II. VERS UNE APPLICATION PLUS UNIFORME DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ DE L'UNION EUROPÉENNE SUR LE TERRITOIRE NATIONAL

Le règlement 1215/2012 dit règlement Bruxelles I (refonte) s'applique au territoire métropolitain et aux collectivités d'outre-mer ayant le statut de région ultrapériphérique (RUP) dans leurs relations avec les Etats membres de l'Union européenne. Les régions ultrapériphériques - la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte et Saint-Martin - font en effet partie intégrante de l'Union et doivent prendre en compte l'acquis communautaire. Elles peuvent toutefois bénéficier d'adaptations dues à leurs spécificités, à la demande de l'Etat membre, en application de l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Il convient de noter que Saint-Martin et Mayotte sont devenus des régions ultrapériphériques respectivement au 1 er janvier 2009 et au 1 er janvier 2014.

Selon les informations transmises par les services du ministère de l'Europe et des affaires étrangères 3 ( * ) , les règles de compétence directe du règlement 1215/2012 sont quasiment identiques à celles prévues par la convention de Lugano II.

Ainsi, en matière de clause attributive de juridiction, l'article 25 du règlement 1215/2012 n'exige plus que l'une des parties au moins ait son domicile dans un Etat membre et soumet la validité substantielle de la clause à la loi applicable selon les règles de conflit de lois de l'Etat membre dont les tribunaux sont désignés.

De même, un consommateur ou un salarié peut attraire devant les juridictions de l'Etat membre où il a son domicile un professionnel ou son employeur domicilié dans un Etat tiers à l'Union européenne (et hors espace Lugano).

En matière de litispendance intra-européenne, l'article 32 du règlement 1215/2012 prévoit un mécanisme dérogatoire à la règle générale, en donnant priorité au tribunal désigné par une clause attributive de juridiction pour connaître de sa validité, même si ce tribunal est saisi en second.

Les articles 33 et 34 instaurent des exceptions de litispendance et de connexité internationale.

Les articles 71 bis à 71 quinquiès du règlement 1215/2012, tel que révisé par le règlement (UE) n° 542/2014 du 14 mai 2014, concernent les cas particuliers, notamment ceux intéressant la juridiction unifiée des brevets.

En matière de reconnaissance et d'exécution, les dispositions du règlement 1215/2012 s'appliquent lorsqu'est demandée sur le territoire métropolitain la reconnaissance ou l'exécution d'une décision rendue dans un autre Etat membre de l'Union. Les dispositions de la convention de Lugano II s'appliqueront dans les cas où la décision émane des juridictions suisses, norvégiennes ou islandaises.

L'article 1215/2012 a supprimé l'exigence de déclaration de force exécutoire - exequatur simplifié - aux fins de mettre à exécution dans un Etat membre toute décision rendue dans un autre comme le prévoyait le règlement Bruxelles I et comme le prévoit toujours la convention de Lugano II.

Le règlement 1215/2012, tout comme le règlement Bruxelles I, ne s'applique pas aux collectivités d'outre-mer ayant le statut de pays et territoires d'outre-mer (PTOM). L'article 68 du règlement 1215/2012 reprend le libellé de l'article 68 du règlement de Bruxelles I et prévoit en que ledit règlement « remplace, entre les États membres, la convention de Bruxelles de 1968, sauf en ce qui concerne les territoires des États membres qui entrent dans le champ d'application territorial de cette convention et qui sont exclus du présent règlement en vertu de l'article 355 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ».

En application de l'article 355, paragraphe 2, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les pays et territoires d'outre-mer (PTOM) dont la liste figure à l'annexe II des traités - La Nouvelle-Calédonie, La Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon, les Terres Australes et Antarctiques Françaises et les îles de Wallis-et-Futuna - font l'objet du régime spécial d'association défini dans la quatrième partie du TFUE relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer (articles 198 à 203). Les collectivités d'outre-mer ayant le statut de PTOM ne font pas partie intégrante de l'Union européenne mais ont des relations privilégiées avec l'Union européenne dans la mesure où elles sont « associées » à l'Union européenne au nom des relations particulières qu'elles entretiennent avec un Etat membre.

Une nouvelle relation entre l'Union européenne et les PTOM a été définie dans la décision 2013/755/UE du Conseil de l'Union européenne du 25 novembre 2013 relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer à l'Union européenne dite "décision d'association outre-mer". Cette décision d'association outre-mer (DAO), entrée en application en janvier 2014, a pour but principal « la promotion du développement économique et social des pays et territoires, et l'établissement de relations économiques étroites entre eux et l'Union dans son ensemble ».

On rappelle que Saint-Barthélemy est devenu un pays et territoire d'outre-mer au 1 er janvier 2012.

Sur le fondement de l'article 203 du TFUE, le Conseil établit les dispositions relatives aux modalités et à la procédure de l'association entre ces pays et territoires de l'Union européenne. Il en résulte que les actes adoptés par les institutions de l'Union sur le fondement du TFUE, y compris les accords internationaux, ne s'appliquent pas aux PTOM.

En conséquence, seule la convention de Bruxelles, dont les règles sont distinctes de celles du règlement 1215/2012 Bruxelles I (refonte) et de la convention de Lugano II prise sur le modèle du règlement 44/2001 Bruxelles I, s'applique dans les PTOM. Les traités constitutifs de l'Union européenne, tout comme les règlements communautaires ne leur sont pas applicables.

L'article paragraphe 1, b) de la convention de Lugano II prévoit que peuvent adhérer à cette convention, après son entrée en vigueur, les États membres de l'Union européenne « agissant pour le compte de certains territoires non européens faisant partie de leur territoire ou dont les relations extérieures relèvent de leur responsabilité ».

Dès lors, en vue de rapprocher les règles applicables sur l'ensemble du territoire national , la France a décidé de devenir partie à la convention de Lugano II pour le compte de ses collectivités d'outre-mer ayant le statut de PTOM , à la suite d'une réunion interministérielle qui s'est tenue en novembre 2010.

Votre rapporteur tient à souligner que si la convention de Lugano II, une fois ratifiée par la France, sera bien applicable dans les collectivités d'outre-mer ayant le statut de PTOM dans leurs relations avec les Etats membres de l'Union européenne ainsi qu'avec l'Islande, la Norvège et la Suisse, il restera un décalage par rapport au territoire métropolitain et aux collectivités d'outre-mer ayant le statut de RUP, compte tenu des différences qui existent entre le règlement Bruxelles I (refonte) qu'ils appliquent et la convention de Lugano II prise sur le modèle du règlement Bruxelles I. Ce n'est que dans les relations avec l'Islande, la Norvège et la Suisse que les règles en matière de compétence, reconnaissance et exécution en matière civile et commerciale seront strictement identiques sur l'ensemble du territoire national.

Les règles de compétence directe de la convention de Lugano II s'appliquent déjà sur le territoire métropolitain et dans les collectivités d'outre-mer ayant le statut de RUP si le défendeur a son domicile dans un Etat partie à la convention qui n'est pas membre de l'Union - Islande, Norvège et Suisse -, ou si l'un des chefs de compétence exclusive prévus par la convention se situe dans un tel Etat, ou bien encore si les tribunaux d'un tel Etat sont désignés comme compétents par une clause attributive de juridiction. Les règles de litispendance et de connexité s'appliqueront en cas de saisine parallèle des juridictions d'un Etat membre de l'Union et d'un Etat partie à la convention mais non membre de l'Union.

Enfin, il convient de préciser que lorsque les règlements ou conventions précités ne sont pas applicables, la compétence internationale des juridictions françaises est déterminée conformément au droit international privé français.


* 3 Réponses du Gouvernement aux questions de la commission.

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