II. DES DISPOSITIFS DE SOUTIEN AUX PME TROP HÉTÉROGÈNES POUR PORTER DE VÉRITABLES CHOIX POLITIQUES

A. UNE RÉDUCTION PROGRESSIVE DU MONTANT DES DISPOSITIFS, À DÉFAUT DE CHOIX POLITIQUES CLAIRS

Composé de 13 actions, le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » est le principal programme de la mission « Économie », dont il porte 53 % des crédits (en CP). Il rassemble divers instruments de soutien aux entreprises , et notamment aux petites et moyennes entreprises (PME) des secteurs de l'industrie, du commerce, de l'artisanat, du commerce et du tourisme, sous la forme de subventions, de prêts, de garanties ou encore d'exonérations fiscales . Le programme porte également les crédits des structures chargées de ces politiques.

Si les crédits du programme 134 affichent une baisse globale de 1,4 % en CP (- 14 millions d'euros), l'effort porte en fait, en totalité, sur les dépenses de personnel et de fonctionnement (qui baissent respectivement de - 2,4 % et - 3,2 %, cf. infra ).

Contrairement aux exercices précédents, les crédits d'intervention, qui représentent 36 % du total (354,7 millions d'euros), ne diminuent plus , et affichent même une légère hausse de 0,8 % (3 millions d'euros) - celle-ci étant en réalité imputable à une mesure de périmètre 2 ( * ) . Cette stabilisation générale correspond à deux « groupes » de dépenses distincts :

- d'une part, pour 259,4 millions d'euros (soit 73 % du total), un ensemble de quelques « grands » dispositifs dont la dynamique budgétaire correspond à une politique publique bien identifiable : la « compensation carbone » des sites industriels électro-intensifs 3 ( * ) (99,9 millions d'euros, - 14 %) ; la compensation par l'État des surcoûts de la mission de service public de transport postal de La Poste 4 ( * ) (111,5 millions d'euros, - 6 %) ; la subvention à Bpifrance Financement au titre de son activité de garantie en faveur des PME (48 millions d'euros, + 91 %) ;

- d'autre part, pour 83 millions d'euros (soit 27 % du total), un très grand nombre de dispositifs, de nature et de fonction très hétérogène , retracés dans le graphique ci-après.

Évolution des dispositifs d'intervention en faveur des entreprises relevant du programme 134 « Développement des entreprises et régulations »

(crédits de titre 6 - intervention) (en CP) (en millions d'euros)

Subv. aux CTI

AFE

Devt. PME

Afnor

IDD

Serv. personne

Cofrac

Franchise postale

Pol. touristique

Consommateurs

Subv. télécoms

Pol. industrielle

Fisac

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et les éléments transmis à vos rapporteurs spéciaux.

Cette architecture budgétaire et les politiques publiques qu'elle sous-tend appellent plusieurs remarques :

- ces crédits d'intervention correspondent à des dizaines de dispositifs sédimentés au fil des années (aides directes aux PME/ETI, subventions, garanties, actions transversales, contribution à des actions collectives etc.), et les crédits sont versés à des dizaines d'acteurs différents, aux compétences parfois concurrentes et rarement définies avec précision (administrations centrales et déconcentrées, entreprises et établissements publics, chambres de commerce et d'industrie (CCI), chambres des métiers et de l'artisanat (CMA), organismes internationaux, organismes professionnels, instituts de formation, centres techniques industries (CTI) etc.) ;

Évolution des dispositifs d'intervention en faveur des entreprises relevant du programme 134 « Développement des entreprises et régulations »

(crédits de titre 6 - intervention) (en CP) (en millions d'euros)

Action/Dispositif d'intervention

Exécution
2015

Exécution
2016

LFI
2017

PLF
2018

2

Indemnité de départ des commerçants (IDD)

8,16

3,07

2

Soutien à la filière des services à la personne

1,20

0,99

0,83

0,90

2

Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac)

12,30

21,45

10,00

11,03

2

Développement des PME : formation, accompagnement, soutien aux métiers d'art

7,22

4,81

4,09

4,24

3

Contribution aux organismes internationaux

2,80

2,89

3,15

2,99

3

Subvention au Comité français d'accréditation (Cofrac)

0,19

0,17

0,18

0,18

3

Subvention à l'agence française de normalisation (Afnor)

8,90

8,17

9,00

10,00

3

Subventions aux centres techniques industriels (CTI) et organismes assimilés

17,37

15,92

15,10

9,95

3

Subventions à l'agence France entrepreneur (AFE)

2,58

3,20

3,20

4,12

3

Subventions diverses à la politique industrielle - soutien à la compétitivité hors prix des PME

32,18

20,48

20,10

19,38

4

Franchise postale pour les courriers adressés au Président de la République

1,27

1,34

1,52

1,52

4

Subventions diverses en faveur du numérique et des télécommunications

7,34

10,75

10,27

11,47

17

Subventions aux mouvements de consommateurs, à l'Institut national de la consommation (INC) et au Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc)

8,57

9,51

8,90

5,40

21

Subventions diverses en faveur de la politique touristique

2,47

1,10

1,79

0,00

22

Contrats à impact social (économie sociale et solidaire)

0,27

4,30

0,00

TOTAL

112,55

104,12

92,43

81,18

Crédits d'intervention du programme 134, hors compensation carbone, subvention à La Poste et subvention à Bpifrance Financement au titre de son activité de garantie

Source : commission des finances, d'après les éléments transmis à vos rapporteurs spéciaux

- en outre, la présentation de ces dispositifs est souvent modifiée d'une année sur l'autre dans les documents budgétaires : programme d'imputation, regroupement (ou non) de certains dispositifs, et même nature des crédits, parfois considérés comme crédits de fonctionnement et non d'intervention ;

- il en résulte que le suivi, l'évaluation et le pilotage de ces multiples dispositifs - au sens budgétaire comme au sens politique - est extrêmement difficile . L'hétérogénéité et la sédimentation des dispositifs du programme 134 ne permettent pas au législateur de donner une autorisation éclairée, et ne permettent pas au Gouvernement de mener une politique volontariste et clairement identifiée en faveur des PME, du commerce ou de l'artisanat - ou du moins, pas à travers le programme 134 , dont c'est pourtant la vocation ;

- dès lors, les principaux arbitrages budgétaires de ces dernières années se sont résumés à une réduction progressive du format de ces divers dispositifs d'intervention, mais sans opérer de choix clair 5 ( * ) , et sans qu'il soit possible d'y lire de grandes options politiques 6 ( * ) ;

- or la programmation budgétaire de l'année 2018 suggère que cette logique de « rabot » pourrait bientôt atteindre ses limites : les dispositifs de ce « second groupe » sont passés de 112,6 millions d'euros en 2015 à 81,2 millions d'euros en 2018, soit une baisse de 28 % en trois ans . Pour 2018, en particulier, une diminution de 12 % (11,25 millions d'euros) est prévue, à périmètre constant.

Il importe donc d'engager une réflexion de fond sur la pertinence et le périmètre de chacun de ces dispositifs, et de procéder à des choix politiques : après évaluation, ceux qui sont utiles devront être maintenus et le cas échéant renforcés, et ceux dont l'efficacité n'est plus avérée devront être supprimés. Le meilleur exemple, à cet égard, est fourni par le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac).


* 2 Il s'agit d'une subvention de 15 millions d'euros versée au commissariat aux communications électroniques de défense (CCED), afin de financer des opérations dans le secteur des communications électroniques (art.D.98-7 du code des postes et des communications électroniques). Ces crédits d'intervention font l'objet d'un transfert en provenance du programme 218 «Conduite et pilotage des politiques économique, financière et industrielle ».

* 3 Créée en 2015, la compensation carbone était initialement rattachée au le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ».

* 4 En application du protocole d'accord État-Presse-Poste signé le 23 juillet 2008.

* 5 À quelques exceptions près. On citera par exemple la suppression de l'indemnité de départ des commerçants en 2015 (remplacée par d'autres dispositifs hors programme 134), ou encore le rattachement au Fisac des aides aux stations-service de proximité, avec la suppression corrélative du Comité professionnel de distribution de carburant (CPDC).

* 6 Certains dispositifs d'ampleur modeste, bien sûr, n'appellent pas à une rationalisation particulière que rendrait nécessaire une sédimentation excessive, mais correspondent tout simplement à des engagements reproduits d'une année sur l'autre. C'est par exemple le cas des subventions aux organismes internationaux.

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