B. UN CHOIX QUI TRADUIT UNE NOUVELLE CONCEPTION DU RÔLE DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE

Le traitement du dossier Alstom participe plus globalement de la conception libérale de l'État actionnaire promue par le nouveau Gouvernement . Le ministre de l'économie et des finances Bruno Le Maire a caractérisé cette nouvelle approche, indiquant que « les leviers d'action de l'État sur l'économie ne résident pas dans des participations minoritaires dans des entreprises du secteur concurrentiel » 43 ( * ) .

De fait, le commissaire aux participations de l'État Martin Vial, faisant part de ses « quatre convictions » concernant l'État actionnaire, a relevé : « nous allons à la fois changer la doctrine d'investissement et faire évoluer le périmètre des participations de l'État. L'environnement a changé, sous la pression de la dérégulation, de la disruption numérique et sous l'effet d'un contexte bouleversé en matière de finances publiques. [...] [La nouvelle doctrine d'investissement] sera définie et formalisée par le Gouvernement au cours des prochains mois autour des entreprises les plus stratégiques pour la souveraineté, pour les intérêts industriels du pays, pour les services publics. Dans le cadre de cette évolution de la doctrine souhaitée par le Gouvernement, nous ferons évoluer le périmètre des participations de l'État . Tout cela sera évidemment défini par le Gouvernement dans les prochaines semaines ou les prochains mois et sera bien sûr présenté et discuté au Parlement » 44 ( * ) .

La gestion active de son portefeuille de participations répond à la fonction que l'État doit tenir. En complément d'un contrôle des activités de souveraineté, il importe qu'il accompagne certaines filières, à l'instar de son soutien récent dans le domaine automobile.

Il ne s'agit donc pas de remettre en cause la nécessité de faire respirer le portefeuille.

En revanche, votre rapporteur spécial considère qu'il importe de toucher avec une main tremblante aux participations publiques .

À cet égard, l'annonce d'une vague de cessions visant à collecter dix milliards d'euros pose deux difficultés :

- d'une part, si le Gouvernement poursuit un effet immédiat de communication, opposant « [la gestion] en bon père de famille [des] actifs de l'État dans un certain nombre d'entreprises du secteur concurrentiel » 45 ( * ) au financement « d'innovations de rupture », il alimente aussi les anticipations des marchés sur les actifs qui pourraient être cédés. Compte tenu de la rigidité de certaines participations, pour des contraintes juridiques ou stratégiques, les anticipations se concentrent sur certains titres, au risque d'un effet prix préjudiciable aux intérêts de l'État ;

- d'autre part, le montant annoncé de cessions représente environ 10 % du portefeuille géré par l'Agence des participations de l'État.

Encore le portefeuille de participations cessibles doit-il être réduit. En écartant les participations dans les secteurs de défense et de l'énergie, ainsi que dans des opérateurs d'infrastructures, il est possible d'estimer ce portefeuille à environ 35 milliards d'euros 46 ( * ) .

Parmi cette revue, il convient de distinguer deux possibilités :

- un approfondissement des cessions déjà réalisées, parmi des entreprises opérant dans un secteur non régalien et concurrentiel ;

- une rupture, en envisageant des cessions d'opérateurs stratégiques ou d'entreprises opérant dans le secteur des jeux.

Quoiqu'il en soit, les annonces du Gouvernement conduiraient à céder près de 30 % de ce portefeuille . D'autres leviers d'action, principalement par la régulation, devraient alors être mobilisés pour maintenir un certain degré de contrôle de l'État sur les activités concernées.

Comparaison du portefeuille géré par l'APE, des participations cessibles
et des cessions annoncées

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Au-delà, il s'ensuivrait plusieurs risques pour la soutenabilité du compte.


* 43 Audition par la commission des finances de l'Assemblée nationale le 4 octobre 2017.

* 44 Audition par la commission des finances de l'Assemblée nationale le 13 septembre 2017.

* 45 Propos tenus par le ministre de l'économie et des finances Bruno Le Maire à l'occasion de son audition par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale le 19 juillet 2017.

* 46 Sont retranchées du portefeuille les participations dans Airbus, EDF, Engie, Safran, Thalès, BPI, RATP et SNCF.

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