III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : PRÉCISER ET RATIFIER L'ORDONNANCE

D'un point de vue formel, votre commission constate que le Gouvernement a respecté le délai de l'habilitation pour prendre l'ordonnance (6 mois) ainsi que le délai qui lui était imparti pour déposer un projet de loi de ratification (3 mois).

Sur le fond, l'ordonnance n° 2016-1360 du 13 octobre 2016 ne modifie qu'à la marge les procédures applicables devant la Cour des comptes et devant les chambres régionales et territoriales des comptes. Elle présente un impact plus important sur la Cour de discipline budgétaire et financière.

À moyen terme, d'autres textes législatifs seront sans doute nécessaires pour que les juridictions financières puissent faire face à de nouveaux défis (gestion de la « pyramide des âges » des magistrats et de leur mobilité à l'extérieur du corps, certification des comptes de certaines collectivités territoriales 42 ( * ) , etc .).

Après s'être interrogée sur le respect du périmètre de l'habilitation à légiférer par ordonnance, votre commission a proposé de ratifier la présente ordonnance tout en adoptant cinq amendements pour en préciser le contenu .

A. DES INTERROGATIONS SUR LE PÉRIMÈTRE DE L'HABILITATION

L'habilitation de l'article 86 de la loi « déontologie des fonctionnaires » du 20 avril 2016 portait, en priorité, sur le statut des magistrats financiers et la « modernisation du code des juridictions financières, afin d'en supprimer les dispositions devenues obsolètes, redondantes ou de les clarifier » . Sur ce dernier point, l'étude d'impact évoquait un simple « toilettage » de la partie législative du code.

Lors des débats parlementaires, l'adaptation des procédures mises en oeuvre devant la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) n'a jamais été évoquée, alors même qu'il s'agit d'un sujet en soit .

Comme l'a indiqué votre rapporteur lors d'un précédent texte, il apparaît nécessaire de mener une réflexion globale sur le fonctionnement et le champ de compétence de cette juridiction 43 ( * ) . Dans le même esprit, notre collègue député Charles de Courson déclarait en 2009 que, « depuis sa création, peu après la Libération, la Cour de discipline budgétaire et financière n'a pas eu plus d'efficacité qu'un sabre de bois : elle ne sanctionne que quelques personnes, auxquelles elle inflige des amendes ridicules. Il a fallu attendre des années pour qu'elle ose prononcer des amendes supérieures à 20 000 euros, alors que des fautes considérables sont commises » 44 ( * ) .

Dès lors, votre rapporteur s'est étonné que les procédures applicables devant la CDBF soient substantiellement modifiées par la présente ordonnance qui a notamment procédé à une nouvelle répartition des rôles entre le rapporteur et le ministère public, à la suppression de la voix prépondérante du président de la formation de jugement et à la possibilité de publier des arrêts non définitifs de la Cour.

Ces dispositions procédurales semblent excéder le simple « toilettage » légistique du code des juridictions financières et donc le périmètre de l'habilitation à légiférer par ordonnance consentie par la loi « déontologie des fonctionnaires » .

Votre rapporteur constate, toutefois, que la plupart de ces modifications vise à renforcer les droits des personnes mises en cause devant la CDBF , en particulier en leur permettant d'accéder à leur dossier dès l'instruction et non plus après le renvoi de l'affaire devant la Cour.

La suppression de la voix prépondérante du président de la formation de jugement peut davantage poser question, notamment parce que les magistrats de la CDBF siègent en nombre pair 45 ( * ) . À titre de comparaison, l'assemblée du contentieux du Conseil d'État ne peut statuer « qu'en nombre impair » 46 ( * ) et le président du Conseil constitutionnel dispose encore d'une voix prépondérante en cas de partage 47 ( * ) .

Lors de son audition devant votre rapporteur, M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes et président de la CDBF, a précisé, qu'historiquement, il n'a jamais été fait appel à sa voix prépondérante, aucun partage de voix n'ayant été constaté.

Il a également précisé, qu'en droit pénal, « la culpabilité d'une personne ne peut résulter que d'un vote majoritaire et non d'un partage égal des voix » , conformément à l'avis n° 385. 083 du Conseil d'État (17 mars 2011). Votre rapporteur tient toutefois à rappeler les limites de cette assimilation au droit pénal : la CDBF demeure une juridiction administrative spécialisée, soumise au droit au procès équitable de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales mais non à l'ensemble des règles de la procédure pénale.

Enfin, M. Didier Migaud a souligné, qu'en l'absence de voix prépondérante du président de la CDBF, le doute serait laissé à la personne mise en cause. En cas de partage des voix, cette dernière serait donc relaxée.

Au total, votre commission a considéré que la réforme de la Cour de discipline budgétaire et financière et les interrogations soulevées concernant le périmètre de l'habilitation ne constituaient pas un obstacle dirimant à la ratification de la présente ordonnance.


* 42 Article 107 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe ».

* 43 Rapport n° 411 (2016-2017) fait au nom de la commission des lois du Sénat sur la proposition de loi visant à assurer la sincérité et la fiabilité des comptes des collectivités territoriales. Ce rapport est consultable au lien suivant : http://www.senat.fr/rap/l16-411/l16-4111.pdf .

* 44 Source : rapport n° 2790 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi portant réforme des juridictions financières, p. 47. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rapports/r2790.pdf .

* 45 Pour mémoire, la formation plénière de la Cour de discipline budgétaire et financière compte douze magistrats et chaque section en comprend six.

* 46 Article R. 122-20 du code de justice administrative.

* 47 Article 56 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

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