III. LA BUDGÉTISATION INCERTAINE DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DE L'ALIMENTATION

Le programme 206 est consacré au financement des actions mises en oeuvre pour assurer la sécurité et la qualité sanitaires de l'alimentation.

Comme vos rapporteurs spéciaux l'ont indiqué dans leur rapport consacré à la politique de sécurité sanitaire des aliments 7 ( * ) , paru en cours d'année, cette politique publique appelle des améliorations profondes pour répondre aux inquiétudes des Français.

Avant que de rappeler les 61 recommandations qu'ils ont pu formuler en ce sens, il est justifié, dans le cadre de l'examen du présent projet de loi de finances, de rappeler que la politique de sécurité sanitaire des aliments est largement interministérielle, réalité que l'information budgétaire continue à occulter. Ce déni, qu'il conviendrait de surmonter au plus vite par l'élaboration d'un document de politique transversale, nuit à la lisibilité des financements publics consacrés par l'État à cette action de première importance.

Il s'y ajoute une très grande confusion dans l'exposé des interventions financées par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation à raison de ladite politique. Certains crédits demeurent extérieurs au programme 206, qu'ils soient inscrits dans le programme 149 ou dans le programme réservoir 215. Quant au programme 206 lui-même, la conception d'une politique publique de sécurité sanitaire des aliments du champ à l'assiette, qui n'est pas sans justification conceptuelle, a pour effet, combinée avec la préoccupation d'isoler des actions propres à la sécurité des aliments en eux-mêmes, de créer des scissions dans le rattachement des crédits qui compliquent singulièrement l'analyse de l'effort budgétaire. Ainsi, par exemple, les procédés couramment utilisés pour réunir les conditions de l'analyse de risque, les plans de surveillance et de contrôle, se trouvent répartis dans des actions différentes du programme alors même qu'ils poursuivent dans tous les cas des objectifs identiques.

Dans ces conditions, les appréciations formées à partir des crédits des projets de loi de finances de l'année au titre du programme 206 ne sauraient valoir qu'au regard du cadre imparfait de la nomenclature budgétaire.

Par ailleurs, plus fondamentalement, au vu des impasses budgétaires à répétition apparues ces dernières années en cours de gestion, il va de soi que la mise en perspective du projet de budget avec une base aussi virtuelle que les lois de finances de l'année en cours est fort peu éclairante. Au-delà, il est à craindre que la forme de répétitivité constatée pour le passé ne vaille également pour l'avenir.

A. DES ENJEUX CONSIDÉRABLES

Le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » est plus spécifiquement consacré aux missions de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail ( ANSES ) .

Les trois années qui viennent de s'écouler n'ont pas manqué de rappeler, par les calamités sanitaires qui les ont marquées, mais aussi par le malaise suscité par plusieurs controverses concernant tant les effets sur la santé humaine ou animale des perturbateurs endocriniens (avec le dossier des produits phytopharmaceutiques) que la situation du bien-être animal, l'importance d'une vigilance très forte dans ce domaine.

Il s'agit d'abord de garantir la santé des consommateurs mais également d'assurer l'intégrité des matières premières et des actifs des exploitants dont la valeur dépend étroitement de la qualité sanitaire de leurs productions.

De ce point de vue, les évolutions en cours ou prévisibles sont inquiétantes .

Ainsi, vos rapporteurs spéciaux ne peuvent manquer de mentionner l'augmentation des cas de maladie animale observés ces dernières années.

Elles se sont traduites par la survenance de crises majeures parmi lesquelles on peut mentionner la multiplication des foyers de Xylella fastidiosa, une bactérie nuisible à de nombreux végétaux (en particulier, les oliviers), la fièvre catarrhale ovine (FCO), et les différentes formes du virus d'influenza aviaire qui ont entraîné la décimation des canards, en particulier dans les départements du Sud-Ouest. Mais, d'autres dangers sont très présents qu'il s'agisse de la tuberculose bovine ou de la trichine. Si la France n'a pas perdu son statut de pays indemne au regard de la première, il n'en va pas de même pour la seconde. Quant à l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), l'identification d'un cas d'ESB en 2016 a fait rétrograder la France au rang de pays à risque maîtrisé (et non plus indemne). En bref, au cours de ces deux dernières années, la France a perdu sa qualité de pays reconnu indemne pour au moins quatre pathologies animales à forts enjeux. Cette situation a un impact fort sur l'économie agricole, ne serait-ce qu'en matière d'export et il faut d'autant plus le regretter que cela aurait pu être évité avec une politique sanitaire plus efficace.

Quant aux impacts sanitaires sur les consommateurs , ils demeurent insuffisamment connus comme en témoignent les controverses scientifiques portant sur les produits phytosanitaires mais aussi insuffisamment suivis la veille épidémiologiques souffrant parfois d'une forme de négligence au quotidien ou de la trop forte rareté des moyens d'analyses. Mais, le nombre de certaines affections apparaît d'ores et déjà considérable comme l'illustre le tableau ci-dessous exposant des données transmises à vos rapporteurs spéciaux lors de leurs travaux sur la sécurité sanitaire des aliments.

Type de pathologie

Nombre de cas par an

Hospitalisation

Décès

Bactériennes

900 000

12 680

179

Virales

504 887

4 201

23

Parasitaires

44 669

1 118

37

Source : audition des rapporteurs spéciaux


* 7 Rapport d'information n° 442 du 23 février 2017 d'Alain Houpert et Yannick Botrel, « Pour une politique de sécurité sanitaire des aliments zéro défaut », fait au nom de la commission des finances du Sénat.

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