EXAMEN EN COMMISSION

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - En 2018, les crédits de la mission « Travail et emploi » s'élèveront à 13,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 15,4 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Ce budget traduit des choix clairs, et d'abord celui d'une réduction importante des dépenses de plus de quatre milliards d'euros en AE et de deux milliards d'euros en CP, hors rebudgétisation de l'ensemble des dépenses d'allocations de solidarité. Cet effort traduit la participation de la mission à la baisse des déficits publics.

Quatre leviers principaux seront utilisés. Premièrement, la diminution des subventions pour charges de service public versées aux opérateurs de la mission, à hauteur de 50,2 millions d'euros. En particulier, la subvention versée à Pôle emploi devrait passer de 1,5 milliard d'euros en 2017 à 1,46 milliard d'euros en 2018. Cette diminution sera plus que compensée par une hausse de la contribution de l'Unédic et ne devrait donc pas avoir d'impact significatif sur l'activité de l'opérateur.

Deuxièmement, la non-reconduction de certains dispositifs, tels que l'aide à l'embauche à destination des PME, créée en 2016 et opportunément prolongée jusqu'en 2017 par le précédent Gouvernement. La pérennisation de cette aide aurait conduit à un important effet d'aubaine alors que son coût pour les finances publiques était compris entre 3,5 milliards d'euros et 4 milliards d'euros. De même, le contrat de génération, qui n'a pas fonctionné, ne sera pas reconduit.

Troisièmement, l'enveloppe de contrats aidés sera revue à la baisse. Seuls 200 000 contrats dans le secteur non-marchand seront conclus. 765 millions d'euros en AE et 1,45 milliard d'euros en CP seront consacrés aux contrats aidés, soit une baisse de plus d'un milliard d'euros en AE et de 950 millions d'euros en CP par rapport à 2017.

Enfin, quatrièmement, les efforts en matière d'effectifs et de masse salariale, qui avaient été engagés par le précédent Gouvernement, seront poursuivis.

Ce budget réduit les dépenses tout en restant efficace. En effet, les crédits de la mission « Travail et emploi » seront maintenus à un niveau élevé, le plus important depuis 2009, hors prévision 2017, qui était marquée par d'importantes mesures de périmètre, de l'ordre de deux milliards d'euros.

Le choix a cependant été fait de cibler la dépense sur ce qui fonctionne. Bien évidemment, on ne peut nier l'utilité des contrats aidés pour les collectivités territoriales et le secteur associatif. Cependant, le recours à ces contrats était une réponse de court-terme, parfois motivée par des raisons purement statistiques, au problème du chômage. C'est pourquoi un plan ambitieux d'investissement dans les compétences a semblé préférable à cette solution de facilité. Il garantira d'une part la poursuite de la montée en puissance de la Garantie jeunes, avec 160 millions d'euros en CP versés aux missions locales pour assurer l'accompagnement de 100 000 jeunes. Il facilitera d'autre part la mise en place d'un plan de formation à destination des demandeurs d'emploi faiblement qualifiés et des jeunes décrocheurs. Au total, deux millions d'actions de formation devraient être proposées sur le quinquennat.

Plus de 14,5 milliards d'euros seront consacrés à ce plan sur le quinquennat, dont près de 14 milliards d'euros sur la mission « Travail et emploi ».

Enfin, le présent budget fait le choix de la sincérité. La décision prise à l'été 2017 de redimensionner l'enveloppe de contrats aidés n'était pas facile. Elle a été rapide, elle était nécessaire. Pas moins de 70 % de l'enveloppe votée en loi de finances initiale avait été consommée dès le premier semestre 2017, le précédent Gouvernement ayant poussé les collectivités territoriales à recruter. On s'acheminait vers un dérapage comparable à celui des années précédentes. En 2016, la dépense en faveur des contrats aidés avait été supérieure aux prévisions à hauteur de 1,8 milliard d'euros en AE et de 1 milliard d'euros en CP en 2016. Je rappelle cependant que 310 000 contrats seront conclus en 2017 contre 280 000 programmés.

Pour 2018, les choses sont claires et le choix affiché du Gouvernement de se tenir à l'enveloppe votée par le Parlement permettra d'améliorer la sincérité du budget.

Je rappelle que, depuis 2009, la prévision n'a été respectée qu'en 2011, 2013 et 2014 en AE, et qu'en 2014 en CP.

La diminution de l'enveloppe globale des contrats aidés prévue dans le présent projet de loi de finances va en outre très clairement dans le sens préconisé par le Sénat et par sa commission des finances, lors de l'examen des projets de lois de finances pour 2015 et 2016, même si la baisse du volume de contrats aidés votée par notre assemblée ne concernait que le secteur non-marchand.

Le budget qui nous est présenté est un budget de transformation, qui se concentre sur l'essentiel : améliorer l'employabilité des personnes les plus éloignées du marché du travail. Des choix clairs de politique publique y sont exprimés, au prix c'est vrai de la non-reconduction de dispositifs dont l'efficacité statistique est indéniable mais dont l'impact sur le marché du travail est faible.

C'est pourquoi je vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».

Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - Cela ne vous surprendra pas, la tonalité de mon intervention sera quelque peu différente de celle de mon collègue co-rapporteur. Nous sommes cependant d'accord sur un point : le choix est à la baisse des dépenses.

Je considère que la diminution des crédits de la mission « Travail et emploi », de 2,7 milliards d'euros en AE et de 295 millions d'euros en CP, est un très mauvais signal adressé aux personnes précaires, alors que le taux de chômage demeure élevé - 9,5 % de la population active au deuxième semestre 2017 - de même que le nombre de demandeurs d'emploi, qui s'élevait à 5,6 millions de personnes. Bien sûr, certains diront que le chômage est en baisse pour certaines catégories. Il n'en reste pas moins qu'il a augmenté de 6 % pour les personnes de plus de cinquante ans et de plus de 11 % pour les demandeurs d'emploi de la catégorie C. L'embellie des chiffres cache des disparités très importantes.

Comme l'a rappelé mon collège Emmanuel Capus, hors compensation de la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité, la diminution des crédits de la mission sera record et atteindra près de 4,2 milliards d'euros en AE et 2,4 milliards d'euros en CP.

Force est tout d'abord de constater que la baisse des crédits prévue par le présent budget touchera principalement les personnes les plus fragiles. La diminution du nombre de contrats aidés en est probablement l'exemple le plus emblématique.

Pourtant, la décision brutale prise à l'été 2017 de réduire l'enveloppe de contrats aidés - qui s'est traduite par d'importantes difficultés pour les collectivités territoriales et les associations - a bien montré l'utilité de ces derniers, sans parler de la détresse dans laquelle les bénéficiaires non reconduits ont été jetés...

Ces contrats constituent des instruments importants pour l'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires. En l'absence de contrats aidés, la plupart des personnes concernées n'auraient tout simplement pas eu accès au marché du travail.

La baisse prévue dans le présent budget conduira donc à une fragilisation de certains services publics et de certaines actions associatives, et elle aura des conséquences sociales importantes.

Elle jette en outre l'opprobre sur les collectivités territoriales soupçonnées de tirer profit de l'effet d'aubaine provoqué par ce dispositif pour bénéficier de financements complémentaires. Or les recrutements réalisés l'ont souvent été à la demande de l'État et la grande majorité des collectivités territoriales ont mis en place une véritable insertion professionnelle des bénéficiaires. En plus de la réduction du nombre de contrats aidés, le taux de prise en charge sera revu à la baisse de 70 % à 50 %.

Ce budget porte un coup aux actions en faveur de l'amélioration des conditions de travail avec la baisse du montant de la subvention versée à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) et la poursuite de la réduction des effectifs de l'inspection du travail, alors même que la mise en oeuvre des ordonnances « Travail » complexifie et favorise une hétérogénéité du droit.

Le budget qui est soumis à notre examen est révélateur de l'incohérence de la politique menée par le Gouvernement qui souhaite relancer l'apprentissage et « en même temps » supprime l'aide financière en faveur des jeunes apprentis, alors même que les centres de formation d'apprentis ont du mal à recruter.

Le Gouvernement lance un grand plan d'investissement dans les compétences et, « en même temps », il diminue les crédits consacrés aux opérateurs. La subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi diminuera ainsi de 50 millions d'euros, en contradiction avec le montant inscrit dans la convention tripartite Pôle emploi/État/Unédic. Certes, l'Unédic augmentera sa contribution, mais dans le même temps les effectifs de l'opérateur devraient diminuer de 297 ETPT, 3 783 ETPT si l'on inclut les effectifs hors plafond. Pôle emploi risque d'être en difficulté pour accompagner les demandeurs d'emploi.

Que dire de la division par deux des crédits consacrés aux maisons de l'emploi ? En les privant des moyens leur permettant d'exercer leurs missions on crée les conditions de leur suppression...

Le Gouvernement ne réévalue pas sa contribution au financement des missions locales, alors que celles-ci devront accompagner près de 15 000 jeunes supplémentaires avec la généralisation de la Garantie jeunes.

Le Gouvernement estime que la baisse du coût du travail, qui se traduira par la transformation du CICE en diminution de cotisations patronales en 2019, doit favoriser les recrutements et, « en même temps », il supprime l'aide à l'embauche à destination des petites et moyennes entreprises.

Concernant le plan d'investissement dans les compétences, présenté par le Gouvernement comme l'alpha et l'oméga de sa politique de l'emploi, je constate que l'effort réel est bien inférieur au montant mis en avant dans la communication du Gouvernement, tant sur le nombre de personnes formées que sur les moyens dégagés. En effet, dans la mesure où les crédits consacrés à la Garantie jeunes et au plan « 500 000 formations » étaient déjà portés par la mission « Travail et emploi », l'effort consenti ne s'élèvera qu'à 750 millions d'euros en AE et 430 millions d'euros en CP. Des questions demeurent en suspens s'agissant du financement de ce plan et des moyens humains qui y seront consacrés. On peut aussi s'interroger sur le nombre de personnes touchées, qui sera certainement inférieur au plan 500 000 formations auquel il se substitue. On nous annonce deux millions de formation sur cinq ans, soit 400 000 personnes accompagnées chaque année.

Le budget 2018 de la mission « Travail et emploi » est un mauvais budget, car il accompagnera moins les personnes en difficulté. La dynamique baissière qu'il contient sera en outre aggravée par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, qui prévoit une diminution des crédits de 17 % entre 2018 et 2020.

Je vous propose de rejeter les crédits de la mission « Travail et emploi », car ils ne sont pas adaptés à la situation sociale et à la hausse du chômage des publics en difficulté qui se poursuit.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je partage le point de vue du rapporteur spécial Emmanuel Capus. Je ne suis pas un fanatique des contrats aidés, qui servent davantage à améliorer les statistiques du chômage qu'à la réinsertion sur le marché de l'emploi. Le taux de contrats aidés qui débouchent à la sortie sur une embauche reste faible et cela d'autant plus dans le secteur non-marchand que dans le secteur marchand. Sans politique d'accompagnement, ce dispositif ne peut pas être efficace. Mieux vaut privilégier la formation des personnes durablement éloignées de l'emploi.

M. Philippe Dallier . - Je n'ai pas bien compris si l'on nous proposait d'adopter les crédits de cette mission ou pas. Je n'ai jamais été un grand « fan » des contrats aidés à tout prix. Pourtant, j'y ai eu recours comme maire, il y a quelques années, pour former des jeunes susceptibles de remplacer des personnes qui partaient à la retraite. En 2016, les emplois aidés ont été beaucoup utilisés pour améliorer les statistiques du chômage. Je regrette surtout la brutalité de la décision qui a été prise d'en réduire le nombre. Les préfets avaient écrit aux maires pour qu'ils incitent les associations à recruter des contrats aidés et d'un coup, tout s'arrête. La méthode est extrême. Pour autant, j'adopterai les crédits de la mission.

M. Michel Canevet . - En 2017 et 2018 les CP ont augmenté de manière significative. Cette hausse correspond-elle à des changements de périmètre ?

La brutalité de la baisse du nombre des contrats aidés m'a aussi frappé. Cependant, ces contrats doivent être un moyen d'insertion professionnelle et pas une activité occupationnelle. Nous sommes face à un paradoxe : on recense près de six millions d'inscrits à Pôle emploi et pourtant les employeurs peinent à trouver de la main d'oeuvre. C'est le signe d'une inadaptation flagrante entre l'offre d'emploi et les besoins des employeurs. La mission de Pôle emploi est-elle pleinement assurée ? Les employeurs recourent à d'autres supports dans 70 % des cas. Il faudrait une remise à plat complète. Les crédits de cette mission doivent baisser si l'on veut réduire le déficit public.

M. Éric Jeansannetas . - S'agissant des missions locales, vous avez en commun de privilégier la vigilance et de nourrir une certaine satisfaction à l'idée que les crédits seront reconduits. L'État n'est pas le seul partenaire des missions locales. Dans un contexte de baisse des dotations, les subventions des communes, des départements et des régions aux missions locales stagnent voire diminuent. Dans la Creuse, le département a baissé ses subventions à la mission locale qui a dû accomplir un travail de mutualisation en regroupant ses trois permanences d'accueil, d'information et d'orientation.

Dans leur rapport, François Patriat et Jean-Claude Requier préconisent de pérenniser la dotation de base aux missions locales en la stabilisant. En effet, la Garantie jeunes a changé le financement d'une mission locale. La subvention versée est supérieure lorsque le jeune sort du dispositif en situation d'emploi ou de formation. Les missions locales qui sont souvent des associations et des groupements d'intérêt public et dont les recettes ne sont pas stabilisées doivent faire des provisions pour risques afin de garantir la situation de ces jeunes en situation délicate. Les missions locales sont le dernier rempart contre l'exclusion.

M. Marc Laménie . - Des crédits de 15,4 milliards d'euros en CP, c'est important. Or la santé et la sécurité au travail ne représentent qu'une partie infime de cette mission, alors que ces domaines devraient être prioritaires. Comment interpréter la faiblesse du montant qui leur est consacré ?

M. Alain Joyandet . - La période actuelle oblige les citoyens à se former et à s'adapter aux nouvelles missions qui leur sont proposées. Beaucoup d'employeurs cherchent à embaucher sans trouver de candidat aux postes qu'ils offrent. Nous sommes dans une période de mutation de l'emploi. Supprimer les emplois aidés ne contribuera pas à améliorer la situation de l'emploi.

Les évolutions rugueuses du marché du travail font qu'il est difficile de s'y insérer. Il est indispensable que le secteur public intervienne pour faciliter l'insertion professionnelle.

Je m'interroge : on supprime les emplois aidés par mesure d'économie ? Pourtant l'Assemblée nationale vient de voter le transfert du financement de l'assurance chômage des cotisations sociales vers la CSG augmentée de 1,7 point. Cela signifie-t-il que l'on devra augmenter la CSG l'an prochain pour payer les chômeurs supplémentaires ? C'est incohérent. On déplace des emplois aidés financés par l'État vers le chômage également financé par l'État. C'est n'importe quoi, tant du point de vue budgétaire que du point de vue humain : les emplois aidés jouent un rôle important dans les petites collectivités. On aurait pu attendre que le chômage baisse avant de réduire le nombre des emplois aidés.

M. Bernard Delcros . - Je suis en désaccord avec les orientations prises sur les contrats aidés. Le taux de sortie positive ne peut être le seul critère. D'ailleurs, si l'on supprime les contrats des quelque 60 % ou 70 % qui ne sont pas en emploi après leur contrat, ils deviendront des demandeurs d'emploi, ce qui a aussi un coût pour la collectivité. Bien sûr, les bénéficiaires préfèreraient un emploi durable - mais ils préfèrent aussi un contrat aidé à un statut de demandeur d'emploi. Quelle est la part des renouvellements dans le chiffre de 310 000 contrats aidés pour 2017 ?

Les crédits pour la formation augmentent, mais nous consacrons déjà 30 milliards d'euros par an à ce poste : ne pourrait-on plutôt optimiser la dépense existante ?

Les contrats aidés sont utiles pour leurs bénéficiaires, bien sûr, mais aussi pour les associations et les collectivités territoriales, surtout en milieu rural, où certains services ne pourraient sans doute pas être maintenus si ces contrats étaient supprimés.

M. Claude Raynal . - Je ne suis guère convaincu par la présentation d'Emmanuel Capus. Ce n'est pas parce que nous sommes en commission des finances que notre vision doit être déshumanisée. Or vos propos sont ceux d'un animal à sang froid. Comme Alain Joyandet, je souhaite rappeler que derrière ces chiffres, il y a de la pâte humaine. D'ailleurs, les résultats ne sont pas si mauvais, même si vous parlez d'inefficacité. Même dans l'entreprise, les taux de réembauche n'atteignent pas 100 % six mois après la fin d'un contrat. Et si leur effet est que des jeunes très éloignés de l'emploi acquièrent une expérience professionnelle et se remettent dans l'idée de travailler, les contrats aidés restent très positifs - même s'ils ne garantissent pas un emploi à vie. Je suis effondré par le lien entre chômage, maladie et dépression. Aussi me semble-t-il que ce coût budgétaire ne doit pas être immédiatement tranché.

De plus, la continuité de l'État, mentionnée par Philippe Dallier, n'est pas un gros mot ! Il est pour le moins étrange que des représentants de l'État incitent, interrompent... Cette mesure est prise dans un but exclusivement budgétaire, selon une argumentation contestable et qui mériterait une analyse plus qualitative. En même temps qu'on supprime brutalement ces aides, on se prive des recettes de l'ISF. Comment ne pas faire le parallèle ? Pourtant, il y avait moins urgence à diminuer l'ISF qu'à supprimer les crédits des emplois aidés.

Notre gestion publique a ses qualités et ses défauts, mais toutes les études ont montré que, grâce à ce type de dispositifs, qui constituent le fondement social de notre République, la France est le pays qui a le mieux absorbé les conséquences de la crise. Gardons-nous donc de casser ces amortisseurs !

Mme Sylvie Vermeillet . - Les contrats aidés étaient intéressants pour les bénéficiaires comme pour leurs employeurs, et je dénonce la brutalité de leur suppression, quinze jours avant la rentrée scolaire. C'est comme si l'on pensait que la suppression des allocations chômage ferait disparaître les chômeurs... L'économie que cette suppression représente pour l'État est en fait prélevée sur les collectivités territoriales. La charge ainsi transférée a-t-elle été chiffrée ? Est-elle incluse dans les 13 milliards d'euros demandés aux collectivités territoriales ?

M. Jean-Marc Gabouty . - Maire, j'ai utilisé pendant deux décennies les contrats aidés, en essayant toujours de les faire déboucher sur une embauche. Mais le dispositif a dérapé, puisqu'on a atteint en 2015-2016 le chiffre de 400 000 contrats, sans doute en vue d'inverser la courbe du chômage. Alors que ces contrats ont vocation à aider des jeunes éloignés de l'emploi et se heurtant à des difficultés d'insertion, certaines collectivités territoriales et associations ont pris l'habitude de les utiliser pour procéder à des recrutements dans des conditions financières allégeant leurs charges de personnel. La mesure va donc dans la bonne direction, même si j'en regrette la brutalité - quoique celle-ci résulte du fait que le financement n'avait pas été assuré jusqu'à la fin de l'année. Les contrats aidés ne sont pas supprimés, puisque 200 000 contrats sont prévus pour 2018, ce qui est un niveau plus raisonnable, et correspond mieux aux besoins d'insertion, qui sont le critère prioritaire.

Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - Si c'est dans le secteur public que les contrats aidés ont le taux de sortie vers l'emploi le plus faible, c'est aussi que le profil des personnes retenues est différent : les personnes les moins éloignées de l'emploi sont embauchées par le secteur marchand.

Il s'agit tout de même d'une manière de proposer une activité ayant une utilité sociale. Ainsi, à Pôle Emploi, le travail d'accueil effectué par ces personnes est très apprécié.

Pour répondre à Michel Canevet, l'ensemble des allocations de solidarité ont été rebudgétisées du fait de la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité destinée à compenser la hausse de la CSG pour les fonctionnaires. À périmètre constant, la baisse des crédits est très importante.

Pôle Emploi a dédié 4 000 conseillers au travail avec les entreprises pour mieux analyser le marché de l'emploi local. Ce travail porte ses fruits, et nombre d'entreprises se déclarent satisfaites de cette amélioration. Pour autant, Pôle Emploi n'a pas les moyens de mettre en oeuvre un accompagnement fort des personnes éloignées de l'emploi : seules 40 % d'entre elles en bénéficient. D'après l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales, 50 % des personnes en accompagnement renforcé n'ont pas de rendez-vous trois mois après leur inscription. Et la dématérialisation totale de la procédure allonge sans doute le délai d'inscription des personnes très éloignées de l'emploi.

Les crédits des missions locales sont maintenus, mais 15 000 jeunes supplémentaires bénéficieront de la Garantie jeunes et le financement intégral n'est pas toujours acquis : il faut accomplir nombre de démarches, et l'insertion totale du jeune est requise. Un mouvement de mutualisation est en marche, mais nous devons rester vigilants.

La santé et la sécurité au travail représentent une petite part du budget de cette mission, qui comporte notamment les crédits de l'inspection du travail. L'accession des contrôleurs au statut d'inspecteurs du travail a demandé des efforts de formation et des moyens supplémentaires, puisque c'est un passage - bienvenu - de la catégorie B à la catégorie A. mais ce mouvement s'est accompagné d'une diminution du nombre d'agents sur le terrain. Il faudra donc rester vigilant.

Quant à la question de savoir si les contrats aidés supprimés comptent dans les 13 milliards d'euros demandés aux collectivités territoriales, nous n'y avons pas la réponse !

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - J'avais conscience, en demandant ce rapport, que la mission serait délicate et l'équilibre, difficile à trouver. J'avais peut-être sous-estimé la tâche ! Il est vrai que certains ont changé d'avis en fonction des récentes élections...

Le rapporteur général partage mon souci de maîtrise des dépenses publiques, et je l'en remercie. Philippe Dallier n'est pas un « fan » des contrats aidés et constate qu'ils ont beaucoup servi à un traitement statistique du chômage. Il s'inquiète de la rapidité de suppression de certains contrats. Soyons clairs : la situation était invraisemblable, puisque le Parlement avait autorisé 295 000 emplois aidés pour 2016 et que le Gouvernement en a validé 458 697. Scandaleux !

M. Claude Raynal . - Le terme est excessif...

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - Même chose en 2017 : en août, 70 % de l'enveloppe de contrats était déjà consommée. Le choix était simple : laisser filer sans se soucier du vote du Parlement, ou reprendre le contrôle et limiter le nombre de contrats à 310 000 à 320 000. Certes, il aurait pu y avoir davantage de concertation.

Michel Canevet, ma collègue, Sophie Taillé-Polian vous a déjà répondu, en 2017, certaines exonérations de charges ont été rebudgétisées et en 2018, la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité est compensée par le budget de l'État.

Alain Joyandet nous dit que ce n'est pas le moment de supprimer les contrats aidés. Je veux bien être humble, puisque je n'étais pas là il y a deux ans. Mais pourquoi, alors, son groupe a-t-il demandé la suppression pure et simple des contrats aidés dans le secteur non-marchand ? La situation économique, ce me semble, n'a guère changé depuis. Et cette année, il ne faudrait plus les supprimer ? D'ailleurs, il n'est pas proposé de les supprimer, car dans le secteur non-marchand ils ont une utilité, et pour les territoires et pour les bénéficiaires. C'est pourquoi je ne vous propose pas de supprimer les 200 000 contrats prévus l'an prochain.

Marc Laménie, le budget de la santé et de la sécurité au travail est quasi-stable, il augmente de 0,13 % en AE mais baisse de 2,15 % en CP.

Claude Raynal, la chaleur de mon propos montre assez, je crois, que je ne suis pas un animal à sang froid. Sans doute l'Anjou et sa douceur chantée par du Bellay sont-ils trop éloignés de la Haute-Garonne ? Je suis un Gaulliste libéral et, comme Jean Bodin, je considère qu'il n'est de richesse que d'hommes. Aussi n'ai-je pas de leçons d'humanisme à recevoir de votre banc.

La question de Sylvie Vermeillet est sans doute la plus pertinente : l'an dernier, vous proposiez de supprimer les contrats aidés dans le secteur non-marchand...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Pour des raisons liées exclusivement au taux d'insertion à la sortie.

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - La question est de savoir s'il faut les maintenir plutôt dans le secteur marchand ou non-marchand. Les points de vue divergent. Alain Joyandet estime que, dans le secteur non-marchand, ils sont indispensables, et le Gouvernement propose d'en maintenir 200 000. Cela me paraît la bonne décision.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Travail et Emploi », ainsi que ceux du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».

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Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission des finances, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits de la mission « Travail et Emploi » et ceux du compte d'affectation spéciale, ainsi que l'article 66.

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