D. LA PROGRAMMATION TRIENNALE N'EST PAS RESPECTÉE ALORS MÊME QUE LES CRÉDITS DEMANDÉS N'APPRÉHENDENT PAS L'INTÉGRALITÉ DES MOYENS CONSACRÉS À LA MISSION

1. La programmation triennale n'est pas respectée

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 a fixé un plafond de crédits de paiement, hors contribution directe au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », de 2,51 milliards d'euros en 2017 à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit des crédits de paiement d'un montant de 2,546 milliards d'euros , dont environ 351 000 euros de contribution au CAS « Pensions » liée aux 24 emplois équivalents temps plein travaillés (ETPT) portés par la mission 12 ( * ) .

Respect de la programmation triennale

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Triennal 2011-2014

3,17

3,07

Triennal 2013-2015

3,04

2,95

2,83

Triennal 2015-2017

2,74

2,63

2,51

Exécution 2011

Exécution 2012

3,10

Exécution 2013

2,99

Exécution 2014

2,92

Exécution 2015

2,71

LFI 2016

2,61

PLF 2017

2,55

Source : commission des finances sur la base des rapports annuels de performances pour 2012 à 2014 et du projet annuel de performance pour 2016

Il en résulte que le plafond de la loi de programmation des finances publiques est dépassé de près de 35 millions d'euros.

Cette situation regrettable emprunte ses raisons à l'ensemble de mesures nouvelles mentionnées ci-dessus qui tendent à alourdir les charges de la mission, parmi lesquelles l'attribution de points supplémentaires au bénéfice de la retraite du combattant (pour un coût estimé pour 2017 à 27,4 millions d'euros).

Encore faut-il ajouter deux observations : la première, pour faire valoir que les crédits de la mission ne recouvrent pas la totalité des coûts qu'elle engendre, une part importante de l'effort financier consacré à la mission n'étant pas retracée par les crédits budgétaires de la mission, la seconde, pour indiquer qu'en année pleine, les mesures nouvelles qu'elles soient directes ou indirectes, exerceront des effets plus amples sur les dotations nécessaires pour financer les droits des anciens combattants.

2. Un quart de l'effort financier consacré aux anciens combattants reste hors mission

Si les crédits budgétaires directs de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » diminuent chaque année, des crédits budgétaires indirects bénéficient à la mission (ils restent à un niveau élevé pour le programme 167) tandis que la dépense fiscale associée à la mission, qui a connu une forte croissance ces dernières années, continue d'augmenter.

En réalité, un quart de l'effort financier consacré aux politiques publiques portées par la mission provient de dispositifs extérieurs à ses crédits budgétaires.

Moyennant les incertitudes entourant l'évaluation des dépenses fiscales (voir infra ), on peut considérer que l'effort financier consenti par la Nation envers les anciens combattants s'établirait en 2017 à 3 395,2 millions d'euros contre 3 474 millions d'euros pour 2016 .

Il se réduirait donc de 78,8 millions d'euros par rapport à 2016, soit davantage que l'écart entre les crédits budgétaires ouverts en 2016 et les crédits demandés pour 2017 en raison d'une moindre sollicitation des autres missions du budget général.

Cependant, exprimée en pourcentage, la décrue de l'effort financier serait un peu inférieure à celle exprimée à partir de la seule considération des crédits budgétaires.

Les soutiens budgétaires indirects proviennent de la mission « Défense » 13 ( * ) , et de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » 14 ( * ) . Ils complètent les crédits des programmes 167, 169 et 158. En projet de loi de finances pour 2017, ils représentent 98,4 millions d'euros 15 ( * ) .

Ces crédits indirects viennent, en particulier, financer la journée « défense et citoyenneté » à hauteur de près de 72 % des moyens nécessités par ce rendez-vous .

Par ailleurs, les dépenses fiscales représentent une part toujours croissante des moyens consacrés aux anciens combattants. En 2017, le montant des recettes fiscales non perçues du fait des dispositifs d'exonération, de déduction et de demi-part fiscale supplémentaire en place, est estimé à 751 millions d'euros, soit l'équivalent d'environ 30 % des crédits directs d'intervention .

Il s'agit d'une évaluation qui sera probablement révisée ultérieurement. C'est ainsi que le chiffrage des dépenses fiscales pour 2015 a été rehaussé de 33 millions d'euros (de 710 à 743 millions d'euros) sous l'effet du dynamisme de la dépense fiscale liée à la demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs veuves) de plus de 74 ans (contre 75 ans avant 2016) titulaires de la carte du combattant.

Évolution de la dépense fiscale n° 110103 de 2004 à 2016

(en millions)

Source : commission des finances sur la base du rapport n° 653 (2013-2014) de M. Philippe Marini, complété par le rapport annuel de performances pour 2014 et du projet annuel de performances pour 2016

3. Les dépenses fiscales (et sociales) devraient être mieux justifiées

La Cour des comptes, dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire 2015, avait regretté que certains dispositifs de dépenses fiscales ne soient pas recensés dans les documents budgétaires. Interrogé sur ce point, le ministère a apporté à votre rapporteur spécial un certain nombre de réponses qu'il faut mentionner.

Il s'agissait des dispositifs suivants :

1) Impôt sur le revenu :

- l'exonération d'impôt sur le revenu (IR) des pensions militaires d'invalidité (PMI) reversées aux ayants droit des militaires et anciens combattants décédés, en vertu des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) ;

- l'exonération des indemnités découlant des dispositifs prévus pour le programme 158, notamment des indemnités versées aux ayants droit des victimes de spoliation.

Sur ce point, le ministère fait valoir que « l'exonération des pensions versées en vertu des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre est globalisée dans la dépense fiscale 120126 qui regroupe également l'exonération de la retraite du combattant, des retraites mutuelles servies aux anciens combattants et aux victimes de guerre et de l'allocation de reconnaissance aux anciens membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie, pour un montant de 200 millions d'euros ».

La réponse du ministère paraît conduire à estimer que les éléments de réversion visés par la Cour sont inclus dans l'estimation de la dépense fiscale 120126 ce qui n'apparaît toujours pas clairement dans l'intitulé de ladite dépense tel qu'il figure dans le programme annuel de performances (PAP). Par ailleurs, demeure la question de l'estimation du dispositif d'exonération des indemnités versées dans le cadre de la réparation due aux victimes de spoliation qui en tout état de cause ne fait pas l'objet d'une identification spécifique.

2) Droits de mutation :

Le PAP ne mentionne pas l'exonération dont bénéficie le capital versé aux victimes de spoliations qui serait soumis au droit d'enregistrement (programme 158).

Le ministère relève que ce dispositif n'est pas géré par le ministère de la défense, observation exacte mais qui ne résout en rien le problème.

3) Droits de succession :

Le PAP ne mentionne pas que :

- pour les contribuables ayant opté pour le régime réservé viagèrement, la transmission du capital de la rente mutualiste se fait hors droits de succession dans la limite de la fiscalité actuelle ;

- pour les ayants droit des victimes de spoliations, les indemnités versées postérieurement au décès du bénéficiaire ne constituent pas un patrimoine taxable.

Sur ces points, la réponse du ministère apporte les précisions suivantes. Les droits de succession frappent tous les biens qui composent le patrimoine du défunt au jour du décès et qui, de ce fait, sont transmis à ses héritiers ou légataires. Dès lors que les indemnités versées antérieurement au décès sont inscrites au crédit d'un compte bancaire ou constituent une créance au nom du défunt, elles sont soumises aux droits de mutation à titre gratuit prévus en matière de succession.

En revanche, selon le ministère, les indemnités versées postérieurement au décès du défunt, mais au nom des héritiers (sans constituer une créance certaine du défunt au moment du décès) ne constituent pas le patrimoine taxable en matière de droit de succession du défunt.

4) Prélèvements sociaux :

Le PAP ne mentionne pas que :

- les PMI, la retraite du combattant, la retraite mutualiste des anciens combattants (dans la mesure où elle bénéficie de la majoration de l'État) et les allocations de reconnaissance servies aux anciens membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie et à leurs veuves sont exonérées de CSG et de CRDS. La Cour rappelait que le coût de l'exonération pour les retraites mutualistes avait été estimé, en 2013, à 80 millions d'euros tandis que pour la retraite du combattant, il avait été estimé à 67 millions d'euros ;

- les sommes perçues par les orphelins des victimes de la barbarie, les orphelins des victimes d'actes d'antisémitisme pendant la Seconde guerre mondiale et par les victimes de spoliations ne sont pas soumis à prélèvements sociaux.

La réponse du ministère souligne que, pour ces différentes exonérations sociales citées en faveur des anciens combattants par la Cour des comptes, celle-ci estime qu'elles doivent relever du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et qu'elles font l'objet d'une évaluation par la direction de la législation fiscale.

Les termes précis de leur compensation restent à déterminer. En toute hypothèse, il serait justifié de les mentionner dans la partie du PAP consacrée à identifier les coûts complets de la mission budgétaire. Or, ceux-ci n'incluent que les crédits en provenance d'autres ministères à l'exclusion de toute estimation des exonérations de charges sociales ou de leur équivalent en compensation versée aux régimes sociaux.

5) Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) :

Le PAP ne fait pas figurer les dispositifs suivant qui sont exonérés d'ISF :

- l'exonération des sommes allouées aux ayants droit des victimes de persécutions antisémites en vertu de l'article 885 K du code général des impôts (CGI) 16 ( * ) ;

- la rente mutualiste, sa valeur de capitalisation n'est pas imposable ;

- l'ensemble des aides financières versées aux orphelins et aux victimes de spoliations n'entrent pas dans le champ de l'ISF. Lorsque ces indemnités sont versées aux ayants droit des victimes de spoliations, elles sont également exonérées d'ISF.

Le ministère souligne que le fait que la valeur de capitalisation de la rente mutualiste n'entre pas dans l'assiette de l'ISF n'est pas réservé aux cas d'espèce. Dans ces conditions, il est, en effet, douteux que ce régime puisse être considéré comme une dépense fiscale au sens strict.

Il ajoute que, d'une manière générale, l'évaluation des dépenses fiscales au titre des différentes mesures d'exonération d'ISF, qui est du ressort de la direction de la législation fiscale, n'est pas à la portée du ministère de la défense. On peut regretter que celui-ci ne reçoive pas le concours de celle-là pour répondre aux questionnaires budgétaires.


* 11 Voir la contribution de votre rapporteur spécial au rapport n° 604 (2014-2015) de M. Albéric de Montgolfier, Tome II page 52.

* 12 Il s'agit des emplois au sein de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliation (CIVS) dans le programme 158. Ce versement accuse une légère baisse par rapport à la programmation de 2016.

* 13 En provenance des programmes 178 « Préparation et emploi des forces » et 212 « Soutien de la politique de la défense ». En revanche, le déversement en provenance du programme 309 « Soutien de la politique immobilière de l'État » qui atteignait 0,1 million d'euros dans le PAP 2016 ne figure plus dans la comptabilité analytique de la mission en 2017.

* 14 En provenance du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental ».

* 15 À comparer à 114,9 millions d'euros en loi de finances pour 2016.

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