AMENDEMENT PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES

PROJET DE LOI DE FINANCES

ARTICLES DE SECONDE PARTIE

MISSION ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT

1

A M E N D E M E N T

présenté par

Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial au nom de la commission des finances

_________________

ARTICLE 55 BIS

Remplacer les mots :

de la prime d'État

par les mots :

du régime fiscal dérogatoire de l'épargne logement

OBJET

Cet amendement vise à élargir le champ du rapport demandé au Gouvernement afin qu'il ne se limite pas à la seule incidence de la suppression de la prime d'État mais porte, plus largement, sur la suppression du régime fiscal dérogatoire de l'épargne logement.

En effet, l'article 55 bis , prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport « analysant l'impact budgétaire et économique de la suppression de la prime d'État pour les nouveaux plans d'épargne-logement et comptes épargne-logement » avant le 1 er septembre 2018.

Cette mesure d'information du Parlement apparaît utile : la suppression des avantages fiscaux de l'épargne logement est une réforme d'ampleur dont l'incidence doit faire l'objet d'une évaluation par le Gouvernement.

Cependant, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale limite le champ du rapport à la question de la suppression de la prime de l'État, alors que ce sont aussi les taux d'imposition qui sont modifiés.

Il s'agit donc de prévoir que le rapport porte sur la totalité de la réforme du régime fiscal de l'épargne logement.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission des finances a examiné le rapport de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial, sur la mission « Engagements financiers de l'État », le compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et les comptes de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » et « Accords monétaires internationaux » (et articles 55 et 55 bis ).

Mme Nathalie Goulet , rapporteur spécial . - Comme vous le savez, la mission « Engagements financiers de l'État » recouvre essentiellement les crédits alloués au paiement de la charge de la dette. Les intérêts de notre dette représentent plus de 99 % des crédits dont je suis le rapporteur.

Je commencerai donc en évoquant la part de la mission qui pèse, et de loin, le plus lourdement sur les finances publiques : la charge d'intérêts de la dette de l'État.

Elle devrait s'élever à 40,24 milliards d'euros en 2018, soit une légère diminution, de l'ordre de 1 %, entre 2017 et 2018. Cette baisse ne résulte pas de notre vertu budgétaire et elle tient, comme les années précédentes, à la faiblesse des taux d'intérêt, qui réduit mécaniquement la charge de la dette alors même que notre endettement continue de progresser : la dette de l'État devrait représenter 1 752,8 milliards d'euros en 2018, soit 4,5 % de plus qu'en 2017.

Je ne m'étendrai pas outre mesure sur le détail des évolutions de crédits. En revanche, je tiens à rappeler d'emblée que la charge de la dette fait l'objet de crédits évaluatifs et non pas limitatifs. Nous ne votons donc pas des plafonds de crédits juridiquement contraignants mais de simples prévisions. Pourquoi ces crédits sont-ils évaluatifs ? Tout simplement parce qu'il s'agit de dépenses « obligatoires », qui ne sont pas pilotables à court terme par l'État. Le Gouvernement est tenu juridiquement de rembourser ses créanciers.

Cette caractéristique n'est pas seulement un détail technique. Elle emporte des conséquences concrètes et je crois que sur ce type de dépenses, les parlementaires ont un rôle essentiel à jouer : nous devons identifier et surveiller les risques qui pèsent sur la crédibilité de la prévision de dépenses présentée au Parlement. Il ne s'agit pas seulement de prendre acte des estimations du Gouvernement, mais de comprendre les facteurs susceptibles de les faire évoluer.

La Cour des comptes, par la voix d'Alain Lambert et de son Premier président, Didier Migaud, a beaucoup regretté le caractère évaluatif de ces crédits, estimant que le Parlement siège suffisamment pour voter, si nécessaire, un relèvement du plafond. Ces crédits constituent une sorte de « réserve » de dépenses. Une révision de la loi organique relative aux lois de finances devrait sans doute intégrer une réflexion sur ce point.

J'en viens aux quatre principaux risques qui pourraient conduire à revoir à la hausse la charge de la dette pour 2018.

Le premier est lié aux engagements hors bilan de l'État, soit l'ensemble de ses obligations potentielles. Ces engagements hors bilan reflètent des niveaux de risque très divers et leur contrôle par le Parlement est variable.

Trois grands ensembles se dégagent : les engagements pris dans le cadre d'accords bien définis - par exemple les garanties accordées à certains acteurs économiques - qui s'élevaient à 1 000,6 milliards d'euros en 2015 ; les engagements découlant de la mission de régulateur économique et social de l'État, pour 481,5 milliards d'euros ; les engagements de retraites de l'État, enfin, qui représentent, avec 1 723 milliards d'euros, plus de la moitié du total des engagements hors bilan.

Ces engagements ont globalement augmenté ces dernières années. Si tous les engagements hors bilan n'ont pas vocation à se traduire par des dépenses, il s'agit néanmoins d'un risque qui pèse bel et bien sur le niveau de la dette.

Le deuxième risque tient à la possibilité d'une remontée des taux. La politique monétaire accommodante de la banque centrale européenne et de la Réserve fédérale américaine, l'inflation très faible, la « fuite vers la qualité » des investisseurs sont autant de facteurs qui ont contribué, ces dernières années, à ramener et à maintenir les taux d'intérêt à des niveaux extrêmement faibles. À court terme, les taux sont même négatifs. C'est inédit ! Dans son rapport sur l'endettement souverain, l'OCDE souligne d'ailleurs le caractère exceptionnel de la situation actuelle.

Mais cette exception ne se prolongera pas indéfiniment. Une remontée progressive des taux devrait intervenir sur les prochaines années, et il faudrait s'y préparer, ce qui n'est pas, semble-t-il, dans l'air du temps.

Avec la hausse des taux, la charge de la dette progressera - et d'autant plus vite la maturité moyenne de la dette française n'est pas extrêmement élevée par comparaison à d'autres pays : elle s'élève à environ sept ans et demi en France, contre quatorze ans au Royaume-Uni, par exemple. D'après les simulations de l'Agence France Trésor, le coût cumulé d'une hausse d'un point de pourcentage serait de 14,1 milliards d'euros après seulement trois ans et de 34,5 milliards d'euros, après cinq ans.

J'en arrive au troisième risque, le risque de notation. La France se trouve en permanence sous le regard scrutateur des agences de notation. J'ai tenu à m'y pencher de près, car la perception par les investisseurs de la qualité de la dette souveraine peut être fortement influencée par cette notation. Mon rapport précise les modalités du travail de Moody's, et les critères retenus par cette agence pour forger son appréciation. Cela mérite que l'on s'y attache. Les annonces budgétaires ou en matière de politique de l'emploi, le respect des engagements européens sont autant de clignotants surveillés de près - surtout quand on ne s'y tient pas...

Les politiques sectorielles ont également un impact sur notre notation : par exemple, la question de la formation est cruciale, car les agences estiment qu'elle aura un impact sur l'emploi, donc sur la qualité de l'économie française. La note de la dette française dépend donc pour partie des orientations des politiques publiques sectorielles, qui sont traduites dans chacune des missions budgétaires que nous examinons.

Quatrième et dernier risque, enfin, le risque prudentiel. Les dettes des États souverains font l'objet d'un traitement particulièrement favorable dans le bilan des banques et des assurances. Ce traitement prudentiel, qui résulte des règles fixées par le comité de Bâle, encourage les établissements bancaires et les assurances à détenir d'importants volumes de titres souverains, ce qui aide à maintenir de bonnes conditions de financement pour les États.

Mais la crise des dettes souveraines a bien montré que les titres de dette des États n'étaient pas toujours aussi solides qu'on le pensait. Surtout, ces règles conduisent à renforcer l'interdépendance entre l'émetteur souverain et les banques, ce qui signifie qu'une crise qui toucherait les banques se répercuterait très fortement sur l'État - et vice versa. Il est donc possible de voir moduler le traitement prudentiel des titres souverains, afin de mieux apprécier le risque réel lié à une obligation d'État et de cesser de vivre dans la fiction que tous les États rembourseront toujours leur dette. La redéfinition du traitement prudentiel de la dette souveraine pourrait entraîner une recomposition profonde des conditions de financement des États : c'est un risque qui ne doit pas être négligé. À court terme, un renchérissement de la dette de l'État est possible.

Tous ces risques sont d'autant plus préoccupants que notre niveau d'endettement est très élevé. Notre stock de dette a augmenté de façon quasiment continue depuis quarante ans, passant de 15 % du PIB en 1974 à 96,3 % en 2016 - contre 68,3 % pour l'Allemagne.

Le niveau de la dette publique française est un problème évident pour la France, mais c'est aussi un problème pour l'Europe : nous ne respectons pas les critères de Maastricht. Une telle différence d'endettement entre les principales économies de la zone euro n'est pas tenable. Sans jouer les oiseaux de mauvais augure, nous avons atteint un seuil limite.

Le Gouvernement annonce une légère baisse du poids de la dette dans le PIB, avec une diminution prévisionnelle de cinq points de PIB sur le quinquennat. C'est mieux que rien mais à ce compte, il nous faudra cinq quinquennats pour rejoindre le niveau de la dette allemande... Au niveau national, les solutions apportées ne sont donc pas à la hauteur des enjeux.

Au niveau européen, pour l'heure, ce n'est guère mieux. L'approche de la dette publique est largement comptable : des plafonds sont fixés ; ces plafonds ne sont pas respectés ; la Commission tape sur les doigts des États fautifs, mais en vain.

Je pense donc qu'il faut réfléchir dès maintenant à des solutions innovantes, non conventionnelles, permettant un désendettement plus rapide des États européens les plus endettés, dont la France. Trois pistes principales me paraissent intéressantes.

Première piste : un ou plusieurs fonds sectoriels abondés par les États membres qui refinanceraient certaines dettes de façon mutualisée - c'est la proposition mise en avant par Thierry Breton, avec lequel je me suis entretenue, et qui pourrait s'appliquer à d'autres domaines que la sécurité et la défense : l'énergie, l'agriculture, ...

Deuxième piste : la création d'emprunts mutualisés au niveau de la zone euro, par exemple à travers des titres synthétiques adossés à un portefeuille de titres souverains de différents États membres.

Troisième piste : la participation du mécanisme européen de stabilité (MES) au paiement des intérêts des dettes des États les plus fortement endettés en contrepartie d'un engagement durable et crédible dans un processus de redressement de ses finances publiques.

Il me paraît urgent d'ouvrir le débat : pour protéger tant les finances publiques françaises que la solidité de la zone euro, la dette publique doit devenir un enjeu européen de premier plan.

J'en viens au Fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant souscrit des emprunts toxiques - Claude Raynal ici présent connaît très bien le dossier et pourrait nous parler de ceux que recommandait Dexia. Je crois qu'il faut se poser la question de la réouverture du fonds, qui n'accepte plus de nouveaux dossiers depuis avril 2015.

Avec la réforme territoriale, qui a redessiné le périmètre de certaines collectivités territoriales, et le renouvellement des exécutifs locaux, certaines collectivités pourraient se voir pénalisées par des prêts toxiques contractés antérieurement, ainsi que cela a été évoqué lors de mes auditions.

J'en viens, enfin, aux deux articles rattachés cette année à la mission « Engagements financiers de l'État ».

L'article 55 concerne les majorations de rentes viagères. Il s'agit de supprimer la participation de l'État au paiement de ces majorations et donc de laisser les organismes d'assurance porter l'intégralité du coût. L'objectif est clair : réduire les dépenses de l'État. L'économie serait limitée à 138 millions d'euros en 2019 mais atteindrait 1,5 milliard d'euros cumulés sur trente ans.

La suppression de la participation de l'État ne me paraît pas de nature à menacer les organismes débirentiers de faillite et elle contribue à l'équilibre des finances publiques. Je vous propose donc l'adoption sans modification de cet article.

L'article 55 bis , qui a été adopté par nos collègues députés, est lié à la réforme du prélèvement forfaitaire unique prévue à l'article 11 du projet de loi de finances. En effet, dans le cadre de cette réforme, le régime fiscal dérogatoire de l'épargne logement est totalement supprimé pour les plans épargne logement et les comptes épargne logement à partir du 1 er janvier 2018. L'article prévoit la remise d'un rapport « analysant l'impact budgétaire et économique de la suppression de la prime d'État pour les nouveaux plans d'épargne-logement et comptes épargne-logement » avant le 1 er septembre 2018.

Cette mesure d'information du Parlement me paraît utile. La suppression des avantages fiscaux de l'épargne logement est une réforme d'ampleur qui doit être évaluée. Cependant, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale limite le champ du rapport à la question de la suppression de la prime de l'État, alors que ce sont aussi les taux d'imposition qui sont modifiés.

Je vous propose donc d'amender cet article pour que le rapport porte sur toute la réforme du régime fiscal de l'épargne logement.

Au total, je vous propose l'adoption des crédits de la mission et des comptes spéciaux, l'adoption sans modification de l'article 55 et l'adoption de l'article 55 bis tel que modifié par mon amendement.

Voilà, mes chers collègues, les éléments que je voulais porter à votre connaissance sur cette mission qui n'est pas très excitante mais dont les enjeux sont très significatifs.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Il s'agit là d'une mission à fort enjeu, puisqu'elle représente, après l'Éducation nationale, le deuxième poste de dépense de l'État. Au cours du dernier quinquennat, on a assisté à un phénomène paradoxal : la dette n'a jamais été aussi élevée et pourtant, son coût a diminué. Voilà pourquoi j'ai coutume de dire que le meilleur ami de François Hollande, « c'est la finance » !

Cependant, le risque est réel : en cas de hausse des taux d'intérêts, le poids de la dette deviendrait insupportable. Il ne s'agit pas de crier au loup, mais la hausse des taux américains et la fin de la politique d'assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne appellent à la vigilance.

Comme je l'ai rappelé lors des débats sur la première partie du projet de loi de finances et lors du débat d'orientation des finances publiques, la France est le seul pays qui ne se désendette pas, alors que les pays du sud de l'Europe, l'Espagne, le Portugal et même la Grèce ont engagé l'effort. Le redressement sera long, mais il est plus que temps de s'engager à notre tour dans la voie d'une réduction de la dette, seul moyen de nous prémunir contre une remontée des taux.

M. Éric Bocquet . - La dette est un sujet central, clef de voûte de toutes les politiques développées en Europe et dans le monde. Regardons-le de près et vérifions les chiffres : la dette devrait augmenter de 76 milliards d'euros en 2018, passant de 1 677 milliards d'euros à 1752 milliards d'euros. Le Gouvernement réemprunterait plus de 200 milliards d'euros en 2018 à la fois pour financer le déficit budgétaire et amortir la dette « ancienne » qui arrive à échéance. Il a racheté de la dette ancienne, puisque nous devions emprunter initialement 195 milliards d'euros. Il y a quelques semaines, j'ai lu dans les Échos - je lis parfois cet excellent journal, ainsi que les pages saumon du Figaro , avec délectation, pour connaître l'état de santé du système libéral ! - que 195 milliards d'euros d'emprunt étaient prévus pour 2018. Vous évoquez aujourd'hui un besoin de financement de 203 milliards d'euros. Maîtrise-t-on l'évolution du besoin de financement de l'État ?

Il y a quelques semaines, la Banque centrale européenne (BCE) annonçait qu'elle avait réalisé 8 milliards d'euros de bénéfice pour le rachat des titres de la dette grecque depuis 2010, et le FMI 2,5 milliards d'euros. Cette somme devait revenir aux banques centrales, mais le processus est bloqué depuis 2014. Pour quelles raisons ?

Pourquoi la loi interdit-elle de divulguer la liste des détenteurs de la dette française ? Deux-tiers de cette dette est détenue par des étrangers, ce qui en soi n'est pas un problème, mais il serait intéressant de connaître l'identité précise des détenteurs de notre dette.

Quelle prise le Parlement a-t-il réellement sur la dette ? Comme Nathalie Goulet l'a souligné, les crédits sont évaluatifs et non limitatifs, et nous votons de simples prévisions. Une question démocratique se pose. Est-il crédible de vouloir absolument résorber la dette, alors que nous ne fixons même plus d'échéance à notre désendettement complet ? Dans deux siècles, peut-être, notre dette sera revenue à zéro !

M. Claude Raynal . - Comme souvent, vous comparez la situation de la France à celle de l'Allemagne. J'aurais souhaité qu'on complétât ce parallèle : la dette représentait 96,3 % du PIB français en 2016, contre 63,8 % pour l'Allemagne. Mais un rappel historique s'impose : après la crise de 2008, le déficit public français s'élevait à 5,2 % en 2012, alors qu'il était nul en Allemagne. Cela explique les différences de dette !

Vous écrivez que « l'amortissement des titres de dettes contractés au plus fort de la crise économique pèsera fortement sur le programme d'émissions des années à venir ». Nous avons massivement emprunté en 2008-2009, mais il me semble que la maturité de ces emprunts était de sept ans. En 2015, les titres ont été renégociés. Nous avions reçu l'agence France Trésor, qui a refinancé la dette arrivant à échéance pour profiter des taux extrêmement bas et rallonger la dette. Actuellement, la maturité des prêts doit être d'environ dix ans ; ce sujet est-il donc derrière nous ?

Selon vous, la censure intégrale de la contribution de 3 % sur les dividendes par le Conseil constitutionnel « fait peser une charge budgétaire supplémentaire » qui « devrait être financée par un surcroît d'endettement » sur un an. À quoi cela correspond-il exactement ? À ma connaissance, une charge budgétaire de 5 milliards d'euros est prévue en 2017. Pour les cinq autres milliards d'euros, les entreprises paieront une taxe supplémentaire.

Concernant le coût d'une hausse des taux d'intérêt, évoquez l'incidence annuelle plutôt qu'en coût cumulé pour éviter de se faire peur, même si c'est un vrai sujet. Examinons-le sereinement.

Concernant les mesures de désendettement non conventionnelles, pour les deux premières pistes, je souhaite bonne chance aux négociateurs pour que les Allemands acceptent ne serait-ce que d'en parler... Votre troisième proposition relative à l'utilisation temporaire du mécanisme européen de stabilité (MES) est en revanche une solution bien plus crédible.

Vous m'avez sollicité sur le Fonds de soutien aux collectivités territoriales, dont je préside le comité d'orientation. Avant d'évoquer de nouvelles ressources budgétaires, il subsiste un reliquat d'1,5 milliard d'euros. Cette opération a été très bien gérée par Bercy. Près d'1,1 milliard d'euros a été utilisé. Il reste environ 400 millions d'euros disponibles si l'on souhaite rouvrir le fonds sans avoir besoin de mobiliser de nouvelles ressources. Au Gouvernement de décider s'il souhaite cette réouverture.

M. Marc Laménie . - Pour gérer la charge de la dette, soit 40,24 milliards d'euros en masse annuelle, et une dette en progression qui atteint 1 752 milliards d'euros, les moyens humains de l'agence France Trésor sont-ils suffisants ? Elle ne rassemble qu'une quarantaine de personnes, qui supportent de très lourdes responsabilités.

Quelles pistes peuvent être trouvées pour la réduction et la renégociation de la dette, au-delà des rachats annuels ?

M. Vincent Delahaye . - La dette est un sujet majeur pour nos finances publiques. Je m'interroge sur les solutions miracles que constitueraient le MES et les financements d'autres États. Je suis dubitatif sur le fait de solliciter l'Europe. La réduction de la dette ne passera que par une réduction du déficit de l'État. Il faut s'y attaquer plus fortement, seul moyen de retrouver de l'indépendance par rapport à nos créanciers étrangers. Je rejoins l'avis d'Éric Bocquet, qui a de bonnes lectures...

M. Yvon Collin . - Il file un mauvais coton !

M. Vincent Delahaye . - Pourquoi refuse-t-on de nous donner les noms des financeurs de la dette ?

Combien a coûté, à la France, le refinancement de la dette grecque ? Peut-on espérer un retour sur le bénéfice fait par la BCE ?

M. Yvon Collin . - Ce rapport torride, plutôt anxiogène, sur un sujet toujours délicat, décrit très bien les risques.

Concernant le risque prudentiel, les règles prudentielles pour les banques et les assurances sont déjà rigides. Le Comité de Bâle a-t-il prévu de nouvelles règles prudentielles alourdissant l'obligation de fonds propres ? Se réunira-t-il prochainement ? Le secteur bancaire est inquiet.

M. Philippe Adnot . - Les partenariats public-privé (PPP) sont-ils comptabilisés dans les engagements hors bilan ? Ils constituent une dette certaine.

Que des collectivités ne découvrent que maintenant qu'elles avaient des emprunts toxiques me laisse sceptique : les banques et les contrôleurs financiers le savaient ! Ce n'est pas parce que deux collectivités fusionnent et que l'une a des emprunts toxiques qu'il faut rouvrir le fonds et augmenter la taxe sur le secteur bancaire pour financer la réouverture. Je suis contre toute augmentation des prélèvements fiscaux ; que chacun assume ses responsabilités.

- Présidence de M. Charles Guené, vice-président -

M. Sébastien Meurant . - Le dernier budget de l'État voté en équilibre date de 1974. Pour réduire la dette, il faut emprunter moins que ce que l'on rembourse et rétablir le solde primaire du budget de la Nation. Il y a deux façons d'asservir les peuples : par la guerre et par la dette. Nous sommes les derniers de la classe européenne. Ce dossier est brûlant. Si comme il y a quelques années, les taux étaient bien supérieurs, la situation serait dramatique.

Pourquoi la maturité de la dette anglaise est de quatorze ans, et la France de sept ? Est-ce un choix ? Comment les autres grands pays européens gèrent-ils la dette ? Faisons un effort de pédagogie auprès des Français. Nous ne sommes pas à l'abri d'une remontée de taux, à moins d'un scénario de taux bas à la japonaise.

Qui possède notre dette ? La dette japonaise est domestique, le risque est moindre que pour une dette détenue par des étrangers. Un ancien président rappelait que les ennuis « volent toujours en escadrille »... Il y a un risque cumulatif, l'État peut faire faillite. Rappelez-vous, il n'y a pas si longtemps, l'Angleterre a mendié auprès du FMI pour payer les fonctionnaires. Seule une thérapie de choc a pu redresser la Grande-Bretagne. Il faudrait commencer par éviter d'augmenter le déficit, or c'est ce qui est justement fait en 2018...

M. Alain Joyandet . - Madame le rapporteur, que pensez-vous de la règle d'or ?

M. Victorin Lurel . - Existe-t-il un risque de requalification de la dette de certains opérateurs, comme EDF, en dette maastrichtienne ? La Contribution au service public de l'électricité (CSPE) peut-elle être requalifiée en aide d'État ? Cela peut-il figurer dans l'encours de la dette publique ?

Mme Nathalie Goulet , rapporteur spécial . - Je suis favorable à la règle d'or, amendement constitutionnel, probablement adopté par notre assemblée mais mal compté par Christian Poncelet en séance. Cela règlerait de nombreux problèmes.

Notre situation s'est régulièrement dégradée ; arrêtons de faire l'autruche. Nous sommes face à des difficultés majeures. Notre mission travaillera sur des pistes européennes de désendettement par compte à travers le Fonds européen de sécurité et de défense. En dehors des Euro-bonds qui ne fonctionnent pas, et au-delà des solutions nationales, trouvons des solutions européennes non conventionnelles - n'hésitez pas à me faire part de vos propositions !

Il est évident que les taux ne resteront pas durablement aussi bas. La remontée des taux aura un effet majeur sur la soutenabilité de la dette.

Sur la dette grecque, une décision de l'Eurogroupe bloque la restitution des intérêts. Ils n'ont pas été dilapidés, les versements reprendront peut-être l'année prochaine. La dette grecque a été réduite de 100 milliards d'euros.

L'impact de la décision du Conseil constitutionnel recouvre un surcroît de dépenses qui pèse sur 2018, à compenser par une émission de titres de dette.

La dette française a une maturité moyenne de 7,5 ans : par définition, de nombreux titres sont émis sur une durée bien plus longue puisqu'il s'agit d'une moyenne ! Le sujet de l'amortissement n'est donc pas derrière nous : c'est une préoccupation de l'agence France Trésor.

Nous ne connaissons pas les détenteurs de la dette. L'agence France Trésor estime qu'on ne peut obliger les détenteurs à décliner leur identité. Nous pourrions approfondir cette question, par exemple par une audition publique de l'agence France Trésor devant notre commission. Ne nous fermons pas de portes ; nous devrons tâtonner pour trouver des réponses.

France Trésor compte une quarantaine de personnes, et jusqu'à présent tout se passe bien. Nous visiterons prochainement, un lundi, leurs locaux pour une adjudication à la hollandaise - une vente aux enchères de titres. Vous êtes les bienvenus.

Il n'y a pas de nouveauté prévue concernant les règles prudentielles. Nous pourrions renforcer la pondération des titres souverains qui ne sont pas notés AAA. Nous en revenons à l'importance des agences de notation, qui ont une vision très précise et en profondeur de notre économie. Évitons la concentration de titres domestiques trop élevés. Nous pourrions également entendre l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

M. Yvon Collin . - Ce serait bien.

Mme Nathalie Goulet , rapporteur spécial . - Victorin Lurel, le risque de requalification de la dette de la SNCF est important ; il est moindre pour EDF mais nous devons rester vigilants.

Les partenariats public-privé sont effectivement pris en compte. L'augmentation de la taxe systémique additionnelle est une proposition qui résulte des auditions, je l'ai juste rapportée à la commission.

M. Philippe Adnot . - Je ne vais pas entériner un rapport indiquant que la taxe pourrait être augmentée !

Mme Nathalie Goulet , rapporteur spécial . - Retirons cette phrase, qui est liée au rappel de notre audition. Merci de nous avoir alertés. Nous supprimons donc ces trois lignes de la page 19 : « une telle réouverture devrait, pour ne pas pénaliser les finances de l'État, se fonder sur des nouvelles ressources budgétaires. Le taux de la taxe systémique additionnelle, fixé actuellement à 0,0642 %, pourrait par exemple être relevé ». La logique n'en était que putative.

M. Charles Guené , président . - Je rappelle que nous ne votons pas sur le rapport mais sur les crédits de la mission.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État ».

Article 55

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption de l'article 55.

Article 55 bis (nouveau)

Mme Nathalie Goulet , rapporteur spécial . - L'amendement n° 1 élargit le champ du rapport demandé au Gouvernement par l'Assemblée nationale pour qu'il ne se limite pas à la seule incidence de la suppression de la prime d'État mais porte, plus largement, sur la suppression du régime fiscal dérogatoire de l'épargne logement. Il nous donnera une vision complète.

L'amendement n° 1 est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption de l'article 55 bis , ainsi modifié.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations de la France au désendettement de la Grèce » et des crédits des comptes de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » et « Accords monétaires internationaux ».

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Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits de la mission, ceux du compte spécial, des comptes de concours financiers, ainsi que l'article 55. Elle a également confirmé sa décision de proposer l'adoption de l'article 55 bis tel que modifié par son amendement.

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