II. LA PROPOSITION DE LOI : RENFORCER LES CONTRÔLES ET ÉTENDRE LA RESPONSABILITÉ FINANCIÈRE DES ÉLUS LOCAUX ET DES FONCTIONNAIRES TERRITORIAUX

L'exposé des motifs de la proposition de loi de M. Vincent Delahaye et de plusieurs de ses collègues du groupe UDI-UC mentionne trois exemples dans lesquels des « doutes sérieux » ont été émis sur la sincérité des comptes présentés par les collectivités territoriales : la Seine-Saint-Denis, l'Essonne et l'ex-région Poitou-Charentes.

Des retards de paiement « pratiqués de manière systématique » auraient permis de « reporter d'une année à l'autre (...) jusqu'à 10 % des dépenses de fonctionnement » .

Les dérives constatées par les auteurs de la proposition de loi soulèveraient trois difficultés :

- « l'insincérité évidente des budgets soumis aux votes » , les chambres régionales et territoriales des comptes n'ayant « pas dénoncé ces situations dans des délais qui auraient permis de corriger rapidement ces irrégularités » ;

- la nécessité d'adapter a posteriori le budget des collectivités territoriales pour corriger ces dérives qui ont provoqué « des situations de baisse drastique de l'épargne brute et une augmentation importante de l'endettement » ;

- la défiance de la société civile , « qui n'accepte plus l'insuffisance de contrôle, la dilution des responsabilités et l'absence de sanction » .

Dans ce contexte, la proposition de loi poursuit deux objectifs distincts : renforcer les contrôles non juridictionnels des chambres régionales et territoriales des comptes (aspect préventif) et étendre les compétences de la Cour de discipline budgétaire et financière (aspect répressif).

A. LE RENFORCEMENT DES CONTRÔLES DES CHAMBRES RÉGIONALES ET TERRITORIALES DES COMPTES

L'article 1 er de la proposition de loi tend à imposer un programme de contrôle de gestion aux chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) et à créer un nouveau « contrôle de l'annualité budgétaire » . Il modifie, à cette fin, l'article L. 211-8 du code des juridictions financières.

Selon les auteurs de la proposition de loi, ces dispositions visent à instituer, « au sein des collectivités territoriales, un contrôle plus fréquent par les chambres régionales des comptes dont elles dépendent » .

Le texte prévoit, en outre, une saisine automatique du ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) 91 ( * ) lorsque les CRTC constatent, à l'occasion d'un contrôle de gestion ou d'un contrôle de l'annualité budgétaire, une des infractions mentionnées aux articles L. 313-1 à L. 313-7 du code des juridictions financières 92 ( * ) .

1. Une programmation des contrôles de gestion en partie fixée par la loi

Les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) auraient l'obligation de procéder, au moins tous les six ans, à un contrôle de gestion  dans les collectivités territoriales et leurs établissements publics dont les recettes annuelles dépassent « régulièrement » 200 millions d'euros .

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, cette disposition concernerait environ deux cents collectivités territoriales et établissements publics .

Les CRTC resteraient libres d'établir leur propre programme de contrôle pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux dont les recettes sont inférieures à 200 millions d'euros.

2. Un nouveau contrôle de l'annualité budgétaire

Les chambres régionales et territoriales des comptes seraient chargées « d' examiner le respect du rattachement des charges à l'exercice budgétaire en cours » (principe de l'annualité budgétaire) :

- tous les ans pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics dont les recettes annuelles dépassent « régulièrement » 200 millions d'euros , soit environ deux cents collectivités territoriales ou établissements (Cf. supra) ;

- tous les deux ans pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics « qui disposent de recettes annuelles comprises entre 100 et 200 millions d'euros » . D'après les éléments recueillis par votre rapporteur, ce contrôle porterait sur plus de cent dix collectivités territoriales ou établissements .

Ce nouveau contrôle de l'annualité budgétaire s'appliquerait au rattachement des charges mais non à celui des produits, ce qui a étonné plusieurs personnes entendues en audition par votre rapporteur.

Il ne concernerait pas les collectivités territoriales et les établissements publics locaux dont les recettes annuelles sont inférieures à 100 millions d'euros.

Au plus tard un an après l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement devrait remettre un rapport au Parlement « mesurant l'impact » de ce contrôle (article 3 de la proposition de loi).

Périodicité des contrôles des CRTC 93 ( * )

Proposition de loi

État du droit

Recettes annuelles « régulièrement » supérieures à 200 M €

Recettes annuelles comprises entre 100 et 200 M €

Autres collectivités territoriales et établissements publics locaux

Contrôle budgétaire

Une des huit hypothèses prévues par le code général des collectivités territoriales (budget primitif adopté en déséquilibre, dépense obligatoire non inscrite, etc .)

Contrôle de gestion

Tous les six ans

Programme fixé par les présidents des CRTC + demande motivée des préfets ou des collectivités territoriales

Contrôle de l'annualité

Tous les ans

Tous les deux ans

-

-

Source : commission des lois du Sénat


* 91 Alors, qu'en l'état du droit, cette saisine n'est que facultative (articles L. 314-1 et R. 241-25 du code des juridictions financières, Cf. supra ).

* 92 Cf. le tableau supra pour plus de précisions sur les infractions entrant dans le champ de compétence de la CDBF (non-respect des procédures de contrôle financier, engagement d'une dépense sans en avoir le pouvoir, etc. ).

* 93 Hors le contrôle juridictionnel réalisé sur les comptes des comptables publics.

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