B. LE FISAC : UNE STRUCTURE QUI PORTE UNE POLITIQUE INDISPENSABLE, ET DONT LES MOYENS SONT INSUFFISANTS

Créé en 1989 7 ( * ) , le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (Fisac) a pour vocation de soutenir les services de proximité, menacés ou fragilisés par la désertification de certains espaces ruraux, la dévitalisation des centres-villes et les difficultés rencontrées par certains quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Les difficultés budgétaires récurrentes du Fisac, ainsi que les dysfonctionnements de la procédure 8 ( * ) , ont conduit à une baisse tendancielle de la dotation et des projets financés par le Fisac . La dotation demandée pour 2018 est de 14 millions d'euros, en baisse de 2 millions d'euros par rapport à 2017 - sachant que ce total inclut désormais les aides aux stations-service de proximité auparavant distribuées par le Comité professionnel de la distribution des carburants (CPDC), supprimé en 2015.

Évolution de la dotation et des dépenses du Fisac (2010-2016)

(en millions d'euros)

Réforme du Fisac*

Dotations Fisac

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

LFI - en AE

78

64

42,7

32,3

27

19,3

18,1

16,2

14

LFI - en CP

64

64

42,7

32,3

27

16,9

13,1

9,7

11,03

Régulation budgétaire et redéploiements internes

1,5

2,6

0,9

12,7

9,3

-4,8

9,4

-6,3

Total disponible - en AE

79,5

66,6

41,8

45

28,6

14,5

27,5

9,9

14

Dépenses (engagements)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Opérations urbaines et rurales

46,4

56,5

31

31,2

53,8

27,4

18,3

-

Développement économique

15

13,5

8,3

4,5

4

3,5

3,5

-

Opérations nationales diverses (dont études)

24,3

10,3

13

8,1

8,6

4.5

15,3

-

Total :

85,7

80,3

52,3

43,8

66,4

35,4

37,1

-

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Nombre de dossiers

1 370

1 570

1 218

535

273

193

315

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire budgétaire

Au total, les subventions du Fisac ont atteint quelque 401 millions d'euros sur la période 2010-2016 , correspondant au co-financement de presque 5 000 projets sur tout le territoire.

Dans ce contexte de baisse tendancielle de ses moyens, le Fisac a connu une profonde réforme en 2014 9 ( * ) , consistant à passer d'une logique de guichet à une logique d'appel à projets, dans la limite de l'enveloppe budgétaire initiale , avec une gestion en AE ? CP. La nouvelle procédure a été précisée par le décret n° 2015-542 du 15 mai 2015.

Le décret n° 2015-542 du 15 mai 2015 pour l'application
de l'article L. 750-1-1 du code de commerce (réforme du Fisac)

Le décret fixe notamment les taux maxima de subvention , soit 30 % pour les dépenses de fonctionnement et 20 % pour les dépenses d'investissement, ce taux étant porté à 30% pour les aménagements destinés à faciliter l'accessibilité des entreprises à tous les publics. L'aide financière maximale est plafonnée à 400 000 euros pour les opérations collectives en milieu rural et celles concernant les quartiers prioritaires de la politique de la ville et à 200 000 euros pour les autres opérations collectives en milieu urbain. Pour les opérations individuelles en milieu rural dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par une collectivité publique, l'aide ne peut excéder 100 000 euros.

Le décret détaille la liste des porteurs de projets éligibles : sont concernés les communes, les organismes de coopération intercommunale, les CCI, les CMA, les sociétés d'économie mixte, et, pour les opérations individuelles, les entreprises de proximité.

Il définit les principales dépenses éligibles : les opérations collectives combinent des dépenses d'investissement ciblées sur les activités commerciales, artisanales et de services (modernisation, accessibilité et sécurisation des entreprises, halles et marchés, signalétique commerciale...) et des dépenses de fonctionnement (conseil, diagnostic, audit, étude d'évaluation, animation, communication et promotion commerciale...).

Source : direction générale des entreprises (DGE)

La subvention moyenne par habitant sur la période est de 0,67 euro par an , avec des fortes variations entre les régions, comme le montre la carte ci-dessous.

Subvention Fisac moyenne par habitant (2010-2016)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire.

REGION

Subv. par habitant

Projets

2010-
2016

Moyenne annuelle

AUVERGNE-
RHONE-ALPES

6,23 €

1,04 €

820

BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ

4,66 €

0,78 €

279

BRETAGNE

3,34 €

0,56 €

307

CENTRE

6,22 €

1,04 €

196

CORSE

2,34 €

0,39 €

7

GRAND-EST

4,03 €

0,67 €

339

HAUTS-DE-FRANCE

3,42 €

0,57 €

559

ÎLE-DE-FRANCE

1,63 €

0,27 €

241

NORMANDIE

5,26 €

0,88 €

418

NOUVELLE-AQUITAINE

7,96 €

1,33 €

861

OCCITANIE

3,09 €

0,51 €

347

PAYS-DE-LOIRE

3,99 €

0,66 €

271

PROVENCE-ALPES-COTE-D'AZUR

2,70 €

0,45 €

237

OUTRE-MER

1,57 €

0,26 €

19

TOTAL

4,03 €

0,67 €

4 901

Ces disparités entre régions, toutefois, ne signifient pas une inégalité de traitement entre les territoires . Tout d'abord, les subventions les plus faibles s'expliquent soit par le dynamisme économique de la région concernée (Ile-de-France), soit par l'existence de dispositifs spécifiques de soutien (Corse et Outre-mer), étant entendu que les subventions du Fisac sont réservées aux projets qui ne bénéficient pas par ailleurs d'un autre financement de l'État.

Ensuite, et surtout, ces disparités s'expliquent tout simplement par la modestie de l'enveloppe financière du Fisac : 14 millions d'euros pour près de 65 millions d'habitants, c'est très peu , alors même que les enjeux de désertification ou de dévitalisation sont répartis sur tout le territoire. Dès lors, les écarts de subventions par habitant apparaissent mécaniquement plus élevés, alors même que les montants absolus demeurent faibles.

La lutte contre la désertification des territoires et la dévitalisation des centres ville est donc une politique qui ne se donne pas les moyens de ses ambitions . Dès lors, deux solutions sont envisageables à la place du statu quo :

- soit la réforme du Fisac fait ses preuves , et démontre qu'il est possible de financer des projets pertinents, sans effets d'aubaine et avec des résultats tangibles sur l'aménagement du territoire, et alors il conviendra d'augmenter sensiblement les moyens du fonds - au besoin en mettant fin à d'autres dispositifs moins efficaces ;

- soit la réforme de 2014 ne permet pas d'apporter les bonnes réponses , et alors, plutôt que de conserver un dispositif devenu anecdotique, ses crédits devront être transférés directement à d'autres acteurs, le cas échéant au niveau local, à qui reviendrait l'initiative de financer les projets , ce qui aurait au moins le mérite d'éviter la lourdeur de la double instruction des dossiers.

Pour l'année 2018, vos rapporteurs spéciaux vous proposent un amendement tendant à porter les crédits du Fisac à 30 millions d'euros, afin de redonner à cet outil les moyens de ses ambitions. Une partie de cette enveloppe serait réservée aux aides aux stations-services de proximité , qui ne font plus l'objet d'un dispositif spécifique depuis la suppression du Comité Professionnel de Distribution de Carburants (CPDC) en 2015, alors même que leur nombre diminue chaque année de façon préoccupante, au profit notamment des stations adossées aux grandes et moyennes surfaces. La France, qui comptait 33 000 stations-service traditionnelles en 1985, n'en compte plus que 5 347 aujourd'hui. Quelque 320 stations-service ont fermé en 2016.


* 7 Loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l'amélioration de leur environnement économique, juridique et social.

* 8 Dans un référé du 31 juillet 2014, la Cour des comptes insistait notamment sur la lourdeur de la « double instruction » des dossiers, au niveau local puis au niveau national, ainsi que sur le saupoudrage et les effets d'aubaine des subventions.

* 9 Dans le cadre de la loi n° 2014-626 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (loi ACTPE).

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