B. L'ÉLARGISSEMENT DES COMPÉTENCES DE LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE

L'article 1 er de la proposition de loi tend, en outre, à élargir les possibilités de sanction des élus locaux devant la Cour de discipline budgétaire et financière et à supprimer le dispositif de « l'ordre écrit » pour les fonctionnaires ou agents des collectivités territoriales et des établissements publics locaux.

1. L'extension de la responsabilité des élus locaux devant Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF)
a) Un principe de responsabilité des élus locaux devant la CDBF

« Toute personne exerçant un mandat ou une fonction exécutive locale » serait responsable devant la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) pour les infractions mentionnées aux articles L. 313-1 à L. 313-7 du code des juridictions financières (engagement d'une dépense sans avoir le pouvoir, non-respect des règles d'exécution des recettes et des dépenses, etc .) 94 ( * ) (article L. 312-1 du même code).

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, entre 45 000 et 50 000 ordonnateurs locaux deviendraient justiciables devant la Cour de discipline budgétaire et financière.

Le droit applicable aux élus locaux serait aligné sur celui des membres des cabinets ministériels ou des administrateurs des entreprises publiques, à une exception près : les élus ne pourraient pas exciper « d'ordre écrit » les déchargeant de leurs responsabilités devant la CDBF.

Les membres du Gouvernement, les administrateurs élus des organismes de protection sociale et les administrateurs et agents des associations de bienfaisance resteraient hors du champ de compétence de cette juridiction.

L'article 2 de la proposition de loi prévoit, en outre, qu'un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles les personnes détentrices d'un mandat exécutif local - et non l'ensemble des élus locaux - peuvent s'assurer contre le risque de sanctions pécuniaires prononcées par la CDBF.

Cette disposition s'inspire du droit applicable aux comptables publics lorsque leur responsabilité est engagée devant les chambres régionales et territoriales des comptes. Néanmoins, la proposition de loi ne précise pas le mécanisme retenu (cautionnement à la Caisse des dépôts et consignations, adhésion à une association de cautionnement mutuel, souscription d'un contrat d'assurance auprès d'une société privée, etc. ), ce qui pourrait être une source d'incompétence négative.

b) Une nouvelle peine d'inéligibilité

La Cour de discipline budgétaire et financière pourrait également prononcer une peine d'inéligibilité contre les élus locaux ayant commis une des infractions mentionnées aux articles L. 313-1 à L. 313-7 du code des juridictions financières.

Cette peine s'appliquerait à toutes les élections pour une durée maximale de cinq ans (nouvel article L. 313-14-1 du même code).

Cette disposition modifierait substantiellement l'office de la CDBF, cour qui ne prononce, en l'état du droit, que des sanctions pécuniaires.

L'inéligibilité

L'inéligibilité fait obstacle à la candidature d'un citoyen ou entraîne la cessation du mandat lorsqu'elle est constatée après l'élection.

En l'état droit, les juges peuvent prononcer trois types d'inéligibilité .

Le juge de l'élection peut, tout d'abord, prévoir jusqu'à trois ans d'inéligibilité à l'encontre d'un candidat n'ayant pas respecté les règles de financement des campagnes électorales ou ayant porté atteinte à la sincérité du scrutin 95 ( * ) .

Par ailleurs, le juge administratif peut déclarer inéligible pour un an maximum un élu local ayant refusé, sans raison valable, de remplir l'une des fonctions qui lui sont dévolues par la loi 96 ( * ) .

Enfin, le juge pénal peut prononcer une peine complémentaire d'inéligibilité pour certains crimes et délits. Cette peine complète la condamnation pénale. Elle ne peut pas dépasser dix ans pour un crime ni cinq ans pour un délit 97 ( * ) .

Depuis la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 98 ( * ) , le prononcé d'une peine complémentaire d'inéligibilité est obligatoire en cas de manquement au devoir de probité par des personnes exerçant une fonction publique (concussion, corruption passive, etc. ). Par une décision spécialement motivée, le juge pénal peut toutefois déroger à cette obligation en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.

L'article 1 er de la proposition de loi vise à créer un quatrième type d'inéligibilité . La peine serait prononcée par la Cour de discipline budgétaire et financière en raison d'un manquement constaté dans l'application du droit budgétaire et comptable des collectivités territoriales.

2. La suppression de « l'ordre écrit » pour les fonctionnaires et agents territoriaux

Les fonctionnaires et agents territoriaux - soit environ 1,9 million de personnes - ne pourraient plus exciper d'un ordre écrit de leur supérieur hiérarchique ou du président de l'assemblée délibérante pour se décharger de leurs responsabilités devant la Cour de discipline budgétaire et financière (abrogation de l'actuel article L. 313-10 du code des juridictions financières).

Le dispositif de « l'ordre écrit » resterait toutefois applicable aux membres des cabinets ministériels, aux fonctionnaires ou agents civils ou militaires de l'État ainsi qu'aux représentants des organismes soumis au contrôle des juridictions financières 99 ( * ) .

Personnes justiciables devant la CDBF

État du droit

Proposition de loi

Ministres

Non

Membres de cabinets ministériels

Oui,
sous réserve du dispositif de « l'ordre écrit »

Fonctionnaires ou agents civils ou militaires de l'État et de ses établissements publics

Oui,
sous réserve du dispositif de « l'ordre écrit »

Élus locaux

Non, sauf trois cas particuliers 100 ( * )

Oui

Fonctionnaires ou agents des collectivités territoriales et des établissements publics locaux

Oui,
sous réserve du dispositif de « l'ordre écrit »

Oui
(suppression du dispositif de « l'ordre écrit » )

Représentants, administrateurs ou agents des organismes soumis au contrôle des juridictions financières 101 ( * )

Oui,
sous réserve du dispositif de « l'ordre écrit »

Administrateurs élus des organismes de protection sociale

Non

Administrateurs et agents des associations de bienfaisance

Non

Source : commission des lois du Sénat


* 94 Alors, qu'en l'état du droit, les élus locaux ne sont responsables devant la CDBF que dans les trois cas de figure précités : activités ne constituant pas l'accessoire obligé de leurs fonctions électives, refus d'appliquer une décision de justice, ordre de réquisition adressé au comptable public et ayant entraîné un avantage injustifié à autrui ainsi qu'un préjudice à la collectivité territoriale.

* 95 Articles L. 118-3 et L. 118-4 du code électoral.

* 96 Articles L. 2121-5, L. 3121-4 et L. 4132-2-1 du code général des collectivités territoriales.

* 97 Articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal.

* 98 Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Actuel article 432-17 du code pénal.

* 99 Conformément à l'article L. 313-19 du code des juridictions financières, que le texte soumis à votre commission ne propose pas d'abroger.

* 100 Activités qui ne constituent pas l'accessoire obligé de leurs fonctions électives, non-exécution d'une décision de justice, ordre de réquisition adressé au comptable public et ayant entraîné un avantage injustifié à autrui ainsi qu'un préjudice à la collectivité territoriale.

* 101 Entreprises publiques, organismes de sécurité sociale, organismes privés bénéficiant de concours financiers de collectivités publiques, etc .

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