TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITIONS PRÉPARATOIRES

A. AUDITION DE M. GÉRALD DARMANIN, MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS (23 MAI 2018)

Réunie le mercredi 23 mai 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017.

M. Vincent Éblé , président . - Monsieur le ministre, notre commission vous a déjà entendu le 7 mars dernier sur les premiers résultats de l'exécution du budget de l'État, mais toutes les données n'étaient pas encore disponibles à cette date, notamment l'état précis de l'exécution de chacune des missions budgétaires. En particulier, nous disposons désormais des rapports annuels de performance qui vont nous permettre d'approfondir notre examen.

Comme vous le savez, notre commission des finances porte une grande attention au contrôle de l'exécution des crédits qui fait pleinement partie de ses missions, aux côtés de son rôle législatif. Ce deuxième rendez-vous sur l'exécution des crédits budgétaires en témoigne, même si l'on peut regretter que l'examen par le Parlement de l'exécution des crédits soit limité à la sphère de l'État et ne porte pas sur l'exécution des comptes sociaux et ceux des collectivités territoriales.

Depuis janvier dernier, les rapporteurs spéciaux ont engagé, chacun dans leur domaine, des contrôles budgétaires. Au cours de ce semestre, nous procédons également à des auditions pour suite à donner aux enquêtes que nous avons commandées à la Cour des comptes et qui portent sur de nombreux domaines de l'action publique.

Votre audition sera complétée la semaine prochaine par une audition du Premier président de la Cour des comptes et, si les ministres y répondent favorablement - c'est déjà le cas de Muriel Pénicaud, ministre du Travail, pour la mission « Travail et emploi » - par quelques auditions ministérielles sur les missions pour lesquelles l'exécution 2017 appelle des questions particulières.

Cette audition est ouverte à la presse.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les sénateurs, je serai bref afin de répondre à un maximum de questions.

J'ai présenté ce matin même le projet de loi de règlement au Conseil des ministres, et c'est devant votre chambre que je le présente en premier - même si on peut regretter collectivement que le Parlement ne s'y attarde pas davantage, malgré les propositions très importantes que vous avez faites, M. le président, ainsi que M. le rapporteur général, et le fait que les comptes sociaux n'y figurent pas, toutes finances publiques confondues.

Je voudrais souligner ici que la révision constitutionnelle pourrait permettre de consacrer plus de temps à la loi de règlement en intégrant lesdits comptes sociaux. On ne peut en effet à la fois souligner que les administrations de sécurité sociale sont responsables de la moitié de la dépense publique et ne pas s'attarder à contrôler son exécution.

Le budget 2017 a déjà donné lieu à beaucoup de débats. Votre chambre a d'abord refusé de l'examiner lorsqu'il a été présenté par mon prédécesseur.

Je suis ensuite venu plusieurs fois devant votre commission pour présenter le décret d'avance, vous dire qu'il n'y aurait pas de collectif budgétaire, présenter deux projets de loi de finances rectificative, notamment celui relatif à la contribution exceptionnelle et additionnelle à l'impôt sur les sociétés pour compenser les effets de l'annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes, et évoquer les textes que vous m'avez demandé de présenter devant vous.

Le projet de loi de règlement établi par les services de la direction du budget et plus globalement de mon ministère est un document complet et le plus didactique et efficace possible. J'en remercie les services de Bercy.

Les enseignements que le Gouvernement entend en tirer sont nombreux.

Vous entendrez bientôt le Premier président de la Cour des comptes. Je me permettrai de donner un point de vue évidemment politique, celui du Gouvernement, en constatant que le déficit budgétaire de l'État s'établit à 67,7 milliards d'euros, soit une amélioration de 1,4 milliard d'euros par rapport à 2016. Il s'agit de son plus bas niveau depuis 2008, soit, par rapport aux chiffres qui vous ont été présentés lors du second projet de loi de finances rectificative, une amélioration de plus de 6 milliards d'euros.

Je rappelle que le texte présenté en novembre dernier prévoyait un déficit à hauteur de 74,1 milliards d'euros. C'est donc pour nous une très bonne nouvelle, consacrée aujourd'hui par la Commission européenne. En effet, pour la première fois depuis dix ans, la France sort de la procédure pour déficit excessif, grâce à un niveau de solde budgétaire qu'elle n'avait pas atteint depuis 2007, à la veille de la crise économique et financière.

Ce déficit public s'est réduit de 0,8 point de PIB pour atteindre 2,6 % du PIB contre 3,4 % en 2016. Les risques identifiés par la Cour des comptes au lendemain des élections législatives ne se sont matérialisés. Ceci a pu se faire grâce notamment à un ajustement du Gouvernement à hauteur de 0,5 point de PIB, soit quasiment 10 milliards d'euros, à des mesures de modération voire d'annulation de dépenses qui ont fait couler beaucoup d'encre, et à la contribution exceptionnelle concernant l'impôt sur les sociétés (IS) destinée à compenser la censure de la taxe de 3 % sur les dividendes.

Sans ces dix milliards d'euros de redressement - cinq milliards d'euros en dépenses, cinq milliards d'euros de fiscalité nouvelle exceptionnelle sur les entreprises - nous ne serions pas sous la barre des 3 % du PIB, mais à 3,1 %. Ceci démontre à quel point nous avons eu raison de recourir à ce projet de loi de finances rectificative et de prendre le décret d'avance, dont je suis témoin qu'il a été parfois l'occasion de discussions politiques intenses.

Les efforts ont payé. Nous sommes dans un processus de baisse important de notre déficit, même si nous sommes très loin du déficit zéro. C'est en effet durant de telles périodes qu'il faut faire le plus d'efforts structurels pour être au rendez-vous de la relance si nous sommes confrontés un jour - et cela risque d'arriver - à une nouvelle crise économique.

Comment en est-on arrivé là ? Les efforts ont été importants. J'entends dire que le Gouvernement n'a pas baissé les dépenses publiques en 2017. C'est un procès étonnant : sans collectif budgétaire, cela paraissait assez difficile, sauf à prendre un décret d'avance plus important que nous n'avons pu le faire.

S'il y a un débat autour de la dépense publique, il aura lieu autour du budget 2018, qui traduit déjà la décélération très importante de celle-ci.

Ce montant, la Cour des comptes l'a évoqué dans son rapport. Je n'y reviendrai pas. Les crédits reportés ont été divisés par deux par rapport à l'année dernière, soit 1,8 milliard d'euros, ce qui témoigne d'une gestion la plus assainie possible par rapport aux huit dernières années. Nous sommes, à la fois pour les reports de crédits et, en même temps, en termes de sincérité du budget 2018, « dans les clous » de ce que votre chambre a longtemps demandé.

La dynamique des recettes est plus importante en matière d'impôts sur les sociétés et de TVA, notamment durant les trois derniers mois de l'année dernière.

Grâce à la prudence du Gouvernement, et en évitant de procéder à de nombreuses hausses d'impôt, les prévisions de recettes ont été plus importantes que prévu. Nous continuons à afficher dans le budget 2018 des prévisions de croissance à la fois prudentes et responsables, ce qui permettra de continuer à abaisser fortement notre déficit et notre dette dès cette année - avant peut-être d'autres évolutions : je sais que votre chambre discute en ce moment de la situation ferroviaire de notre pays...

La situation patrimoniale de l'État suffit à démontrer que le plus dur reste à venir. Il serait difficile de crier victoire au bout d'un an seulement d'action gouvernementale. Il faut améliorer les comptes publics. Je présenterai des réformes importantes de baisse de la dépense publique dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, mais aussi dans le domaine des comptes sociaux.

L'État connaît une situation nette de - 1 260 milliards d'euros. Nous ne pouvons comparer ce bilan à celui d'une entreprise privée, mais nous savons que nous ne pouvons continuer à avoir une telle différence entre actif et passif. Nous devons donc absolument rétablir les comptes publics davantage que nous ne l'avons fait jusqu'à présent.

Ce résultat patrimonial est déficitaire de 61 milliards d'euros. Les engagements hors bilan de l'État s'élèvent à 2 210 milliards d'euros. Il s'agit là essentiellement des engagements vis-à-vis des fonctionnaires civils et militaires.

Nous pourrons également discuter, si vous le souhaitez, des provisions des contentieux juridiques sur lesquels votre commission s'est très souvent penchée.

Enfin, l'encours de dette de l'État s'élève à 1 710,7 milliards d'euros, en augmentation de 63,9 milliards d'euros par rapport à 2016. C'est l'un des points noirs de cette loi de règlement. Nous allons freiner cette augmentation dès cette année, et anticiper les prévisions de la loi de programmation des finances publiques, qui prévoyait un ressac de la dette à partir de 2020. Une estimation plus optimiste de l'évolution de la croissance économique pourrait permettre de l'imaginer dès cette année.

Ces éléments sont de nature à convaincre que nous sommes sur le bon chemin, même si nous partageons l'année 2017 avec le Gouvernement précédent, et malgré les mesures de « refroidissement » de la dépense. Sans doute le débat le plus important sera-t-il celui portant sur le budget 2018, que nous aurons exécuté intégralement, sur lequel nous aurons, je crois, une discussion plus politique et plus conforme à l'engagement de la majorité parlementaire de l'Assemblée nationale, qui a soutenu le budget que je vous ai présenté.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je remercie le ministre de venir devant nous dès la présentation en Conseil des ministres de ce projet de loi de règlement. Nous y sommes sensibles.

Monsieur le ministre, vous avez fait allusion à la contribution exceptionnelle concernant l'impôt sur les sociétés. Je l'avais contestée, non sur le principe, mais à propos du fait qu'on demandait sans doute un peu trop aux entreprises, alors que l'élasticité des recettes aurait permis d'en demander un peu moins.

J'ai l'impression d'avoir eu quelque peu raison, puisque le rendement de 4,9 milliards d'euros a été supérieur à ce qui était prévu. Ceci s'explique-t-il par une accélération des recouvrements ou par le fait que le rendement total de cette taxe s'avère meilleur que prévu ?

Ma deuxième question porte sur un problème de comptabilisation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), notamment concernant les départements. Je vous remercie de nous avoir adressé une lettre d'explications. J'ai l'impression qu'il y a eu un dysfonctionnement. L'erreur est humaine mais pouvez-vous nous en expliquer les raisons et les conséquences sur le budget de l'État ? Ceci fausse en effet le solde budgétaire de l'État de 1,5 milliard d'euros. Cela induit-il aussi des retards de versement aux départements ?

Ma dernière question est plus générale. On peut se réjouir du dynamisme des recettes et de l'amélioration du solde mais vous l'avez dit vous-même : le plus dur reste à venir. Il est vrai que l'amélioration du solde repose largement sur le dynamisme des recettes.

On a du mal à voir quand sortira le chiffrage des économies. Je pense au programme « Action publique 2022 », que nous attendons. J'espère que ce programme comportera des propositions audacieuses. Nous en avons nous-mêmes fait sur le temps de travail des fonctionnaires, la masse salariale publique, les relations entre l'État et les collectivités locales... Le projet de loi de finances 2019 sera-t-il l'occasion d'infléchir significativement la croissance des dépenses de l'État ?

Je suis d'accord avec vous sur le fait que la responsabilité de cet exercice est partagée. Sans collectif budgétaire, le jugement sera forcément assez nuancé. Le grand rendez-vous sera pour l'année prochaine. Avez-vous d'ores et déjà des éclairages à ce sujet ?

M. Gérald Darmanin, ministre . - La contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés enregistre en effet un léger mieux de 200 millions d'euros de recettes par rapport aux prévisions du Gouvernement. Il a été compliqué de savoir comment ceci allait être comptabilisé. Je rappelle que c'était là une des difficultés d'interprétation comptable, la surtaxe ayant été enregistrée comme un prélèvement obligatoire. Le taux de prélèvements obligatoires s'est donc alourdi, ce qui n'est pas illogique s'agissant d'une imposition supplémentaire.

Dans le même temps, le remboursement aux entreprises ayant gagné le contentieux, qui correspond à une baisse d'impôts, prend la forme d'une augmentation de dépenses. C'est cette difficulté statistique qui explique en partie les mauvais chiffres des taux de dépenses et de prélèvements obligatoires en pourcentage du PIB.

La surtaxe devait permettre de tenir un chiffre de déficit correspondant à celui que nous avions prévu, en évitant une dégradation de l'ordre de 0,2 % du PIB. De même, il existait une question autour du traitement de la recapitalisation d'Areva. Par deux fois, le comptable public européen et national nous a donné raison. Au total, il y a donc eu un léger excédent de 200 millions d'euros : celui-ci dépendait beaucoup de la façon dont les entreprises allaient être remboursées et dont nous allions toucher cet impôt. Le pilotage était donc difficile.

Enfin, si le rendement de cette taxe a été légèrement supérieur à ce que nous attendions, ce n'est pas ce qui explique les bons chiffres du déficit, puisque 2,2 milliards d'euros sont nécessaires pour améliorer les recettes à hauteur de 0,1 % du PIB.

Pour ce qui est des DMTO, il s'agit bien d'une erreur de l'administration. Je l'ai écrit à la Cour des comptes dès que je l'ai su. Elle n'a rien à redire sur la rectification qui a été opérée. Cela concerne notamment des DMTO dont 80 % sont touchés par les collectivités territoriales et qui ont été bloqués sur des comptes. Ils ont bien été récupérés, mais n'ont pas été redistribués jusqu'au bout.

J'ai moi-même écrit au président des départements de France et à tous les présidents de départements. Sur 355 millions d'euros de droits de mutation concernés, 155 millions d'euros allaient aux départements. Ils ont tous pris connaissance de ce courrier.

L'erreur est due à un nouveau logiciel de compatibilité de la DGFiP. Je me suis intéressé à la question, pour constater que les départements ont bien perçu leur part sur ces droits de mutation.

Je suis d'ailleurs fondé, monsieur le président, à vous communiquer, si vous le souhaitez, l'intégralité des montants des droits de mutation pour tous les départements, assorti d'un tableau rectificatif. Il ne s'agit pas de sommes très importantes, mais elles représentent ce que doivent toucher ces collectivités.

Ceci n'a pas modifié grandement le solde. Je vous rappelle que les droits de mutation ont augmenté de 16,6 % en 2017.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je suis scandalisé à l'idée que l'on augmente le taux !

M. Gérald Darmanin, ministre . - Je pense que l'on aura ce débat à un autre moment.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Donc cette erreur améliore le déficit en 2018.

M. Gérald Darmanin, ministre . - En effet. On a essayé de corriger cela mais ça n'a pas été autorisé. On aurait en effet pu modifier le projet de loi de règlement. Cela nous aurait bien aidés de le faire, mais nous avons essayé d'être le plus transparent possible avec vos commissions comme avec la Cour des comptes, ce qu'elle a d'ailleurs relevé, ainsi que vous l'avez noté - et je vous en remercie.

J'entends ce que vous dites à propos de la baisse de la dépense publique en 2018 et les années suivantes. Le programme « Action publique 2022 » ne constitue pas a priori une économie budgétaire caractérisée. C'est avant tout une transformation des services publics.

J'ai eu l'occasion de dire qu'indépendamment d'« Action publique 2022 », le Gouvernement a déjà fait de grandes réformes dans le budget 2018, que le Sénat, dans sa pluralité, a très peu soutenues - fin des contrats aidés pour 1,5 milliard d'euros, réforme du logement pour le même montant.

Nous avons prévu de très importantes baisses de dépenses publiques - notamment en matière de logement, avec la contemporanéité du versement des aides au logement pour environ 1 milliard d'euros.

J'ai annoncé que, profitant de la reprise économique, la question des aides aux entreprises, au moment où nous baissons leur fiscalité, est à repenser. Sur 140 milliards d'euros d'aides aux entreprises, le Gouvernement compte les réduire d'un montant maximal de 5 milliards d'euros, soit 0,3 point de richesse nationale, ce qui n'est pas rien. Nous le ferons dès le projet de loi de finances pour 2019.

Il en va de même de l'audiovisuel public, qui représente 4 milliards d'euros de dépenses publiques - France télévisions, Radio France, etc. -, soit 1 milliard d'euros de plus que le budget de la culture. Sans dévoiler la réforme que présentera la ministre de la culture et de la communication, c'est une piste de transformation importante.

En ce qui concerne « Action publique 2022 », il est, me semble-t-il, à peu près assuré que nous serons tous informés avant de partir en vacances. N'étant pas Premier ministre, je ne me permettrai pas de divulguer le contenu ni la date de cette réforme.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Ce sera donc avant l'été !

M. Gérald Darmanin, ministre . - Ce sera même, je pense, avant l'été administratif.

M. Vincent Éblé , président . - La parole est aux commissaires.

M. Dominique de Legge . - Monsieur le ministre, concernant le budget de la Défense, 850 millions de crédits de paiement ont été annulés à l'été 2017. Cela ne s'est pas traduit par une annulation de programmes, mais la Cour des comptes précise que 300 millions d'euros de commandes ont dû être reportés et que certains besoins prioritaires n'ont pu être satisfaits.

Pouvez-vous nous assurer que cette décision n'aura pas d'impact sur l'exécution de la loi de programmation militaire dont nous débattons actuellement dans l'hémicycle ?

M. Michel Canevet . - Monsieur le ministre, on peut se réjouir que la situation soit finalement bien meilleure que celle qui était prévue, malgré un héritage problématique, avec des dépenses supplémentaires engagées durant le premier semestre et, comme la Cour des comptes l'a rappelé, des sous-budgétisations assez significatives.

On peut également se réjouir de sortir de la procédure de déficit excessif, mais je crois néanmoins que l'amélioration du solde public est due malgré tout pour l'essentiel à la situation des collectivités locales et à l'amélioration de leurs comptes, qui joue sur le déficit et permet de réduire significativement ce taux. Pouvez-vous confirmer que c'est le cas ?

Concernant la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, une partie - améliorée d'ailleurs - a été encaissée en 2017. Reste-t-il encore quelque chose à encaisser en 2018 pour couvrir les montants restant à honorer pour le contentieux sur la taxe sur les dividendes ?

Enfin, la situation de notre commerce extérieur, malgré une embellie, reste relativement préoccupante. C'est un sujet sur lequel il faudra revenir afin de voir comment améliorer notre balance commerciale. Les entreprises françaises ne sont pas toujours compétitives à l'international : il faut donc continuer à travailler sur la baisse des charges sociales si l'on veut permettre au déficit de notre balance commerciale de se réduire et, si possible, comme en Allemagne, de se transformer en excédent.

M. Éric Bocquet . - Monsieur le ministre, ma première question porte sur la dette. Je crois savoir que, depuis quelques années, il est possible d'emprunter à des taux négatifs. Cela a été le cas en 2015, 2016 et 2017. Je crois que c'est encore vrai aujourd'hui. Vous le confirmerez ou l'infirmerez. Bizarrement, on gagne de l'argent en s'endettant ! Faire de la dette génère de la recette !

On parlait de plusieurs milliards d'euros en 2016, récoltés sous forme de primes d'émission, mis de côté pour être gérés dans les années suivantes. Est-ce que cela a été le cas pour l'exercice 2017 ? Si oui, pour quels montants ? Quelle est leur destination ?

En second lieu, le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR), sorte de « cellule de dégrisement fiscal », a été fermé le 31 décembre dernier. Or votre document indique, page 21, qu'il reste des dossiers à traiter. Quel est leur montant et leur enjeu financier ? Quelle issue ces dossiers connaîtront-ils ?

M. Vincent Delahaye . - Monsieur le ministre, avez-vous calculé l'impact de la contribution exceptionnelle sur les sociétés et du remboursement de la taxe sur les dividendes ?

En second lieu, le document que vous nous avez remis présente la séparation des exercices et le rattachement des charges de façon transparente. Je vous remercie, car ce n'était pas le cas les années précédentes.

On peut noter qu'on était au plafond fin 2016 : 15 milliards d'euros de charges qui auraient dû être affectées sur 2016, ont été reportées sur l'année suivante, soit une augmentation de 4 milliards d'euros par rapport à 2015. Vous avez réduit cette somme de 600 millions d'euros en fin d'exercice. Cela représente un certain effort. Votre volonté est-elle d'en réaliser davantage à l'avenir, sachant que les charges à payer devraient être à zéro ?

M. Philippe Dallier . - Je reviendrai d'abord sur les aides personnelles au logement et la polémique de l'été 2017 - les fameux 5 euros de moins pour tous. L'enjeu était de 124 millions d'euros pour cette année-là : la mesure a finalement rapporté 79 millions d'euros, et vous avez ajouté, en loi de finances rectificative, 45 millions d'euros. 200 millions d'euros environ n'ayant pas été consommés sur l'ensemble de la mission, on peut se demander si le jeu en valait bien la chandelle !

Le Président de la République a fini par considérer que c'était une mesure imbécile. J'ai entendu Julien Denormandie confirmer que c'était une très mauvaise idée. Cela dit, en année pleine, cette mesure rapporte environ 400 millions d'euros. Que compte faire le Gouvernement ?

Vous nous avez informés que de nouvelles annonces seraient faites au sujet de l'APL en 2018, notamment concernant la contemporanéité des revenus. Cette mesure représenterait 1 milliard d'euros mais, le jour où la situation se dégradera à nouveau, on prendra plus vite en considération la baisse des revenus des allocataires. Il n'est donc pas certain que ce gain soit pérenne. Allez-vous conserver cette mesure ?

Les aides à la pierre constituent un sujet plus inquiétant. À votre arrivée au Gouvernement, vous avez sabré dans ces aides. Dans le budget 2017, période électorale oblige, on avait vu resurgir 200 millions d'euros de crédits, après une période où les aides à la pierre avaient eu tendance à diminuer. Puis vous les avez finalement réduites drastiquement.

Les conséquences sont là : l'objectif de financement du logement social était de 142 000 logements. On en aura financé 113 000, alors qu'on en avait financé 126 000 en 2013.

Établissez-vous un lien direct entre la réduction de ces aides à la pierre et la baisse des logements financés ? Je ne reviendrai pas sur ce que nous avons voté lors de la loi de finances pour 2018, mais certains risquent de déchanter lorsque nous aurons les chiffres de construction de logements sociaux.

Un mot sur l'hébergement d'urgence. Le rebasage a débuté en 2016, mais on savait que tout cela serait relativement loin des besoins, ce qui s'est confirmé. Vous avez fait un effort supplémentaire pour 2018, que j'ai également salué à l'automne dernier. Pouvez-vous nous dire, à mi-parcours, comment vous envisagez de terminer l'année ? Il ne semble pas que la conjoncture, en matière d'hébergement d'urgence, se soit améliorée. Les problèmes à Paris ne sont pas réglés. Les déclarations du ministre de l'intérieur à propos ce qu'il attendait de Mme le maire de Paris en la matière n'ont d'ailleurs pas manqué de me surprendre.

M. Gérald Darmanin, ministre . - S'agissant de la loi de programmation militaire, on peut s'accorder sur le fait que le Gouvernement a eu raison, l'été dernier, de ne pas dégeler les crédits ni de répondre à des injonctions contradictoires, quitte à connaître une difficulté forte devant votre chambre, ou des débats médiatiques dont on se souvient désormais un peu moins.

Nous avons dégelé l'intégralité des 700 millions d'euros de crédits militaires - ce que les gouvernements ne faisaient pas auparavant - durant la dernière quinzaine de décembre. Ceci a permis au ministère des armées de faire face à ses engagements. Nous avons par ailleurs divisé par deux le report de charges de ce même ministère, ce qui n'était pas arrivé depuis très longtemps.

La discussion de la loi de programmation militaire est désormais fondée sur des chiffres sincères, même si on peut continuer à diminuer le report de charges. Nous avons divisé presque par trois le taux de gel des crédits. Nous sommes aujourd'hui à 3 %, contre 8 % sous le Gouvernement précédent.

J'avais d'ailleurs pris devant votre commission des engagements en matière de baisse du gel des crédits. Je n'en ai pour l'instant dégelé aucun. Sous le Gouvernement précédent, certains dégels ont parfois eu lieu la première semaine de janvier. Indépendamment de ce qu'on pense du budget de la Nation, ce n'est objectivement pas une façon très sincère d'organiser les choses.

Ce mode de gestion rénové garantit également au ministère des armées un éventuel avantage interministériel en cas de difficultés plus fortes. À la fin du quinquennat, nous aurons réglé la question à interventions militaires constantes, et divisé par deux les reports de charges. Il n'y a aucune raison - sauf si les collègues de Mme la ministre des armées dépensent l'argent impunément, mais je veille au grain - que nous ne dégelions pas les crédits, mais nous les conserverons jusqu'à la fin pour pouvoir répondre aux interrogations de la Nation d'un point de vue budgétaire.

S'agissant des collectivités locales, ce sont elles, plus que l'État, qui ont contribué à la maîtrise des dépenses publiques, notamment durant les huit ou neuf dernières années, particulièrement sous le quinquennat précédent - même si les mauvais chiffres économiques résultaient partiellement de la crise.

En 2017, le président Hollande avait expliqué au congrès des maires de France qu'il y aurait moins de baisses de dotations que prévu. On peut bien sûr considérer que ces baisses ont contribué à permettre l'adoption du budget en 2017, mais je vous rappelle que la Cour des comptes a évalué le déficit à 3,4 % du PIB au moment où nous sommes arrivés aux responsabilités.

Ce projet de loi de règlement nous permet de discuter de la vérité des prix. Nous avons réalisé 5 milliards d'euros d'annulation de crédits et modéré les dépenses de 5 milliards d'euros.

Je me suis engagé à ne plus recourir à un décret d'avance. Je tiendrai ma promesse, mais il faut en discuter en amont. Le décret d'avance de 2017 représentait 5 milliards d'euros, soit environ 0,2 % à 0,3 % du PIB, auxquels il faut ajouter entre 0,2 % et 0,3 % de recettes concernant la surtaxe. Nous avons donc amélioré le solde de 0,5 %. Nous serions à 3 % de déficit public si nous n'avions pas pris ces mesures.

Oui, les collectivités locales ont contribué aux économies dans le budget 2017, mais ce n'est pas ce qui nous a fait passer à un déficit public de 2,6 %, sachant qu'il existe des incertitudes comptables concernant Areva et la surtaxe.

S'agissant de l'imputabilité comptable des prélèvements obligatoires - mauvaise nouvelle - la redevance télévisuelle a été considérée par l'INSEE comme un prélèvement obligatoire, soit 0,2 % du PIB de prélèvements obligatoires supplémentaires, de même que la contribution exceptionnelle d'impôt sur les sociétés pour 0,2 % de PIB, soit 0,4 % du PIB d'augmentation au total, ce qui représente quasiment 9 milliards d'euros. Enfin, le remboursement de ce contentieux lié à la taxe de 3 % sur les dividendes a été comptabilisé en dépenses publiques.

Sans doute les impôts sont-ils trop élevés en France, mais nous avons joué de malchance.

Il reste 5 milliards d'euros à rembourser aux entreprises après le 1 er janvier au titre du contentieux, et 600 millions d'euros à 700 millions d'euros à encaisser sur le montant de la surtaxe du dernier PLFR.

Selon Éric Bocquet, plus on fait de la dette, plus on fait de recettes...

M. Éric Bocquet . - Il s'agit des primes d'émission !

M. Gérald Darmanin, ministre . - Ceci est très mortifère pour la discussion politique et budgétaire. J'ai coutume de dire que les solutions communistes en matière budgétaire fonctionnent, mais une seule fois ! On constate dans le projet de loi de règlement que le deuxième budget de l'État est constitué par le remboursement de notre dette. Vous devriez donc être les premiers à vous élever contre l'argent qu'on donne à ceux qui nous prêtent, dont les deux tiers ne font pas partie de nos compatriotes.

On emprunte encore parfois à des taux négatifs, vous n'avez pas tort, mais il apparaît que ce ne sera plus le cas à la fin de l'année. Les choses changent peu à peu.

La BCE a pratiqué cette politique pour aider des pays comme le nôtre à se sortir des difficultés financières et économiques. Il est toutefois important de redresser les comptes publics pour éviter d'être asphyxiés en cas de remontée des taux.

Nous avons perçu 10,7 milliards d'euros de primes d'émission. C'est autant de dette en moins, mais il ne faut pas laisser croire qu'emprunter, c'est s'enrichir. Chacun voit que la réalité budgétaire risque de nous rattraper assez vite.

S'agissant de la fermeture du STDR, je ne connais pas le montant exact des sommes correspondant aux dossiers encore à traiter. Je ne sais quelle suite y sera donnée, le ministre des comptes publics n'intervenant pas dans les dossiers fiscaux particuliers.

Je vous écrirai, ainsi qu'à M. le président de la commission et M. le rapporteur général, pour vous communiquer le nombre de dossiers restant. Le rapporteur général et le président de la commission peuvent venir quand ils le souhaitent étudier ces dossiers.

S'agissant des aides personnelles au logement, Philippe Dallier, je ne regrette rien. Il y a certes plus intelligent que des mesures paramétriques. Nous avons pour la plupart d'entre nous géré des collectivités ou des budgets : ce sont des mesures d'urgence que l'on prend quand on n'a pas réalisé les réformes structurelles nécessaires, et je n'ai jamais prétendu que la réduction des aides de 5 euros était intelligente. Cependant, il s'agissait d'appliquer une mesure prévue dans le budget, qui n'avait pas été mise en oeuvre par la majorité précédente.

Par ailleurs, j'ai toujours considéré ce système comme inflationniste et propre à aider les propriétaires à fixer leurs loyers.

Enfin, lorsque nous sommes arrivés, rien ne pouvait laisser croire que nous allions connaître cette croissance, ce niveau de déficit et cette loi de règlement. Tout ce que je souhaite, c'est que nous puissions mener les réformes structurelles nécessaires pour éviter cela.

C'est pourquoi une baisse des prestations sociales ne me semble pas normale. On peut bien sûr réformer le champ social. La prime d'activité, qui était de 4 milliards d'euros en 2016 contre 6 milliards d'euros à présent, pose par exemple une question de dépense publique et de gestion des dépenses de guichet mais il est clair que la réduction paramétrique des prestations ne paraît pas une réforme économique intelligente.

S'agissant de l'hébergement d'urgence, la difficulté que vous évoquez n'est pas totalement vérifiée. Cela va bien dans toutes les régions de France, sauf en Île-de-France. Ceci tient aux prix plus qu'au nombre de nuitées. Nous l'avons rappelé à l'ensemble du corps préfectoral. Vous le savez, il existe parfois une confusion dans les crédits soumis aux préfets pour faire face à des difficultés très fortes que je ne sous-estime pas.

Nous en discuterons dans l'hémicycle, et je pourrai alors préciser des points de façon plus détaillée. C'est aussi à Jacques Mézard de le faire.

J'ai lu vos rapports avec attention, mais il ne me semble pas que l'hébergement d'urgence doive absolument être rattaché à la cohésion des territoires. Cela me paraît lié à la politique d'asile et d'immigration que mène le ministère de l'intérieur. N'y voyez toutefois aucun effet d'annonce.

Cela nécessite surtout un travail de distinction des crédits très important. On ne le fera pas cette année, mais des comptes sincères nécessitent surtout de distinguer les différentes catégories d'hébergement d'urgence.

Il faut qu'on y travaille. Je pense que Jacques Mézard y est très attentif et qu'il est très demandeur de solutions sur ce sujet, tout comme le ministère des comptes publics.

M. Philippe Dallier . - Qu'en est-il des aides à la pierre ?

M. Gérald Darmanin, ministre . - On m'a expliqué que la réforme que l'on a menée amènera une baisse très forte de la construction des logements sociaux. Pour l'instant, ce n'est pas ce que je constate - mais c'est peut-être encore trop tôt.

Je ne vois pas le lien avec l'aide à la pierre. Il est sûr qu'il faut une politique du logement plus cohérente. On a multiplié la dépense, et parfois la dépense fiscale, sans grande cohérence avec la politique d'offre foncière.

Ce n'est pas ma partie. Je suis sûr que Jacques Mézard et Julien Denormandie sauront répondre à vos questions à ce sujet.

M. Pascal Savoldelli . - Monsieur le ministre, peut-on faire une assimilation entre l'hébergement d'urgence et l'immigration ? Je demande que l'on considère les choses avec sérieux !

M. Philippe Dallier . - Je ne l'ai pas compris ainsi. On parlait des crédits de l'un, qui s'appuient parfois sur l'autre, ce que je dénonce depuis un moment.

M. Gérald Darmanin, ministre . - ... Notamment en Île-de-France. Il me semble plutôt que ces propos vont dans votre sens !

M. Pascal Savoldelli . - Ce dialogue est important : cela évite des incompréhensions.

Un peu d'insolence, qu'elle vienne d'un ministre ou d'un sénateur, n'est pas gênante. Je vais donc faire comme vous, monsieur le ministre : quand Éric Bocquet vous pose une question, il faut y répondre sans idéologie. Je répète donc la question : l'État a-t-il emprunté oui ou non à des taux négatifs ? Ce n'est pas l'affaire du Gouvernement actuel.

M. Gérald Darmanin, ministre . - Je vous ai répondu !

M. Pascal Savoldelli . - Vous prétendez donc qu'il n'y a pas eu d'emprunt à des taux négatifs ? Je ne suis pas comptable, mais l'État encaisse bien des sommes supérieures à celles qui vont être remboursées à l'échéance...

Le chiffre de la Cour des comptes, qui n'est pas particulièrement d'obédience communiste, évalue ce montant à plus de quinze milliards d'euros pour 2016. C'est peut-être une erreur...

Je ne doute pas de la sincérité des uns ou des autres. Y a-t-il un matelas, qui n'est pas le fait du Gouvernement actuel ?

Par ailleurs, je déplore que nous n'ayons eu votre document que cet après-midi. Je suis issu des classes laborieuses : il me faut donc du temps pour l'analyser. Par exemple, concernant les dépenses d'intervention, sont-elles analysées à périmètre constant ? Il s'est en effet passé énormément de choses depuis 2008 - évolution des politiques publiques, effets du CICE, dont le montant semble avoir évolué plus vite que prévu, allégements sociaux, etc.

Comparaison n'est pas raison, mais laissez-nous le temps de prendre connaissance de ces chiffres pour avoir un débat le plus sérieux possible. Nous en débattrons ailleurs qu'en commission.

Vous dites que les impôts sont trop élevés. Cependant, la TVA a progressé de 8 % depuis 2008. Son rendement de 152 milliards d'euros confirme sa position de première recette de l'État. S'agit-il d'un impôt trop élevé ?

Certes, les taux peuvent remonter, mais êtes-vous satisfait des dépenses d'investissement de l'État ? 3 % d'investissement, c'est très faible du point de vue de l'action publique et cela a des conséquences sur la population.

Enfin, vous affirmez que les collectivités territoriales ont été mises à contribution. On n'est pas loin de la vérité, mais la réduction des déficits tient aux prélèvements sur recettes, en baisse de 5,3 milliards d'euros : 2,7 milliards d'euros pour les collectivités territoriales, et 2,6 milliards d'euros pour la contribution au budget européen.

Vous avez employé le terme de contraintes, monsieur le ministre : je me sens plus proche de votre formulation que de celle de mes collègues. On a tous fait des efforts, mais cela a des conséquences sur les politiques publiques dans les territoires.

M. Thierry Carcenac . - Monsieur le ministre, il s'agit d'un projet de loi de règlement qui, comme chaque fois, permet au Gouvernement de dire ce qu'il a fait de mieux et de meilleur.

Cependant, 2017 est une année de cogestion. Lorsqu'on examine la trajectoire au cours des années qui viennent de s'écouler, on se rend compte que les engagements européens ont été respectés sous le dernier mandat. Je ne doute pas que ceci aurait continué.

On nous dit que l'impôt sur les sociétés va encore baisser. C'est une orientation qui avait été prise par le précédent Gouvernement et cet impôt rapporte très peu par rapport aux autres impôts - de l'ordre de 35,7 milliards d'euros.

Le CICE, quant à lui, a permis à nos entreprises de mieux se comporter et d'être plus compétitives.

Par ailleurs, la forte hausse de la masse salariale, dans ce cadre, est liée notamment au nombre d'équivalents temps plein (ETP) qui ont été recrutés dans des secteurs importants qui ont connu de fortes baisses. Je ne doute pas que l'on va connaître, dans les années à venir, une augmentation de fonctionnaires dans ces secteurs, comme la défense, l'éducation, ou l'intérieur.

J'ai ainsi relevé la création de 11 700 ETP supplémentaires. L'augmentation de la masse salariale, devrait encore se poursuivre à l'avenir.

Votre rapport traite des « parcours professionnels, carrières et rémunérations » ( PPCR ) qui ont eu des conséquences en 2017, mais qui sont gelés en 2018. Je ne doute pas non plus que cela entraînera des augmentations de la masse salariale.

Enfin, votre rapport évoque une augmentation du point d'indice que vous faites remonter à dix ans : il me semble que s'il n'y avait pas augmentation du point d'indice les autres années, les rémunérations étaient cependant actualisées par le biais de la garantie de pouvoir d'achat pour certains fonctionnaires. Pourrait-on savoir ce qui se passe en la matière ?

Nous aurons l'occasion de revenir sur ce débat. Cette année partagée comporte quelques éléments positifs, mais tout n'a pas commencé à partir du mois de mai.

M. Rémi Féraud . - Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger dans le cadre du rapport de contrôle sur l'action extérieure de l'État que nous réalisons avec Vincent Delahaye.

On constate, dans projet de la loi de règlement, que le ministère des affaires étrangères a contribué à la réduction des dépenses au-delà de ce qui était prévu par la loi de programmation des finances publiques : 6 % de 2016 à 2017, au lieu d'un peu plus de 3 %.

Par ailleurs, l'enseignement français à l'étranger a été mis à très forte contribution, ce qui a créé une grande émotion. Le Gouvernement s'est engagé à ne pas effectuer de régulation budgétaire supplémentaire en cours d'année. Pouvez-vous notamment nous confirmer que l'Agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ne connaîtra pas de surgel en cours d'année ?

De même, le taux de réserve sur les bourses était d'habitude de 8 % en début d'année. La part de crédits gelés a été augmentée de plusieurs millions d'euros l'an passé. Cette année, le taux n'était que de 3 %. Les frais de scolarité augmentent par ailleurs. Pouvez-vous nous confirmer que vous en resterez à ce taux de mise en réserve et qu'il n'y aura pas de mesures supplémentaires de régulation budgétaire ?

M. Claude Raynal . - Monsieur le ministre, je serai exceptionnellement bref, et ce pour une bonne raison : ce débat, on l'a déjà quasiment esquissé lors du programme de stabilité 2018-2022. Je pense que le document que vous nous avez remis aujourd'hui contient beaucoup d'éléments présentés lors de ce programme de stabilité.

Je voudrais vous donner acte du fait qu'il ne faut pas crier victoire. J'en prends bonne note. Ce n'était pas tout à fait le cas au moment de la présentation du programme de stabilité, qui était plutôt emphatique. Je considère que le document remis aujourd'hui gomme un certain nombre d'excès, que j'ai déjà pu signaler pour une large part, où l'on pouvait parler de l'arrivée, en mai, du « Roi-Soleil » et du passage de l'obscurité à la lumière.

Aujourd'hui, la tonalité générale est moins démonstrative de ce point de vue. Il est logique que le Gouvernement défende sa politique. Il le fait de manière me semble-t-il plus modérée. J'en prends acte.

On a quelques difficultés malgré tout avec un certain nombre de points, comme l'indice de confiance des entreprises. Vous citez des chiffres. Malheureusement, cet indice retombe en avril 2018. Je ne suis pas sûr que les mesures que vous avez prises - qui ne nous conviennent pas par ailleurs - soient de nature à recréer la confiance dont se targue assez facilement le Gouvernement.

Vous dites que les engagements qui ont été pris dès mai 2017 ont été tenus. S'agissant d'une année commune, vous auriez tout aussi bien pu dire que les engagements pris dès janvier 2017 ont été tenus. On a toujours prétendu que les objectifs du gouvernement précédent ne seraient jamais atteints : ils l'ont pourtant toujours été, et même un peu mieux que prévu !

Nul doute que, sans les élections, ce Gouvernement aurait corrigé certaines choses. Ses engagements, avec l'aide de son administration, qui est toujours la même, auraient été respectés, et auraient sorti la France des déficits.

Je crois à l'honnêteté intellectuelle des gouvernements et à celle des ministres ! Je pense sincèrement que, lorsque vous agissez en tant que ministre de la France, vous faites au mieux dans l'exercice de vos fonctions, comme vos prédécesseurs dans une période extrêmement difficile.

En 2009, juste après la crise mondiale, le déficit de la France était à environ 8 % du PIB. En 2012, on était à 5,2 %. On ne peut dire que les gouvernements précédents n'ont pas essayé de combler ce déficit. Le dernier gouvernement de François Hollande a fait sa part du travail en ramenant ce déficit de 5,2 % à 3 %. Aujourd'hui, vous poursuivez sur la même trajectoire, avec une perspective pour 2022 à peu près du même ordre.

J'en suis très satisfait. Heureusement qu'il existe une continuité de l'État sur des questions aussi importantes que celle du budget de l'État et de l'action des ministres ! Nous sommes à 2,6 % de déficit public cette année. Beaucoup de choses sont dues à la croissance, vous l'avez indiqué plusieurs fois, en particulier à la croissance mondiale.

Un point me chagrine cependant. Il porte sur la réduction de 5 euros des aides personnelles au logement qui, dans votre majorité comme au sein du Gouvernement, a créé une difficulté. Ce n'est pas déchoir que de reconnaître après coup qu'on a fait une erreur politique, une erreur d'analyse, une erreur financière.

Beaucoup de vos collègues l'ont reconnu. Beaucoup de députés de votre majorité sont assez gênés - pour ne pas dire plus.

Vous avez précédemment contesté la somme de 100 millions d'euros que j'évoquais, prétendant que cela représentait 400 millions d'euros. Pas du tout ! 400 millions d'euros, c'est pour une année pleine. Philippe Dallier l'a d'ailleurs confirmé tout à l'heure.

Compte tenu de l'amélioration finalement constatée du solde budgétaire, on peut reconnaître sans déchoir que cette réduction du montant des aides au logement constitue une erreur d'appréciation ! L'imputer à vos prédécesseurs n'est pas correct. Il s'agit d'une proposition de l'administration que n'a pas retenue l'ancien Gouvernement. Une note très précise de Philippe Dallier à ce sujet démontrait clairement les choses. Il faut arrêter une fois pour toutes cette polémique, reconnaître qu'il s'agit d'une erreur technique et politique - ce qui m'étonne de vous !

M. Bernard Delcros . - Monsieur le ministre, la situation financière s'améliore globalement. Il y a différentes raisons à cela. Vous les avez rappelées de manière objective.

Vous êtes sur une trajectoire de diminution de la dépense publique. Tout le monde est d'accord. Vous avez indiqué quelques pistes.

Ma question porte sur une éventuelle hausse des taux d'intérêt, toujours possible, qui constitue la deuxième dépense du budget de l'État.

Anticipez-vous d'éventuelles hausses dans la trajectoire des dépenses publiques ?

En second lieu, page 49 de votre document, figure un écart très important entre la prévision et l'exécution des dépenses de la mission « Agriculture, alimentation, forêt, affaires rurales ». Y a-t-il une explication à cela ?

M. Gérald Darmanin, ministre . - Pascal Savoldelli a repris la question posée par Éric Bocquet.

Il me semble que vous n'êtes pas le dernier, monsieur le sénateur, dans l'hémicycle comme dans cette commission, à faire de la politique. Permettez-moi donc de tenir également des propos politiques !

J'ai répondu à Éric Bocquet, mais je vais recommencer avec plus de précisions. Nous empruntons encore à taux négatif, même si ce n'est pas le cas de la moyenne des emprunts contractés par la France. Nous sommes aujourd'hui à 0,65 %. En 2016, nous étions à 0,37 %.

Nous pensons que les taux d'intérêt vont continuer à augmenter. Pour l'instant, ils sont encore inférieurs au taux d'intérêt autour duquel nous avons construit le budget 2018. La question du delta entre le taux d'intérêt prévu et le taux d'intérêt constaté peut se poser, mais nous ne sommes qu'au début de l'année. Ce n'est pas parce qu'on emprunte de temps en temps à des taux négatifs que c'est le cas de tous nos emprunts.

Le besoin de financement de notre pays s'élève à 185 milliards d'euros. C'était le cas l'année dernière. Les primes d'émission, quant à elles, sont d'environ 11 milliards d'euros. Cela présente quand même une différence par rapport à votre démonstration. C'est pourquoi je me suis permis d'ironiser. On ne peut pas dire que, plus on emprunte, plus on est riche. Ce système, quand bien même il fonctionnerait au cours d'une année budgétaire donnée, n'est pas culturellement positif dans la façon de gérer les comptes publics, et s'arrêtera par ailleurs.

On a en effet baissé la charge de la dette de 300 millions d'euros, du fait notamment d'emprunts négatifs, mais tout le monde s'accorde à dire que ces taux d'intérêt vont augmenter et que la politique de la BCE va sans doute changer.

Si on laisse à penser que, plus on emprunte, plus on peut s'enrichir, on peut se poser la question de savoir pourquoi on cherche à réduire la dépense publique ! Je le dis d'autant plus que nous sommes encore à 2,6 % de déficit. C'est bien que nos recettes restent inférieures à nos dépenses.

Depuis 40 ans, la France dépense en moyenne 25 % de plus qu'elle ne reçoit. Relativisons donc ces taux d'intérêt très bas, voire négatifs. En moyenne, emprunter nous coûte de l'argent. Cela a servi la France au moment où elle a emprunté, mais non la culture générale. Ces perspectives s'amenuisent aujourd'hui, chacun peut le constater.

L'intervention de Thierry Carcenac portait sur le coût des dépenses de personnel. Celles-ci ont très fortement augmenté en 2017, avec 14 000 créations d'emplois publics, ce qui relativise le discours selon lequel nous ne diminuons pas assez le nombre d'agents publics.

Le Gouvernement précédent a créé l'année dernière 14 000 postes. Nous en avons supprimé en net 1 600 en 2018. Certains estimeront que ce n'est pas assez. D'autres penseront que c'est trop. L'amplitude est de 15 600, mais il est difficile d'arrêter les créations de postes. C'est un vrai débat politique.

Il n'est donc pas vrai de dire que nous saignons le service public ni que nous ne baissons pas la dépense liée à la création d'emplois publics. Je suis heureux de pouvoir avoir cette discussion. Thierry Carcenac a raison de dire que c'est une partie des réponses à la question de l'augmentation de la masse salariale de l'État.

Il y a d'autres raisons - augmentation du point d'indice, PPCR qui représente 80 % de la dépense prévue dans ce quinquennat au titre des mesures en nature de rémunération des fonctionnaires. Le plus dur est devant nous - 11 milliards d'euros. C'est pourquoi nous avons décalé l'application du PPCR, l'année 2018 étant difficile. Tout ceci représente une augmentation de 3,6 % de la masse salariale de l'État.

Rémi Féraud, il n'y a pas de surgel. Nous avons appliqué le gel de 3 % à tout le monde. Il est important de rappeler que nous ne l'avons pas diminué pour qui que ce soit. Le dégel n'interviendra qu'en fin d'année. Si nous devions récupérer des crédits, nous le ferons sur ceux qui permettent potentiellement de le faire. Si chacun fait attention à son propre budget, alors nous dégèlerons pour tout le monde.

Le ministère des affaires étrangères est également concerné. Le Premier ministre a annoncé, après la réunion interministérielle, la baisse de 10 % des effectifs des fonctionnaires à l'étranger. C'est la plus grande économie que le Quai d'Orsay et les autres services qui concourent à l'action extérieure de la France auront à apporter, indépendamment de l'enseignement, qui devrait faire l'objet d'une réforme sur laquelle travaille le ministre des affaires étrangères. Cette baisse de 10 % n'englobe pas les personnels éducatifs de l'AEFE. Ce sera l'objet d'une autre réforme dont vous discuterez avec le ministre des affaires étrangères.

Claude Raynal, vos propos sont aussi vrais que votre intervention a été courte ! Je ne crois objectivement pas - et j'essaye d'être honnête intellectuellement - que vous auriez eu les mêmes résultats en termes de comptes publics.

Il est difficile de savoir si la confiance a été décrétée du fait de l'élection du Président de la République. On peut imaginer que les mesures de baisse des impôts ont amélioré la croissance. Si la confiance avait été telle que François Hollande se soit représenté et ait été élu, vous n'auriez sans doute pas pris les mesures de restrictions des dépenses adoptées au cours de l'été, que vous avez assez fortement combattues - ou alors le jeu politique faisait que vous vous êtes opposés à des choses que vous auriez acceptées en cas de majorité différente ! Je ne le crois pas, puisque je sais très bien que vous ne faites pas de politique...

Je ne sais par ailleurs pas si vous auriez pris la mesure concernant la taxe à 3 %...

M. Claude Raynal . - Nous l'avons votée !

M. Gérald Darmanin, ministre . - Vous l'auriez sans doute fait, mais vous n'auriez pas recouru aux 5 milliards d'euros d'économies. Vous seriez donc aujourd'hui entre 2,9 % et 3 % de déficit public selon la conjoncture. Il vaut mieux être à 2,6 % avec nous qu'à 2,9 % avec vous, pour résumer le propos et être tout à fait honnête !

Quant aux crédits du ministère de l'agriculture évoqués par Bernard Delcros, la dérive cumulée s'est élevée à 7 milliards d'euros sous le quinquennat précédent. De manière surprenante, il n'existait pas de provisions pour risques, alors que le ministère doit parfois débloquer des centaines de milliers d'euros en cas de crise.

Nous avons « sincérisé » les crédits de ce ministère dans le budget 2018 en créant une provision pour risques. Nous pourrons donc débloquer des fonds rapidement sans creuser le déficit de l'État.

Nous avons cependant, de manière générale, une difficulté à bien répondre aux questions touchant la politique agricole commune (PAC). Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas se battre pour ne pas diminuer ce budget, mais il s'agit d'un système assez technocratisé où le ministère de l'agriculture alloue parfois des aides à des personnes qui n'en ont pas forcément besoin. Lorsque la Commission européenne réclame ensuite l'argent qu'elle considère comme indûment distribué, c'est la France qui rembourse.

Le ministre de l'agriculture travaille à davantage professionnaliser son ministère afin que les aides relatives à la PAC soient bien utilisées et qu'on n'ait pas à les rembourser deux à trois ans plus tard.

Par ailleurs, la filière bois et la façon dont est gérée l'Office national des forêts constituent des points de vigilance importants. Le ministre de l'agriculture est responsable d'une multiplicité de politiques publiques, difficiles à appréhender, qui ne sont pas toujours sincèrement budgétisées. La complexité des démarches administratives fait qu'on ne les a pas toujours bien suivies. Stéphane Travert et le ministère de l'action et des comptes publics travaillent à cette sincérisation. Nous ne devrions pas avoir les mêmes problèmes dans la loi de règlement pour 2018 par rapport au budget de l'agriculture.

M. Vincent Éblé , président . - M. Travert fait partie de ceux que nous avons sollicités pour venir examiner plus attentivement les crédits de son ministère.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je voulais revenir sur les bugs que l'on rencontre en matière de déclarations fiscales, que je déplore, avec des instructions fiscales sur l'année de transition du prélèvement à la source qui ne sont toujours pas publiées ou encore votre plateforme téléphonique qui ne répond jamais.

Enfin, je voudrais aussi saluer ici l'effort de présentation du budget. Cette année, on comprend bien mieux l'exposé général des motifs du projet de loi de règlement. Il faut en remercier les services.

M. Pascal Savoldelli . - Monsieur le ministre, j'apprécie que vous ayez répondu aux questions que nous avons posées.

Mon collègue Éric Bocquet n'a cependant pas voulu dire qu'on s'enrichit en s'endettant.

La dette publique représente 95 % de notre PIB. Ainsi que je l'ai indiqué dans l'hémicycle en présence de M. Le Maire, je vais travailler sur la question de l'endettement des entreprises, des commerçants, des artisans et des citoyens, dont personne ne parle. Je suis en effet soucieux de la solvabilité de ces catégories.

M. Gérald Darmanin, ministre . - Je remercie le rapporteur général pour ses propos encourageants.

J'ai senti chez Pascal Savoldelli une pointe de reproche à propos du fait qu'il n'a pu disposer du document qu'aujourd'hui. J'insiste sur le fait que vous l'avez eu en même temps que le Conseil des ministres. Vous êtes donc traité comme le Président de la République !

Le débat dans l'hémicycle permettra sans doute de travailler ce texte plus en amont. S'il est important de poser des questions au ministre des comptes publics, il faut aussi le faire pour chacun des autres ministres.

Enfin, la plateforme téléphonique qu'évoque M. le rapporteur général connaît un léger problème technique depuis quelques jours. J'ai pris la décision de faire décaler les déclarations concernant l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), étant donné les difficultés de la direction de la législation fiscale. C'est une erreur de l'administration.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Qu'en est-il des instructions fiscales sur le prélèvement à la source et l'année de transition ?

M. Gérald Darmanin, ministre . - Je sais que vous avez posé une nouvelle fois la question à ma directrice adjointe de cabinet. Je convoquerai d'ici la fin de la semaine les deux directeurs en charge de ce sujet pour leur rappeler que des instructions doivent en effet être données.

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