C. UN RALENTISSEMENT DE LA DÉPENSE PUBLIQUE FAVORISÉ PAR UN RECUL DE LA CHARGE DE LA DETTE ET DE L'INVESTISSEMENT LOCAL

Selon le programme de stabilité d'avril 2016, dans le cadre du plan de 50 milliards d'euros d'économies pour les années 2015 à 2017, un effort de 18 milliards d'euros aurait été réalisé par rapport à l'évolution spontanée de la dépense au cours de l'exercice passé . Ce montant intègre les économies supplémentaires annoncées par le Gouvernement dans le cadre du programme de stabilité d'avril 2015, pour 4 milliards d'euros, afin de compenser les effets de la faiblesse de l'inflation sur l'évolution des recettes et des dépenses publiques 44 ( * ) .

En 2015, la dépense publique a progressé - en volume et en valeur - de 0,9 % hors crédits d'impôts , qui sont comptabilisés comme des dépenses publiques (cf. supra ), après 1 % en 2014. En prenant en compte les crédits d'impôts, celle-ci a crû de 1,4 % - aussi en volume et en valeur -, contre + 1,8 % en valeur et + 1,3 % en volume en 2014. Ainsi, la dépense publique marque-t-elle une légère décélération par rapport aux dernières années, celle-ci ayant progressé, en volume, de 1,9 % entre 2000 et 2014 et de 1,5 % entre 2007 et 2014 en moyenne. Toutefois, il convient de s'interroger sur les facteurs de ce ralentissement.

Graphique n° 17 : Évolution du montant de la dépense publique en 2015

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

Entre 2014 et 2015, les dépenses des administrations ont progressé de 16,7 milliards d'euros . Cette évolution a essentiellement été portée, en premier lieu, par les prestations sociales, qui ont augmenté de 10,1 milliards d'euros, soit de 1,8 %, moins rapidement toutefois qu'en 2014 où elles avaient augmenté de 2,2 %. Ceci est à mettre en lien, notamment, avec les mesures adoptées dans le cadre des réformes de la politique familiale et des retraites, dont le gel des pensions de base - qui ont été rappelées supra , lors de l'examen du solde des comptes sociaux. En second lieu, les « autres dépenses » ont crû de 8,3 milliards d'euros (+ 5,3 %, après + 7,2 % en 2014), du fait la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), comptabilisé comme une subvention.

La masse salariale, quant à elle, s'est accrue de 2,9 milliards d'euros, soit de 1 % , contre 2 % en 2014. Ce moindre dynamisme est imputable, notamment, au « gel » du point d'indice depuis 2010, que l'actuel gouvernement a dû prolonger compte tenu de la faible maîtrise des effectifs ; ainsi, les suppressions de postes au sein du ministère de la Défense ont été, en 2015, compensées par la hausse des emplois dans l'enseignement scolaire public, selon l'Insee. S'agissant des achats courants, ceux-ci ont progressé de 2,1 milliards d'euros (+ 1,9 %) , après avoir reculé en 2014 (- 0,1 %). Ceci est à mettre en perspective avec la baisse de 1 % des consommations intermédiaires des collectivités territoriales, en lien avec la diminution de la dotation globale de fonctionnement (DGF), alors que celles de l'État ont crû de 5 % sous l'effet des dépenses militaires.

En revanche, les investissements ont fortement reculé, d'un montant de 4,1 milliards d'euros, soit de 5,1 % . Ceci s'explique quasi exclusivement par l'attrition de l'investissement public local, déjà évoqué précédemment, qui a diminué de 4,6 milliards d'euros en 2015 (- 10 %). Enfin, la charge de la dette a continué à décliner, baissant de 2,6 milliards d'euros (- 5,6 %) , en lien avec la diminution des taux d'intérêt et l'inflation.

Ainsi, ces deux éléments « conjoncturels » que sont les reculs de l'investissement et de la charge de la dette ont largement contribué à la décélération de la dépense publique en 2015 . À titre indicatif, en mettant ces derniers à part, la dépense aurait progressé de 1,9 % en valeur et en volume, soit 0,5 point de plus que ce qui a été observé.

Au total, la « maîtrise de la dépense publique » avancée par le Gouvernement paraît discutable . En effet, en 2015, la décélération de la dépense a, pour l'essentiel, découlé, d'une part, de la baisse de l'investissement des collectivités territoriales et de la charge de la dette et, d'autre part, du recours au « coup de rabot », qui comprend les « gels » du point d'indice ou encore des prestations sociales. Comme l'a déjà montré votre rapporteur général à plusieurs reprises 45 ( * ) , depuis le début de la présente législature, l'essentiel des efforts d'économies consentis a concerné les dépenses les plus aisées à réduire sans réforme . Aussi, au cours de l'année écoulée, le Gouvernement ne semble-t-il pas s'être départi de cette logique - les principales baisses relatives de dépenses ayant concerné, conformément à ce qui a été indiqué précédemment, les investissements et, dans une moindre mesure, la masse salariale (cf. tableau ci-après).

Tableau n° 18 : Évolution des principales dépenses publiques en 2015

% du PIB 2014

% du PIB 2015

Évolution relative 2015/2014

Masse salariale

13,0

12,9

- 0,8 %

Achats courants

5,1

5,1

0,0 %

Prestations sociales

26,0

26,0

- 0,1 %

Investissements

3,7

3,5

- 6,9 %

Autres dépenses

7,3

7,5

+ 3,4 %

Dépenses primaires

55,1

55,0

- 0,3 %

Charges d'intérêts

2,2

2,0

- 7,4 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'Insee)

Dans ces conditions, il n'est guère surprenant que la France continue d'afficher le ratio de la dépense publique sur PIB le plus important de la zone euro , derrière la Finlande (cf. graphique ci-après). En effet, s'il a légèrement reculé en 2015, de 0,3 point, celui-ci s'est élevé à 57 % du PIB, soit 8,4 points de plus que la moyenne de la zone euro. Ainsi, ce ratio est tout juste revenu à son niveau de 2013 et reste supérieur à celui observé en 2012.

Graphique n° 19 : Le poids de la dépense publique dans le PIB
dans la zone euro en 2014 et 2015

(en % du PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données d'Eurostat et de l'Insee)

En bref, comme l'a justement résumé le vice-président de la Commission européenne chargé de l'euro, Valdis Dombrovskis, lors d'une conférence de presse organisée à Paris à la fin du mois de mars dernier, « la stratégie budgétaire française repose en grande partie sur des facteurs cycliques », la France « accus[ant] un retard considérable » en matière d'« efforts structurels pour corriger son déficit public excessif ».

Il paraît donc indispensable que le Gouvernement engage les réformes nécessaires à un ralentissement pérenne de la dépense publique - à travers une sélectivité accrue des dépenses, ou des mesures structurelles comme une évolution du temps de travail dans la fonction publique 46 ( * ) -, s'il souhaite tenir ses engagements, en particulier en ce qui concerne le retour du déficit effectif en deçà de 3 % du PIB en 2017, et être en mesure de mettre en oeuvre une réduction des prélèvements obligatoires profitant à tous, notamment aux ménages.


* 44 Les incidences d'une faible inflation sur les finances publiques ont fait l'objet d'une analyse approfondie par votre rapporteur général lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016 (cf. rapport général n° 164 (2015-2016), op. cit. , p. 41-44).

* 45 Cf. rapport général n° 164 (2015-2016), op. cit. , p. 70-72 et rapport d'information n° 550 (2015-2016) sur le projet de programme de stabilité de la France 2016-2019 fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances du Sénat, avril 2016, p. 19-22.

* 46 Cf. rapport d'information n° 292 (2015-2016), op. cit.

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