PREMIÈRE PARTIE : L'ADHÉSION DE LA FRANCE À LA CONVENTION DE LUGANO II POUR LE COMPTE DE SES PAYS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER

I. LE CONTEXTE DE LA NÉGOCIATION DE LA CONVENTION « LUGANO II »

Dès 1960, il a été envisagé de négocier une convention sur le fondement de l'article 220 du traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne (CEE) qui invitait notamment les Etats membres, à engager « entre eux, en tant que de besoin, des négociations en vue d'assurer en faveur de leurs ressortissants [...] la simplification des formalités auxquelles sont subordonnées la reconnaissance et l'exécution réciproque des décisions judiciaires ainsi que des sentences arbitrales ».

En effet, les formalités requises dans chaque Etat membre pour obtenir la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers constituaient une entrave tandis que la transmission, la légalisation, la traduction des pièces nécessaires représentaient des complications qui ne correspondaient pas à la configuration plus ouverte et plus confiante des rapports entre systèmes judiciaires nationaux que demandait le bon fonctionnement du Marché commun.

Le comité d'experts réuni en 1960 pour préparer la convention a constaté que cet objectif ne pouvait être atteint sans repenser le problème en son entier et entreprendre la construction d'un système de règlement des conflits de juridictions. C'est ce qui explique la durée de la négociation.

La convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale a été signée le 27 septembre 1968 entre les six Etats membres de la CEE - Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas. Entrée en vigueur le 1 er février 1973, elle règlemente à la fois la compétence dans l'ordre international des juridictions des États membres de l'Union européenne, la reconnaissance et l'exécution simplifiées des décisions rendues dans d'autres États membres. Elle s'applique à tout litige en matière civile ou commerciale, quelle que soit la nature de la juridiction, à l'exception de certains domaines (matières fiscales, douanières ou administratives, état et capacité des personnes physiques, régimes matrimoniaux, testaments, successions, faillites, sécurité sociale, arbitrage).

En ce qui concerne la France, la ratification de la convention de Bruxelles a valu engagement pour l'intégralité du territoire national - métropole et outre-mer.

La convention de Bruxelles a d'abord permis d'harmoniser les règles de compétence internationale directe entre les Etats membres de la Communauté européenne, très variables d'un Etat à un autre, en réduisant les risques de conflits de compétence, tout en prévoyant une règle uniforme pour régler les possibles cas de litispendance.

Elle a également harmonisé les conditions de reconnaissance et d'exécution des décisions entre les Etats membres - conditions également très variables, certains Etats exigeant parfois une réelle réciprocité. Elle a substitué à la procédure contradictoire de droit commun d'exequatur un régime d'exequatur simplifié. Dès lors, la convention a grandement facilité la circulation des décisions entre les Etats membres en matière civile et commerciale.

La convention de Bruxelles a été modifiée à de nombreuses reprises afin d'en étendre l'application aux nouveaux Etats membres.

Par ailleurs, compte tenu de son efficacité, il a été décidé de conclure une convention « parallèle » concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matières civile et commerciale entre les Etats membres, d'une part, et les Etats de l'Association européenne de libre-échange (AELE) - Suisse, Norvège et Islande, d'autre part. Cette convention dite « Lugano I », qui a étendu les règles de la convention de Bruxelles aux pays de l'AELE, a été signée à Lugano le 16 septembre 1988 et est entrée en vigueur le 1 er janvier 1992. La France l'a ratifiée le 3 août 1990.

Le rapport explicatif sur la convention de Lugano de 2007 précise qu'en 1997, le Conseil de l'Union européenne a engagé simultanément une révision de la convention de Bruxelles et de la convention de Lugano de 1988, dans le but d'harmoniser ces deux conventions tout en les améliorant, afin de tenir compte notamment de la jurisprudence de la Cour de Justice, des évolutions de l'environnement international et des nouvelles technologies - notamment le commerce électronique -, afin aussi d'accélérer l'exécution des décisions, de simplifier certains aspects relatifs aux compétences et de préciser certaines points dont l'application posait problème.

Le groupe ad hoc d'experts constitué en décembre 1997 par le Conseil de l'Union européenne est parvenu à un accord général sur un texte révisé pour les conventions de Bruxelles et Lugano en avril 1999.

Entre temps, le traité d'Amsterdam, signé le 2 octobre 1997 et entré en vigueur le 1 er mai 1999, a doté la Communauté européenne de nouvelles compétences dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile, ce qui a conduit le Conseil à geler, en mai 1999, les projets de textes pour la nouvelle version de la convention de Bruxelles et la nouvelle convention de Lugano, dans l'attente de la présentation par la Commission d'un projet d'acte communautaire qui remplacerait la convention de Bruxelles dans le cadre communautaire. Ceci a abouti à l'adoption par le Conseil, le 22 décembre 2000, du règlement (CE) n° 44/2001 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale dit « règlement Bruxelles I ». Ce règlement est entré en vigueur le 1 er mars 2002.

Par la suite, ce règlement a fait l'objet d'une refonte avec l'adoption du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale dit « règlement Bruxelles I (refonte) ». Ce règlement, applicable depuis le 1 er janvier 2015, abroge le règlement 44/2001.

En raison du parallélisme existant entre les régimes instaurés par la convention de Bruxelles - remplacée par le règlement Bruxelles I - et par la convention de Lugano I, le Conseil a autorisé, en octobre 2002, la Commission à engager des négociations en vue de l'adoption d'une nouvelle convention de Lugano calquée autant que possible sur les dispositions du règlement Bruxelles I.

En mars 2003, le Conseil a sollicité la Cour de justice des communautés européennes sur l'étendue des compétences de la Communauté européenne. Celle-ci a rendu un avis, en février 2006, consacrant la compétence exclusive de la Communauté européenne pour négocier la nouvelle convention de Lugano.

La renégociation a ainsi abouti à la convention dite « Lugano II » du 30 octobre 2017 entre les Etats membres de l'Union d'une part, et la Suisse, la Norvège et l'Islande, d'autre part. Cette convention qui s'aligne sur le règlement Bruxelles I est entrée en vigueur le 1 er janvier 2010 après ratification par l'Union européenne le 18 mai 2009 et par la Norvège le 1 er juillet 2009. Le Danemark a procédé individuellement à la ratification de la convention de Lugano II, le 24 septembre 2009.

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