III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : ADOPTER SANS MODIFICATION LA PROPOSITION DE LOI

Consciente de la nécessité de doter les forces de l'ordre des outils nécessaires pour prévenir et lutter efficacement contre les rodéos motorisés, votre commission a approuvé sans modification les dispositions de la proposition de loi, tout en insistant sur le besoin d'accompagner cette évolution législative d'une révision des modalités d'intervention des forces sur le terrain.

A. DES MESURES NÉCESSAIRES ET ATTENDUES

1. Une sanction attendue des auteurs des rodéos motorisés afin de lutter contre le sentiment d'impunité

Répondant à une exigence d'ordre public et à une attente forte de la population et des élus locaux, la création d'un délit autonome de participation à un rodéo motorisé est apparue opportune à votre commission pour réprimer de façon expresse ces comportements tout en prévoyant des sanctions appropriées et efficaces .

a) Un délit facilement caractérisable

Plus facilement caractérisable que le délit de mise en danger de la vie d'autrui, le délit prévu par le nouvel article L. 236-1 du code de la route étend de manière significative le champ de la répression par rapport à l'état actuel du droit, à deux niveaux :

- d'une part, la qualification d'un risque pour la sécurité de la route serait plus aisée que l'appréciation d'un danger immédiat pour autrui, qui nécessite, comme indiqué précédemment, de fournir des éléments objectifs et circonstanciés sur le comportement du contrevenant ainsi que sur l'environnement au moment de la commission de l'infraction ;

- d'autre part, pourrait également être sanctionnée la participation à un rodéo du seul fait du trouble à la tranquillité publique qu'il induit, y compris lorsqu'il ne crée pas de risque pour la sécurité des usagers.

Votre rapporteur observe qu'en posant une exigence de répétition ainsi qu'un élément intentionnel, la rédaction proposée, bien qu'elle vise à englober largement l'ensemble des comportements des individus participant à un rodéo motorisé, exclut les comportements constituant une violation ponctuelle d'une obligation de prudence ou de sécurité et évite ainsi l'écueil qui aurait consisté à sanctionner trop sévèrement des comportements certes inadaptés, mais non rattachables à un rodéo, comme l'usage répété d'un klaxon par exemple.

Interrogés par votre rapporteur sur les difficultés que pourraient éprouver les forces de l'ordre à établir, dans la pratique, que l'infraction est bien constituée, les services du ministère de l'intérieur et de la chancellerie ont précisé que la caractérisation du risque pour la sécurité des usagers ou du trouble à la tranquillité publique ne nécessiterait pas de recueillir des témoignages de riverains et pourrait se fonder sur le simple constat de l'agent, voire sur l'exploitation, a posteriori , d'images de vidéoprotection.

Au demeurant, il a été indiqué à votre rapporteur que la caractérisation du trouble à la tranquillité publique, notion déjà connue en droit 7 ( * ) , était relativement aisée et ne nécessiterait pas de recourir à un sonomètre, ce qui aurait pu nuire à l'applicabilité des dispositions proposées.

L'introduction d'un délit autonome aurait enfin le mérite d' homogénéiser la politique pénale à l'encontre du phénomène des rodéos motorisés sur l'ensemble du territoire national. L'absence de cadre juridique spécifique pour appréhender les rodéos motorisés conduit en effet à sanctionner leurs auteurs sur des bases différentes et de manière plus ou moins sévère selon les territoires, ce qui nuit fortement à la clarté du discours public à l'égard de ces comportements dangereux.

b) Des outils et des procédures d'enquête plus efficaces

Contrairement au champ contraventionnel, qui a été jusqu'à présent privilégié pour sanctionner les participants aux rodéos, la matière correctionnelle offre aux forces de l'ordre une palette d'outils beaucoup plus large, qu'il s'agisse de la possibilité de placer les individus en garde à vue 8 ( * ) ou de procéder à des réquisitions judiciaires des images enregistrées par des systèmes privés de vidéoprotection.

Les auteurs interpellés seraient également susceptibles d'être jugés en comparution immédiate, procédure uniquement applicable en matière correctionnelle 9 ( * ) .

Outre le fait de faciliter la poursuite des auteurs de l'infraction, la possibilité de recourir à ces outils et procédures devrait, de l'avis de votre rapporteur, avoir un effet dissuasif plus important et permettre de lutter contre le sentiment d'impunité actuellement diffus au sein de la population.

c) Des peines hautement dissuasives

Le choix des auteurs de la proposition de loi de prévoir des quantums de peines relativement élevés 10 ( * ) répond à deux objectifs essentiels, auxquels votre rapporteur a pleinement adhéré : d'une part, réprimer les rodéos à la hauteur des risques et des nuisances qu'ils engendrent pour la population ; d'autre part, exercer un effet dissuasif majeur afin de prévenir l'organisation de rodéos motorisés.

L'ajout par l'Assemblée nationale d'une circonstance aggravante permettant de sanctionner plus durement des individus participant à un rodéo alors qu'ils ne disposent pas d'un permis de conduire, situation régulièrement rencontrée par les forces de l'ordre, complète utilement le dispositif du texte initialement déposé et ne peut être, à cet égard, que salué.

L'un des intérêts majeurs de la proposition de loi réside par ailleurs dans les peines complémentaires encourues , qui constituent à elles seules de véritables leviers de prévention contre les rodéos motorisés. La peine complémentaire de confiscation obligatoire du véhicule apparaît, à cet égard, particulièrement utile, dans la mesure où elle contribuera, en privant les individus condamnés de l'instrument ayant servi à commettre l'infraction, à lutter contre la récidive. Conformément à l'article L. 325-1-1 du code de la route, les véhicules définitivement confisqués pourront faire l'objet d'une destruction ou être aliénés.

2. Un renforcement bienvenu du dispositif répressif à l'encontre des personnes incitant à la participation à un rodéo

Prévue par le nouvel article L. 236-2 du code de la route, l'incrimination des comportements qui, en amont, contribuent directement ou indirectement à l'organisation des rodéos motorisés, apparaît d'autant plus utile que l'identification et l'interpellation des individus participant à des rodéos peuvent se révéler complexes.

Si le droit existant permet d'ores et déjà de sanctionner les actes de complicité ainsi que le fait de provoquer à la commission d'un crime ou d'un délit ou d'en faire la promotion, la création d'un délit autonome apparaît, en l'espèce, nécessaire pour couvrir, comme le souhaitent les auteurs de la proposition de loi, les comportements d'individus incitant à la participation à un rodéo ou en faisant la promotion, y compris lorsque l'incitation ou la promotion n'a pas été suivie d'effet.

Il peut, à cet égard, être relevé que le législateur a d'ores et déjà procédé à la création de délits autonomes de provocation ou de promotion de crimes ou de délits : en vertu de l'article L. 3421-4 du code de la santé publique sont par exemple réprimés la provocation à l'usage de cannabis et le fait de le présenter sous un jour favorable, y compris lorsqu'ils n'ont pas été suivis d'effet.

La sanction de la provocation ou de la promotion des crimes et délits

En l'état du droit, la provocation ou la promotion de faits constituant des crimes ou délits sont sanctionnées pénalement, mais dans des conditions très spécifiques, qui ne paraissent pas pleinement applicables s'agissant des rodéos motorisés.

Ainsi, l'incrimination de la complicité à un crime ou à un délit, prévue par l'article 121-7 du code pénal, ne s'applique que lorsque le délit ou le crime a été effectivement commis.

De même, l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse punit comme complices les personnes provoquant directement à la commission d'un crime ou d'un délit, lorsque la provocation a été suivie d'effets ou pour certains crimes ou délits d'un certain niveau de gravité.

Votre rapporteur note que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale vise, à juste titre, la promotion des rodéos motorisés quel que soit le moyen employé , précision qui permet d'inclure l'ensemble des moyens de communication et ainsi de couvrir la promotion des rodéos effectuée via les réseaux sociaux. Bien que le texte ne le précise pas, l'incitation directe à la commission d'un délit engloberait également toutes les formes de provocation, quel que soit le moyen employé.

Votre commission a enfin pris acte du souhait des auteurs de la proposition de loi de prévoir à l'encontre des individus incitant à participer à des rodéos, les promouvant ou les organisant, des peines lourdes , s'élevant au double des peines qui sanctionnent le fait de participer à un rodéo. Elle n'a toutefois pas souhaité revenir sur le texte adopté par l'Assemblée nationale, estimant nécessaire de réprimer sévèrement ces comportements qui contribuent à alimenter le phénomène des rodéos.

3. Une extension utile du dispositif en outre-mer

Selon les informations communiquées par les services de police à votre rapporteur, les collectivités d'outre-mer sont particulièrement touchées par le phénomène des rodéos motorisés. L'extension de l'application des dispositions de la proposition de loi à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, ajoutée par l'Assemblée nationale, apparaît dès lors souhaitable.

Votre commission a également approuvé l'homologation des peines prévues par la réglementation de la Polynésie française, qui n'excèdent pas les peines maximum prévues par les lois nationales pour les infractions de même nature (voir tableau annexé) et respectent donc les critères fixées par les lois statutaires.


* 7 Le trouble à l'ordre public est par exemple visé par l'article R. 623-2 du code pénal réprimant les bruits et tapages injurieux ou nocturnes, par l'article R. 1337-7 du code de la santé publique relatif à la tranquillité du voisinage ou encore par l'article R. 318-3 du code de la route relatif à l'émission de bruits susceptibles de causer une gêne aux usagers de la route ou aux riverains.

* 8 En application de l'article 62-2 du code de procédure pénale, une mesure de garde à vue ne peut être décidée qu'à l'égard d'une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons de penser qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement.

* 9 Article 393 du code de procédure pénale.

* 10 Les individus poursuivis sur le fondement du délit de participation à un rodéo motorisé encourront également les contraventions correspondant aux violations d'obligations de prudence et de sécurité prévues par le code de la route qu'ils auront commises. Il s'agira alors d'un concours d'infractions, qui pourra donner lieu à des poursuites distinctes, mais sera soumis, en application de l'article 132-2 du code pénal, au principe de non-cumul des peines.

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