II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La refondation du secteur nucléaire français est désormais concrétisée

La refondation de la filière nucléaire française, dont les contours ont été annoncés en juin 2015 par le précédent président de la République 160 ( * ) , s'est concrétisée au cours de l'exercice 2017 par la recapitalisation d'EDF et des deux nouvelles entités issues d'Areva SA, pour un montant cumulé de 7,5 milliards d'euros 161 ( * ) .

Ce montant a tiré les dépenses du CAS à la hausse, atteignant 8,7 milliards d'euros, soit un niveau inédit depuis 2013 (9,9 milliards d'euros).

La forte mobilisation du CAS avait toutefois été anticipée dès 2015, avec plusieurs décisions :

- d'une part, la mise en sommeil de la contribution au désendettement de l'État en 2016 et 2017 , cohérente avec le contexte de faiblesse des taux d'intérêt ;

- d'autre part, la mise en oeuvre d'une respiration active du portefeuille de participations , avec plusieurs cessions décidées en 2016 puis 2017 162 ( * ) .

De surcroît, l'effet des recapitalisations programmées sur le solde du CAS avait été comptabilisé dès le projet de loi de finances pour 2017 .

Le versement du budget général correspond au déficit initialement inscrit pour le compte de 1,5 milliard d'euros. Son impact sur le solde budgétaire était ainsi intégré dès la loi de finances initiale, attestant de la démarche de sincérité budgétaire ayant prévalu.

2. La gestion du CAS en 2017 traduit l'amorce d'un recentrage dangereux du périmètre de l'État actionnaire au détriment de ses intérêts patrimoniaux

Au-delà de la recapitalisation du secteur nucléaire, l'exercice 2017 a été marqué par les déclarations du nouveau Gouvernement en vue d'une nouvelle vague de cessions au profit d'un recentrage du portefeuille de l'État actionnaire.

Cette nouvelle orientation s'est d'ores-et-déjà traduite par la cession des titres de Peugeot détenus par l'État via la holding SOGEPA à Bpifrance, dans le cadre d'une réorganisation pertinente des portefeuilles.

Elle s'est surtout manifestée par l'annonce, puis la création en janvier dernier 163 ( * ) , du Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII). Ce fonds vise à investir dans des innovations de rupture et à permettre leur industrialisation en France.

Selon les informations transmises par le ministère de l'économie et des finances, sa dotation devrait être composée de 1,6 milliard d'euros en numéraire, issus des cessions de participations Engie et Renault effectuées en 2017, et de 8,4 milliards d'euros en titres EDF et TSA 164 ( * ) . Ces titres seraient mis à disposition du fonds à titre temporaire et repris progressivement à mesure des cessions d'autres participations.

À cet égard, la dégradation de l'indicateur 2.1 mesurant l'écart entre les recettes effectivement tirées des cessions et celles qui en auraient été retirées si les opérations avaient été conduites sur les six mois précédents et les six mois suivants pourrait traduire une précipitation du Gouvernement en vue de constituer la dotation du fonds. En effet, le ratio s'établit à - 12,1 %, contre - 3,9 % en 2016 : si les cessions avaient été opérées à une période de cours plus favorable, les recettes auraient été majorées de 129 millions d'euros.

Dès 2018, la mobilisation des titres mis à disposition du fonds pour en compléter la dotation réduira les dividendes en numéraire revenant au budget général .

Surtout, ce choix sanctionne plus globalement une attrition du portefeuille de participations de l'État actionnaire . Le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, présenté le 18 juin dernier en Conseil des ministres 165 ( * ) , propose ainsi d'autoriser des cessions de participations dans trois sociétés - Aéroport de Paris, Engie et la Française des Jeux.

À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2018 166 ( * ) , votre rapporteur spécial avait souligné les risques que ce recentrage pourrait entraîner , en particulier du fait d'une rigidité accrue du portefeuille accentuant la dépendance du CAS aux versements du budget général.

De même, cette attribution du portefeuille de participations de l'État se traduira par une baisse des recettes du budget général . La Cour des comptes relève que « les importantes cessions réalisées en 2017 devraient renforcer cette tendance à la baisse des versements de dividendes » 167 ( * ) . Nul doute que les cessions proposées accentueront davantage ce phénomène.

De surcroît, les caractéristiques même du fonds ne vont pas sans soulever des questions, tenant au respect du principe d'universalité budgétaire et à la budgétisation qu'il sous-tend.


* 160 Présidence de la République, communiqué de presse du 3 juin 2015.

* 161 Dans le détail, EDF a fait l'objet d'une recapitalisation à hauteur de 3 milliards d'euros intervenue en mars 2017 et les entités issues d'Areva SA d'une recapitalisation à hauteur de 4,5 milliards d'euros au cours du mois de juillet 2017.

* 162 En particulier, les cessions des aéroports de Nice (1,22 milliard d'euros) et de Lyon (535 millions d'euros) pour 2016 puis les cessions de titres Engie (2,7 milliards d'euros) et PSA (1,9 milliard d'euros) en 2017.

* 163 Communiqué du ministère de l'économie et des finances n° 297 du 15 janvier 2018 « Mise en place du fonds pour l'innovation doté de 10 milliards d'euros ».

* 164 La holding détenant la participation de l'État dans l'entreprise Thalès.

* 165 Voir le compte-rendu du conseil des ministres du 18 juin 2018.

* 166 Voir rapport général précité n° 108 (2017-2018) de M. Victorin Lurel sur le projet de loi de finances pour 2018, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2017, pages 42 à 52.

* 167 Note d'analyse de l'exécution budgétaire du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » pour 2017, Cour des comptes, page 26.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page