CHAPITRE III - DISPOSITIONS TENDANT À L'AMÉLIORATION DE L'ORGANISATION ET DE LA COMPÉTENCE DES JURIDICTIONS RÉPRESSIVES

Article 14 (suppression maintenue) (art. 19 du code de procédure pénale) - Dématérialisation des actes de procédure pénale effectués par les officiers de police judiciaire

Afin de réduire les délais de transmission de ces pièces et d'accélérer le déroulement des procédures pénales, l'article 14 du projet de loi donnait au procureur de la République la faculté d'autoriser que les procès-verbaux dématérialisés soient transmis, ainsi que leur copie, sous la forme d'un document numérique, par un moyen de télécommunication, en supprimant par ailleurs l'exigence de certification conforme. Cet article avait fait l'objet d'une adoption conforme par les députés en première lecture.

Toutefois, dans la perspective d'une entrée en vigueur la plus rapide possible, les dispositions de cet article ont été introduites, à l'initiative de votre commission, dans le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, devenu depuis lors la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 41 ( * ) . En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a ainsi rouvert pour coordination l'article 14 du présent projet de loi afin de le supprimer, ses dispositions étant d'ores et déjà en vigueur.

Votre commission a maintenu la suppression de l'article 14.

Article 14 bis (chapitre Ier et art. 30 de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale) - Suppression de la collégialité de l'instruction

L'article 14 bis , relatif à la collégialité de l'instruction, a été introduit dans le texte du projet de loi par les députés en première lecture.

Au stade de l'examen du texte en commission, les députés avaient prévu de modifier le système de collégialité de l'instruction résultant de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, dont l'entrée en vigueur est actuellement prévue pour le 1 er janvier 2017. Les modifications reprenaient les dispositions du projet de loi, jamais inscrit à l'ordre du jour, déposé en juillet 2013 par le Gouvernement 42 ( * ) .

En définitive, l'Assemblée nationale a adopté, en séance publique, un amendement présenté par le président de la commission des lois et les rapporteurs tendant à supprimer la mise en oeuvre de la collégialité de l'instruction. En raison de l'importance du sujet, votre commission a tenu à organiser des auditions spécifiques, le 8 juin dernier, afin d'apprécier les conséquences de l'abandon de la collégialité de l'instruction 43 ( * ) .

La collégialité de l'instruction, système en vertu duquel certaines décisions des juridictions d'instruction doivent être prises par un collège de trois magistrats instructeurs, est une réforme préconisée par la commission d'enquête créée par l'Assemblée nationale à la suite de « l'affaire d'Outreau » 44 ( * ) .

À l'origine, les dispositions de la loi du 5 mars 2007 précitée relatives à la collégialité auraient dû entrer en vigueur le 1 er janvier 2010. Cette date a ensuite été repoussée à quatre reprises et elle est actuellement fixée au 1 er janvier 2017 45 ( * ) .

La mise en oeuvre de cette réforme est en effet problématique car elle suppose la mobilisation de moyens humains supplémentaires importants, évalués à 300 postes de magistrats instructeurs, dans le contexte d'un nombre conséquent de postes vacants de magistrats dans les juridictions. Elle devait par ailleurs se traduire par la suppression des juridictions d'instruction dans plus de 70 tribunaux de grande instance, répartis entre une vingtaine de départements, dépourvus d'un pôle de l'instruction, ce qui serait de nature à éloigner ces juridictions des justiciables et à multiplier les opérations d'extraction judiciaire pour les prévenus.

Dans ces conditions, les députés ont décidé de revenir à la situation qui prévalait avant le vote de la loi de 2007, jugeant que d'autres réformes prises depuis cette date avaient permis de prévenir la reproduction des dysfonctionnements constatés lors de l'affaire d'Outreau, en particulier :

- le développement de la co-saisine prévue par les articles 83-1 et 83-2 du code de procédure pénale ;

- le renforcement du caractère contradictoire de la procédure d'instruction puisque le juge, lorsqu'il estime son instruction terminée, est désormais tenu de laisser un délai aux parties pour faire valoir leurs observations, notamment sur la saisine de la juridiction de jugement. Le juge d'instruction doit également motiver sa décision en répondant aux arguments ainsi développés par les parties.

Votre rapporteur est sensible aux arguments mis en avant par les députés lors de ce débat, en particulier par notre collègue le président Dominique Raimbourg, qui a noté qu'il convenait de « prendre acte de la difficulté dans laquelle se trouve » l'autorité judiciaire, « de la pénurie dans laquelle elle se débat ». Il estime cependant qu'une voie alternative à la suppression pure et simple de cette réforme pourrait être envisagée afin de faire de la collégialité une faculté supplémentaire s'ajoutant à la pratique de la co-saisine, ainsi que le proposait le projet de loi déposé par le Gouvernement en juillet 2013, mais limitée au traitement des seules affaires les plus complexes relevant de la compétence de juridictions spécialisées disposant d'ores et déjà des moyens humains suffisants en magistrats instructeurs.

Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a par conséquent adopté un amendement COM-55 reprenant l'économie générale du projet de loi déposé en juillet 2013 tout en limitant la possibilité de mettre en oeuvre la collégialité de l'instruction à certaines affaires relevant de la compétence de juridictions spécialisées disposant d'une compétence concurrente dans certaines matières.

Seraient ainsi concernées les affaires relevant de la compétence des juridictions interrégionales spécialisées en matière économique et financière (article 704 du code de procédure pénale) ou dans le domaine de la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées (articles 706-73 et 706-73-1 du même code), des pôles de santé publique des tribunaux de grande instance de Paris et Marseille (article 706-2 du même code) et du tribunal de grande instance de Paris en matière de terrorisme (article 706-16 du même code) ou d'infractions relatives à la prolifération d'armes de destruction massive et de leurs vecteurs (article 706-167 du même code).

Comme dans le schéma envisagé par le Gouvernement en juillet 2013, cette collégialité serait facultative car elle ne serait mise en oeuvre qu'en cas de demande formulée soit par le juge d'instruction en charge de la procédure, soit par le procureur de la République, soit par les parties. En outre, elle ne trouverait à s'appliquer que pour les actes essentiels de l'instruction :

- ordonnance statuant sur la demande d'une personne mise en examen tendant à devenir témoin assisté ;

- ordonnance statuant sur les demandes d'acte ou d'expertise ;

- ordonnance statuant sur les demandes relatives au respect du calendrier prévisionnel de l'information ;

- ordonnance statuant sur les demandes des parties déposées après l'avis de fin d'information ;

- ordonnance de règlement de l'information.

Une telle faculté permettrait d'expérimenter la collégialité de l'instruction dans le cadre des affaires les plus complexes au sein de juridictions qui sont d'ores et déjà dotées d'un nombre suffisant de magistrats instructeurs et, ainsi, d'apprécier les conséquences concrètes de la collégialité pour le justiciable avant d'envisager son élargissement à d'autres affaires, ce qui supposerait alors de dégager des moyens humains supplémentaires.

Votre commission a adopté l'article 14 bis ainsi modifié .

Article 14 ter (art. 706-2 du code de procédure pénale) - Extension des compétences des pôles de santé publique des tribunaux de grande instance de Paris et de Marseille

Inséré sur proposition du Gouvernement lors de l'examen du texte en commission à l'occasion de la première lecture à l'Assemblée nationale, l'article 14 ter élargit la compétence des pôles de santé publique constitués au sein des tribunaux de grande instance de Paris et de Marseille 46 ( * ) . Cette extension aurait pour conséquence d'inclure dans leur champ de compétence l'enquête, la poursuite, l'instruction et, s'il s'agit de délits, le jugement :

- des infractions dans les affaires relatives aux pratiques et prestations de service, médicales, paramédicales ou esthétiques. Selon les précisions fournies par le Gouvernement dans l'objet de l'amendement déposé en commission 47 ( * ) , s'agissant de ces affaires, la compétence spécialisée de ces pôles « apparaît particulièrement utile pour traiter des affaires mettant en cause des centres dentaires, des agences étrangères pratiquant des PMA/GPA, des centres employant des techniques d'épilation réservées aux médecins, des médecines non conventionnelles ou encore des fraudes en matière d'analyses biomédicales. Outre la technicité des investigations, l'ensemble de ces affaires présente le trait commun de concerner, le plus souvent, un grand nombre de victimes, ce qui peut s'avérer très lourd pour des juridictions non spécialisées » ;

- des infractions de dopage prévues par le code du sport.

Par ailleurs, la compétence des pôles parisien et marseillais serait élargie en supprimant la condition liée à l'exposition durable de l'homme à des substances ou produits pour appréhender l'ensemble des affaires d'une grande complexité relatives à un produit ou une substance réglementés à raison de leurs effets ou de leur dangerosité.

Votre commission a adopté l'article 14 ter sans modification .

Article 14 quater (art. 706-111-1 et 706-111-2 [nouveaux] du code de procédure pénale et art. L. 544-10 du code du patrimoine) - Extension de la compétence des juridictions du littoral spécialisées (JULIS) aux atteintes aux biens culturels maritimes

L'article 14 quater , introduit en commission en première lecture à l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, a trait aux compétences des juridictions du littoral spécialisées (JULIS). Ces juridictions, au nombre de six 48 ( * ) , ont été créées par la loi n° 2001-380 du 3 mai 2001 relative à la répression des rejets polluants de navires. Elles exercent actuellement une compétence, en concurrence avec le tribunal de grande instance de Paris pour les affaires les plus complexes et celles commises hors des espaces maritimes sous juridiction française, en cas de pollution des eaux maritimes par rejets des navires.

Le présent article a pour but d'étendre leur compétence à l'enquête, la poursuite, l'instruction et, s'il s'agit de délits, au jugement des infractions relatives aux biens culturels maritimes 49 ( * ) commises dans les eaux territoriales. D'après les précisions données par le Gouvernement 50 ( * ) , « la France présente la double spécificité de disposer sur son territoire d'un patrimoine archéologique d'une richesse exceptionnelle et d'un marché de l'art dynamique sur lequel s'échangent de grandes quantités de biens culturels appartenant au patrimoine national ou mondial », justifiant d'améliorer le traitement des infractions relatives aux atteintes à ces biens culturels.

Votre commission a adopté l'article 14 quater sans modification .


* 41 Voir article 73 de la loi du 3 juin 2016.

* 42 Projet de loi relatif à la collégialité de l'instruction, n° 1323, déposé le 24 juillet 2013 sur le bureau de l'Assemblée nationale.

* 43 Le compte rendu de ces auditions est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20160606/lois.html#toc5

* 44 Rapport n° 3125 (6 juin 2006) de M. Philippe Houillon fait au nom de la commission d'enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite d'Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement, présidée par M. André Vallini.

* 45 En application de l'article 98 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015.

* 46 Qui disposent, en la matière, d'une compétence concurrente à celle des tribunaux de grande instance.

* 47 Amendement n° CL178.

* 48 En métropole, les trois juridictions sont les tribunaux de grande instance du Havre pour la zone Manche-Nord, de Brest pour la zone Atlantique et de Marseille pour la zone Méditerranée. Les tribunaux de grande instance de Fort-de-France, de Saint-Denis de La Réunion et le tribunal de première instance de Saint-Pierre-et-Miquelon ont été désignés pour l'outre-mer.

* 49 En vertu de l'article L. 532-1 du code du patrimoine, « constituent des biens culturels maritimes les gisements, épaves, vestiges ou généralement tout bien présentant un intérêt préhistorique, archéologique ou historique qui sont situés dans le domaine public maritime ou au fond de la mer dans la zone contiguë ».

* 50 Amendement du Gouvernement n° CL181 déposé pour l'examen du texte en commission.

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