à des sommes notifiées en 2014, en 2013, en 2012, voire antérieurement. Le contribuable a en effet tendance à contester les montants notifiés. Certains contentieux avec des entreprises peuvent atteindre le milliard d'euros.

Les notifications ont augmenté, tout comme les sommes encaissées. Tout laisse croire que nous sommes sur un trend plutôt vertueux et que les encaissements devraient au moins se stabiliser dans la mesure où le nombre de notifications a augmenté. N'oublions tout de même pas que les fraudeurs, par définition, ne sont pas les meilleurs payeurs...

Certains nous ont dit être persuadés que l'investissement ne repartirait pas. Philippe Dallier m'a donné rendez-vous l'année prochaine pour en dresser le constat.

Ce que je peux vous dire, en tout cas, c'est que la DETR et le fonds d'investissement sont extrêmement sollicités par les élus.

M. Philippe Dallier . - C'est une goutte d'eau !

M. Christian Eckert , secrétaire d'État . - Si vous n'aimez pas les gouttes d'eau, vous pouvez les laisser aux autres !

Ces sollicitations peuvent aussi être un signe de dynamisme. Il faut se garder des prévisions, Philippe Dallier. Le rapport auquel vous faisiez allusion prévoyait également une baisse de la capacité d'autofinancement.

M. Philippe Dallier . - Il faut tout dire. Nous n'avions pas envisagé une telle hausse des recettes fiscales !

M. Christian Eckert , secrétaire d'État . - J'ai dit quelle était la proportion due à l'augmentation des impôts : un quart !

La baisse de la capacité d'autofinancement que vous aviez prévue ne s'est pas réalisée. Nous verrons, vers la fin de l'année 2016, ce qu'il en sera.

J'ai dit mon humilité par rapport aux prévisions. Tout est enregistré, les comptes rendus feront foi, nous pouvons nous donner rendez-vous.

Sur la question des APL, la fin de gestion est faite pour assurer les dépenses et pour tenir la norme. J'en profite pour dire que la norme, ce n'est pas forcément pareil que le déficit. Certains éléments qui rentrent dans le calcul de la norme influent sur le déficit, mais la réciproque n'est pas forcément vraie.

En fin de gestion, c'est la relation globale entre l'État et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) qu'il nous faut regarder. Nous avons tout fait pour assurer la neutralité de la relation financière entre l'État et l'Acoss. Les créances ont toutes été compensées.

Ce qui peut se passer sur les APL peut être compensé par ce qui se passe sur d'autres lignes.

M. Francis Delattre . - Que dire des dettes reprises par la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) ?

M. Christian Eckert , secrétaire d'État . - Je me suis déjà exprimé sur cette question. Tout cela est neutre. Nous avons transféré une dette d'un organisme à un autre. Cela n'a rien à voir avec le budget de l'État, il s'agit des comptes de la sécurité sociale.

Philippe Dallier, les élus ont moins augmenté les impôts parce que nos concitoyens n'en peuvent plus ? C'est votre interprétation. D'autres disent que l'augmentation des taux était uniquement imposée par la baisse des dotations. J'ai dit tout à l'heure que les décisions de l'État ont probablement influé sur les baisses de dépenses de fonctionnement. C'était un de nos objectifs.

Il est sans doute un peu tôt pour identifier les secteurs les plus touchés. Marie-France Beaufils a parlé de la vie associative et des services. Il faut reconnaître qu'avec une inflation nulle et un prix de l'énergie en assez forte diminution, les collectivités territoriales ont eu des marges pour absorber une partie, petite ou moyenne, des baisses de recettes supposées.

Je n'ai cessé de tenir le même discours que vous sur l'hétérogénéité des collectivités territoriales, que je regrette. Donnez-moi tout de même acte d'être un de ceux qui ont poussé au développement de la péréquation, de la solidarité entre collectivités territoriales. Quelle a été la position de certaines ou de certains d'entre vous sur l'augmentation du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) ?

M. Philippe Dallier . - Oh là là !

M. Christian Eckert , secrétaire d'État . - On ne sent pas une franche unanimité sur cette question. Il faut aller jusqu'au bout de nos idées.

Je vous rejoins sur la question de la prévisibilité de la CVAE. Nous-mêmes, nous ne disposons pas d'une prévisibilité suffisante. Je comprends que cela puisse vous inquiéter. Les évolutions de la CVAE sont souvent assez erratiques.

Je ne sens pas non plus d'unanimité se dégager ici sur le partage de la territorialisation de la CVAE. La question peut se poser ; le Parlement est souverain.

Je vous ferai remarquer que le secrétaire d'État chargé du budget, sur la question des collectivités territoriales, pourrait très bien ne s'intéresser qu'aux pieds de colonnes. Certes, mes agents sont les comptables des collectivités, mais en termes de gestion du budget de l'État ou de la dépense publique, je pourrais très bien ne regarder que l'enveloppe globale de la DGF, l'enveloppe globale de la CVAE, et ne pas trop me préoccuper de la répartition de la DGF ni de la territorialisation de la CVAE.

Par passion et par honnêteté intellectuelle, je pense que ce sujet me concerne. Il serait tout de même bon de s'interroger parfois sur le fait que certaines collectivités qui disposent de dotations extrêmement abondantes n'utilisent pas l'argent public. Car il s'agit bien d'argent public, sorti des poches du contribuable.

C'est la raison pour laquelle je considère que les questions de partage, d'attribution ou de répartition de DGF sont des questions importantes, y compris pour votre serviteur, alors que je pourrais très bien m'en tenir au volume global de la DGF.

Claude Raynal a insisté sur la nécessité de visibilité et de confiance. Il me semble indispensable de disposer, avec la prudence qui s'impose, d'une certaine visibilité sur les années à venir, notamment en matière d'investissement.

Il serait important de se pencher sur la répartition de la CVAE et des DMTO. Nous avons mis en place un mécanisme assez complexe de remontée et de redescente des DMTO, voire une mise en réserve pour éviter les trop grandes fluctuations. Pardonnez-moi d'évoquer ces questions techniques, mais elles ont leur importance.

François Marc m'a interpellé sur l'effet économique d'un certain nombre de mesures fiscales, notamment le CICE.

L'Insee, qui va faire des publications sur le sujet la semaine prochaine, a déjà annoncé qu'elle révisait sa prévision de croissance pour 2016 à 1,6 %, alors que nous étions à 1,5 %. Si la restauration des marges n'est pas directement un des facteurs, les investissements des entreprises sont en très forte augmentation. Tous ces signes démontrent que ce qui a été fait sur le CICE et sur d'autres dispositifs a probablement eu son influence.

- Présidence de M. Francis Delattre, vice-président -

L'Insee a annoncé une augmentation de la masse salariale de 1,4 % au premier trimestre. De mémoire, environ 1 % est lié à l'effet des salaires déjà existants et 0,4 % aux nouveaux salariés, l'Insee ayant également annoncé une augmentation du nombre d'emplois dans le secteur marchand.

Tous ces signes sont concordants. Il s'agit d'indicateurs nettement positifs.

Je termine sur la question de la baisse des dotations, qui vous a beaucoup occupés. Cette question nous a fait beaucoup phosphorer et nous a souvent séparés. J'ai essayé de donner la photographie la plus complète possible de la situation des collectivités territoriales, même s'il ne s'agit que d'une vision macroéconomique.

Quand j'entends parler de mesures d'économies encore plus massives, de l'ordre de 100, voire 150 milliards d'euros, dont 10 à 15 milliards reposeraient sur les collectivités territoriales, quand j'entends qu'il serait même question de revenir sur leur capacité d'autonomie en termes de gestion de personnel, je me dis que certains pourraient faire preuve de plus d'humilité. Claude Raynal avait raison de dire que tout ce qui est excessif est à éviter.

M. Francis Delattre , président . - Merci. Je me permettrai simplement de dire que le conseil général de mon département - je n'en suis pas membre - vient d'augmenter les impôts locaux de 30 %. Cela donne tout de même une idée des situations complètement divergentes que nous connaissons tous.

Nous vous remercions.

II. EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 6 juillet 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2015.

À l'issue d'un large débat, la commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2015.

En conséquence, elle a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter chacun des articles du projet de loi.

Le compte-rendu de cette réunion peut être consulté sur le site Internet du Sénat :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/finances.html


* 1 Insee, « Les comptes de la Nation en 2015. Le PIB et le pouvoir d'achat des ménages accélèrent, l'investissement se redresse », Insee Première , n° 1597, mai 2016.

* 2 Insee, Principales révisions intervenues sur les comptes de la Nation en 2013, 2014 et 2015 , 30 mai 2016.

* 3 La facture énergétique correspond au solde des importations et des exportations des différentes énergies (combustibles minéraux solides, pétrole brut, produits pétroliers raffinés, gaz naturel et électricité).

* 4 Commissariat général au développement durable, « Conjoncture énergétique. Janvier 2016 », Chiffres et statistiques , n° 738, mars 2016.

* 5 Insee, Note de conjoncture , juin 2016, p. 21.

* 6 Rapport général n° 164 (2015-2016), tome I, sur le projet de loi de finances pour 2016 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, p. 11.

* 7 Insee, op. cit. , juin 2016, p. 21.

* 8 Rapport général n° 164 (2015-2016), op. cit. , p. 27-32.

* 9 Cf. Insee, « La demande reste bien orientée, l'activité progresse par à-coups », Point de conjoncture , octobre 2015.

* 10 Euler Hermes Research, « Secteur de la construction en France : quelle reprise ? », Industry Report , 13 octobre 2015.

* 11 Insee, op. cit. , juin 2016, p. 28.

* 12 Services de la Commission européenne, Rapport 2016 pour la France contenant un bilan approfondi sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques , SWD(2016) 79 final, février 2016, p. 2.

* 13 Ibid. , p. 4.

* 14 Rapport d'information n° 292 (2015-2016) sur les enjeux du temps de travail pour la compétitivité, l'emploi et les finances publiques fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, janvier 2016.

* 15 Services de la Commission européenne, op. cit. , p. 2.

* 16 Insee, « Les prix à la consommation augmentent de 0,2 % en décembre 2015, sur un mois comme sur un an », Informations Rapides , n° 5, janvier 2016.

* 17 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2014-05 du 26 septembre 2014 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2015.

* 18 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2015-03 du 25 septembre 2015 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2016.

* 19 Gouvernement, Programme de stabilité. Avril 2016 , 13 avril 2016, p. 116.

* 20 T. Guyon et S. Sorbe, « Solde structurel et effort structurel : vers une décomposition par sous-secteur des administrations publiques », Documents de travail de la DGTPE, n° 2009/13, décembre 2018, p. 8.

* 21 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2016-02 du 20 mai 2016 relatif au solde structurel des administrations publiques présenté dans le projet de loi de règlement de 2015.

* 22 Par ailleurs, il convient de rappeler que la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014 reposait sur un engagement exprimé en termes d'effort structurel et non plus de solde effectif.

* 23 S. Duchêne et D. Lévy, « Solde "structurel" et "effort structurel" : un essai d'évaluation de la composante "discrétionnaire" de la politique budgétaire », Diagnostic Prévisions et Analyses économiques , n° 18, 2003.

* 24 Dans le cadre du système européen de comptabilité (SEC 2010), les crédits d'impôts « restituables » correspondent aux crédits d'impôts tels qu'ils sont conçus dans le droit français ; il s'agit des dispositifs qui « peuvent être "à payer", dans le sens où tout montant du crédit qui dépasse la créance fiscale est payé à son bénéficiaire ». À l'inverse, les crédits d'impôts qui ne sont pas exigibles, comme les abattements ou les déductions, sont décrits comme « non récupérables ».

* 25 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 26 Insee, « Les comptes des administrations publiques en 2015. L'investissement se replie à nouveau et le déficit public se réduit », Insee Première , n° 1598, mai 2016, p. 2.

* 27 Cf. rapport annuel de performances du compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » annexé au projet de loi de règlement pour 2015.

* 28 Insee, op. cit. , mai 2016, p. 2.

* 29 Id.

* 30 Id.

* 31 Id.

* 32 D. Besson, « L'investissement des administrations publiques locales. Influence de la décentralisation et du cycle des élections municipales », Insee Première , n° 867, 2002.

* 33 Audition de Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2015 et l'exécution des finances locales en 2015, le 15 juin 2016 par la commission des finances du Sénat.

* 34 Insee, op. cit. , mai 2016.

* 35 Gouvernement, op. cit. , 13 avril 2016, p. 37.

* 36 Insee, op. cit. , mai 2016, p. 3.

* 37 Ibid. , p. 4.

* 38 Unédic, Situation financière de l'assurance chômage. Prévision pour les années 2016 et 2017 , février 2016.

* 39 Insee, op. cit. , mai 2016, p. 3.

* 40 La mesure de la charge fiscale des ménages et des entreprises est strictement comptable et ne tient pas compte des éventuels effets de l'incidence fiscale, soit des possibles reports de la fiscalité des contribuables « théoriques » vers d'autres acteurs.

* 41 M. Plane et R. Sampognaro, « Baisse de la fiscalité sur les entreprises mais hausse de celle des ménages », Le Blog de l'OFCE, 22 octobre 2015.

* 42 Les consommations ou investissements de certains opérateurs sont grevés d'une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui ne peut être déduite - s'incorporant, par conséquent, définitivement dans le coût de l'opération. Ce phénomène, appelé rémanence de TVA, résulte des règles prévues par la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, dite directive « TVA », qui trouve à s'appliquer dans les États membres de l'Union européenne. Ainsi, certaines opérations d'agents économiques, bien que dans le champ d'application de la TVA, bénéficient d'une exonération et n'ouvrent donc pas droit à déduction ; il s'agit en particulier des activités bancaires et d'assurance. En outre, des exclusions spécifiques du droit à déduction peuvent être prévues, comme pour les dépenses de carburant ou de logement supportées par les entreprises au titre de leurs salariés ou dirigeants.

* 43 Conseil des prélèvements obligatoires, Les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée , octobre 2009.

* 44 Les incidences d'une faible inflation sur les finances publiques ont fait l'objet d'une analyse approfondie par votre rapporteur général lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016 (cf. rapport général n° 164 (2015-2016), op. cit. , p. 41-44).

* 45 Cf. rapport général n° 164 (2015-2016), op. cit. , p. 70-72 et rapport d'information n° 550 (2015-2016) sur le projet de programme de stabilité de la France 2016-2019 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, avril 2016, p. 19-22.

* 46 Cf. rapport d'information n° 292 (2015-2016), op. cit.

* 47 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 48 Insee, op. cit. , mai 2016, p. 4.

* 49 Id.

* 50 Insee, op. cit. , mai 2016, p. 4.

* 51 Cour des comptes, Le budget de l'État en 2015. Résultats et gestion , Paris, La documentation française, mai 2016.

* 52 Ibid. , p. 39.

* 53 Rapport d'information n° 599 (2014-2015) sur les risques financiers pour la France inhérents à un éventuel défaut grec fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, juillet 2015.

* 54 La cession des fréquences s'est réalisée le 8 décembre 2015 avec l'attribution par l'ARCEP des autorisations pour 2,8 milliards d'euros. Seul un quart du prix de cession (700 millions d'euros) était exigible dès 2015 et, en pratique, aucune recette n'a pu être effectivement encaissée sur l'exercice 2015 au titre de la cession de ces fréquences.

* 55 Cf. infra , III du présent rapport.

* 56 Exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative, p. 17.

* 57 Exposé général des motifs du projet de loi de finances rectificative, p. 15.

* 58 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire relative à la mission « Égalité des territoires et logement » pour 2015.

* 59 Bien que les crédits ouverts au titre de la rebudgétisation du CAS « Hertzien » se soient élevés à 2,1 milliards d'euros, 590 millions d'euros ont été reportés sur 2016 et gelés. L'impact net du rattachement au budget général des ressources exceptionnelles prévues au CAS « Hertzien » est donc de 1,5 milliard d'euros.

* 60 Exposé général des motifs du présent projet de loi.

* 61 Cf. supra , A et B du présent I.

* 62 Emplois équivalent temps plein travaillé.

* 63 Emplois équivalent temps plein.

* 64 Pour mémoire, le budget triennal, défini en loi de programmation des finances publiques, porte uniquement sur le budget général de l'État et les plafonds sont fixés hors contributions au CAS « Pensions » et hors charge de la dette.

* 65 Un tableau général de l'exécution des crédits des missions par rapport aux plafonds du triennal est présenté en annexe du présent rapport.

* 66 Contribution d'archéologie préventive (CAP) dont l'Institut national d'archéologie préventive (Inrap) était l'affectataire.

* 67 Le terme « traitement » recouvre l'ensemble des opérations pouvant affecter les caractéristiques d'un prêt accordé à un État étranger (allongement de la durée de remboursement, baisse du taux d'intérêt...).

* 68 Charge d'indexation du capital comprise.

* 69 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 70 Ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

* 71 La démarche de performance : stratégie, objectifs, indicateurs. Guide méthodologique pour l'application de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, juin 2004. Document réalisé en concertation entre le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, les commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale, la Cour des comptes et le Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP).

* 72 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire 2015 de la mission « Enseignement scolaire ».

* 73 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire 2015 de la mission « Travail et emploi ».

* 74 La surface hors oeuvre brute (SHOB) est définie par l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme comme « la somme des surfaces de plancher de chaque niveau de la construction ».

La surface hors oeuvre nette (SHON) est égale à la SHOB après déduction des combles, sous-sols non aménageables, toitures-terrasses, balcons, garages de véhicules, etc.

* 75 La norme est inscrite dans la circulaire du 16 janvier 2009 relative à la politique immobilière de l'État.

* 76 La commission des finances avait commandé sur ce sujet, en application de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), une enquête à la Cour des comptes, publiée de façon jointe au rapport d'information « Recenser et évaluer les engagements hors bilan de l'État : un enjeu pour la transparence et la soutenabilité des finances publiques » de M. Jean-Claude Frécon, fait au nom de la commission des finances, n° 579 (2012-2013), déposé le 15 mai 2013.

* 77 Le tableau de financement retrace les flux de trésorerie ayant concouru à l'équilibre financier de l'État et non son équilibre comptable tel qu'il ressort de la comptabilité générale et budgétaire.

* 78 Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

* 79 Loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

* 80 Loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

* 81 Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 82 « Le cas échéant, la loi de règlement [...] arrête les soldes des comptes spéciaux non reportés sur l'exercice suivant ».

* 83 Loi n° 63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963.

* 84 Loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France.

* 85 Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.

* 86 Décret n° 2012-91 du 26 janvier 2012 relatif aux groupements d'intérêt public.

* 87 La définition et la procédure suivie en matière de gestion de fait sont précisées dans le commentaire de l'article 9 de la présente loi.

* 88 Loi n° 63-156 de finances pour 1963.

* 89 Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances.

* 90 L'actuelle convention a été approuvée par un arrêté du Premier ministre publié au Journal officiel du 23 septembre 2015.

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