II. LE CONTEXTE DE LA RELATION BILATÉRALE DE COOPÉRATION JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE

Selon le ministère de l'Europe et des affaires étrangères 5 ( * ) , les pays de la région caraïbe doivent faire face aux trafics internationaux et à l'expansion de groupes criminels aux connexions régionales avérées. Les trafiquants internationaux exploitent les faiblesses de la zone - émiettement en micro-Etats, multiples autorités - et entraînent dans leur sillage des groupes locaux qu'ils utilisent comme relais logistiques et comme vecteurs de distribution sur les marchés locaux. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) observe que les zones du Sud de l'arc antillais, notamment Sainte-Lucie, Saint-Vincent, la Dominique, sont des zones d'établissement d'organisations de trafiquants de stupéfiants et de stockage de cocaïne.

Dans ses évaluations, le PNUD relève également que les taux d'homicides, y compris les meurtres liés aux gangs, ont augmenté de façon substantielle au cours des douze dernières années dans l'ensemble des Caraïbes.

Sainte-Lucie est confrontée à une criminalité générale de plus en plus violente (91 homicides en 2011, 57 en 2015, 48 enregistrés pour l'instant en 2017, dont nombre sont des règlements de compte entre gangs). L'importance du nombre d'homicides - +30/100 000 - et le volume des saisies de drogues - 804 kg de cannabis (dont une partie produite localement) et 332 kg de cocaïne ont été saisies en 2016 - confirment l'existence de gangs criminels saint-luciens ainsi que le rôle de transit joué par Sainte-Lucie pour la distribution de drogues, notamment vers les communautés françaises d'Amérique (CFA). L'incarcération de plusieurs dizaines de saint-luciens dans les prisons de Martinique et Guadeloupe témoignent de l'expansion de ces groupes criminels locaux.

Pour réprimer les agissements de ces gangs opérant notamment en connexion avec les milieux criminels des îles avoisinantes, la coopération policière et judiciaire entre Sainte-Lucie et les CFA revêt une importance capitale , car elle répond à un véritable besoin opérationnel. D'ailleurs, les services du ministère de l'Europe et des affaires étrangères 6 ( * ) ont indiqué à votre rapporteur que les juridictions martiniquaises et le parquet de Fort-de-France attendaient avec une certaine impatience l'entrée en vigueur de ces deux conventions.

Depuis 2012 , en l'absence de dispositif conventionnel d'entraide judiciaire, la France a adressé neuf demandes d'entraide judiciaire en matière pénale aux autorités saint-luciennes . Ces demandes se répartissent en huit commissions rogatoires internationales, toujours en cours d'exécution, portant sur des faits d'homicide volontaire (3), de tentative de meurtre (2), de viol (1) et des infractions à la législation sur les stupéfiants (2) ainsi qu'en une demande d'enquête portant sur des faits de travail dissimulé et mise en danger de la vie d'autrui, toujours en cours d'exécution.

Sur la même période, Sainte-Lucie a saisi les autorités françaises d'une demande dans une affaire de trafic de stupéfiants qui a été exécutée par les autorités françaises dans un délai de trois mois.

En matière extraditionnelle , depuis 2010 , la France a transmis six demandes à Sainte-Lucie. La quasi-totalité de ces demandes ont été émises par la cour d'appel de Fort-de-France et visaient des personnes recherchées pour des faits de vols accompagnés de violences, séquestrations, enlèvements et/ou meurtres. Une demande émise par une juridiction de l'Hexagone concernait des faits d'infractions à la législation sur les stupéfiants. À ce jour, quatre personnes ont été remises à la France, une personne a été expulsée vers la Martinique sans notification de la demande d'extradition et un dossier est toujours en cours d'examen.

Sur la même période, Sainte-Lucie n'a saisi la France d'aucune demande d'extradition.

Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères 7 ( * ) a indiqué à votre rapporteur que ces statistiques représentent le flux officiel de l'entraide, c'est-à-dire celui connu du ministère de la Justice, mais qu'il existe aussi un flux informel, non quantifié, de demandes d'entraide qui transitent directement entre les autorités judiciaires locales ou entre les services enquêteurs, compte tenu de leur proximité géographique.

Ce même ministère a également souligné un problème récurrent concernant les demandes d'extension d'extradition adressées à Sainte-Lucie. En application de leur législation, les autorités de Sainte-Lucie refusent, une fois les personnes remises, d'examiner des demandes d'extension d'extradition visant des faits non compris dans les demandes initiales d'extradition et exigent la participation physique de la personne à la nouvelle procédure judiciaire initiée dans ce cadre. Cette problématique a concerné quatre dossiers. La nouvelle convention d'extradition devrait permettre de remédier à cette difficulté. En effet, son article 12, paragraphe 1.a) (Cf infra ) règle la question de l'extension de l'extradition sans exiger que la personne visée par une demande à cette fin soit retournée à la partie qui l'a remise pour qu'il puisse être statué sur cette demande.

Par ailleurs, le droit pénal saint-lucien prévoit la peine capitale pour sanctionner les homicides aggravés comme ceux commis sur un fonctionnaire de police, un magistrat, un témoin ou un membre d'un jury ou bien ceux commis en lien avec la commission d'un vol, d'un incendie volontaire, d'un crime de haine, d'une infraction sexuelle ou d'une infraction en lien avec les stupéfiants ou bien ceux commis en vue d'obtenir un avantage pécuniaire ou bien ceux commis en lien avec un acte de terrorisme, ou bien ceux commis en état de récidive, ou bien enfin ceux commis à l'encontre de plusieurs victimes.

La dernière condamnation à mort a été prononcée en 2011 à l'encontre d'une personne reconnue coupable d'un homicide commis sur un fonctionnaire de police en 2008 mais cette peine a, depuis, été commuée en réclusion criminelle à perpétuité. La dernière exécution à Sainte-Lucie remonte à 1995 et concernait une personne condamnée à la peine capitale pour des faits de meurtre commis en récidive en 1994 et qui n'avait pas fait l'objet d'une demande d'extradition vers ce pays. Le débat sur l'exécution de la peine capitale demeure vif, compte tenu du fort taux de criminalité dans l'île et de la pression de l'opinion publique.

La convention retient un mécanisme de substitution de peine . Son article 7 (Cf infra ) prévoit ainsi que, lorsque la peine capitale est encourue dans la législation de la partie requérante pour les faits à raison desquels l'extradition est demandée, cette peine est remplacée de plein droit par la peine encourue pour les mêmes faits dans la législation de la partie requise .

Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères 8 ( * ) estime que ce mécanisme offre des garanties au moins équivalentes à celui, plus traditionnel, des assurances fournies par l'Etat requérant que la peine capitale, lorsqu'elle est encourue, ne sera ni requise, ni prononcée, ni exécutée. Il présente en outre l'avantage d'être applicable de plein droit , sans qu'il soit nécessaire de solliciter la production d'assurances dont le caractère sérieux et suffisant doit ensuite être apprécié par les autorités de l'Etat requis et peut donner lieu à contestation devant les juridictions nationales ou supranationales.


* 5 Réponse du Gouvernement au questionnaire de la commission.

* 6 Audition du 23 novembre 2017.

* 7 Réponses du Gouvernement au questionnaire de la commission et audition du 23 novembre 2017.

* 8 Réponse du Gouvernement au questionnaire de la commission.

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