CHAPITRE II - DISPOSITIONS PORTANT EXTENSION DU CHAMP GÉOGRAPHIQUE DE LA COOPÉRATION RÉGIONALE OUTRE-MER

Articles 2, 3, 5 et 7 (art. L. 3441-2, L. 4433-4-1, L. 7153-2 et L. 7253-2 du code général des collectivités territoriales) - Champ géographique de l'action extérieure des départements et des régions d'outre-mer et des collectivités territoriales de Guyane et de Martinique

Les articles 2, 3, 5 et 7 visent à étendre la notion de voisinage permettant de définir la coopération régionale pour les collectivités territoriales relevant de l'article 73 de la Constitution ainsi que les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique.

La loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer a conféré aux départements et aux régions d'outre-mer des compétences en matière internationale, sans remettre en cause le pouvoir général régalien de l'État. La loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique a repris ces dispositions pour les collectivités uniques de Guyane et de Martinique, issues de la fusion des départements et des régions de ces deux territoires.

Les articles L. 3441-2, L. 4433-4-1, L. 7153-2 et L. 7253-2 du code général des collectivités territoriales prévoient la faculté - respectivement pour les départements d'outre-mer, les régions d'outre-mer, les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique - d'adresser au Gouvernement des propositions en vue de la conclusion d'engagements internationaux concernant la coopération régionale entre la République française et, selon le cas, les États de la Caraïbe et les États de l'océan Indien, ou d'accords avec des organismes régionaux des aires correspondantes, y compris des organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations unies. Il ne s'agit que d'un pouvoir de proposition qui ne lie en rien les autorités de l'État, seules compétentes pour la conclusion de tels engagements ou accords.

Le contenu de ces engagements et accords n'est pas limité, puisqu'ils doivent porter sur la « coopération régionale ». En revanche, leur champ géographique est circonscrit par la loi, en des termes qui peuvent toutefois sembler imprécis. En effet, si l'on peut dresser la liste des « États voisins de la Guyane » - au sens strict, le Brésil et le Suriname -, les notions « d'État de la Caraïbe » ou « d'État de l'océan Indien » apparaissent moins précises.

Comme l'avait relevé la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer en 2009 14 ( * ) , l'espace Caraïbe se caractérise par une très grande hétérogénéité puisqu'appartiennent à cet espace :

- les îles françaises : la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et la Guyane ;

- les îles britanniques : Anguilla, les Bermudes, les îles Caïmans, les îles Turques et Caïques, les îles vierges britanniques et Montserrat ;

- les îles hollandaises : les Antilles néerlandaises et Aruba ;

- les îles américaines : les îles Vierges américaines, Porto Rico (État libre associé aux États-Unis) ;

- deux îles ayant une souveraineté partagée : Saint-Martin (partie française) et Sint-Marteen (partie néerlandaise) et Hispaniola (avec Haïti à l'ouest et la République dominicaine à l'est) ;

- des pays indépendants (comme Cuba ou Haïti).

La Guyane dans son environnement régional

Source : www.e-evasion.com

Le bassin Caraïbes

Source : www.maxicours.com

La zone de l'océan Indien

Source : www.jpmarcillaud.blogspot.fr

Plusieurs organisations régionales ont été créées pour fédérer les différents États de la Caraïbe. On citera par exemple l'Association des États de la Caraïbe (AEC). Cette organisation regroupe vingt-cinq pays membres et trois membres associés (la France depuis 1996 au titre des départements d'outre-mer d'Amérique, les Antilles néerlandaises et Aruba). Les Pays-Bas et la Grande-Bretagne disposent, pour leur part, d'un statut d'observateur.

En ce qui concerne les « États de l'océan Indien », il existe la commission de l'océan Indien créée en 1982 à laquelle la France a adhéré en 1986. Elle regroupe Madagascar, les Seychelles, l'île Maurice et les Comores. Il existe également une Association des pays riverains de l'océan Indien pour la coopération régionale (IRO/ARC), créée en 1997, qui regroupe vingt pays d'Afrique, d'Asie et d'Océanie. L'Inde en est l'un des membres actifs 15 ( * ) .

Les articles 2, 3, 5 et 7 16 ( * ) ont pour objet d'étendre le champ géographique des engagements internationaux et accords avec des organismes régionaux susceptibles d'être conclus sur proposition des collectivités ultramarines en ne visant plus seulement les États de la Caraïbe et de l'océan Indien mais également les « territoires » de la Caraïbe et de l'océan Indien, ainsi que « les États ou territoires du continent américain voisins » de la Caraïbe et « les États ou territoires des continents voisins de l'océan Indien ».

Le champ de la coopération régionale pourra ainsi être étendu à des territoires proches qui n'ont pas le statut d'État souverain, comme par exemple l'État libre de Porto-Rico placé sous la juridiction des États-Unis, et à des États et territoires des continents américain et africain qui, même s'ils ne se situent pas dans leur voisinage immédiat, n'en sont pas moins des acteurs incontournables pour nos territoires ultramarins.

Sur proposition de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté deux amendements à l' article 2 : le premier de précision, le second tendant à tirer les conséquences de la création de la collectivité territoriale de Guyane et à élargir le champ géographique dans lequel pourrait s'exercer le pouvoir d'initiative des départements de Mayotte et de La Réunion. À l' article 3 , la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté deux autres amendements de son rapporteur tendant, d'une part, à supprimer de l'article L. 4433-4-1 du code général des collectivités territoriales la mention de la Martinique et de la Guyane, en raison de leur statut particulier désormais régi par de nouveaux articles du code et, d'autre part, à élargir le champ géographique permettant au conseil régional de La Réunion de disposer d'un pouvoir d'initiative en matière de coopération régionale.

L' article 5 a également fait l'objet de deux modifications d'amélioration rédactionnelle du rapporteur, l'un adopté en commission, l'autre en séance publique. Enfin, l' article 7 a fait l'objet d'un amendement d'harmonisation rédactionnelle du rapporteur adopté en séance publique.

Ces dispositions complètent utilement les modifications apportées par l'article 1 er et permettent de conforter le pouvoir d'initiative des collectivités concernées en matière de coopération régionale.

Votre commission a adopté les articles 2, 3, 5 et 7 sans modification .

Article 2 bis (art. L. 3441-3 du code général des collectivités territoriales) - Extension de la délégation de pouvoir de négociation et de signature d'accords internationaux de coopération régionale aux départements d'outre-mer

Le présent article propose d'étendre le champ géographique au sein duquel les présidents des conseils départementaux d'outre-mer
- Guadeloupe, Mayotte et La Réunion - peuvent recevoir une délégation de la part des autorités de la République pour la négociation et la signature d'accords internationaux de coopération régionale.

Le premier alinéa de l'article L. 3441-3 du code général des collectivités territoriales prévoit que, dans les domaines de compétences de l'État, les autorités de la République - le Président de la République, le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères selon les cas - peuvent donner pouvoir au président d'un conseil départemental d'outre-mer pour négocier et signer des accords avec des États ou des territoires voisins, des organismes régionaux de leur zone géographique, ces derniers pouvant dépendre d'une institution spécialisée des Nations unies. La rédaction permet toutefois de dissocier ces deux prérogatives : les autorités de la République peuvent confier au président du conseil départemental un pouvoir de négociation d'un accord sans l'autoriser à le signer ou, au contraire, lui donner le pouvoir de le signer mais non de le négocier directement.

L'article 52 de la Constitution et la pratique institutionnelle française reconnaissent au Président de la République le pouvoir de signer et de ratifier les accords en forme solennelle.

Il appartient au Premier ministre ou au ministre des affaires étrangères de signer les accords en forme simplifiée ainsi que, le cas échéant, les instruments d'approbation de ces accords.

Les pouvoirs de négociation et de signature d'un accord international relevant de ces dispositions s'exercent par délégation, pour le compte des autorités de la République. Si rien n'interdit au conseil départemental de débattre des questions relatives à la négociation d'un accord, seul le président du conseil départemental est compétent en la matière. La loi lui reconnaît ainsi une compétence exclusive qu'il exerce sans devoir en référer à son assemblée délibérante, puisqu'il l'exerce pour le compte d'un tiers (une autorité de la République).

La précision selon laquelle ces accords peuvent être signés avec des organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations Unies couvre les cas où l'aire géographique de certains d'entre eux dépasse celle de l'environnement géographique des départements d'outre-mer.

Le deuxième alinéa de l'article L. 3441-3 dispose que, si le président du conseil départemental n'a pas reçu des autorités compétentes le pouvoir de négocier un accord international, il peut néanmoins être associé - ou son représentant - par ces dernières aux négociations. Il peut également y participer au sein de la délégation française chargée de la négociation.

Enfin, le dernier alinéa de cet article permet à un président de conseil départemental d'outre-mer de représenter les autorités de la République au sein des organismes régionaux oeuvrant dans les aires géographiques avoisinant les départements d'outre-mer et dans ceux dépendant des institutions spécialisées des Nations unies. Ce pouvoir de représentation est cependant encadré puisqu'il est expressément prévu que les présidents des conseils départementaux sont alors munis des instructions et des pouvoirs nécessaires.

Introduit en commission à l'initiative du rapporteur et modifié sur le plan rédactionnel en séance publique, le présent article vise à élargir la zone géographique au sein de laquelle s'appliqueraient ces dispositions. Ainsi, les présidents des conseils départementaux de Martinique, de La Réunion et de Mayotte pourraient se voir déléguer le pouvoir de négocier et de signer des accords internationaux de coopération régionale avec des États ou territoires étrangers situés sur le continent américain voisin de la Caraïbe, dans la zone de l'océan Indien ou sur les continents voisins. L'imprécision délibérée de cette extension du champ géographique est destinée à permettre une application souple par les autorités de la République et les collectivités concernées.

Votre commission a adopté l'article 2 bis sans modification .

Articles 4, 6 et 8 (art. L. 4433-4-2, L. 7153-3 et L. 7253-3 du code général des collectivités territoriales) - Extension de la délégation de pouvoir de négociation et de signature d'accords internationaux de coopération régionale aux régions d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique

A l'instar de l'article 2 bis pour les départements d'outre-mer, les articles 4, 6 et 8 17 ( * ) visent à étendre le champ géographique au sein duquel les présidents des conseils régionaux d'outre-mer - Guadeloupe, La Réunion et Mayotte, collectivité unique mais exerçant les compétences d'une région d'outre-mer - et les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique peuvent recevoir une délégation de la part des autorités de la République pour la négociation et la signature d'accords internationaux de coopération régionale.

Les articles L. 4433-4-2, L. 7153-3 et L. 7253-3 du code général des collectivités territoriales transposent les dispositions de l'article L. 3441-2, respectivement aux présidents des conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion, au président de l'assemblée de Guyane et, enfin, à celui de la collectivité de Martinique.

Les articles 4, 6 et 8 proposent d'élargir la zone géographique permettant l'application de la délégation de pouvoir être confiée aux exécutifs des conseils régionaux de Guadeloupe, de Mayotte et de La Réunion ainsi qu'aux collectivités uniques de Guyane et de Martinique.

L'article 4 a fait l'objet d'un amendement du rapporteur adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale visant à exclure la Guyane et la Martinique de son champ d'application, eu égard à leur statut particulier régi par des dispositions spécifiques, et à inclure tous les États et territoires situés sur les continents riverains de l'océan Indien ainsi que les États et territoires des continents africain et océanien. En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de clarification rédactionnelle de son rapporteur. L'article 6 a également fait l'objet de quatre amendements rédactionnels du rapporteur, adoptés par la commission des lois de l'Assemblée nationale, et d'un amendement d'harmonisation rédactionnelle en séance publique. L'article 8 n'a quant à lui fait l'objet d'aucune modification.

Pour les raisons déjà évoquées à l'article 2 bis , votre commission a adopté les articles 4, 6 et 8 sans modification .

Articles 4 bis, 6 bis et 8 bis (art. L. 4433-4-3-1, L. 7153-3-1 et L. 7253-3-1 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) - Possibilité pour une région d'outre-mer et les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique de participer à une banque régionale de développement ou à une institution de financement régionale

Ces trois articles, adoptés par l'Assemblée nationale en séance publique à l'initiative de la commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, visent à insérer, dans le code général des collectivités territoriales, trois nouveaux articles afin de permettre aux conseils régionaux de Guadeloupe, de La Réunion et à la collectivité départementale de Mayotte ainsi qu'aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique d'adhérer, en tant que membre ou de membre associé, à une banque régionale de développement ou à une institution de financement dont la France serait soit membre régional, soit membré associé, soit participante à son capital.

Il reviendrait à l'assemblée délibérante, sur proposition de son président, de demander aux autorités de la République compétentes d'autoriser ledit président à négocier et à signer tout acte permettant l'adhésion ou la participation à un tel établissement. Les dispositions sont identiques à celles prévues pour l'adhésion à une organisation régionale ou des Nations unies.

Selon le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, ces nouvelles dispositions sont nécessaires car il n'est pas certain « qu'une telle banque ou institution régionale soit considérée comme " une organisation régionale " au sens de l'article L. 4433-4-2 du CGCT ». Elles permettraient, à titre d'exemple, à la région de Guadeloupe d'adhérer au capital de la Banque de Développement des Caraïbes soit en tant que membre, soit en tant que membre associé, soit encore au capital de celle-ci.

Le Gouvernement a estimé que la participation à des organismes financiers favorisait l'efficacité de la coopération régionale.

Votre rapporteur considère que ces dispositions permettent de lever une incertitude même si les institutions bancaires régionales peuvent être considérées comme des organisations régionales au sens de l'article L. 4433-4-2. Il regrette en revanche la mention insérée par l'Assemblée nationale, à l'article 4 bis , de la « région de Mayotte » qui n'est qu'une collectivité départementale exerçant certaines compétences d'une région d'outre-mer. Mayotte est en réalité la première collectivité unique relevant de l'article 73 de la Constitution.

Malgré cette réserve, votre commission a adopté les articles 4 bis , 6 bis et 8 bis sans modification .


* 14 Rapport d'information n° 519 (2008-2009) de M. Éric Doligé, fait au nom de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer. Ce rapport est consultable aux adresses suivantes :

https://www.senat.fr/rap/r08-519-1/r08-519-1.html (volume 1) et https://www.senat.fr/rap/r08-519-2/r08-519-2.html (volume 2).

* 15 On se réfèrera au rapport précité de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer (pp. 251-252 et 255-256).

* 16 L'article 2 vise les conseils départementaux de Guadeloupe, de la Réunion et de Mayotte, l'article 3 les conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion, l'article 5 l'assemblée de Guyane et l'article 7 l'assemblée de Martinique.

* 17 L'article 4 vise les présidents des conseils régionaux de Guadeloupe, de La Réunion et de la collectivité départementale de Mayotte, l'article 6 le président de l'assemblée de Guyane et l'article 8 celui du conseil exécutif de Martinique.

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