B. UNE CONFIRMATION DES CHOIX DU QUINQUENNAT PRÉCÉDENT : UNE AUGMENTATION DES EFFECTIFS AU DÉTRIMENT DES MOYENS

1. Une poursuite des vagues de recrutement, à l'image de celles entreprises depuis 2015

Comme l'a montré le récent rapport de l'inspection générale des finances dédié aux effectifs de la police et de la gendarmerie nationales 9 ( * ) , pour la période 2013-2016, le total des créations d'emplois est de 6 551 ETP, auxquels s'ajoutent 2 286 ETP de la loi de finances pour 2017, soit 8 837 sur cinq années, entre les 31 décembre 2013 et 2017.

Plusieurs plans de renforts en effectifs avaient en effet été annoncés en 2015 :

- à la suite des attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher (janvier), le Premier ministre annonce que 2 680 emplois supplémentaires seront consacrés à la lutte contre le terrorisme au cours des trois prochaines années, dont 1 400 au ministère de l'intérieur (PLAT) ;

- au cours de la discussion budgétaire à l'automne 2015, le plan de lutte contre l'immigration clandestine (PLIC) prévoit la création de 900 ETP afin de couvrir les sujétions plus importantes liées à la sécurisation des frontières, à la lutte contre les filières d'immigration irrégulière et afin de préserver le volume des missions de lutte contre la délinquance ;

- après les attentats du 13 novembre 2015, le pacte de sécurité (PDS), annoncé le 16 novembre par le Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès, prévoit la création de 5 000 postes supplémentaires d'ici 2017 au sein de l'ensemble des services du ministère de l'intérieur qui concourent à la sécurité des citoyens, dont 4 535 postes au profit de la mission « Sécurités ».

La mission de l'inspection générale des finances a permis de confirmer que l'ensemble des plans de recrutement annoncés a bien été mis en oeuvre.

Créations nettes d'emplois prévues et réalisées depuis 2013

(en ETP)

Période

2013-2016

2017

Total 2013-2017

Fondement

LPFP*

Plans

Total

LPFP*

Plans

Total

LPFP*

Plans

Total

Police

932

2 686

3 618

300

1 731

2 031

1 232

4 417

5 649

Gendarmerie

645

2 288

2 933

200

55

255

845

2 343

3 188

Total

1 577

4 974

6 551

500

1 786

2 286

2 077

6 760

8 837

Source : commission des finances du Sénat (d'après l'inspection générale des finances)

Le rythme de recrutement devrait sensiblement s'accroître sur le quinquennat actuel, puisque le Président de la République s'est engagé à créer 10 000 emplois sur la période 2018/2022 pour renforcer les forces de sécurité intérieure. Dans ce cadre, la Police nationale bénéficiera de 7 500 ETP et la Gendarmerie nationale de 2 500 ETP.

Pour la Police nationale, les effectifs progresseront de 1 376 ETP à périmètre constant en 2018 :


• + 1 500 ETP dans le cadre du plan présidentiel. En effet, le Président de la République a décidé de créer 10 000 emplois sur la période 2018/2022 pour renforcer les forces de sécurité intérieure. Dans ce cadre, la police nationale bénéficie sur cette période d'un quantum de 7 500 emplois dont 1 500 au titre de 2018 ;


• - 67 ETP au titre des suppressions d'emplois sur le périmètre de l'administration centrale pour contribuer à l'effort global de maîtrise des dépenses publiques ;


• - 22 ETP au bénéfice du programme 307 « Administration territoriale » au titre du renfort des effectifs en charge de l'asile sur les guichets « Éloignement » des préfectures ;


• - 35 ETP au bénéfice du programme 161 « Sécurité civile », au titre du recrutement de démineurs et de pilotes.

Répartition du schéma d'emplois par catégorie en 2018

(en ETP)

Police nationale

Personnels administratifs

278

Personnels techniques

400

Ouvriers d'État

- 33

Hauts fonctionnaires, corps de conception et de direction et corps de commandement

- 399

Corps d'encadrement et d'application

950

Personnels scientifique

180

Adjoints de sécurité

0

Total

1 376

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Pour la Gendarmerie , les créations d'emplois à périmètre constant s'établissent à + 459 ETP :


• + 500 ETP dans le cadre du plan quinquennal ;


• - 33 ETP au titre des suppressions d'emplois sur le périmètre de l'administration centrale ;


• - 8 ETP au bénéfice du programme 307 « Administration territoriale » au titre du renfort des effectifs en charge de l'asile sur les guichets « éloignement » des préfectures.

Répartition du schéma d'emplois par catégorie en 2018

(en ETP)

Gendarmerie nationale

Personnels administratifs

187

Personnels techniques

132

Ouvriers d'État

- 34

Officiers (gendarmes)

- 329

Sous-officiers (gendarmes)

505

Volontaires (gendarmes)

- 2

Total

459

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ainsi, le schéma d'emplois des deux forces devrait augmenter en 2018 de 1 835 ETP. De son côté, le plafond d'emplois cumulé sera porté à 251 476 ETPT, soit une augmentation de 2 205 ETPT. Ce décalage s'explique en partie par l'existence d'un « écart frictionnel » entre les plafonds d'emplois réalisés et ceux exécutés. Ainsi, pour la Gendarmerie nationale, les effectifs devraient atteindre 99 229 ETPT en 2018, alors que le plafond d'ETPT prévu par les documents budgétaires s'élève à 100 768 ETPT. Comme le relève l'inspection générale des finances, l'existence d'un écart est nécessaire pour « absorber les décalages conjoncturels liés à l'exécution des schémas d'emplois ». Toutefois, lorsqu'il devient excessif, « cet écart devrait avoir vocation à être ajusté de manière à rendre l'approbation par le Parlement la plus exacte possible » 10 ( * ) . Il apparaît donc souhaitable que cet écart, qui s'élèvera en 2018 à 1 539, soit diminué lors des années à venir.

Évolution des effectifs des deux forces

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette évolution positive du schéma d'emploi intervient alors même que les comparaisons internationales fournies par le ministère de l'intérieur ne témoignent pas d'une sous-dotation des forces de sécurité intérieure de notre pays, bien au contraire.

Le ratio police/population de la France apparaît comme se situant au-dessus de la moyenne des pays européens, alors même que les effectifs français ne tiennent pas compte des 7 000 militaires mobilisés dans le cadre de l'opération « Sentinelle » depuis les attentats de janvier 2015 pour assurer des missions de sécurité intérieure.

Ratio police/population en Europe

Note : Les chiffres donnés correspondent aux forces de police d'État (et autonomiques pour ce qui concerne l'Espagne, et de niveau régional pour l'ensemble des pays fédéraux de type Allemagne) et n'englobent pas les polices locales.

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Si la menace terroriste, qui pèse de manière asymétrique sur notre pays, peut justifier un ratio police/population élevé, force et de constater que ces créations de postes sont réalisées au détriment des dépenses d'investissement et de fonctionnement. Ceci se matérialise par le maintien du niveau des dépenses de personnel dans le total des crédits des deux programmes à un niveau particulièrement élevé.

2. Un ratio dépenses de personnel / ensemble des crédits toujours trop élevé

En conséquence de cette augmentation des effectifs constante depuis 2014, la part des dépenses de personnel au sein des deux programmes a atteint un niveau critique, de 86,77 % en 2017, qui ne permet pas de garantir la capacité opérationnelle des policiers et gendarmes.

Le présent projet de loi de finances est marqué par une stagnation de ce ratio, qui atteint 86,78 % pour l'ensemble des deux forces ; 88,73 % pour la police nationale et 84,39 % pour la gendarmerie nationale. La différence entre les deux forces s'explique notamment par le fait que les loyers des gendarmes hébergés ne sont pas inclus dans les dépenses de personnel 11 ( * ) .

Part des dépenses de personnel dans le total des crédits

(en millions d'euros)

2016

2017

2018

Évolution 2017-2018

Police nationale

Titre 2

8 837,90

9 187,97

9 374,21

2,03%

Total

9 957,80

10 359,61

10 564,42

1,98%

Titre 2 / Total

88,75%

88,69%

88,73%

Gendarmerie nationale

Titre 2

6 998,10

7 270,99

7 306,50

0,49%

Total

8 308,30

8 608,77

8 657,74

0,57%

Titre 2 / Total

84,23%

84,46%

84,39%

Total pour les deux programmes

Titre 2

15 836,00

16 458,96

16 680,71

1,35%

Total

18 266,10

18 968,38

19 222,16

1,34%

Titre 2 / Total

86,70%

86,77%

86,78%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Part des dépenses de personnel dans le total des crédits

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ce ratio avait connu une diminution à partir de 2014, poursuivie en 2015, à la faveur, notamment des volets « investissements » des différents plans décidés par le Gouvernement depuis 2015.

Évolution des crédits d'investissement
des différents plans de renforcement

(en millions d'euros, en AE)

2015

2016

2017

TOTAL

Plan de lutte anti-terroriste (PLAT)

78

5

5,5

88,5

Pacte de sécurité (PDS)

-

93,5

73,5

167

Plan de lutte contre l'immigration clandestine

7,1

7,1

Total

78

105,6

79

262,6

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses aux documents budgétaires)

Par ailleurs, l'amélioration du ratio à partir de 2014 doit être nuancée par le fait que la part des dépenses de personnel dans le total des crédits demeure encore à un niveau significativement plus élevé qu'en 2006 . En réalité, les dépenses de personnel ont augmenté de plus 31 %, tandis que les autres dépenses ont connu une baisse de 4,98 %.

Évolution comparée des dépenses de personnel
et des autres dépenses depuis 2006

(en millions d'euros)

2006

2018

Évolution 2006 / 2018

Titre 2

12 685,00

16 681,00

31,50%

Hors titre 2

2 641,00

2 509,42

-4,98%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Alors que le ratio dépenses de titre 2 / ensemble des dépenses était inférieur à 80 % en 2006, il a atteint un point culminant de 87,9 % en 2014. Depuis lors, il connaît une stagnation au-dessus des 86 %.

Part des dépenses de personnel dans le total des crédits

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Au regard de la programmation pluriannuelle, l'objectif de création de 10 000 emplois sur le quinquennat ne devrait pas permettre de faire diminuer ce ratio dans les trois années à venir, ce qui pourrait entrainer une dégradation des moyens, notamment en termes d'équipements et d'immobilier, des forces.


* 9 Inspection générale des finances, Évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales, février 2017.

* 10 Inspection générale des finances, Évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales, février 2017.

* 11 Même si cet avantage ne peut être juridiquement regardé comme un avantage en nature, en raison des sujétions particulières auxquelles sont soumis les gendarmes.

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