B. LE BILAN DES MESURES DE POLICE ADMINISTRATIVE PRISES DEPUIS LE 22 JUILLET 2016

L'entrée en vigueur de la loi du 21 juillet 2016 a permis aux instances de contrôle mises en place par les commissions des lois des deux assemblées d'opérer un suivi plus fin de la mise en oeuvre des mesures de police administrative de l'état d'urgence . En effet, depuis le début de la quatrième phase, en application de la nouvelle rédaction de l'article 4-1 de la loi de 1955, le secrétariat du comité de suivi de l'état d'urgence constitué par votre commission est destinataire d'une copie de l'ensemble des actes administratifs pris en application de l'état d'urgence. Cette transmission a ainsi permis à votre rapporteur d'avoir une vision exhaustive de ces mesures, d'en analyser la répartition par nature et par département 17 ( * ) et d'en apprécier la pertinence, notamment au vu de la motivation des actes, et l'efficacité au regard de la lutte antiterroriste.

D'une manière générale, ce sont un peu moins de 3 000 actes, toutes mesures confondues de l'état d'urgence, qui ont été prises par les autorités administratives entre le 22 juillet et le 14 décembre 2016 . Sur le plan territorial, seuls 14 départements métropolitains ne sont pas du tout concernés par les mesures de l'état d'urgence. Les départements et collectivités d'outre-mer sont peu touchés par les mesures de l'état d'urgence 18 ( * ) .

Les départements métropolitains sont cependant concernés à des degrés extrêmement variables, puisque dans certains départements comme l'Ain, le Lot ou la Mayenne seules une à deux mesures ont été prises par le préfet, alors qu'ont été prises 229 mesures dans le département du Nord, 253 dans le Loiret, 425 en Saône-et-Loire et 659 en Seine-et-Marne.

1. Un regain d'utilisation des perquisitions administratives

Le I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 fixe le cadre juridique des perquisitions administratives qui a été profondément révisé par la loi du 20 novembre 2015 précitée. En vertu de ces dispositions, le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence peut, par une disposition expresse, conférer aux autorités administratives compétentes le pouvoir d'ordonner des perquisitions en tout lieu, y compris un domicile, de jour et de nuit, lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Une perquisition ne peut être ordonnée dans un lieu affecté à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes.

Les perquisitions administratives sont redevenues l'une des mesures les plus utilisées par les autorités administratives dans le cadre de la quatrième phase de l'état d'urgence . Cette faculté n'avait du reste plus été conférée aux préfets pendant la troisième phase (du 26 mai au 21 juillet), dans la mesure où :

- la plupart des lieux pouvant être en lien avec une menace pour la sécurité et l'ordre publics avaient été perquisitionnés dans les premières semaines ayant suivi la déclaration initiale de l'état d'urgence en novembre 2015 ;

- la copie des données informatiques lors des perquisitions n'était plus possible en raison de la censure par le Conseil constitutionnel 19 ( * ) des dispositions introduites à cet effet par la loi du 20 novembre 2015 précitée, au motif que ce régime juridique n'avait pas été assorti de garanties légales suffisantes (« ni cette saisie ni l'exploitation des données ainsi collectées ne sont autorisées par un juge, y compris lorsque l'occupant du lieu perquisitionné ou le propriétaire des données s'y oppose et alors même qu'aucune infraction n'est constatée ; qu'au demeurant peuvent être copiées des données dépourvues de lien avec la personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ayant fréquenté le lieu où a été ordonnée la perquisition »).

a) Le nouveau cadre juridique des saisies informatiques

Avec la loi du 21 juillet 2016 précitée, le législateur a rétabli un régime juridique de copie de données informatiques dont les modalités répondent aux griefs formulés par le Conseil constitutionnel. De telles copies sont à nouveau possibles, hors de la constatation d'une infraction pénale, dans les conditions suivantes :

- la perquisition doit révéler l'existence d'éléments, notamment informatiques, relatifs à la menace que constitue pour la sécurité et l'ordre publics le comportement de la personne concernée ;

- les données peuvent alors être copiées ou leur support saisi lorsque la copie ne peut être réalisée ou achevée pendant le temps de la perquisition ;

- la copie des données ou la saisie des supports doit être réalisée en présence de l'officier de police judiciaire ;

- l'agent sous la responsabilité duquel est conduite la perquisition rédige un procès-verbal de saisie qui en indique les motifs et dresse l'inventaire des matériels saisis. Il en délivre une copie à l'intéressé ;

- les données et les supports saisis sont conservés sous la responsabilité du chef du service ayant procédé à la perquisition et nul n'y a accès avant l'autorisation du juge ;

- dès la fin de la perquisition, l'autorité administrative saisit le juge des référés du tribunal administratif territorialement compétent d'une demande d'exploitation ;

- au vu des éléments révélés par la perquisition, le juge statue dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa saisine sur la régularité de la saisie et sur la demande de l'autorité administrative. Sont exclus de l'autorisation les éléments dépourvus de tout lien avec la menace que constitue pour la sécurité et l'ordre publics le comportement de la personne concernée ;

- en cas de refus du juge des référés, et sous réserve de la possibilité de faire appel devant le Conseil d'État (qui doit alors statuer dans les quarante-huit heures), les données copiées sont détruites et les supports saisis sont restitués à leur propriétaire ;

- les données et les supports saisis sont conservés sous la responsabilité du chef du service ayant procédé à la perquisition et à la saisie pendant le temps strictement nécessaire à leur exploitation autorisée par le juge des référés. Les supports sont restitués à leur propriétaire, le cas échéant après qu'il a été procédé à la copie des données qu'ils contiennent, à l'issue d'un délai maximal de quinze jours à compter de la date de leur saisie ou de la date à laquelle le juge des référés, saisi dans ce délai, a autorisé l'exploitation des données qu'ils contiennent ;

- en cas de difficulté dans l'accès aux données contenues dans les supports saisis ou dans l'exploitation des données copiées, lorsque cela est nécessaire, les délais prévus ci-dessus peuvent être prorogés, pour la même durée, par le juge des référés saisi par l'autorité administrative au moins quarante-huit heures avant l'expiration de ces délais. Le juge des référés statue dans un délai de quarante-huit heures sur la demande de prorogation présentée par l'autorité administrative.

S'agissant des délais de conservation des données, la loi du 21 juillet 2016 avait prévu trois hypothèses :

- conservation selon les règles applicables en matière de procédure pénale si les données font apparaître une infraction pénale ;

- trois mois à compter de la date de la perquisition ou de la date à laquelle le juge des référés, saisi dans ce délai, en a autorisé l'exploitation pour les données autres que celles caractérisant la menace ayant justifié la copie ;

- sans délai pour les données qui caractérisent la menace que constitue pour la sécurité et l'ordre publics le comportement de la personne concernée.

Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité sur les dispositions relatives aux perquisitions administratives dans leur rédaction issue de la loi du 21 juillet 2016, le Conseil constitutionnel a, dans une décision du 2 décembre 2016 20 ( * ) , estimé que la procédure arrêtée par le législateur pour autoriser à nouveau la saisie et l'exploitation de données informatiques hors de la constatation d'une infraction pénale avait , au regard des garanties légales ainsi établies, assuré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre le droit au respect de la vie privée et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public . Il a également estimé que le législateur n'avait pas méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif.

En revanche, le Conseil a déclaré contraires à la Constitution les dispositions qui ne prévoyaient pas de délai maximal de conservation des données informatiques caractérisant la menace en considérant que le législateur n'avait pas prévu de garanties légales propres à assurer « une conciliation équilibrée entre le droit au respect de la vie privée et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public ». Toutefois, jugeant que l'abrogation immédiate de ces dispositions entraînerait des conséquences manifestement excessives, le Conseil a reporté leur date d'abrogation au 1 er mars 2017 afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée. Alors qu'il en aurait eu la possibilité, le Gouvernement a cependant choisi de ne pas proposer de nouvelles dispositions sur ce point dans le cadre du présent projet de loi, dans la mesure où l'entrée en vigueur de la censure aura pour effet d'assujettir ces données caractérisant la menace à un délai de conservation de trois mois, ce qui apparaît raisonnable.

b) Le bilan statistique des perquisitions administratives

En ce qui concerne le bilan statistique des perquisitions administratives conduites depuis le 14 novembre 2015 , votre rapporteur rappelle que l'essentiel d'entre elles ont été conduites au cours de la première phase de l'état d'urgence et, au sein de cette période, au cours du mois qui a suivi les attentats du 13 novembre. Ainsi, si 3 594 perquisitions administratives avaient été ordonnées entre le 14 novembre 2015 et le 25 mai 2016, 3 427 l'avaient été au cours de la première phase (du 14 novembre 2015 au 25 février 2016) et, au sein de celle-ci, 2 700 perquisitions au cours du premier mois.

Depuis le 22 juillet 2016, les autorités administratives ont à nouveau utilisé cette mesure de manière active : à la date du 14 décembre, un peu plus de 590 perquisitions ont été ordonnées. Si, dans la plupart des départements, peu de mesures ont été prescrites par les préfets (entre 1 et 5 perquisitions dans une quarantaine de départements), certains préfets ont utilisé plus intensément cette faculté, à l'instar de ceux des départements du Loiret (19), de Seine-Saint-Denis (22), des Bouches-du-Rhône (25), des Alpes-Maritimes (33), de l'Essonne (34) ou du Nord (41).

Il ressort des travaux menés par le comité de suivi de l'état d'urgence depuis le 22 juillet dernier 21 ( * ) que les autorités administratives ont changé de stratégie dans la manière d'utiliser cet outil. Si de nombreuses perquisitions ont été ordonnées dans les jours ayant suivi les attentats du 13 novembre 2015, notamment dans le but de déstabiliser les réseaux liés à des activités terroristes ou susceptibles de leur apporter une aide sur le plan logistique, ces mesures sont désormais utilisées de manière plus ciblée, ce qui explique qu'en proportion, il y ait un plus grand nombre de suites judiciaires aux perquisitions conduites au cours de la quatrième phase : 65 suites judiciaires, dont 25 pour une infraction à caractère terroriste. Il a également été indiqué au comité de suivi que toute décision d'assignation à résidence était précédée d'une mesure de perquisition administrative afin de cerner l'environnement de la personne.

L'autorité administrative a par ailleurs utilisé avec discernement la possibilité qui lui a été à nouveau donnée, par la loi du 21 juillet 2016, de demander la copie et l'exploitation des données informatiques puisque seules 91 perquisitions administratives ont été assorties d'une telle demande. Sur ces demandes, les juges des référés compétents ont autorisé à 81 reprises l'exploitation des données copiées et l'ont refusé à six reprises (4 dossiers étant toujours en cours d'instruction à la date du 14 décembre). Le Conseil d'État a été saisi de cinq recours en appel et a autorisé l'exploitation dans quatre cas et l'a refusée dans un seul cas.

A également été souligné le caractère particulièrement pertinent du nouveau délit 22 ( * ) - que le législateur a créé à l'initiative du Sénat dans la loi du 3 juin 2016 précitée - de consultation habituelle des sites Internet mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme, soit faisant l'apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ce service comporte des images ou représentations montrant la commission de tels actes consistant en des atteintes volontaires à la vie ou faisant l'apologie du terrorisme 23 ( * ) .

S'il est encore trop tôt pour tirer un bilan contentieux de cette nouvelle infraction pénale et fournir des chiffres précis, votre rapporteur tient néanmoins à souligner qu'un grand nombre de condamnations ont déjà été prononcées sur ce fondement par les juridictions répressives. Les différents services de police et de renseignement entendus par le comité de suivi de l'état d'urgence ont également noté la pertinence de cette infraction dans l'exercice de leurs missions antiterroristes, qui leur permet notamment de judiciariser le « bas du spectre » et ont souligné le fait que ce délit permet, le cas échéant, de basculer dans un deuxième temps sur une incrimination pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.

c) Le contentieux des perquisitions administratives

Les perquisitions administratives ont donné lieu à un abondant contentieux administratif de fond, la procédure du référé étant sans objet pour ce type de mesure. Depuis le 14 novembre 2015, 100 requêtes en annulation ont ainsi été déposés devant les juridictions administratives à l'encontre des perquisitions administratives. 53 décisions ont été rendues ayant conduit à 32 annulations, ces chiffres devant être rapportées aux près de 4 200 perquisitions ordonnées.

Ces perquisitions ont suscité 207 demandes préalables d'indemnisation auprès des préfectures, pour 31 accords 24 ( * ) , 134 rejets et 42 demandes en cours d'instruction. Ces demandes concernent à 82 % un préjudice matériel, 15 % un préjudice moral et 2 % une autre demande (en particulier pour trouble des conditions d'existence). La somme totale de ces demandes s'élève à 767 728 euros.

Dans le cadre des contentieux indemnitaires introduits auprès des juridictions administratives par des personnes ayant fait l'objet d'une perquisition, les tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise et de Melun avaient saisi le Conseil d'État d'une demande d'avis contentieux, selon la procédure prévue par l'article L. 113-1 du code de justice administrative qui permet à un tribunal administratif ou à une cour administrative d'appel de transmettre au Conseil d'État une question de droit nouvelle qui se pose dans une requête lorsqu'elle présente une difficulté sérieuse et se pose dans de nombreux litiges.

Dans son avis rendu le 6 juillet 2016 25 ( * ) , le Conseil d'État a tout d'abord indiqué que les ordres de perquisition constituent des mesures de police devant faire l'objet d'une motivation faisant apparaître les raisons ayant conduit l'autorité administrative à décider de la perquisition. Le caractère suffisant de cette motivation doit cependant être apprécié en tenant compte des conditions d'urgence dans lesquelles la perquisition a été ordonnée et des circonstances particulières de chaque cas. Enfin, l'ordre doit comporter la mention du lieu et du moment de la perquisition.

Par conséquent, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir, il appartient au juge administratif de procéder à un entier contrôle des éléments justifiant la mesure et de vérifier que la perquisition était adaptée, nécessaire et proportionnée à sa finalité au regard des éléments dont disposait l'administration au moment où elle a pris sa décision.

Le Conseil d'État a ensuite précisé le régime d'indemnisation applicable , abandonnant l'exigence d'une faute lourde de la part de l'État pour ne retenir qu'une faute simple permettant alors l'indemnisation.

Tout d'abord, le caractère illégal de l'ordre de perquisition constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'État pour les préjudices causés. En outre, même si la perquisition est légale, des fautes peuvent être commises dans son exécution (ouverture de la porte par la force sans justification, dégradation de biens sans rapport avec l'objet de la perquisition, usage non justifié de la contrainte, traumatismes causés aux enfants, etc .) engageant la responsabilité de l'État qui doit alors indemniser leurs conséquences.

En l'absence de faute, les personnes concernées par la perquisition ne sont pas susceptibles d'être indemnisées. Toutefois, en application du principe selon lequel les charges publiques doivent être également réparties entre les citoyens, il n'en va pas de même pour un tiers à une opération de perquisition qui lui causerait un dommage. À titre d'exemple, le propriétaire bailleur d'un local perquisitionné, n'ayant d'autre lien que le contrat de location avec la ou les personnes ayant fait l'objet de la perquisition, sera ainsi indemnisé des dégradations commises dans le local, même si la perquisition était légale et si les services de police n'ont commis aucune faute.

Selon les informations fournies à votre rapporteur, les perquisitions administratives ordonnées depuis le 22 juillet dernier ont, pour le moment, donné lieu à 17 recours contentieux.

2. Des assignations à résidence qui s'inscrivent dans le temps

En application de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955, le ministre de l'intérieur peut prononcer l'assignation à résidence, dans le lieu qu'il fixe, de toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Il appartient à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l'intérieur d'instruire les dossiers d'assignation et d'en suivre les aspects contentieux.

À la fin de la première phase de l'état d'urgence, le 25 février 2016, 268 personnes faisaient l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence en vigueur. À la fin de la deuxième période, le 25 mai 2016, 68 arrêtés d'assignation à résidence étaient en vigueur et 75 arrêtés le demeuraient à la fin de la troisième période le 21 juillet 2016.

Avec l'entrée en vigueur de la quatrième phase de l'état d'urgence, ces 75 arrêtés ont été renouvelés et de nouvelles personnes ont été assignées à résidence. Ces statistiques varient régulièrement en raison de l'abrogation d'arrêtés, notamment quand les intéressés sont incarcérés ou, s'ils sont étrangers, font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Depuis le 22 juillet, ce sont ainsi 14 arrêtés d'assignation à résidence qui ont été abrogés en raison de l'incarcération des intéressés. Ces incarcérations 26 ( * ) font suite à des placements en détention provisoire ou centre éducatif fermé ou à des condamnations fermes assorties d'un mandat de dépôt pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, apologie du terrorisme ou consultation habituelle de « sites terroristes » ou pour non-respect des obligations attachées à l'assignation à résidence. Dans trois cas, l'abrogation était consécutive à la prise d'une mesure d'éloignement du territoire français, exécutée ou en attente d'exécution assortie d'un placement en centre de rétention administrative, et dans trois cas l'arrêté a été abrogé après reconsidération de la situation de l'intéressé.

Ainsi, à la date du 14 décembre 2016, 91 assignations à résidence demeuraient en vigueur . Sur les 91 personnes concernées :

- 37 étaient assignées à résidence depuis plus d'un an ;

- 10 depuis 6 à 12 mois ;

- 44 depuis moins de 6 mois.

À cet égard, le fait que des personnes fassent désormais l'objet d'une assignation à résidence depuis plus d'un an a conduit le Conseil d'État, ainsi que l'avait souligné son vice-président dans un entretien donné à un quotidien national le 18 novembre dernier 27 ( * ) , à suggérer d'instaurer une limitation dans le temps de la durée globale d'assignation à résidence, question que votre rapporteur abordera ci-dessous et dans son commentaire de l'article 2 du présent projet de loi.

Il est à noter qu'une partie des personnes assignées à résidence font l'objet de mesures administratives complémentaires . Ainsi, sur les 91 personnes actuellement assignées :

- 34 font l'objet d'une mesure d'interdiction de sortie du territoire (IST) 28 ( * ) et 13 dossiers sont en cours d'instruction ;

- 5 procédures d'expulsion sont à l'étude ;

- 4 personnes sont frappées par un arrêté de gel d'avoirs et 7 dossiers sont à l'étude.

Depuis le 22 juillet dernier, les arrêtés d'assignation à résidence ont fait l'objet de 52 recours devant la juridiction administrative :

- 32 recours en référé ayant conduit, dans deux cas seulement, à la suspension de la mesure par le juge ;

- 20 recours pour excès de pouvoir, dont deux ayant conduit au rejet de la requête, les autres contentieux étant toujours en cours.

3. L'utilisation des autres mesures de l'état d'urgence

La loi du 3 avril 1955 donne de nombreuses prérogatives aux autorités administratives : créer des zones de protection au sein desquelles la circulation des personnes et des véhicules est réglementée (article 5) ; ordonner la remise des armes et des munitions relevant des catégories A à C, ainsi que celles soumises à enregistrement relevant de la catégorie D (article 9) ; interdire à une personne de paraître dans des lieux et pendant un temps déterminés (article 5). Ces mesures ont été peu utilisées depuis le 22 juillet dernier avec 5 décisions de remise d'armes, la création de 20 zones de protection et 30 interdictions de paraître.

Comme précisé ci-dessus, la loi du 21 juillet 2016 a par ailleurs élargi les pouvoirs de l'autorité administrative dans le cadre de l'état d'urgence.

Ainsi, les préfets ont désormais la possibilité d'ordonner des contrôles d'identité, l'inspection visuelle et la fouille des bagages et la visite des véhicules , alors que cette prérogative est, dans le droit commun, conférée au procureur de la République.

Cette faculté a été assez largement utilisée avec, à la date du 14 décembre 2016, 2 042 mesures prises dans 39 départements. L'importance de ce chiffre ne doit cependant pas masquer une assez grande disparité des situations constatées localement puisque 4 départements sont à l'origine de 70 % de ces mesures, avec 624 décisions en Seine-et-Marne, 404 en Saône-et-Loire, 230 dans le Loiret et 182 dans le Nord. Dans les 35 autres départements, le nombre de contrôles ordonnés par les préfets varie entre un et quarante.

Le nombre important de décisions prises par le préfet de la Seine-et-Marne peut s'expliquer par l'étendue du territoire de ce département qui couvre par ailleurs les ressorts de trois tribunaux de grande instance (Meaux, Melun et Fontainebleau), conduisant ainsi le préfet à utiliser, par souci d'efficacité, cette prérogative indépendamment des frontières des circonscriptions judiciaires. Pour le département du Nord, le nombre important de décisions est lié à la gestion de la crise migratoire, notamment avec la situation du camp de Grande-Synthe où les passeurs sont très actifs, à plus forte raison après le démantèlement du camp de Calais, et aux nécessités de contrôle de la frontière franco-belge.

Lors des auditions et déplacements du comité de suivi de l'état d'urgence, notamment à Nice, le préfet des Alpes-Maritimes et le préfet de police de Paris ont indiqué aux membres du comité ne pas avoir utilisé cette prérogative dans la mesure où l'autorité judiciaire y pourvoit, l'autorité préfectorale ne voulant pas « donner le sentiment » de contourner l'autorité judiciaire. Les préfets qui utilisent cette prérogative n'entendent du reste pas concurrencer pour autant l'autorité judiciaire, le préfet de la région Hauts-de-France, préfet du Nord, faisant valoir qu'il informait systématiquement le procureur de la République compétent en cas de recours à une mesure de cette nature.

Avec la loi du 21 juillet 2016, le législateur a explicité les dispositions de la loi de 1955 donnant à l'autorité administrative la possibilité de procéder à la fermeture des lieux de culte au sein desquels sont tenus des propos constituant une provocation à la haine ou à la violence ou une provocation à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes. Sur ce fondement, 4 décisions de fermeture ont été prises, le 2 novembre 2016, à l'encontre d'une salle de prière dans les Yvelines (Ecquevilly) 29 ( * ) , de deux mosquées en Seine-Saint-Denis (Stains et Clichy-sous-Bois) et d'une mosquée dans le Val-de-Marne (Villiers-sur-Marne).

Enfin, toujours en application de dispositions introduites par la loi du 21 juillet 2016, l'autorité administrative a désormais la possibilité d'interdire les cortèges, défilés et rassemblements dont elle n'est pas en mesure d'assurer la sécurité compte tenu des moyens dont elle dispose. À ce titre, 26 décisions préfectorales de cette nature ont été prises, dont dix par le préfet de police de Paris dans le cadre de la gestion des manifestations « Nuit Debout ».

Au total, exception faite des mesures relatives aux contrôles d'identité, l'usage des mesures de l'état d'urgence, autres que les perquisitions administratives et assignations à résidence, a été plutôt modéré depuis le 22 juillet dernier.


* 17 Voir annexe 2, p. 61.

* 18 Une mesure en Guadeloupe, deux mesures en Guyane et deux à La Réunion.

* 19 Décision n° 2016-536 QPC précitée.

* 20 Décision n° 2016-600 QPC du 2 décembre 2016 - M. Raïme A.

* 21 Voir liste des personnes entendues et des déplacements effectués par le comité de suivi, pages 55 et 57.

* 22 Défini à l'article 421-2-5-2 du code pénal.

* 23 Ce délit fait actuellement l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité transmise au Conseil constitutionnel par la Cour de cassation le 7 décembre 2016.

* 24 Le total des indemnisations accordées s'élevant à 46 241,67 euros

* 25 Avis n° 398234 du 6 juillet 2016.

* 26 Cette analyse s'appuie sur les arrêtés d'abrogation qui précisent les motifs de l'incarcération, ce qui n'est pas toujours le cas.

* 27 Le Monde - 18 novembre 2016.

* 28 En application de l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure.

* 29 Le juge des référés du Conseil d'État a rejeté la demande de suspension formulée par l'association islamique Malik Ibn Anas, qui assure la gestion de cette salle (ordonnance n° 405476 du 6 décembre 2016).

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