EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mardi 6 décembre 2016, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'examen du rapport sur la proposition de loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse.

M. Alain Milon , président . - Je salue la présence de Mme Frédérique Gerbaud, qui remplace Louis Pinton. Je lui souhaite la bienvenue au sein de notre commission. Le rapporteur pour avis de la commission des lois, M. Michel Mercier, et la présidente de la délégation aux droits des femmes, sont également parmi nous.

Mme Stéphanie Riocreux , rapporteure . - La proposition de loi qui nous est soumise a été déposée le 23 novembre dernier à l'Assemblée nationale, qui l'a adoptée en première lecture le 1 er décembre. Elle reprend un amendement gouvernemental déposé au Sénat le 27 septembre sur le projet de loi Égalité et citoyenneté, qui n'avait pu être discuté pour des raisons de procédure.

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte. Le contexte pré-électoral a pu contribuer à tendre les débats dans les médias, puis à l'Assemblée nationale. La présente proposition de loi a pourtant un périmètre limité. Elle comporte un seul article. Son objet est de compléter, pour l'adapter à l'évolution de notre société, la disposition relative au délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), créé par la loi du 27 janvier 1993.

Afin de garantir aux femmes l'accès à ce droit fondamental, le cadre du délit d'entrave a évolué. Il a été renforcé par la loi du 4 juillet 2001, qui a ajouté la notion de pressions morales et psychologiques aux menaces et actes d'intimidation sanctionnés dès 1993 et en a alourdi la sanction. Il a été élargi par la loi du 4 août 2014, qui a sanctionné également les actions visant à empêcher l'accès à l'information au sein des structures pratiquant l'IVG. Ainsi, le délit d'entrave inscrit à l'article L. 2223-2 du code de la santé publique est défini comme le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer une IVG ou de s'informer sur celle-ci.

À ce titre, on distingue deux types d'entrave : d'une part l'entrave physique, c'est-à-dire le fait de perturber l'accès aux établissements habilités à pratiquer des IVG ou les conditions de travail des personnels médicaux et non-médicaux ; d'autre part l'entrave par pressions psychologiques, c'est-à-dire le fait d'exercer « des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnels médicaux et non-médicaux travaillant dans ces établissements, des femmes venues y subir ou s'informer sur une IVG ou de l'entourage de ces dernières ». Ce délit est assorti d'une peine maximale de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

Ce que réprime le code de la santé publique, c'est bien le fait d'empêcher les femmes d'accéder à ce qui est reconnu par la loi comme un droit. Je me dois de rappeler qu'il s'agit d'un droit particulièrement encadré. Le texte soumis à notre examen n'a pas pour objet d'assouplir cet encadrement mais de garantir que l'accès à ce droit soit respecté. Il s'agit de trouver un point d'équilibre pour que la liberté de s'opposer à l'IVG n'entrave pas la liberté d'y recourir.

Depuis quelques années, une évolution des pratiques d'entraves par pressions psychologiques a été mise au jour. Aujourd'hui, ces pratiques prennent notamment la forme d'une désinformation par la voie d'Internet. Cette situation a été étudiée en particulier par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEFH). En 2013, sur saisine de la secrétaire d'État aux droits des femmes, le Conseil a dressé un état des lieux de l'accès à l'IVG sur le territoire, notamment de l'information dispensée sur Internet. Parmi les recommandations figurait la mise en place d'un site Internet institutionnel dédié ainsi que d'un numéro de téléphone national anonyme et gratuit. Ce fut chose faite en 2015 avec la création du site www.ivg.gouv.fr et la mise en service du numéro vert 0 800 08 11 11.

Certains sites Internet mettant en oeuvre une stratégie de référencement destinée à concurrencer les sites publics se donnent l'apparence de sites institutionnels neutres mais fournissent des informations partielles ou tronquées, donc de nature à induire en erreur les internautes. La présentation que ces sites font du recours à l'IVG est biaisée. Elle comporte parfois des contre-vérités scientifiques ; aucune mention n'y est faite des modalités pratiques d'exercice du droit. La volonté de dissuader les femmes de recourir à l'IVG n'est jamais clairement affichée. Il s'agit de tentatives de dissuasion insidieuses.

De plus, plusieurs de ces sites comportent un renvoi vers un numéro vert. Le coeur du problème est bien là. Naviguer sur différents sites Internet à la recherche d'informations est une chose, l'internaute ne peut être a priori considéré comme étant réellement « captif », même si l'étude menée par le HCE nous indique qu'Internet est souvent la première source d'information en matière de santé, particulièrement pour les plus jeunes. Parmi les 15-30 ans, plus de 57 % de femmes et 40 % d'hommes utilisent Internet pour se renseigner sur des questions relatives à la santé ; 80 % des jeunes qui y ont recours jugent crédibles les informations recueillies, sans vérifier l'origine des sites ni la fiabilité de ceux qui les  alimentent. La question de l'entrave se pose précisément lorsque l'internaute, alors qu'il  cherchait des renseignements sur un site d'apparence neutre, se trouve en contact individuel avec un interlocuteur à propos duquel des témoignages mettent en lumière des tentatives de dissuasion. Pour les femmes, celles-ci peuvent entraîner, à travers une perte de temps et avec des méthodes proches du harcèlement, une perte de chance au sens médical du terme, étant donné les délais stricts dans lesquels l'IVG est possible.

Bien qu'ayant un périmètre limité, la rédaction initiale de la proposition de loi a soulevé le problème du respect de la liberté d'expression. En effet, la caractérisation du délit était particulièrement large. Il y était question de diffusion ou de transmission « par tout moyen, notamment par des moyens de communication au public par voie électronique ou de communication au public en ligne, des allégations, indications ou présentations faussées et de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur la nature, les caractéristiques ou les conséquences médicales » d'une IVG.

L'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications, visant notamment à éviter ce problème de constitutionnalité, en proposant une nouvelle rédaction du texte. Toutefois, la version adoptée par les députés revient à considérer que les pressions psychologiques peuvent constituer une entrave physique, ce qui peut nuire à l'intelligibilité de la disposition.

À mon sens, pour atteindre le but visé à travers cette proposition de loi, très peu de changements sont, en fait, nécessaires par rapport au droit existant. La loi de 1993 a été conçue pour empêcher les actions « commando » menées à l'époque contre les centres pratiquant des IVG. Il nous revient d'adapter ces dispositions à l'évolution des modes de communication, en particulier à la recherche d'informations sur Internet. Je vous proposerai une rédaction plus recentrée : mon amendement tend simplement à compléter les dispositions relatives au délit d'entrave par pressions morales et psychologiques, en précisant que celles-ci peuvent avoir été exercées par tout moyen à l'encontre des personnes cherchant à s'informer sur une IVG.

J'entends ceux qui, notamment parmi les personnes que j'ai auditionnées, insistent sur le fait que l'accès à l'IVG reste d'abord une question de moyens. À cet égard, la dynamique des politiques de santé publique a permis des progrès très importants au cours de ces dernières années.

Les recommandations du Haut Conseil ont été pour la plupart mises en oeuvre, pour ce qui concerne la prévention et l'accès à l'information sur l'ensemble du territoire, ou la diffusion de l'information officielle sur Internet.

Le numéro vert national, dont la gestion a été confiée au Mouvement français du planning familial, permet de diffuser des informations objectives en s'appuyant sur l'ensemble des acteurs locaux au niveau régional afin de garantir aux personnes un parcours simplifié et fiable vers l'information et l'accès au droit.

Ces progrès, incontestablement, doivent être poursuivis pour améliorer le référencement des sites officiels sur les moteurs de recherche et pérenniser l'effort de communication au grand public.

Dans cette perspective, j'ai demandé à la Haute Autorité de santé (HAS), qui est en charge de ces questions, un bilan quant aux possibilités de recourir à la labellisation des sites Internet diffusant des informations en matière de santé. Il ressort de ce travail que l'impact d'une labellisation serait faible et particulièrement coûteuse compte tenu de la réalité des comportements de recherche sur Internet et de la facilité qu'ont les sites non labellisés à évoluer.

Le sujet qui nous occupe aujourd'hui porte sur un point juridique très précis, qui appelle de notre part une réponse législative.

M. Michel Mercier , rapporteur pour avis de la commission des lois . - Je le conçois, il peut sembler incongru qu'un homme s'exprime sur le sujet.

Mme Nicole Bricq . - Pas du tout !

Mme Catherine Génisson . - Pour faire un enfant, il faut être deux !

Mme Nicole Bricq . - C'est un sénateur de droite qui a fait voter la loi sur la contraception.

M. Michel Mercier , rapporteur pour avis . - Quoi qu'il en soit, je m'en tiendrai à des considérations d'ordre juridique. C'est la raison de la saisine pour avis de la commission des lois. La loi de 1975 a créé un droit individuel pour les femmes : la liberté de recourir ou non à l'IVG, dans des conditions clairement définies. Immédiatement, on a pu constater qu'il était difficile de rendre ce droit effectif. Il a fallu que la législation aille plus loin et, en 1993, le délit d'entrave à l'IVG a été créé ; il a été revu en 2001 et 2014.

Ce délit se caractérise par le fait que sa commission intervient en lien avec un établissement pratiquant l'IVG, par exemple des manifestations devant la porte d'entrée, empêchant les femmes d'accéder au service dans lequel elles se rendent. Par la suite, la définition a été élargie pour tenir compte des pressions morales ou psychologiques exercées sur les intéressées et sur leur entourage.

Le présent texte étend ce délit d'entrave aux publications sur Internet. Il s'agit d'une profonde innovation. Cette proposition de loi a une histoire, que Mme la rapporteure a fort bien rappelée et sur laquelle je n'insisterai pas. Je constate simplement que le résultat est, en définitive, difficile à comprendre. Il appelle tout d'abord deux grandes critiques d'ordre constitutionnel.

Premièrement, ce texte contrevient aux règles inhérentes au droit pénal général, qu'il s'agisse du principe d'intelligibilité de la loi ou du principe d'incrimination légale figurant dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Nullum crimen, nulla poena sine lege ; le principe de légalité n'est ici pas réellement respecté car les infractions ne sont pas définies de manière suffisamment claire pour exclure l'arbitraire. J'ajoute que la rédaction issue des débats en séance publique à l'Assemblée nationale - contrairement à la rédaction de sa commission - est particulièrement inintelligible ; elle porte atteinte au principe de clarté de la loi pénale. Elle pose problème enfin au regard de la nécessité et de la proportionnalité des peines : les sanctions qu'elle prévoit sont particulièrement lourdes et bien supérieures aux sanctions encourues pour incitation à la haine, par exemple.

Deuxièmement, ce texte contrevient à la liberté d'expression, laquelle est garantie par l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Je rappelle que la liberté d'expression ne peut connaître de limitation que lorsqu'elle met en cause l'ordre public. Je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel en date du 11 octobre 1984 : « La liberté d'expression est une liberté fondamentale d'autant plus précieuse que son exercice est l'une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés de la souveraineté nationale. Dès lors, la loi ne peut en réglementer l'exercice qu'en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec celui d'autres règles ou de principes de valeur constitutionnelle. Les atteintes nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi sont seules recevables. » Or, le délit d'entrave intellectuelle à l'IVG, tel qu'il est défini pour l'heure dans cette proposition de loi, ne semble viser aucun objectif ou traduire aucun principe de valeur constitutionnelle.

Au surplus, cette proposition de loi pose problème au regard du droit européen. L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme précise bien que tous les points de vue peuvent être exprimés, même s'ils heurtent, choquent ou inquiètent. Je vous renvoie à la décision Observer et Guardian contre Royaume-Uni rendue par la Cour de Strasbourg en 1991. On a le droit de défendre une opinion, même fausse. En effet, la liberté d'expression est par définition globale et complète. Je le répète, le seul critère impératif en la matière est de ne pas porter atteinte à l'ordre public. En l'occurrence, nous sommes donc face à une forme d'ingérence de l'autorité publique. En définitive, le présent texte me paraît à la fois inconstitutionnel et inconventionnel.

Mme Chantal Jouanno , présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes . - Avant tout, je tiens à remercier M. le président de la commission d'avoir bien voulu saisir notre délégation de cette proposition de loi.

La délégation aux droits des femmes se penche régulièrement sur le sujet de l'IVG : en témoignent notre rapport relatif aux liens entre droits des femmes et laïcité, adopté en octobre 2016, et notre rapport relatif à la santé des femmes, adopté en 2015. Nous avons pu observer le grave problème des moyens alloués : 130 centres pratiquant l'IVG ont fermé en dix ans. Les IVG se concentrent désormais sur un nombre limité d'établissements : 5 % des centres pratiquent 27 % des IVG en France. De plus, nous avons observé le grave manque de moyens dont souffre la communication officielle.

Au début de l'année 2013 - le débat n'est donc pas récent - le Haut Conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes s'est inquiété de l'émergence de sites Internet tendant à entraver l'exercice de l'IVG. Ces sites prennent soin d'avoir toute l'apparence de sites officiels. C'est là que réside la tromperie.

Au sein de la délégation, le constat de base a fait l'unanimité. Ces sites Internet d'apparence mensongère existent réellement, et ils posent véritablement problème. Parallèlement, les sites officiels souffrent à l'évidence d'un grave manque de moyens.

Mme Nicole Bricq . - C'est bien là la difficulté !

Mme Chantal Jouanno , présidente de la délégation . - En revanche, les avis ont été plus partagés quant à la traduction législative qu'il fallait apporter à cette préoccupation. Les uns estiment qu'il faut s'appuyer sur le droit en vigueur de la presse et la loi de 1881. Les autres considèrent qu'il vaut mieux s'appuyer sur le délit d'entrave à l'IVG. Je crois résumer nos positions de façon équilibrée...

Je le répète, nous admettons tout à fait le bien-fondé de l'objectif. Reste à trouver la bonne traduction législative. Je regrette que le Sénat ait été saisi trop tard de cette proposition de loi pour que nous puissions mener un travail réellement constructif. La délégation a dû se prononcer avant que ce texte soit examiné en séance publique par nos collègues députés. Il est indispensable de bénéficier de délais raisonnables.

M. Alain Milon , président . - Nous sommes bel et bien face à un problème de délais. Le présent texte a été modifié en commission le 23 novembre puis adopté par l'Assemblée nationale le 1 er décembre. Nous l'examinons en commission aujourd'hui, 6 décembre, en vue d'un débat en séance publique demain. Ce rythme s'apparente à une procédure non plus d'urgence mais d'extrême urgence !

Mme Catherine Génisson . - Quelquefois, nous parvenons à travailler malgré des délais très réduits !

M. Alain Milon , président . - Il s'agit là d'un sujet important. Peut-être aurait-il mieux valu que cette proposition de loi soit inscrite au titre de l'espace réservé du groupe socialiste et républicain de janvier 2017. Nous aurions ainsi pu travailler dans de meilleures conditions.

Mme la rapporteure l'a souligné avec raison, la labellisation proposée via cette proposition de loi, dans la rédaction qui nous a été transmise, serait « particulièrement coûteuse » pour un impact « faible ». C'est là un point essentiel. En 2013, M. Mézard et moi-même avons consacré un rapport d'information aux dérives sectaires dans le secteur de la santé. Nous avons pu constater qu'il était extrêmement difficile d'interdire les sites sectaires, ou même de faire en sorte que les sites gouvernementaux apparaissent en première position lors d'une recherche en ligne. En pratique, la labellisation ne fonctionne pas.

Mme Nicole Bricq . - Avant tout, je remercie Mme la rapporteure, qui a adopté le ton qui s'impose sur un sujet aussi grave. Je remercie également M. le rapporteur pour avis, qui a très bien résumé les problèmes de constitutionnalité et de conventionnalité soulevés. Enfin, je salue le propos très objectif et équilibré qu'a tenu Mme Jouanno au nom de la délégation aux droits des femmes.

Ces premières interventions augurent bien, je l'espère et le souhaite, d'un débat satisfaisant en séance publique. Puisse le Sénat ne pas imiter l'exemple qu'a donné l'Assemblée nationale, et qui n'était pas brillant ! Souvenons-nous que Lucien Neuwirth fit, dans notre assemblée, voter la loi sur la contraception ; et qu'en 1975 Mme Veil reçut le soutien de la gauche...

Bien sûr, il faut respecter la liberté d'expression. Peut-être, sur le fond, n'a-t-on pas trouvé le bon vecteur juridique. Mais ce qui l'emporte, c'est que nous devons adresser un signal fort pour dénoncer ces sites de désinformation. Les statistiques sont là : celles qui les fréquentent sont des jeunes filles en désarroi, exposées aux avortements les plus tardifs et en quête de n'importe quelle solution pour mettre un terme leur grossesse. Elles se tournent facilement vers Internet et sont très influençables.

Le site du planning familial, le site officiel du Gouvernement, ne sont pas suffisamment opérationnels. Peut-être aurions-nous pu éviter ces faux débats, si nous les avions améliorés. Je le répète : l'essentiel est d'envoyer un signal pour que les femmes cessent d'être victimes des sites de désinformation. Imaginez : lorsqu'elles appellent le numéro vert, elles tombent sur des gens qui leur racontent des horreurs. Il faut voter ce texte malgré les difficultés juridiques soulevées. Le Conseil constitutionnel se prononcera.

Mme Patricia Schillinger . - Il n'est pas facile de produire un rapport sur un sujet d'actualité aussi délicat. Je remercie Mme Riocreux, M. Mercier et Mme Jouanno de leurs précisions. M. Mercier a parlé d'une liberté d'expression aussi bien positive que négative, respectable ou exécrable. Autrement dit, les violences verbales faites aux femmes ne devraient pas non plus être pénalisées ?

Certains sites sont difficiles à contrôler car ils utilisent tous les codes des sites officiels, de sorte qu'on ne sait pas s'ils sont produits par des professionnels. En outre, dans certains départements, le manque de structures d'accueil et d'information est criant.

Nous devons lancer un signal et montrer que nous, législateurs, disposons d'un outil de pression et de pénalisation à opposer en cas de besoin. Car sur Internet, on peut dire tout et son contraire.

Mme Aline Archimbaud . - Je remercie les rapporteurs. Personne, ici, ne souhaite limiter la liberté d'expression. Certains sont hostiles à l'IVG : personne ne leur conteste ce droit, ni celui d'exprimer leur point de vue.

Le délit d'entrave à l'IVG n'est pas un problème abstrait. Les femmes qui y sont confrontées souffrent aussi, souvent, d'une situation de fragilité économique, psychologique et familiale. Elles sont souvent très isolées, de sorte qu'elles n'ont pas accès à l'information, ni au réseau qui aurait pu les aider. J'ai consulté les sites dont nous parlons. Tout dans leur présentation laisse à penser qu'il s'agit de sites officiels d'information neutre. La proposition de loi inscrit comme un délit le fait de publier des informations objectivement fausses sur, par exemple, les conséquences d'un IVG. Et ce, dans le but de protéger des femmes fragilisées.

Mme Évelyne Yonnet . - À mon tour de remercier les rapporteurs. J'ai entendu ce que vous avez pu dire sur la liberté d'expression et d'opinion. En tant que législateur, nous ne pouvons pas en rester là. Nous devons pouvoir contrôler l'information qui est diffusée sur ce genre de sujet, et cela plus encore lorsqu'elle est fausse.

Je pense à tous ces jeunes qui finissent par se tuer, tellement ils sont obnubilés par les jeux vidéo. C'est une autre dérive de l'Internet, comparable à la diffusion d'informations fausses, avec des conséquences redoutables.

Monsieur Mercier, je m'adresse à vous car vous êtes membre de la commission de lois. Peut-être faudrait-il légiférer plus largement sur ce que publient les sites Internet et les réseaux sociaux ?

Je pense aussi aux femmes qui accouchent dans l'anonymat, qui abandonnent leur bébé dans une poubelle. Sans parler de la montée des infanticides que Mme Jouanno mentionne dans son rapport. Notre commission doit favoriser la diffusion de la meilleure information possible à l'adresse de toutes ces femmes.

Comment légiférer sur l'information véhiculée par ces sites dont l'accès est ouvert à tous ? Le site du Gouvernement n'est pas encore au point. Une solution serait de signaler les sites qui diffusent des informations mensongères. Il faudrait aussi pouvoir les pénaliser car les réseaux sociaux sont une avancée, mais mal utilisés, ils sont destructeurs.

Mme Catherine Génisson . - Pour la grande majorité d'entre nous, pour ne pas dire tous, nous reconnaissons le droit à recourir l'IVG dans les meilleures conditions possibles.

Certains sites font circuler des informations mensongères, ce qui pose un problème juridique. Selon Michel Mercier, la liberté d'expression n'a pas de limites.

M. Michel Mercier , rapporteur pour avis . - Pas selon moi, mais selon le Conseil constitutionnel !

Mme Catherine Génisson . - Ne doit-on pas cependant considérer qu'elle en a, dès lors qu'on pervertit l'information en son nom ? C'est une chose de s'exprimer au nom d'une croyance religieuse. C'en est une autre de subtiliser le formatage de sites officiels pour diffuser ses idées. N'est-ce pas là ce qui définit le délit d'entrave ?

Mme Catherine Deroche . - Personne ne remet en question l'accès à l'IVG. La diffusion d'informations contradictoires sur Internet vaut pour bon nombre de sujets de santé, notamment les vaccins. Les juristes s'accordent à dire que le texte de l'Assemblée nationale est inacceptable d'un point de vue constitutionnel ou juridique.

Je ne suis pas d'accord avec Mme Bricq. Nous ne sommes pas là pour envoyer des signaux, pour faire de la communication ; nous sommes là pour faire la loi. Je suis incapable de me prononcer sur les amendements en l'état. Ce que je sais, c'est que les problèmes concernent surtout l'accès à l'IVG, le remboursement, etc. Je ne voterai pas ce texte, et ne prendrai pas part au vote sur les amendements.

Mme Françoise Gatel . - Je m'associe à mes collègues pour remercier les rapporteurs. La question de l'extension du délit d'entrave est apparue en septembre dernier lors de l'examen du projet de loi Égalité et citoyenneté par la commission spéciale, au détour d'un amendement que le Gouvernement a déposé par voie électronique, sans aucun contact direct avec la commission ni aucune explication. Le Gouvernement a invoqué « un phénomène grave en termes d'atteinte au droit » ainsi que des « conséquences quantitativement importantes ». Je m'interroge sur la découverte spontanée et soudaine de ce phénomène. On pourrait tout aussi bien s'attaquer à des sites contestables relatifs à la vaccination ou à d'autres questions de santé.

Considérer que le travail des assemblées consiste à donner des signaux, c'est porter une atteinte grave à la fonction du Parlement. Nous ne sommes pas des lanceurs d'alerte. Nous sommes des législateurs, censés échapper aux arguments fulgurants qui surgissent en période électorale, aux diabolisations et manipulations comme il s'en est produit en septembre dernier. Nous sommes aussi là pour écrire un droit qui puisse s'exercer, que le juge sera en mesure d'appliquer, ce qui suppose que nous l'écrivions bien.

Le texte tel qu'il nous arrive de l'Assemblée nationale pose un problème de proportionnalité de la peine car on situe les allégations destinées à dissuader le recours à l'IVG dans le champ pénal, alors que ce n'est le cas pour aucune autre forme de liberté d'expression. Les arguments développés par M. Mercier sur le respect de la Constitution et du droit européen ont leur poids.

Je m'interroge aussi sur ce que signifie le fait de dénoncer un délit d'entrave en matière d'information. Ne peut-on pas y voir un aveu du Gouvernement sur son incompétence en matière de communication ou du moins sur l'insuffisance de sa campagne d'information sur l'IVG ? Le droit à l'IVG n'est pas anodin. Il ne va pas sans vulnérabilité, ni fragilité. Si certains sites d'information sont plus efficaces que celui du Gouvernement, pourquoi le ministère ne s'attache-t-il pas les services d'une agence de communication performante ?

Le rapport du Haut Conseil indique que le Gouvernement a attendu 2014 pour mettre en place son numéro vert. La campagne d'information est confiée au planning familial, ce qui implique forcément une inégalité, dans la mesure où les moyens qui sont alloués à celui-ci varient selon les départements. Pourquoi le Gouvernement ne contraint-il pas les ARS à financer des cellules d'appels téléphoniques ?

On a dit que le Sénat avait subi la pression des lobbies sur ce sujet. Je n'ai jamais rencontré un seul de leurs représentants, ni reçu un seul mail. On dit aussi que nous développons des positions confuses, hostiles à l'IVG. Ce n'est pas le cas. La loi est la loi. Et pour reprendre ce que disait Simone Veil en 1974, « il faut faire preuve de beaucoup d'humilité ». Je me contenterai de déposer un amendement contre la diffusion d'informations de nature malveillante.

Mme Laurence Cohen . - Je remercie les rapporteurs. Je rassure Mme Jouanno : elle a fait preuve d'une parfaite objectivité sur les débats qui ont eu cours à la délégation aux droits des femmes.

Je ne polémiquerai pas sur la manière dont l'examen de ce texte a été engagé et je ne suis pas loin de partager les propos du président Milon. En revanche, le constat est là : le développement des réseaux sociaux et de l'Internet sont une donnée supplémentaire par rapport à l'époque où la loi de Simone Veil a été adoptée. Des adaptations ont été réalisées depuis 1974, notamment sur le délit d'entrave. Nous devons désormais prendre en compte la donnée nouvelle que constituent les sites qui véhiculent des informations mensongères sans dévoiler leur positionnement. Les femmes qui les consultent risquent de perdre du temps dans l'application de leur droit à l'IVG. Ce qui est d'autant plus grave qu'on n'a pas particulièrement développé les centres d'IVG au cours des dix dernières années.

Comment contrôler ces sites tout en respectant la liberté d'expression ? Tel est l'enjeu du texte. Mme Gatel ouvre des pistes de réflexion. Je ne la contredirai pas sur le manque de moyens dont souffrent les associations. Lorsqu'on tape « IVG » dans un moteur de recherche, ce n'est pas le site du ministère de la santé qui apparaît en premier. Est-ce que cette proposition de loi améliorera la situation ? En tout cas, il est important de faire savoir que certains sites aux apparences officielles, mentionnant un numéro vert, diffusent des informations dans l'intention de tromper. Et cela n'a rien à voir avec la liberté d'expression. Je soutiens cette proposition de loi et les amendements d'amélioration.

Mme Isabelle Debré . - Je viens de taper « IVG » sur mon Ipad et je suis tombée directement sur le site du Gouvernement.

Mme Laurence Cohen . - Tant mieux.

Mme Anne Émery-Dumas . - Mais cela ne durera pas ; ça va, ça vient...

M. Michel Mercier , rapporteur pour avis . - Si un site utilise les sigles de l'État, qu'il s'agisse du drapeau, de l'effigie de Marianne ou de la mention « République française », il tombe sous le coup de l'article 444-2 du code pénal. Peut-être faudrait-il creuser cette piste ?

Mme Catherine Génisson . - Cela vaut-il aussi pour la mention « Ministère de la santé » ?

M. Michel Mercier , rapporteur pour avis . - Oui, dès lors qu'elle est frauduleuse. La liberté d'expression est la première des libertés que le Conseil constitutionnel protège. Il y a quelque temps, M. Pillet a été fortement attaqué pour une position qu'il a défendue sur le projet de loi Égalité et citoyenneté. Les mêmes principes doivent s'appliquer à tous.

Il est possible que, faute de temps, nous n'ayons pu explorer toutes les pistes. Mais essayer de contrôler l'ensemble des moyens de communication serait contraire à notre Constitution et à la Convention européenne des droits de l'homme.

Mme Stéphanie Riocreux , rapporteure . - Il s'agit d'adapter le délit d'entrave, qui couvre déjà les pressions psychologiques sur les femmes souhaitant s'informer sur l'IVG car pour cela celles-ci ne se rendent plus seulement dans les centres, elles vont aussi sur Internet - qui n'existait pas en 1993. Mon amendement prend en compte les risques d'inconstitutionnalité et de non-conventionalité. L'objectif est de pénaliser non l'expression d'une opinion, mais le fait d'exercer une pression psychologique entravant le droit d'accès à l'IVG.

Le constat ne date pas d'hier : le Haut Conseil l'a déjà fait en 2013. La Chancellerie m'a indiqué que les moyens juridiques de lutter contre ces sites manquent. D'ailleurs, la difficulté d'accès à l'information et au droit a été pointée par le Mouvement français pour le planning familial lors des auditions - y compris dans le choix des méthodes, l'une d'elles pouvant être imposée par le médecin. Madame Deroche, il n'est question que de faire la loi et mon amendement n'a d'autre objet que de proposer une nouvelle rédaction de l'article unique.

Madame Gatel, le phénomène n'a pas été « découvert » à l'occasion de l'amendement déposé sur le projet de loi Égalité et citoyenneté, on en discutait depuis 2013. L'accès à l'IVG n'est pas une question de santé ordinaire. Le délit d'entrave existe depuis plus de vingt ans, ce qui n'est pas le cas pour la vaccination. L'incitation à la haine et à la violence est aussi pénalement répréhensible.

Nous sommes face à une problématique particulière, résultant de l'évolution de notre société et de l'expansion du champ du numérique. Il nous faut réfléchir ensemble à une solution adaptée pour empêcher que les femmes soient éloignées de l'information et privées de leur droit à l'IVG.

EXAMEN DES ARTICLES

M. Alain Milon , président . - Les membres du groupe Les Républicains ne prendront pas part au vote.

Article unique

Mme Stéphanie Riocreux , rapporteure . - Quoique l'Assemblée nationale ait fait un premier travail autour de ce texte, un problème d'intelligibilité demeure : les députés ont intégré dans une même phrase l'intention des auteurs du délit et les moyens par lesquels ce délit peut être constitué. Or, les règles du droit pénal voudraient que ces deux éléments soient bien distingués. De plus, la rédaction n'atteint pas totalement l'objectif poursuivi. Elle ne prend en compte que les pressions s'exerçant sur les femmes s'informant dans les centres pratiquant des IVG. Mon amendement COM-4 ne change pas la définition du délit - en fait, l'objectif poursuivi ne nécessite que peu de changements à l'actuel article L. 2223-2 - mais il vise « tout moyen » par lequel peuvent s'exercer les pressions morales et psychologiques, afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur le fait que la communication par voie électronique en fait partie. De plus, il précise que les personnes cherchant à s'informer sur l'IVG, notamment sur Internet, peuvent être reconnues victimes de ces pressions. Il ne s'agit donc pas seulement des femmes venant s'informer dans les centres.

L'énumération qui figure dans le texte de l'Assemblée nationale comporte un risque de contradiction ou d'oubli. Je vous propose d'en rester à l'expression « par tout moyen », suffisante pour permettre au juge de faire son travail d'appréciation  en s'appuyant si nécessaire sur le compte rendu des débats.

Mon amendement ne change pas les termes dans lesquels la liberté d'expression est aujourd'hui conciliée avec l'infraction. L'objet du délit ne change pas : il s'agit toujours d'empêcher ou de tenter d'empêcher la réalisation ou l'information sur une IVG. Bref, il propose un texte qui s'en tient aux termes juridiquement nécessaires pour caractériser le délit.

L'amendement COM-1 de Mme Gatel propose une nouvelle rédaction de l'article unique pour créer un régime distinct de mise en cause, dans le cadre de la responsabilité civile, s'agissant de la diffusion ou de la transmission d'allégations trompeuses en matière d'IVG. Nous souhaitons tous trouver une solution afin que le texte atteigne ses objectifs. Cependant, le dispositif proposé pose plusieurs problèmes.

Tout d'abord, il juxtapose deux régimes distincts pour des faits similaires d'entrave à l'information. L'article L. 2223-2 prévoit déjà une sanction pénale en cas de pressions morales et psychologiques exercées dans un but dissuasif sur les femmes cherchant à s'informer sur l'IVG dans les établissements concernés. On ne peut faire coexister deux dispositifs pour des faits aussi proches, car des personnes mises en cause pourraient être poursuivies sur les deux chefs d'accusation. D'ailleurs, la peine prévue par l'article L. 2223-2 est, comme toutes les peines pénales, une peine maximale qui est toujours modulée par le juge en fonction de la gravité des faits.

De plus, la formulation de l'amendement pose problème car la référence à l'intention malveillante n'est pas suffisamment définie. Les auteurs des allégations présenteront toujours celles-ci comme favorables aux personnes qui cherchent à s'informer. De même, la précision que les allégations induisent « manifestement » en erreur posera des difficultés d'interprétation. Enfin, les sanctions pourraient être plus importantes que ce que prévoit la proposition de loi : possibilité pour le juge de prescrire toute mesure en urgence, amende de 30 000 euros pour tous les co-responsables. De façon plus générale, le dispositif des amendes civiles n'est pas encore entré en vigueur et fait l'objet de critiques importantes, notamment parce qu'il n'offre pas les mêmes garanties en matière de droit de la défense. Je souhaite donc le retrait de l'amendement.

Mme Françoise Gatel . - Je suis stupéfaite par cette analyse et ne la partage aucunement. M. Mercier a bien distingué entre le délit d'entrave physique, déjà puni par la loi, et ce qui serait un délit d'allégations faussées ou mensongères, infraction d'une autre nature. On ne peut rapprocher les deux, et votre argumentation ne tient pas, car le délit que vous visez s'apparente à un délit d'opinion.

S'il y a urgence, pourquoi nous demande-t-on d'attendre un texte en préparation sur la responsabilité civile ? Notre solution est conforme au droit, mais vous la refusez. Vous dites que le juge serait embarrassé par l'adverbe « manifestement » mais que penser des mots « par tout moyen » ? Avouez plutôt que vous ne voulez pas de mon amendement car vous préférez conserver la rédaction du Gouvernement !

Mme Stéphanie Riocreux , rapporteure . - Je vous rappelle que les pressions morales et psychologiques peuvent déjà constituer une entrave selon le droit actuel.

Mme Françoise Gatel . - Alors, pourquoi réinventer ?

Mme Stéphanie Riocreux , rapporteure . - Précisément, je n'invente rien ! Quant à l'amendement COM-2 de Mme Jouanno, il crée un nouvel article du code de la santé publique pour étendre les sanctions prévues à l'article-L.-2223-2 aux présentations faussées ou volontairement trompeuses sur l'IVG. Cela fait sortir du délit d'entrave la communication d'informations faussées ou susceptibles d'induire en erreur sur l'IVG - avec cependant les mêmes sanctions. Il paraît plutôt nécessaire de clarifier la rédaction du délit d'entrave. Retrait, ou avis défavorable.

Mme Chantal Jouanno . - En effet, le délit d'entrave était auparavant circonscrit aux établissements où s'exerce l'IVG. Mon amendement prévoit donc un délit autonome.

M. Jean-Marc Gabouty . - Je suis perplexe sur ce texte et sur ces amendements. Le dispositif proposé est-il efficace ? Et que dire de la méthode ? D'abord, il n'y a pas d'opinion fausse, seulement des opinions libres et des opinions contraintes. Le problème s'est déjà posé pour les sites djihadistes, il pourrait se poser demain pour les sites qui publient des mensonges sur des produits alimentaires. Il relève donc d'une loi sur la presse et sur les réseaux sociaux et ne devrait pas être abordé secteur par secteur. C'est l'apparence trompeuse des sites qui nous préoccupe d'abord. Si je suis favorable, au fond, à ce texte, la méthode et les amendements me laissent perplexe, et je m'abstiendrai, au moins en commission.

M. Alain Milon , président . - Curieusement, on arrive à contrôler les sites pédophiles mais pas ceux qui relèvent des dérives sectaires...

Mme Aline Archimbaud . - La loi prévoit déjà deux types de délits clairement caractérisés : l'atteinte à la libre circulation des personnes et la pression morale et psychologique. Pourquoi ne pas y ajouter un délit de tromperie ? C'est bien de désinformation et de mensonge qu'il s'agit.

Mme Laurence Cohen . - Je partage l'opinion de M. Gabouty. Le législateur doit intervenir de manière globale sur les sites mensongers, quel que soit leur sujet. Le problème qui nous occupe n'existait pas il y a dix ans. Les amendements proposés visent une sortie par le haut de cette situation délicate - même celui de Mme Gatel. Celui de la rapporteure est en retrait par rapport au texte des députés puisqu'il ne nomme pas explicitement Internet. C'est pourtant bien le sujet, il faut le dire ! Je suis un peu perdue...

Mme Isabelle Debré . - Je suis perplexe, moi aussi. En somme, il faut une loi sur le numérique. Même parmi les sites pédophiles, certains échappent au contrôle. À quoi bon se focaliser sur un domaine particulier ? Cela cristallise les oppositions, et le Conseil constitutionnel a de bonnes chances de retoquer ce texte. Nous ne prenons pas le problème par le bon côté. Notre rôle est-il de distribuer des bons et des mauvais points aux différents sites ? La liberté d'expression est un droit fondamental. Moi aussi je me sens un peu perdue, par conséquent je ne participerai pas au vote. Et si nous adoptons l'amendement de la rapporteure, les autres seront présentés de nouveau en séance... Curieux !

Mme Françoise Gatel . - Il est vrai que la procédure accélérée ne favorise pas la qualité du travail législatif. Nous nous focalisons sur l'IVG. Pourtant, MM. Pillet et Richard ont présenté ensemble un rapport qui montrait bien que l'évolution des outils numériques nous dépasse lorsque nous voulons lutter contre la manipulation et l'intoxication. Nous avons soutenu l'amendement de M. Pillet ; on nous a alors traités de liberticides. Il faudra pourtant bien qu'on ose s'attaquer au problème des limites de la liberté d'expression, pour protéger les personnes vulnérables.

M. Jean-Louis Tourenne . - Il ne s'agit pas de porter atteinte à la liberté d'expression mais d'empêcher le harcèlement qui vient après une information tronquée. On peut considérer que le sujet peut attendre, mais il y a des urgences : des femmes sont victimes de drames qui durent toute leur vie pour avoir été mal informées ou culpabilisées. Nous avons la responsabilité de trancher.

Mme Catherine Génisson . - Oui, il y a urgence et la question n'est pas apparue avec l'amendement au projet de loi sur l'égalité et la citoyenneté. Nous reconnaissons tous la gravité du problème. Toutes les idées peuvent être exprimées. Celles qui posent problème, ce sont les informations « perverties », pour reprendre le terme employé par la délégation, celles qui figurent sur des sites qui prennent une apparence de site officiel. Bien sûr, nous ne trouverons pas la solution en quelques jours - et le sujet dépasse largement la question de l'IVG.

M. Gérard Roche . - En 1975, lorsque la loi de dépénalisation de l'avortement a été votée, les Françaises qui avortaient clandestinement étaient exposées à un risque sanitaire important. Aujourd'hui, les femmes qui se rendent sur ces sites sont culpabilisées, avec des conséquences psychologiques graves si elles choisissent quand même de se faire avorter. C'est aussi un problème de santé. Si nous votons ce texte, ces sites ne pourront-il échapper à la loi en se délocalisant ?

Mme Françoise Gatel . - Très bonne question !

M. Alain Milon , président . - Quelques-uns sont déjà établis hors d'Europe.

M. Yves Daudigny . - L'impossibilité de purger Internet des informations dangereuses, en particulier à destination des jeunes, ne doit pas nous empêcher de chercher une solution au problème de l'entrave à l'IVG. Moi qui connaissais mal le sujet avant notre réunion, j'en ai désormais une vue plus claire.

La rapporteure part du texte en vigueur, y ajoutant la mention « par tout moyen » pour inclure la communication des sites informatiques. Un des sites en cause, qui prétend révéler « huit erreurs communes sur l'IVG », se rend bien coupable de « pressions morales et psychologiques » sur des personnes cherchant à s'informer sur l'IVG. L'amendement de la rapporteure répond à cette situation, même s'il ne résout pas tous les problèmes. Je le voterai sans difficulté.

L'amendement n° COM-4 est adopté ; les amendements n os COM-1, COM-2 et COM-3 deviennent sans objet.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article unique - Extension du délit d'entrave psychologique à l'interruption volontaire de grossesse

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme RIOCREUX, rapporteure

4

Précision selon laquelle le délit d'entrave par pression psychologique peut être constitué par tout moyen à l'encontre de toute personne cherchant à s'informer sur l'interruption volontaire de grossesse.

Adopté

Mme GATEL

1

Nouvelle rédaction de la proposition de loi pour créer un régime de responsabilité civile et d'amende civile s'agissant de la diffusion ou de la transmission d'allégations trompeuses en matière d'interruption volontaire de grossesse.

Tombé

Mme JOUANNO

2

Nouvel article spécifique du code de la santé publique pour étendre les sanctions prévues à l'article L. 2223-2 aux présentations faussées ou volontairement trompeuses sur l'interruption volontaire de grossesse.

Tombé

Intitulé - Proposition de loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse

Mme GATEL

3

Modification de l'intitulé de la proposition de loi.

Tombé

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