B. LE PROJET DE BUDGET PORTE LA TRACE DU PLAN PRÉFECTURES NOUVELLE GÉNÉRATION ALORS MÊME QUE SON CHEMINEMENT N'EST PAS STABILISÉ

Votre rapporteur spécial a souhaité réunir des informations sur l'architecture financière du plan préfectures nouvelle génération (PPNG). Il observe que la programmation budgétaire pour 2017 porte déjà la trace de ce processus, alors même que ce plan demeure dans une phase préparatoire, portant au demeurant sur des éléments ponctuels, néanmoins déjà très discutés.

L'une des composantes majeures de l'équilibre financier du PPNG tient dans la capacité du ministère à dégager des économies sur certaines missions de guichet afin de financer d'autres actions, dont les conditions de renforcement et de mise en oeuvre sont à ce jour très mal connues.

À ce stade, seules les données relatives au dégagement des guichets des unités du réseau préfectoral, qu'on peut considérer comme le premier stade du PPNG, sont renseignées.

Ainsi, s'agissant des dépenses de personnels , le plan prévoit la suppression de 1 300 ETP sur la période 2016-2018.

Ces suppressions d'emplois correspondent à une baisse des effectifs physiques du réseau nettement supérieure . Elle toucherait 4 000 personnes. Dans le même temps, interviendraient des créations d'emplois dans les plateformes (voir infra ) en voie de constitution. Le projet de budget 2017 porte la trace de la réorganisation des missions de guichet du réseau préfectoral. En 2016, une suppression d'emplois de 200 unités avait été motivée par l'application du plan préfectures nouvelle génération (PPNG). Cette année encore, le schéma d'emplois du programme 307 comporte la suppression de 685 ETP à ce titre.

En outre, la réduction des effectifs s'accompagnerait d'un repyramidage important de la filière administrative des préfectures pour instaurer une répartition des emplois où les postes de catégorie C baisseraient pour être ramenés à environ 40 % des emplois. Le surcoût de ce repyramidage sur la période 2016-2020, qui joue d'ores et déjà sur le budget pour 2017, est évalué à 6,7 millions d'euros (hors CAS « Pensions »).

Au total, dans le projet de loi de finances pour 2017, pour les dépenses de personnel , le surcoût du PPNG se traduit principalement par :

• le repyramidage de la filière administrative ;

• les recrutements sur concours ;

• la mise en place d'une prime de restructuration des services (PRS) pour les agents concernés par PPNG ;

• l'impact du GVT positif projeté, qui augmente sous l'effet du plan de repyramidage.

Les coûts de fonctionnement et d'investissement du PPNG sont plus élevés mais devraient être transitoires. Ils sont estimés à environ 40 millions d'euros en 2016 et 2017.

Il s'agit, pour plus de la moitié, de dépenses liées aux systèmes d'information (22 millions d'euros) dont le financement est assuré par plusieurs programmes budgétaires et par l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS). Cette estimation paraît inclure l'impact des investissements et des formations nécessaires au développement du rôle de certaines communes en remplacement des préfectures dans le processus d'instruction de la carte nationale d'identité (voir infra ).

Les coûts informatiques du plan représenteraient 17 millions d'euros d'investissement sur deux ans et 5 millions d'euros en fonctionnement , à partir de 2017.

Ces coûts informatiques recouvrent les dépenses suivantes :

• l'instruction des cartes nationales d'identité (CNI) dans l'application des passeports « Titres Électroniques Sécurisés » (TES) ;

• l'extension du réseau de recueil des données liées aux CNI et aux passeports, indispensable pour faire face à la charge complémentaire liée aux demandes de CNI dans les mairies ;

• la mise en place d'un système de lutte contre la fraude, mutualisée entre les titres ;

• les coûts des changements de processus et téléservices sur le système d'immatriculation des véhicules (SIV) qui consiste à ajouter une phase de contrôle pour lutter contre la fraude ;

• les coûts des changements de processus et téléservices sur le fichier national des permis de conduire (FNPC) ;

• les coûts de fonctionnement supplémentaires (maintenance applicative, augmentation de la masse salariale de l'ANTS et coûts de fonctionnement induits par la pris en charge d'effectifs supplémentaires).

En dernier lieu, le ministère évoque d'autres dépenses liées au plan constitués des coûts de remise à domicile du permis de conduire, des coûts de mise en place d'espaces numériques dans les « Maisons de service au public », des coûts immobiliers pour l'aménagement des cinquante CERT (Centres d'expertise et de ressources titres) métropolitains et des huit CERT d'outre-mer, des coûts liés aux ressources humaines qui comprennent les volets de formation et d'organisation des concours, enfin, des coûts liés aux campagnes de communication (externe et interne) sur la réforme.

Votre rapporteur spécial souhaite exprimer quelques observations tendant à faire ressortir une certaine perplexité devant les méthodes employées dans le cadre de la mise en oeuvre, à ce stade, du PPNG, et face aux estimations de ses effets budgétaires, telles qu'ils sont exposés.

Il faut, en premier lieu, rappeler que le PPNG est censé se trouver, à ce jour, en cours de négociation tant avec certaines organisations rassemblant les collectivités territoriales qu'avec les organisations syndicales.

Interrogé sur ce point par votre rapporteur spécial, le ministre a fourni les indications suivantes (voir l'encadré ci-dessous).

Le calendrier de mise en oeuvre du plan préfectures nouvelle génération

1. Avec les collectivités territoriales

Depuis fin 2015, des contacts réguliers ont eu lieu avec l'Association des maires de France, en particulier dans le cadre de l'utilisation de l'application « Titres Électroniques Sécurisés » (TES) qui suppose, comme c'est le cas aujourd'hui pour les demandes de passeports, de recueillir les demandes de cartes nationales d'identité (CNI) au moyen de dispositifs de recueil (DR), équipement permettant notamment de numériser les empreintes digitales.

Une mission de l'inspection générale de l'administration qui a mesuré les conséquences de ces changements pour les communes a conclu à la nécessité de déployer 228 dispositifs de recueil supplémentaires pour faire face à la prise en compte des demandes de CNI dans l'application TES. Par ailleurs, la mise en place de cette réforme nécessite une évolution réglementaire. Un décret en Conseil d'État est actuellement soumis aux consultations prévues par les textes. 8 ( * )

Enfin, il est apparu que l'on pourrait simplifier utilement la procédure de destruction physique des titres périmés . Alors que ceux-ci, après avoir été récupérés par les services d'accueil communaux lors de la remise du titre renouvelé, sont aujourd'hui transportés par eux vers les préfectures, le soin de détruire directement ces documents pourrait leur être confié, sous réserve de la validation d'une procédure sécurisée, évitant ainsi aux collectivités les problèmes de stockage et les frais d'acheminement.

L'ensemble de ces sujets en cours de discussion avec l'AMF devrait pouvoir aboutir à l'automne 2016 pour permettre le déploiement du premier site pilote d'instruction des CNI - passeports dans les Yvelines avant une généralisation du déploiement des CERT « CNI-Passeports » entre février et mars 2017. 9 ( * )

2. Avec les organisations syndicales

Le secrétaire général a mis en oeuvre un dispositif spécifique de gouvernance de cette réforme construite autour de plusieurs instances partenariales dont :

- un comité de suivi, partenarial où sont invitées les organisations syndicales représentées au comité technique spécial des préfectures (FO, CFDT, SAPACMI, UNSA) afin de les associer au plus près de l'état d'avancement de la réforme.

Participent également à ce comité, le directeur de la modernisation et de l'action territoriale, le directeur des ressources humaines, le directeur des systèmes d'information et de communication, le délégué à la sécurité et à la circulation routières, le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques et selon les sujets traités, le directeur général des collectivités locales, le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises, le chef du service du haut fonctionnaire de défense et le délégué à l'information et à la communication.

Cette instance se réunit en moyenne toutes les six semaines (27 janvier, 7 avril, 14 juin et 12 juillet 2016). Le prochain comité de suivi partenarial est arrêté au 20 septembre 2016 et aura notamment pour ordre du jour les effectifs cibles et les implantations immobilières des CERT.

- pour nourrir la conduite opérationnelle du projet par le dialogue social, quatre groupes partenariaux thématiques ont été mis en place, associant les organisations syndicales et animés par la direction concernée avec l'appui de l'équipe-projet PPNG.

Ils ont en charge les aspects suivants :

- les processus (présentés le 4 avril et 13 mai 2016), organigrammes-cibles (présentés les 8 mars et 13 mai 2016), effectifs-cibles (prévus à l'automne 2016) ;

- la lutte contre la fraude documentaire (présentée les 8 mars, 15 avril et 31 mai 2016 puis le 14 juin 2016 au comité de suivi partenarial) ;

- les nouveaux métiers, les nouvelles formations, le repyramidage des corps des agents de préfecture (présentés les 16 février, 30 mars, 3 mai, 10 mai et 21 juin 2016 puis les 7 avril, 14 juin et 12 juillet 2016 au comité de suivi partenarial) ;

- l'adaptation de la réforme en Outre-Mer (la localisation des huit CERT Outre-Mer a été présentée le 6 juillet 2016 et le 12 juillet 2016 au comité de suivi partenarial).

La réponse ministérielle fait état de discussions essentiellement techniques avec l'association des maires de France (AMF) sur des points du projet qui sont très importants pour les communes, partenaires incontournables de la réforme, y compris dans sa dimension réduite au seul impact de la réduction des missions de guichet du réseau. Les difficultés rencontrées lors du passage au passeport biométrique ont amplement montré quelles problématiques devaient être surmontées pour avancer solidement sur de tels projets.

Il n'en reste pas moins que l'extension limitée des problèmes évoqués peut être soulignée.

Dans la mesure où le plan devrait se traduire par une redéfinition des missions du réseau préfectoral ainsi que par une révision des conditions de son déploiement sur le territoire, toutes évolutions susceptibles d'exercer des effets majeurs sur la présence et l'action territoriales de l'État, il apparaît que l'association des parties prenantes est aujourd'hui loin d'être à la hauteur des enjeux.

Enfin, le dialogue avec les organisations syndicales porte sur des variables pour le moins lourdes (les effectifs, le repyramidage des emplois...) sur lesquelles les avancées acquises à ce jour, pour trouver un début de traduction dans le projet de loi de finances ici examiné, ne paraissent pas répondre exhaustivement aux questions posées.

Dans ces conditions, il ne semble pas à votre rapporteur spécial que l'état des concertations permette de garantir que le plan préfectures nouvelle génération recueille un consensus indéfectible de la part des différentes parties prenantes.

S'agissant de l'impact financier du PPNG , votre rapporteur spécial souhaite mettre en évidence certaines données.

Le ministère indique que l'impact financier du plan devrait être assez limité.

Votre rapporteur spécial ajoute l'observation supplémentaire qu'en l'état il se traduit par une hausse des dépenses.

Cette perspective peut sembler étonnante au vu de l'ampleur de certaines évolutions et de la restructuration, voire de l'abandon, de certaines missions du réseau préfectoral desquelles on aurait pu attendre des économies, à défaut d'être rassurés sur les conditions de présence de l'État dans les territoires. Par ailleurs, l'exposition des effets de long terme, au-delà de 2017, du repyramidage évoqué, qui entre dans la logique du plan, manque de précision. Il en va de même de la prime de restructuration.

Surtout, les ambitions affichées dans le cadre des annonces régulières auxquelles donne lieu la communication gouvernementale sur le plan ne trouvent pas d'écho dans les estimations budgétaires qui lui sont associées. C'est également le cas des éventuelles restructurations que pourrait connaître le réseau préfectoral.

Au total, votre rapporteur spécial considère que la programmation budgétaire du programme 307, en ce qu'elle prend en compte l'application du PPNG, repose sur un pari quant à l'acceptation par les parties prenantes d'évolutions qui se traduiraient par l'abandon de certaines missions alors même que celle-ci n'est en rien acquise. Il ajoute qu'il serait hasardeux de s'en tenir aux évaluations sur l'impact du PPNG transmises à ce jour par le ministère dans la mesure où elles manquent de complétude s'agissant d'orientations dont la cohérence suppose des restructurations plus amples que celles mentionnées, essentiellement relatives relatif au circuit des titres sécurisés, qui, pour jouer un rôle-clef dans son équilibre de financement, est loin de recouvrir la totalité du plan.

Sur l'ensemble de ces points, les informations communiquées par le Gouvernement manquent de la précision nécessaire pour approuver le cadre budgétaire présenté pour 2017 en ce qu'il porte la trace de restructurations éventuelles touchant la présence de l'État dans les territoires qui demeurent opaques.


* 8 Il s'agit apparemment du décret publié fin octobre et sur lequel il conviendra de revenir.

* 9 Voir ci-dessous quelques observations sur la conception quelque peu atypique de l'expérimentation vue par le ministère de l'intérieur.

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