EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI RATIFIANT L'ORDONNANCE N° 2016-966 DU 15 JUILLET 2016 PORTANT SIMPLIFICATION DE PROCÉDURES MISES EN OEUVRE PAR L'AGENCE NATIONALE DE SÉCURITÉ DU MÉDICAMENT ET DES PRODUITS DE SANTÉ ET COMPORTANT DIVERSES DISPOSITIONS SUR LES PRODUITS DE SANTÉ

Article premier (art. L. 161-39 du code de la sécurité sociale, art. L. 1223-2, L. 5112-1, L. 5311-1, L. 5121-1, L. 5126-5, L. 5121-5, L. 5122-3, L. 5134-2, L. 5212-1, L. 5222-2 et L. 5322-2 du code de la santé publique) - Ratification de l'ordonnance n° 2016-966 du 15 juillet 2016 portant simplification de procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

Objet : Cet article prévoit la ratification de l'ordonnance n° 2016-966 prise sur le fondement de l'article 166 de la loi de modernisation de notre système de santé et destinée à simplifier certaines procédures de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

I - Le dispositif proposé

Le II de l'article 166 de la loi de modernisation de notre système de santé a habilité le Gouvernement, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi, promulgation intervenue le 26 janvier 2016, à : « prendre par ordonnances les mesures d'amélioration et de simplification du système de santé relevant du domaine de la loi visant à :

1° Simplifier et clarifier la législation applicable aux produits mentionnés à l'article L. 5311-1 du code de la santé publique :

a) en supprimant le régime spécifique des produits officinaux divisés, mentionnés au 4° de l'article L. 5121-1 du même code ;

b) en étendant l'interdiction de la publicité pour les médicaments faisant l'objet d'une réévaluation du rapport entre les bénéfices et les risques, prévue à l'article L. 5122-3 dudit code ;

c) en mettant en cohérence les dispositions du 4 de l'article 38 du code des douanes avec les dispositions du code de la santé publique relatives aux produits mentionnés à l'article L. 5311-1 du code de la santé publique ;

d) en supprimant la procédure de fixation d'orientations en vue de l'élaboration et de la diffusion des recommandations de bonne pratique de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé prévue à l'article L. 161-39 du code de la sécurité sociale ;

2° Assouplir, dans le respect de la sécurité sanitaire, simplifier et accélérer les procédures mises en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé :

a) en supprimant le répertoire des recherches médicales autorisées, prévu au deuxième alinéa de l'article L. 1121-15 du code de la santé publique ;

b) en autorisant le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à établir les listes mentionnées aux articles L. 5212-1 et L. 5222-2 du même code ;

c) en abrogeant les dispositions imposant des règles de communication avec des établissements publics ou les départements ministériels lorsqu'elles ne sont pas nécessaires et en autorisant l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à rendre publics certains de ses actes ou décisions par ses propres moyens ;

d) en permettant l'octroi d'un agrément pour une durée illimitée aux établissements de transfusion sanguine mentionnés à l'article L. 1223-2 du code de la santé publique ;

e) en permettant à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de publier la pharmacopée qu'elle prépare et élabore ;

f) en abrogeant les dispositions des articles L. 5134-2 et L. 5213-6 du même code encadrant la publicité des contraceptifs autres que les médicaments ;

g) en renforçant les missions de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé relatives à l'adoption des bonnes pratiques de pharmacovigilance ;

h) en dispensant de la transmission de la déclaration mentionnée à l'article L. 5121-18 du code de la santé publique les redevables du versement des taxes prévues à l'article 1600-0 P du code général des impôts en application du IV de l'article 1600-0 Q du même code. »

L'ordonnance n° 2016-966 du 15 juillet 2016, a été prise sur le fondement de cette habilitation et met en oeuvre certains des points énumérés aux 1° et 2° du II de l'article 166.

L' article 1 er de l'ordonnance supprime le troisième alinéa de l'article L. 161-39 du code de la sécurité sociale. Cet alinéa disposait que : « Sans préjudice des mesures prises par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé dans le cadre de ses missions de sécurité sanitaire, et notamment celles prises en application du 2° de l'article L. 5311-2 du code de la santé publique, la Haute Autorité de santé fixe les orientations en vue de l'élaboration et de la diffusion des recommandations de bonne pratique de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé mentionnée à l'article L. 5311-1 du même code et procède à leur diffusion . »

Cette imbrication des compétences entre la Haute Autorité de santé (HAS) et l'ANSM en matière de recommandations de bonnes pratiques entrait en contradiction avec le 2° de l'article L. 161-37 du même code qui prévoit, parmi les missions de la HAS, celle d': « élaborer les guides de bon usage des soins ou les recommandations de bonne pratique, de procéder à leur diffusion et de contribuer à l'information des professionnels de santé et du public dans ces domaines ».

La suppression de l'alinéa 3 de l'article L. 161-39 permet donc de clarifier les champs de compétence des deux organismes. D'un côté, les recommandations de bonne pratique qui relèvent de la HAS, de l'autre, les recommandations de pharmacovigilance et de bon usage du médicament qui relèvent l'ANSM dans le cadre de ses missions de sécurité sanitaire.

L' article 2 de l'ordonnance comporte onze points qui modifient le code de la santé publique .

Le supprime, à l'article L. 1223-2, la condition de durée des agréments délivrés aux établissements de transfusion sanguine par l'ANSM.

Le supprime, à l'article L. 5112-1, le renvoi à un décret en Conseil d'Etat pour la préparation de la pharmacopée. La pharmacopée est un recueil comprenant la nomenclature, la dénomination, les posologies maximales et les informations nécessaires à la conservation et à la délivrance des médicaments.

La préparation de ce recueil était régie par l'article R. 5112-2. Celui-ci prévoyait que les dispositions de la pharmacopée française étaient rendues obligatoires par arrêté du ministre en charge de la santé sur proposition du directeur général de l'ANSM.

L'ordonnance propose de porter au niveau législatif, en l'intégrant à l'article L. 5112-1 du code, la mention expresse que la pharmacopée est élaborée et rendue obligatoire par décision du directeur général de l'ANSM.

Le est une conséquence du 2° puisqu'il modifie l'article L. 5311-1 relatif aux missions de l'ANSM pour prévoir que l'agence « élabore » et non simplement « prépare » la pharmacopée.

Le supprime à l'article L. 5121-1, relatif à la définition des types de préparation de médicaments à usage humain, la définition du produit officinal divisé, qui perd ainsi toute existence.

Le supprime un renvoi à la notion de produit officinal divisé au sein de l'article L. 5126-5 (relatif à la gérance des pharmacies à usage intérieur).

Le inscrit, à l'article L. 5121-5, la pharmacovigilance parmi les bonnes pratiques dont les principes sont définis par l'ANSM. Les bonnes pratiques de pharmacovigilance étaient définies par un arrêté du ministre en charge de la santé pris sur proposition du directeur général de l'ANSM (article R. 5121-179).

Le modifie l'article L. 5122-3 pour prévoir une interdiction de publicité pour tous les médicaments faisant l'objet d'une réévaluation du rapport bénéfice/risque et non seulement ceux dont la réévaluation est liée à un signalement de pharmacovigilance.

Le supprime l'article L. 5134-2 qui encadrait la publicité pour les contraceptifs autres que les médicaments. Par coordination, l'article L. 5213-6 relatif à la publicité des dispositifs médicaux et renvoyant à l'article L. 5134-2 est également supprimé.

Le remplace, à l'article L. 5212-1, le mode de détermination des dispositifs médicaux soumis à une obligation de matériovigilance de la part de l'exploitant ou du vendeur. Les dispositifs concernés étaient visés dans des listes publiées par arrêté du ministre en charge de la santé. Ces listes étaient arrêtées après avis ou sur proposition de l'ANSM ou de son directeur général. Ces listes feront à l'avenir l'objet de décisions du directeur de l'ANSM.

Le 10° permet la même évolution pour la liste fixant les dispositifs de diagnostics in vitro pour lesquels il existe une obligation de vigilance de la part du vendeur (article L. 5222-2).

Le 11° complète l'article L. 5322-2 relatif aux compétences du directeur général de l'ANSM pour prévoir que les décisions qu'il prend sont publiées sur le site internet de l'agence sauf disposition contraire.

II - La position de la commission

L'ordonnance prise par le Gouvernement est conforme au champ de l'habilitation donnée par le législateur. Elle porte sur des questions essentiellement techniques et procède à des mises en cohérence et à des simplifications de procédures qui permettront l'accélération de certaines prises de décision. Ainsi, la suppression de la nécessité de renouveler tous les trois ans l'agrément des centres de transfusion sanguine est cohérente avec le fait que l'ANSM conduit déjà chaque année des inspections de ces établissements (38 en 2015) et garantit par là leur niveau de sécurité sanitaire.

L'ordonnance s'inscrit donc dans un processus nécessaire de simplification des missions de l'ANSM qui doit être poursuivi afin de lui permettre de dégager le plus de moyens possibles sur ses tâches de contrôle.

La commission note toutefois que la simplification des procédures se traduit par un transfert de responsabilité du ministre en charge de la santé vers le directeur général de l'ANSM sur plusieurs sujets éventuellement sensibles, comme la détermination des bonnes pratiques de pharmacovigilance.

Certes, l'ordonnance consacre incontestablement un état de fait en matière de processus décisionnel, puisque le ministre prend rarement des positions différentes de celles contenues dans les propositions ou avis de l'ANSM s'agissant de questions techniques relatives aux produits de santé. Il convient cependant d'être vigilant sur le degré de responsabilité qui pèse sur le directeur général de l'ANSM, celui-ci n'ayant d'autre légitimité que sa nomination par le Gouvernement et se trouvant rapidement et personnellement mis en cause lors de la survenue d'événements relatifs aux produits de santé.

La sensibilité particulière de l'opinion publique sur ces questions doit conduire à marquer clairement que la responsabilité finale est bien de niveau politique et que le ministre en charge de la santé doit suivre l'action de l'ANSM et s'assurer qu'elle dispose des moyens d'assurer ses missions. Il ne saurait être question d'accepter que le ministre transfère purement et simplement toute responsabilité en matière de sécurité des produits de santé sur le directeur général de l'ANSM.

Sous ces réserves, la commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 (art. L. 5123-1 du code de la santé publique et art. L. 245-6 du code de la sécurité sociale) - Obligation déclarative des grossistes-répartiteurs

Objet : Cet article met en place un dispositif expérimental destiné à permettre la déclaration par les grossistes-répartiteurs des quantités de certains médicaments non consommés en France.

I - Le dispositif proposé

Cet article se compose de deux parties.

Le I se divise en deux points.

Le propose de modifier pour une durée de trois ans l'article L. 5123-1 du code de la santé publique tel qu'il est issu de l'article 45 de la loi de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé 8 ( * ) dite « Bertrand ».

Il supprime la mention selon laquelle la liberté de prix s'applique aux seuls médicaments non consommés en France « et destinés à l'exportation », cette disposition étant redondante.

Il met en place une obligation de déclaration des quantités de médicaments acquis au prix réglementé et non consommés au sein du système de santé français. Cette obligation porte sur l'ensemble de ces médicaments et non seulement, comme cela était prévu en 2011, sur ceux qui sont destinés à l'exportation. Elle repose exclusivement sur :

- les entreprises de vente en gros de spécialités pharmaceutiques ;

- les médicaments et produits dont la liste est fixée par arrêté du ministre en charge de la santé, le ministère ayant indiqué au rapporteur que cette liste comprendrait a priori uniquement les médicaments les plus exportés.

Afin de répondre aux exigences du droit de la concurrence, qui empêchent la diffusion de l'information relative aux exportations de chaque grossiste-répartiteur, les données sur la quantité de médicaments non consommés en France seront transmises à un tiers de confiance. L'étude d'impact jointe au projet de loi évoque comme tiers possible la Caisse des dépôts et consignations ou la Chambre de commerce et d'industrie de Paris.

Les modalités d'application de l'obligation de déclaration ainsi que le mécanisme de sanction en cas de manquement sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.

Le prévoit, par coordination avec la mise en place de ce dispositif expérimental, la suppression de la disposition contenue au sein de l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale qui prévoit une obligation déclarative des revendeurs aux industriels.

Le II prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur la mise en oeuvre de ce dispositif dans un délai d'un an à compter de la publication du décret en Conseil d'Etat.

II - La position de la commission

L'article 2 s'inscrit dans une longue suite de mesures destinées à réguler les exportations parallèles de médicaments. Il souffre, comme les mesures précédemment adoptées, d'une ambiguïté quant à ses objectifs qui risque de le rendre, comme elles, inapplicable.

En effet, du point de vue des autorités sanitaires, l'enjeu lié aux exportations parallèles est celui d'une éventuelle rupture de stock de certains médicaments trop exportés.

Du point de vue du dialogue noué avec les industries de santé dans le cadre de la politique industrielle, et plus spécifiquement du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), l'enjeu est celui de la concurrence que font les grossistes répartiteurs aux laboratoires quand ils vendent des médicaments à l'étranger.

Les exportations dites parallèles de médicaments sont le fait de distributeurs qui tirent parti d'un prix fabricant inférieur en France à celui pratiqué dans certains pays étrangers. Afin de les limiter, les laboratoires imposent aux distributeurs des quotas qui peuvent avoir pour effet d'entraîner des difficultés d'approvisionnement des officines.

Plus le prix réglementé en France est bas, plus la marge bénéficiaire du distributeur est importante, notamment s'il vend dans les pays où le prix du médicament est libre.

Les industriels du médicament ont, à de nombreuses reprises depuis 2006, dénoncé l'incitation aux exportations parallèles que constitue le niveau relativement peu élevé des prix faciaux en France 9 ( * ) .

Cet argument avait été entendu et des mesures prises pour donner satisfaction aux laboratoires. Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, l'Assemblée nationale avait ainsi adopté un amendement de M. Yves Bur, rapporteur au nom de la commission des affaires sociales pour les recettes et l'équilibre général, dont l'exposé des motifs indiquait : « Il convient de limiter le caractère lucratif des exportations parallèles de médicaments à partir de la France ». Cette disposition avait cependant été invalidée par le Conseil constitutionnel en tant que cavalier social.

Les dispositions qu'il contenait ont été reprises par l'article 45 de la loi de la loi dite « Bertrand » précitée.

Pour décourager la pratique des exportations parallèles, cet article fait obligation aux distributeurs qui recourent à des exportations parallèles de déclarer leur activité, ce qui aura pour effet de soustraire les quantités ainsi vendues ou revendues à l'étranger de l'assiette des taxes assises sur les ventes en France.

Le Gouvernement constate aujourd'hui que « cette disposition s'avère inapplicable.

En effet, la convention tripartite qui aurait dû permettre l'application de cette disposition n'a jamais pu être conclue. L'autorité de la concurrence a d'ailleurs indiqué que sa mise en oeuvre poserait des difficultés au regard du droit de la concurrence et qu'il convenait d'anonymiser les données fournies par les grossistes. » 10 ( * )

En conséquence, le CSIS du 11 avril 2016 a prévu une « Mesure n° 26 : Prix à l'export : mise en oeuvre de l'article 45 de la loi du 29 décembre 2011 ». Elle est rédigée en ces termes :

« Dans le cadre des travaux liés au projet de loi de modernisation de notre système de santé a été rédigé un projet d'amendement législatif, qui n'a finalement pas été présenté. La réflexion pour l'intégrer à un autre vecteur législatif est en cours. »

Telle est l'origine du dispositif prévu à l'article 2.

Or, s'agissant des risques de rupture d'approvisionnement, les obligations de service public reposant sur les sept grossistes répartiteurs en charge de l'approvisionnement des officines devraient déjà prévenir ce risque car l'article R. 5124-59 du code de la santé publique impose aux grossistes répartiteurs de disposer en stock « d'un assortiment de médicaments comportant au moins les neuf dixièmes des présentations de spécialités pharmaceutiques effectivement commercialisées en France » et, sous conditions, « de satisfaire à tout moment la consommation de sa clientèle habituelle durant au moins deux semaines ».

De plus, ainsi que le relève le Conseil d'Etat dans son avis sur le projet de loi soumis à l'examen du Sénat : « la lutte contre le risque de pénurie de médicaments et de produits de santé sur le territoire national, objectif d'intérêt général, est déjà assurée par d'autres moyens, notamment par des obligations de service public très strictes que doivent respecter les grossistes-répartiteurs, obligations renforcées depuis la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et le décret n° 2016-993 du 20 juillet 2016 relatif à la lutte contre les ruptures d'approvisionnement de médicaments » .

Par ailleurs, les exportations parallèles sont légales et protégées par le droit de la concurrence tant national qu'européen. Les grossistes-répartiteurs sont propriétaires de leur stock et peuvent donc en disposer librement dès lors qu'ils ont rempli leurs obligations de service public.

La mise en oeuvre de la mesure prise en 2011, comme de celle initialement envisagée dans le projet de loi, s'est avérée complexe voire impossible car ces mesures poursuivent un double objectif :

- d'une part, renforcer la transparence sur les exportations parallèles et donc, en cas de besoins, mieux réguler l'approvisionnement des grossistes afin de garantir celui des officines ;

- d'autre part, répondre à la demande des laboratoires d'encadrer le prix de vente auquel les grossistes répartiteurs peuvent céder leur surplus de stock par la mise en place d'un mécanisme de fixation d'un « double prix ».

Or, le Gouvernement a dû renoncer aux mesures mettant en place un mécanisme de fixation du double prix puisque le Conseil d'Etat les a jugées insuffisamment justifiées par l'étude d'impact et de toute façon contraires au droit européen de la concurrence. Elles constituent une mesure d'effet équivalent à une restriction à l'exportation.

Il paraît donc quelque peu exagéré d'affirmer, s'agissant de cet article 2, comme le fait le compte rendu du conseil des ministres du 5 octobre, que « cette expérimentation a été, pour partie, annoncée lors du lancement du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) par la ministre des affaires sociales et de la santé le 11 avril 2016. »

Restent, dans l'article 2, les seules dispositions tendant à permettre une plus grande connaissance des quantités exportées, celles-ci étant désormais notifiées à un tiers de confiance. Le Gouvernement justifie cette mesure par la possibilité offerte de mener des analyses sur les exportations parallèles et sur leur lien éventuel avec les ruptures de stock. Elle permettrait également de faire apparaître la nécessité de réapprovisionner les grossistes répartiteurs d'un médicament qui se trouverait potentiellement en rupture de stock du fait d'un volume d'exportation parallèle trop important. Cette éventualité pose problème. En effet, elle suppose que les grossistes répartiteurs aient « mal calibré » leurs exportations et ne soient donc pas en mesure de respecter leurs obligations de service public.

Elle suppose par ailleurs que les industriels aient accès aux informations relatives aux quantités exportées ou que les autorités sanitaires agissent comme intermédiaire, ce qui n'est pas prévu par les dispositions législatives soumises par le Gouvernement. Si ces dispositions devaient figurer dans le décret en Conseil d'Etat prévu par cet article, il conviendrait à tout le moins que l'évaluation du dispositif prévoie explicitement le suivi de la condition posée par le Conseil d'Etat pour s'assurer que cette disposition n'est pas contraire au droit de la concurrence, à savoir « que la transmission aux laboratoires des informations relatives aux volumes exportés par les entreprises de vente en gros ne les conduisent pas à exercer à l'encontre de celles-ci, pour limiter leur concurrence, des contingentements excessifs, prohibés par le droit de l'Union européenne et, en particulier, la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ».

En somme, l'article 2 propose de remplacer le système prévu en 2011 et inapplicable car contraire au droit de la concurrence par un système expérimental dont la mise en oeuvre paraît complexe pour peu de résultats. Savoir si les exportations parallèles sont liées aux ruptures de stock de médicaments n'a en réalité que peu d'intérêt au regard de la sécurité d'approvisionnement des médicaments sur le territoire.

Néanmoins, tout en refusant la stigmatisation des grossistes-répartiteurs, la commission a estimé que la disposition de nature simplement expérimentale fait peser sur eux un faible niveau de contrainte et pourrait même, si elle fonctionne, permettre d'examiner de manière objective la question du lien entre exportations parallèles et rupture de stocks.

Elle a donc adopté l'amendement COM-1 déposé par le rapporteur procédant à des modifications rédactionnelles et portant à deux ans la durée au bout de laquelle le processus expérimental fera l'objet d'une évaluation.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 3 (art. L. 1245-5, L. 1245-5-1 (nouveau) et L. 1272-8 du code de la santé publique, art. 511-8-2 du code pénal) - Transposition de la directive UE/2015/566 de la Commission du 8 avril 2015 relative à la mise en oeuvre de la directive 2004/23/CE en ce qui concerne les procédures de vérification des normes de qualité et de sécurité des tissus et des cellules importés équivalentes à celles de la directive 2004/23/CE

Objet : Cet article permet la transposition d'une directive européenne relative au contrôle des importations de tissus et cellules d'origine humaine depuis des pays tiers à l'Union européenne et non partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

I - Le dispositif proposé

Cet article modifie le chapitre du code de la santé publique relatif aux dispositions communes en matière de tissus, cellules, produits du corps humain et leurs dérivés. Il se compose de quatre points.

Le remplace l'article L. 1245-5 relatif aux importations de tissus et de cellules par de nouvelles dispositions.

Le texte proposé pour l'article L. 1245-5 se divise en trois parties.

Le I procède à des clarifications rédactionnelles sur le régime d'autorisation des importations et exportations des tissus, de leurs dérivés et des cellules d'origine humaine à des fins thérapeutiques depuis les Etats membres de l'Union européen ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

Peuvent procéder à des importations les établissements autorisés par l'ANSM.

Le texte proposé ajoute, pour les établissements autorisés à pratiquer des greffes, effectuant des greffes ou des administrations de préparations de thérapies cellulaires et pour les médecins et chirurgiens-dentistes utilisant les types de tissus et cellules figurant sur une liste arrêtée par l'ANSM, la possibilité de procéder directement à des importations de ces produits depuis un pays de l'Union européenne.

Il reprend le dispositif prévoyant un contrôle des procédés de préparation et des indications thérapeutiques de tous les tissus, dérivés et cellules d'origine humaine avant leur entrée sur le territoire douanier. S'ils n'ont pas été autorisés par l'autorité compétente de l'Etat d'origine selon la procédure prévue par la directive 2004/23/CE, ils doivent faire l'objet d'une autorisation accordée à l'établissement ou l'organisme importateur par l'ANSM après avis de l'Agence de la biomédecine (ABM).

Peuvent procéder à des exportations vers les pays membres de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen les établissements ou organismes effectuant des greffes ou des administrations de préparations de thérapies cellulaires et disposant d'une autorisation spécifique pour le procédé de préparation pour les tissus, leurs dérivés ou les cellules qu'ils souhaitent exporter.

Si l'établissement ou l'organisme ne dispose pas de cette autorisation, il soumet à l'ANSM les motifs de cette absence. Si l'agence refuse l'autorisation ou si elle estime qu'il y a un risque sur la qualité ou la sécurité du produit ou qu'elle ne dispose pas d'éléments d'information suffisants, elle peut interdire l'exportation.

Le II prévoit des dispositions similaires pour les autorisations d'importations et d'exportations de tissus et cellules depuis les pays tiers à l'Union européenne et non partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Les établissements, organismes et personnes physiques susceptibles d'effectuer de telles importations ou exportations sont les mêmes que ceux mentionnées au I.

Seuls les établissements ou organismes, à l'exclusion des personnes physiques, peuvent être autorisés, à titre unique et pour un receveur connu, à importer des tissus, leurs dérivés ou des cellules d'origine humaine depuis un pays tiers à l'Union et à l'Espace économique européen.

Ce sont les mêmes qui peuvent être autorisés à procéder à des exportations vers les pays tiers.

En dehors des autorisations d'importation ponctuelles, les décisions de l'ANSM sont prises après avis de l'ABM. Celle-ci est également informée des décisions d'autorisation délivrées.

Le III prévoit la possibilité d'une autorisation d'importation ou d'exportation en urgence par l'ANSM après avis de l'ABM.

Le propose de créer un article L. 1245-5-1 regroupant l'ensemble des dispositions relatives aux conditions d'entrée en France des tissus et cellules qui ne sont pas utilisés à des fins immédiates. Ces dispositions étaient auparavant contenues au sein de l'article L. 1245-5.

Le et le procèdent à l'harmonisation des sanctions pénales entre le code pénal (article 511-8-2) et le code de la santé publique (L. 1272-8) en cas d'importation de tissus et cellules sans autorisation de l'ANSM.

II - La position de la commission

La commission est favorable à cet article qui permet la transposition de la directive UE/2015/566 et renforce l'encadrement des importations de tissus et cellules d'origine humaine depuis les pays tiers à l'Union européenne et non partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Cette directive, qui ne concerne pas les produits sanguins, n'entraîne, par ailleurs, aucune modification du statut des tissus et cellules d'origine humaine.

En conséquence la commission a rejeté l'amendement COM-4 de suppression déposé par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

A l'initiative du rapporteur, la commission a cependant estimé nécessaire de s'en tenir au droit actuel sur un point. Le dispositif prévu pour la nouvelle rédaction de l'article L. 1245-5 du code de la santé publique étend à certains établissements de santé et praticiens libéraux la possibilité d'importer directement ces produits depuis les Etats membres de l'Union européenne. En l'état actuel du droit, ces établissements et praticiens doivent se fournir auprès des banques de tissus et cellules autorisées et contrôlées par l'ANSM.

Il semble que le dispositif proposé pose un problème de faisabilité dans la mesure où les établissements de santé et les praticiens libéraux n'auront généralement pas les moyens de s'assurer du respect des exigences de sécurité sanitaire européennes et nationales. Il pourrait également poser un problème de biovigilance, voire de traçabilité.

Dès lors, tout en s'en remettant à l'avis du Gouvernement sur la compatibilité de cette restriction au droit d'importation avec le droit européen, la commission a adopté l'amendement COM-3 du rapporteur supprimant la possibilité pour les établissements et praticiens visés par l'article 3 d'importer directement des tissus et cellules d'origine humaine depuis les pays de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

La commission a également adopté l'amendement COM-2 du rapporteur apportant des modifications rédactionnelles ou de coordination.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 4 (nouveau) (art. L. 161-37 du code de la sécurité sociale et art. L. 1411-4, L3111-1, L. 3111-3, L. 3111-4, L. 3112-1, L. 4311-1, L. 5122-6 et L. 5122-9 du code de la santé publique) - Intégration des compétences du Comité technique des vaccinations à la Haute Autorité de santé

Objet : Cet article additionnel, issu d'un amendement déposé par le Gouvernement, prévoit le transfert du Comité technique des vaccinations (CTV), antérieurement rattaché au Haut Conseil de la santé publique (HCSP), à la Haute Autorité de santé (HAS).

I - Le dispositif proposé

Cet article se compose de quatre parties.

Le I modifie l'article L. 161-37 du code de la sécurité sociale relatif aux missions de la HAS pour procéder à une coordination et y intégrer les compétences du Comité technique des vaccinations : « participer à l'élaboration de la politique de vaccination et émettre des recommandations vaccinales, y compris en urgence à la demande du ministre chargé de la santé lorsque la situation le justifie, en fonction des données épidémiologiques, d'études sur les bénéfices et risques au niveau individuel et collectif et d'études médico-économiques ».

Le II modifie l'article L. 1411-4 du code de la santé publique pour prévoir que le Haut Conseil de la santé publique fournit aux pouvoirs publics son expertise pour la conception et l'évaluation des politiques et stratégies de prévention et de sécurité sanitaire en lien avec la HAS et non seulement avec les agences sanitaires.

Le III procède à des coordinations au sein du code de la santé publique pour remplacer les références au Haut Conseil de la santé publique au titre des compétences du CTV par des références à la HAS.

Le IV prévoit la date d'entrée en vigueur du dispositif, trois mois après la publication de la loi.

II - La position de la commission

La commission est favorable à cette disposition qui fait suite à plusieurs rapports parlementaires et permet de regrouper au sein d'une même instance la structure d'expertise qui fait les recommandations vaccinales et celle qui évalue le service médical rendu et l'amélioration du service médical rendu des médicaments et des vaccins (la commission de la transparence de la HAS).

Il tire les conséquences de l'annonce faite par la ministre des affaires sociales et de la santé le 12 janvier 2016 et permet la mise en oeuvre des nouvelles compétences de la HAS avant mars 2017, lorsque les mandats des membres du CTV, supprimé le 7 juin dernier, seront échus. La commission estime d'ailleurs que le terme de mars 2017 devrait être celui retenu pour la mise en place effective de la nouvelle compétence de la HAS.

Par ailleurs, la commission estime qu'il n'était pas nécessaire de préciser que la HAS a l'obligation de répondre « y compris en urgence, à la demande du ministre chargé de la santé, lorsque la situation le justifie ». Ceci relève des pratiques habituelles de la HAS et la formule souhaitée par le Gouvernement ne figure dans aucune des autres missions confiée à la Haute Autorité. Telle qu'elle figure dans le texte, cette formule semble par ailleurs confier un curieux pouvoir d'appréciation de la HAS sur le bien-fondé des demandes formulées en urgence par le ministre.

Sous ces réserves, la commission a adopté l'amendement COM-5 du Gouvernement créant cet article.

Article 5 (nouveau) (art. 225 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé) - Prolongation de la durée de l'habilitation donnée au Gouvernement par l'article 225 de la loi de modernisation de notre système de santé

Objet : Cet article additionnel, issu d'un amendement déposé par le Gouvernement, prévoit de porter de douze à vingt-quatre mois la durée de l'habilitation donnée au Gouvernement par l'article 225 de la loi de modernisation de notre système de santé.

I - Le dispositif proposé

Cet article se compose d'un alinéa unique. Il remplace le délai de douze mois prévu par l'article 225 de la loi de modernisation de notre système de santé par un délai de vingt-quatre mois, soit fin janvier 2018. Avant cette date, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi afin d'assurer la cohérence des textes au regard des dispositions de cette loi et d'abroger les dispositions devenues sans objet.

II - La position de la commission

La commission est favorable à l'extension de la durée de cette habilitation qui doit, à droit constant, permettre notamment la prise en compte de l'ensemble des dispositions insérées ou modifiées par les autres ordonnances prévues par la loi de modernisation de notre système de santé.

La commission a donc adopté l'amendement COM-6 du Gouvernement créant cet article.


* 8 Loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

* 9 Ainsi le communiqué de presse du LEEM - le syndicat de l'industrie pharmaceutique - en date du 26 septembre 2013, dénonçant un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 incohérent avec la politique industrielle du Gouvernement, affirme : « Les baisses de prix demandées (960 M€), d'une ampleur inédite, vont entraîner des exportations parallèles et donc accroître les risques de ruptures d'approvisionnement, au détriment des patients français.  »

* 10 Exposé des motifs du projet de loi.

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