Rapport n° 26 (2018-2019) de M. Olivier HENNO , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 10 octobre 2018

Disponible au format PDF (1,4 Moctet)

Tableau comparatif au format PDF (400 Koctets)

Synthèse du rapport (445 Koctets)


N° 26

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 octobre 2018

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants : un enjeu social et sociétal majeur ,

Par M. Olivier HENNO,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon , président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; MM. René-Paul Savary, Gérard Dériot, Mme Colette Giudicelli, M. Yves Daudigny, Mmes Michelle Meunier, Élisabeth Doineau, MM. Michel Amiel, Guillaume Arnell, Mme Laurence Cohen, M. Daniel Chasseing , vice-présidents ; M. Michel Forissier, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, Corinne Féret, M. Olivier Henno , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mmes Martine Berthet, Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Jean-Noël Cardoux, Mmes Annie Delmont-Koropoulis, Catherine Deroche, Chantal Deseyne, Nassimah Dindar, Catherine Fournier, Frédérique Gerbaud, M. Bruno Gilles, Mmes Nadine Grelet-Certenais, Jocelyne Guidez, Véronique Guillotin, Victoire Jasmin, M. Bernard Jomier, Mme Florence Lassarade, M. Martin Lévrier, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Monique Lubin, Viviane Malet, Brigitte Micouleau, MM. Jean-Marie Mizzon, Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Mmes Frédérique Puissat, Laurence Rossignol, Patricia Schillinger, M. Jean Sol, Mme Claudine Thomas, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe .

Voir les numéros :

Sénat :

565 (2017-2018) et 27 (2018-2019)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Réunie le mercredi 10 octobre 2018 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission des affaires sociales a examiné le rapport de M. Olivier Henno sur la proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants : un enjeu social et sociétal majeur.

Ce texte, inspiré des conclusions de précédents travaux parlementaires rendus par la commission, vise à améliorer la situation personnelle et professionnelle des proches aidants et à leur ouvrir de nouveaux droits sociaux. Il s'agit essentiellement de leur permettre de percevoir une indemnité lorsqu'ils prennent un congé de proche aidant, ou d'élargir leur protection sociale en matière de validation de périodes d'assurance lorsqu'ils interrompent leur activité professionnelle pour apporter leur aide à un proche.

La commission a adopté plusieurs amendements visant à préciser et à clarifier le contenu de la proposition de loi. Le circuit de financement de l'indemnité de proche aidant a été partiellement redéfini afin de le faire mieux correspondre à sa finalité et les droits à l'information de l'aidant ont été renforcés.

La commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les proches aidants représentent actuellement près de 8,3 millions de nos concitoyens. N'appartenant à aucune catégorie spécifique, ils désignent les personnes qui font le sacrifice d'une partie, ou de la totalité, de leur vie personnelle ou de leur vie professionnelle pour apporter à un proche en perte d'autonomie l'appui que son état nécessite.

L'action de ces proches aidants, qu'on avait l'habitude de considérer comme relevant du cadre de la simple solidarité familiale, a récemment attiré l'attention du législateur. L'usure prématurée, l'interruption des activités professionnelles, la fragilité de l'équilibre personnel des aidants rendant désormais nécessaire que les pouvoirs publics se penchent sur leur situation et prévoient des dispositifs aménagés.

La loi du 18 décembre 2015 portant adaptation de la société au vieillissement 1 ( * ) (ASV) a franchi ce premier pas en instituant le congé de proche aidant et en imaginant les premières modalités de répit. Les termes d'une réponse spécifique étaient ainsi posés. Plusieurs initiatives parlementaires se sont depuis succédé pour enrichir le contenu de ces droits nouveaux, posant les jalons d'un modèle dont on ne peut plus reporter la construction.

La proposition de loi de notre collègue député Paul Christophe, relative à la possibilité de faire don de ses jours de congés payés non pris à un collègue proche aidant, avait donné lieu à l'examen détaillé par notre collègue Jocelyne Guidez des lacunes actuelles de la protection sociale des aidants, ainsi que d'inexplicables disparités entre l'aidant intervenant auprès d'une personne âgée ou d'une personne handicapée.

Cet examen est à l'origine de la présente proposition de loi, dont le grand nombre de cosignataires atteste l'intérêt. Ce texte touche l'ensemble des volets de la protection sociale des aidants : leur intégration au champ de la négociation collective, les droits liés à la prise du congé de proche aidant, leur affiliation à l'assurance vieillesse du régime général et leur accès à l'information. Il propose dans chacun de ces domaines d'importantes avancées qui ne manqueront pas d'améliorer la situation de ces acteurs désormais incontournables de l'accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA PROPOSITION DE LOI : POURSUIVRE L'ENGAGEMENT PARLEMENTAIRE EN FAVEUR DES AIDANTS MALGRÉ DES CONTRAINTES CALENDAIRES

A. LE CONTEXTE D'EXAMEN : ÉVITER UN TRAITEMENT ÉCLATÉ DU DOSSIER DES PROCHES AIDANTS

La présente proposition de loi, dont l'auteure et première signataire est notre collègue Jocelyne Guidez, rapporteure de la proposition de loi créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap 2 ( * ) . Les conclusions de ce rapport 3 ( * ) ont inspiré le texte aujourd'hui soumis à l'examen de la commission des affaires sociales du Sénat. Le court délai qui sépare l'adoption de la proposition de loi relative au don de jours de repos de l'examen du présent texte s'explique par une demande sociale croissante exprimée par les proches aidants , dont la situation et les conditions de vie sortent peu à peu de la stricte sphère familiale ou personnelle pour atteindre enfin le domaine du débat public.

De très nombreux textes se sont récemment emparés de ce sujet. C'est d'abord la loi portant adaptation de la société au vieillissement 4 ( * ) (ASV), qui reconnaît l'action du proche aidant en lui donnant une définition et en lui reconnaissant des droits. Sortant peu à peu de la discrétion où le devoir de solidarité familiale le cantonnait, l'aidant s'est ainsi trouvé revêtu d'une qualité spécifique : il continue d'être prioritairement défini par le lien qui l'unit à la personne aidée et ne se substitue en rien à l'intervention des professionnels susceptibles d'entourer cette dernière, mais son action propre est reconnue et le rend éligible à certains droits . Outre le droit au répit, dont l'effectivité dépend fortement des structures et des modalités d'accueil de la personne aidée, la loi ASV a précisé les contours d'un nouveau congé social non rémunéré, le congé de proche aidant .

La loi ASV a également installé auprès du Premier ministre un Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), dont l'une des formations, le Conseil de l'âge, mène des études de plus en plus nombreuses sur le thème des aidants 5 ( * ) , dont un rapport adopté le 1 er décembre 2017 sur la prise en charge des situations de perte d'autonomie et son incidence sur la qualité de vie des personnes âgées et de leurs proches aidants.

Le 8 mars 2018, était discutée en première lecture à l'Assemblée nationale une proposition de loi de notre collègue député Pierre Dharéville dont la principale disposition prévoyait une indemnisation du congé de proche aidant.

Plusieurs grands chantiers politiques récemment ouverts entendent traiter séparément la question des proches aidants :

- la stratégie quinquennale de l'évolution de l'offre médico-sociale à destination des personnes handicapées élaborée en mai 2017 comporte un volet spécifique relatif à la « stratégie nationale de soutien aux aidants », qui porte notamment sur le développement d'une offre de répit adaptée ;

- la stratégie nationale pour l'autisme , dévoilée le 6 avril 2018, comporte un engagement visant particulièrement les personnes aidantes ;

- dans le cadre du lancement de la mission relative à la réforme de la dépendance pilotée par Dominique Libault, les conditions de travail des aidants ont été identifiées comme l'un des thèmes des différents ateliers thématiques ;

- enfin, dans le cadre de la réforme des retraites , le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye a lancé une vaste consultation sur le thème de la retraite complémentaire des aidants.

Bien que votre rapporteur se réjouisse de l'intérêt croissant des pouvoirs publics pour le sujet, il ne peut que manifester une certaine inquiétude à l'idée qu'il fasse l'objet d'un traitement aussi éclaté . L'importance de la question mérite, à son sens, qu'elle soit considérée de façon indépendante et non en corollaire de politiques sociales plus larges auxquelles elle se rattache de façon incidente.

Votre rapporteur a ainsi constaté que le dispositif de la proposition de loi recevait un assentiment global sur le fond de la part des personnes auditionnées mais qu'une réticence apparaissait en raison de considérations purement calendaires et des chevauchements qu'une éventuelle adoption pourrait entraîner avec les chantiers engagés par le Gouvernement.

La présente proposition de loi est le premier texte exclusivement consacré aux droits sociaux de l'aidant pris dans leur globalité, et constituant, aux yeux de votre rapporteur, un vecteur bien plus efficace d'amélioration de leurs conditions de vie que la conduite dispersée de chantiers thématiques qui n'aborderont ce thème que subsidiairement.

B. LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE LOI

La proposition de loi se compose de sept articles.

L' article 1 er intègre au champ obligatoire de la négociation collective de branche et d'entreprise le thème de la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle de l'aidant.

L' article 2 assouplit les conditions d'éligibilité au congé de proche aidant et prévoit les modalités définitoires d'une indemnité de proche aidant.

L' article 3 élargit au proche aidant la possibilité de bénéficier d'une majoration de ses périodes d'assurance pour le calcul de ses droits à pension.

L' article 4 harmonise les cas d'éligibilité du proche aidant à l'affiliation obligatoire à l'assurance vieillesse du régime général en cas d'interruption totale ou partielle de son activité professionnelle.

L' article 5 propose, dans la continuité d'initiatives législatives précédentes, l'expérimentation du relayage de personnels d'établissements et services médico-sociaux auprès de la personne aidée afin d'assurer un répit à l'aidant.

L' article 6 facilite les modalités d'informations de l'aidant et assure sa bonne prise en compte par les traitements et systèmes d'informations de santé.

L' article 7 gage l'ensemble de la proposition de loi.

II. LA POSITION DE LA COMMISSION : RENFORCER LA CRÉDIBILITÉ ET LA COHÉRENCE DES DISPOSITIFS PROPOSÉS

A. LA MODIFICATION PRINCIPALE : L'INDEMNITÉ DE PROCHE AIDANT

La principale modification apportée par votre commission concerne l'article 2 et l' indemnisation du congé de proche aidant . Il lui a en effet semblé qu'en vue d'assurer la crédibilité du dispositif proposé, il lui fallait sécuriser et renforcer les sources de son financement.

La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a transmis à votre rapporteur une estimation maximaliste du nombre potentiel de proches aidants éligibles au congé de proche aidant. Leur nombre total s'élèverait à 267 712 personnes , sous une hypothèse de taux de recours de 100 %.

Estimation du nombre de personnes éligibles au congé de proche aidant

Votre rapporteur se doit pourtant de nuancer ces projections. La DGCS lui a notamment fait part de chiffres qui, en comparaison, invitent à les reconsidérer fortement. L' allocation journalière de présence parentale (AJPP), qui indemnise le congé de présence parentale (CPP) auquel sont éligibles les parents d'enfants en situation de handicap ou atteints d'une maladie grave, n'a été versée en 2016 qu'à 6 300 bénéficiaires pour un montant de 74 millions d'euros .

La faiblesse de ce taux de recours s'explique par une raison principale : l'impossibilité de cumuler l'AJPP avec d'autres dispositifs plus généraux d'accompagnement financier d'un enfant en situation de handicap ou gravement malade 6 ( * ) n'incite pas ces bénéficiaires potentiels à en faire la demande.

Pour les mêmes raisons, votre rapporteur n'anticipe pas de recours substantiellement élevé pour cette nouvelle indemnité de proche aidant. Sans qu'il faille y voir l'annonce prématurée d'un échec, il s'agirait plutôt de mettre la personne aidée et son proche aidant en mesure d'opérer un arbitrage financier éclairé entre le financement d'un proche aidant ayant fait le choix d'un congé et le financement d'une aide humaine via la prestation de compensation du handicap (PCH) ou l'allocation personnalisée à l'autonomie (APA), ou bien encore l'accueil permanent dans un établissement médico-social.

Ces trois modes d'accompagnement de la personne aidée étant plus ou moins exclusifs les uns des autres, il serait opportun de se pencher dans l'avenir sur une transférabilité facilitée de leurs financements respectifs .

La présente proposition de loi ne semble a priori pas contribuer à un tel dessein. À côté du financement par les crédits de l'assurance maladie de l'accueil en structure médico-sociale et du financement départemental des prestations compensatrices individuelles, elle ajoute un troisième type de financement par prélèvement sur primes assurancielles pour l'indemnité de proche aidant. L'idée paraît néanmoins prometteuse, puisqu'elle s'inspire d'une philosophie déjà portée par votre commission des affaires sociales, lorsqu'elle avait appelée à la sollicitation croissante des ressources privées pour le financement de la dépendance 7 ( * ) .

Ainsi, en s'inspirant du dispositif et du recours de l'AJPP, votre commission des affaires sociales a tenté d'en rapprocher le plus possible l'indemnité de proche aidant. Escomptant un coût d'environ 100 millions d'euros, votre rapporteur vous proposera donc une assiette au périmètre plus précis, étant entendu qu'un taux de recours plus élevé pourrait se traduire par une sollicitation plus faible de l'accueil en établissement ou de l'intervention de l'aide humaine et une baisse consécutive de leur financement.

B. LES AUTRES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR VOTRE COMMISSION

Soucieuse d'accompagner ce texte jusqu'à la promulgation, votre commission lui a apporté quelques correctifs supplémentaires :

- l'intégration du thème des proches aidants dans le champ obligatoire de la négociation collective ne doit pas menacer l'équilibre récemment atteint par la loi du 8 août 2016 8 ( * ) ;

- les conditions d'éligibilité au congé du proche aidant ont été logiquement rapprochées de celles des autres congés sociaux ouvrant droit à indemnisation ;

- les dispositions relatives à l'information de l'aidant et à son intégration dans les traitements et systèmes d'informations de santé ont été globalement réécrites afin de les rendre plus opérationnelles.

Les dispositions relatives à l'affiliation obligatoire à l'assurance vieillesse du régime général n'ont fait l'objet que de très légères retouches.

EXAMEN DES ARTICLES

___________

Article 1er
(art. L. 2241-1 et L. 2242-1 du code du travail)
Intégration du thème des proches aidants à la négociation collective

Objet : Cet article insère la conciliation de la vie personnelle et de la vie professionnelle des aidants au sein des thèmes de la négociation collective.

I - Le dispositif proposé

L'article 1 er de la proposition de loi prévoit d'intégrer le thème de la conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle des aidants aux champs obligatoires de la négociation collective en entreprise , à savoir ceux dont la discussion doit intervenir au moins une fois tous les quatre ans.

L'article vise deux articles du code du travail :

- l'article L. 2241-1 qui décrit les thèmes obligatoires de la négociation collective applicable aux organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, des accords professionnels ;

- l'article L. 2242-1 qui décrit les thèmes obligatoires de la négociation obligatoire applicable à toutes les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives.

Dans les deux cas, l'article prévoit d'intégrer « les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés proches aidants ».

La mesure proposée s'inscrit dans la continuité d'un amendement déposé par notre collègue Jocelyne Guidez au projet de loi relatif à la liberté de choisir son avenir professionnel 9 ( * ) , qui ne visait alors que les organisations liées par une convention de branche ou un accord professionnel.

Malgré une réticence initiale du Gouvernement, soucieux de préserver l'équilibre de la négociation collective atteint par la loi du 8 août 2016 dite « loi Travail », cet amendement, adopté par le Sénat à l'issue de la première lecture, a été maintenu au sein du texte par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Lors du débat de nouvelle lecture, la commission et le Gouvernement ont tous deux donné un avis défavorable à un amendement de suppression de cette nouvelle disposition, confirmant ainsi l'émergence d'un consensus autour de l' introduction du sujet de l'aidant au sein de la négociation collective .

La disposition a néanmoins fait l'objet d'une censure du Conseil constitutionnel 10 ( * ) , au motif d'une absence de lien, même indirect, avec le texte déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en première lecture.

II - La position de la commission

Votre commission se montre soucieuse de respecter l'intention première du législateur, soutenue par le Gouvernement, d'une intégration des thèmes relatifs aux aidants aux champs obligatoires de la négociation collective en entreprise à certaines conditions , et ne souhaite pas perturber l'architecture issue de la loi du 8 août 2016.

Cette dernière prévoit notamment, à l'article L. 3142-26 du code du travail, que les modalités de mise en oeuvre du congé de proche aidant sont déterminées par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou, à titre subsidiaire , une convention ou un accord de branche . En l'état actuel, il n'y a donc aucune obligation pour la branche d'intégrer les modalités de mise en oeuvre du congé de proche aidant au champ de sa négociation collective, alors même que le sujet semble naturellement relever de sa compétence 11 ( * ) .

Le de l'article 1 er de la proposition de loi, qui ferait de la discussion du thème des aidants un sujet obligatoire de la négociation collective de branche, viendrait donc corriger cette incohérence et rendrait par conséquent logique que les modalités de mise en oeuvre du congé de proche aidant figurent à la convention de branche à titre principal , et non à titre subsidiaire .

Votre commission n'est en revanche pas favorable à ce que les champs obligatoires de la négociation collective d'entreprise soient modifiés, afin de conserver à cette dernière une certaine souplesse. Le renvoi aux dispositions de l'article L. 3142-26 et L. 3142-27 du code du travail sur la mise en oeuvre du congé de proche aidant par accord d'entreprise ou l'application de dispositions supplétives en l'absence de ce dernier paraît largement suffisant. Votre commission a donc adopté un amendement n° COM-1 en ce sens .

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2
(art. L. 3142-16, L. 3142-19, L. 3142-20-1 [nouveau],
L. 3142-25-2 [nouveau] et L. 3142-26 du code du travail)
Indemnisation du congé de proche aidant

Objet : Cet article modifie les conditions d'éligibilité au congé de proche aidant et d'instaurer une indemnité pour ce congé.

I - Le dispositif proposé

Les et a) du de l'article 2 de la proposition de loi assouplissent les conditions d'exercice du droit au congé de proche aidant. Le salarié, actuellement éligible au congé de proche aidant à la condition d'une année d' ancienneté dans son entreprise , voit cette durée réduite à 6 mois. Par ailleurs, le droit actuel prévoit que la durée totale du congé de proche aidant, renouvellement compris, ne peut excéder un an sur l'ensemble de la carrière. Ce plafond est porté à 3 ans.

Les b) , c) et d) du 2° redéfinissent les conditions de la fin anticipée du congé de proche aidant. Les cas de fin anticipée, dont l'initiative revient au salarié, prévus par le droit actuel sont les suivants : décès de la personne aidée, admission de la personne dans un établissement, diminution importante des ressources du salarié, recours à un service d'aide à domicile (SAAD) pour assister la personne, congé de proche aidant pris par un autre membre de la famille.

L'article 2 de la proposition de loi prévoit le retrait de l'initiative de la fin anticipée du congé au salarié . La fin anticipée du congé est par ailleurs revêtue d'un caractère impératif dans les cas d'ouverture, qui sont précisés par le texte : l'admission en établissement de la personne doit être permanente et la diminution des ressources du salarié et le recours à un SAAD sont supprimés de la liste.

Le prévoit l'instauration d'une indemnité de proche aidant , ouverte aux personnes bénéficiant d'un congé de proche aidant. Le calcul de cette indemnité est précisé de la façon suivante :

- elle est calculée sur la base des trois derniers salaires mensuels ;

- elle ne peut être supérieure au quart du plafond mensuel de la sécurité sociale (PMSS), soit un montant de 827,75 euros ;

- ce montant maximal ne peut être dépassé même en cas de maintien d'une activité partielle, en dépit de la possibilité ouverte au salarié de cumuler cette rémunération et l'indemnité de proche aidant ;

- cette indemnité peut être cumulée avec l'indemnisation ou la rémunération perçue par l'aidant lorsque cette dernière est financée par une prestation compensatrice de la personne aidée ;

- elle n'est pas cumulable avec l'allocation journalière de présence parentale (AJPP).

Cette indemnité est versée par l'employeur au salarié. Ce versement fait l'objet d'une intégration à la déclaration sociale nominative (DSN).

Le décrit le financement de l'indemnité de proche aidant. Ce dernier est assuré par un fonds spécifique administré par un conseil de gestion paritaire et géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Ce fonds est alimenté par une recette de nature unique, à savoir une surcote, dont le taux peut être compris entre 0,1 % et 1,7 %, sur la prime d'un certain nombre de contrats d'assurance :

- les contrats individuels d'assurance vie et d'assurance contre les accidents (titre III du livre I er du code des assurances) ;

- les contrats collectifs liés à des « opérations des institutions de prévoyance » (sections 1 à 4 du chapitre II du titre III du livre IX du code de la sécurité sociale), visant les opérations collectives à adhésion obligatoire, à adhésion facultative, dépendant de la durée de la vie humaine et relatives à certaines opérations collectives de retraite ;

- les contrats individuels ou collectifs liés à des « opérations des mutuelles et des unions » (chapitre I er du titre II du livre II du code de la mutualité).

Le vise le champ de la négociation collective . Le droit actuel prévoit que cette dernière peut déterminer la durée maximale du congé, le nombre de renouvellements possibles, les délais d'information de l'employeur par le salarié et les délais de demande du salarié concernant le fractionnement possible du congé. L'article 2 de la proposition de loi supprime la mention du nombre de renouvellements possibles, rendant ainsi possible un nombre illimité de renouvellements du congé dans la limite de trois ans .

II - La position de la commission

A. Rapprocher le congé de proche aidant des autres congés spéciaux

Le congé de proche aidant figure au code du travail parmi les congés d'articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale. À raison de son objet et du public particulier qu'il vise, il se rapproche notamment du congé de solidarité familiale (CSF) et du congé de présence parentale (CPP), qui présentent tous deux la spécificité d' ouvrir droit à une indemnisation , respectivement l'allocation journalière d'assistance à une personne en fin de vie (AJAP) et l'allocation journalière de présence parentale (AJPP). Les caractères comparés de ces deux congés et des allocations correspondantes figurent au tableau ci-après.

CSF et CPP : caractères des congés et des allocations correspondantes

CSF

CPP

Condition d'éligibilité

Accompagner à domicile,
en tant qu' ascendant , descendant , frère , soeur ou personne de de confiance , une personne en phase avancée ou terminale d'une affection grave
et incurable

Assumer la charge
d'un enfant atteint
d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident
d'une particulière gravité

Condition d'ancienneté dans l'entreprise

Non

Non

Possibilité
de fractionnement
du congé

Oui

Oui,
mais pas en demi-journées

Durée maximale

Déterminée par accord collectif, sinon trois mois renouvelable une fois

310 jours ouvrés

Prise en compte
de la durée
pour la détermination des avantages
liés à l'ancienneté

Oui

Oui,
mais pour moitié

AJAP

AJPP

Nature de l'indemnisation

Prestation de soins assimilée

Prestation familiale
à affectation spéciale

Organisme débiteur

Caisse primaire d'assurance maladie (ou autre organisme de sécurité sociale chargé
de la couverture maladie)

Caisse d'allocations familiales (ou autre organisme de sécurité sociale chargé du versement des prestations familiales)

Calcul de l'indemnisation

Montant journalier forfaitaire fixé par décret et revalorisé comme l'AJPP

10,63 % de base mensuelle de calcul des allocations familiales

Montant en 2018

55,93 euros par jour

Peut être versée à plusieurs bénéficiaires au titre d'un même patient, dans la limite du maximum

43,57 euros par jour
si on vit en couple
51,77 euros par jour
si on vit seul

Complément pour frais possible sous conditions
de ressources

Limites apportées au versement de l'allocation

21 jours pour une même personne accompagnée

Double limite :

- 22 jours par mois

- 310 jours ouvrés par enfant et par maladie, accident ou handicap

Montant maximal en 2018

1 174,53 euros

958,54 euros
si on vit en couple
1 138,94 euros si on vit seul

Source : Commission des affaires sociales

1. L'éligibilité au congé de proche aidant

L'exigence d'une durée d'ancienneté dans l'entreprise, absente pour le congé de solidarité familiale et le congé de présence parentale, se justifie difficilement pour l'accès au congé de proche aidant. Initialement fixée à deux ans, elle a été abaissée à un an par la loi portant adaptation de la société au vieillissement (ASV). En la fixant à six mois, l'article 2 de la présente proposition de loi rapproche le CPA du droit commun des autres congés familiaux, sans pour autant l'atteindre.

Votre rapporteur appelle à la disparition à terme de cette condition d'ancienneté.

2. La fin anticipée du congé de proche aidant

Dans le souci de maintenir un certain équilibre entre ouverture du droit au CPA et accessibilité stricte au public qu'il concerne, l'article 2 de la proposition de loi ôte la capacité au salarié de mettre fin de façon anticipée ou de renoncer au congé dans les cas de suspension ou d'allègement de l'aide apportée. Elle y substitue la décision d'un tiers, dont elle ne précise pas l'identité. La personne implicitement visée étant indubitablement l'employeur, qui accorde le congé et verse l'indemnité, l'idée d' en faire l'autorité décisionnaire en matière de fin anticipée du CPA pose deux types de problèmes :

- elle est d'une part relativement peu protectrice des droits du salarié. Les autres congés pour l'articulation de la vie professionnelle et de la vie personnelle ne prévoient pas d'intervention similaire de l'employeur, considérant que leur durée maximale, fixée par la loi ou les conventions collectives, constituent pour lui une garantie suffisante ;

- elle ferait d'autre part de l'employeur le destinataire d'informations qu'il ne détient pas. Les motifs de fin anticipée du CPA étant le décès de la personne aidée, son admission dans un établissement, le recours à un service d'aide à domicile ou la prise d'un CPA par un autre membre de la famille, la transmission nécessaire de ces informations par le salarié à son employeur excèderait manifestement la compétence de ce dernier.

Votre commission a adopté un amendement n° COM-2 rétablissant la capacité du salarié de décider de la fin anticipée de son CPA. Par ailleurs cet amendement rétablit la diminution importante des ressources du salarié au rang des causes de fin anticipée du CPA.

3. L'indemnisation du congé de proche aidant

L'indemnité de proche aidant telle que définie par l'article 2 de la proposition de loi, se distingue à deux égards de l'AJAP ou de l'AJPP : le calcul de son montant est plafonné et son cumul est possible avec le maintien d'une rémunération salariale en cas de temps partiel . Bien que votre rapporteur comprenne pleinement les intentions qui animent ces spécificités, il est contraint d'en souligner certaines incohérences.

En premier lieu, définir un plafond pour le calcul de l'indemnité de proche aidant ne paraît pas utile dans la mesure où sa durée d'attribution fait déjà l'objet d'un plafond. Votre rapporteur estime donc préférable, dans un souci de lisibilité et de cohérence globale des dispositifs d'indemnisation des congés sociaux, de calquer le montant de l'indemnité de proche aidant sur l'AJPP individuelle , avec l' intégration du même plafonnement mensuel à 22 jours par mois.

Afin de limiter le risque d'effet d'aubaine lié à la prise de ces congés et à leur délai, votre rapporteur suggère que soit maintenue la possibilité de cumuler l'indemnité de proche aidant avec la rémunération salariale dans le cas d'un temps partiel, mais de plafonner ce cumul au plus petit des deux montants entre la rémunération contractuelle et le plafond mensuel de versement de l'indemnité. L'objectif est que l'indemnité de proche aidant n'entraîne pas de gain financier pour le travailleur à temps partiel, ce qui lui ferait perdre sa vocation indemnitaire.

Par ailleurs, votre rapporteur supprime la possibilité de cumuler l'indemnité de proche aidant avec l'indemnité reçue au titre de la PCH ou la rémunération versée au titre de l'APA de la personne aidée, ainsi qu'avec d'autres prestations.

Un amendement n° COM-3 a été adopté dans le sens des dispositions précédemment exposées.

4. Le renouvellement du congé de proche aidant

L'article 2 de la proposition de loi prévoit la suppression du nombre de renouvellements possibles du congé de proche aidant du champ de la négociation collective, ouvrant ainsi la possibilité d'un renouvellement illimité et un risque élevé de soutenabilité.

Votre commission a donc adopté un amendement n° COM-5 de suppression de cette disposition.

B. Le financement de l'indemnité de proche aidant

La grande originalité de ce dispositif réside dans son financement. Au lieu de faire de l'indemnité de proche aidant une prestation d'assurance sociale assimilée, distribuée par un organisme de sécurité sociale, l'article 2 de la proposition de loi en fait un dispositif mutualisé financé par un prélèvement sur les primes de contrats d'assurance et directement versé par l'employeur qui dispose d'un droit de tirage sur un fonds spécifique.

L'idée est intéressante, dans la mesure où elle ne crée pas de charge publique supplémentaire et sélectionne une assiette de prélèvement suffisamment large pour que les assureurs ne répercutent que très faiblement cette ponction sur la prime de leurs contrats.

Votre rapporteur identifie pourtant une difficulté pratique liée à la rédaction du texte. Parmi les contrats visés figurent les contrats individuels d'assurance vie , ainsi que des contrats collectifs d'institutions de prévoyance , ce qui semble contraire à l'intention du texte de faire reposer le financement de l'indemnité de proche aidant sur une assiette de financement cohérente et clairement identifiée .

Votre rapporteur propose donc de circonscrire cette assiette aux cotisations fixées dans le cadre de contrats individuels et collectifs de retraite professionnelle supplémentaire . Ce choix se justifie au regard du public concerné par l'accompagnement des proches aidants.

Estimation des recettes du fonds

Contrats individuels et collectifs
de retraite professionnelle supplémentaire

Montant total
des cotisations
en 2015

Montant total
des cotisations après surcote
de 1,7 %

PERP

2 067 000 000

2 102 139 000

Produits destinés aux fonctionnaires ou aux élus locaux

645 000 000

655 965 000

Retraite mutuelle du combattant

97 000 000

98 649 000

Autres contrats souscrits individuellement

4 000 000

4 068 000

Contrats Madelin

2 848 000 000

2 896 416 000

Contrats "exploitants agricoles"

254 000 000

258 318 000

PERCO

2 070 000 000

2 105 190 000

Contrats de type article 39 du CGI

1 392 000 000

1 415 664 000

Contrats de type article 82 du CGI

226 000 000

229 842 000

Contrats de type article 83 du CGI

3 097 000 000

3 149 649 000

PERE

50 000 000

50 850 000

Autres contrats souscrits collectivement

176 000 000

178 992 000

Total

12 926 000 000

13 145 742 000

Produit de la taxe

219 742 000

Source : Drees et estimations du rapporteur

On constate que, sous des hypothèses assez conservatrices de dynamisme modéré des cotisations et des adhérents à ces contrats, une surcote à la prime de 1,7 % engendrerait un encours supplémentaire de presque 220 millions d'euros .

Les contrats en question sont visés aux articles L. 143-1, L. 144-1 et L. 144-2 du code des assurances et à l'article L. 222-3 du code de la mutualité. Par ailleurs, votre rapporteur estime plus sage de ne pas limiter les seules ressources du fonds aux produits des primes assurancielles. Un amendement n° COM-4 a donc été adopté afin d'augmenter la précision du régime financier de l'indemnité de proche aidant.

Par ailleurs, votre rapporteur prend acte de la nature fiscale de ce prélèvement et propose donc par ce même amendement de requalifier cette « surcote » en taxe . La matière relevant par conséquent exclusivement de la compétence législative, l'amendement fixe le taux de cette taxe à 1,7 % .

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 3
(art. L. 351-4-3 [nouveau] du code de la sécurité sociale)
Majoration de durée d'assurance

Objet : Cet article prévoit une majoration de durée d'assurance sociale pour tout aidant assuré social accompagnant une personne atteinte d'une perte d'autonomie de particulière gravité.

I - Le dispositif proposé

La détermination du droit à pension est conditionnée à l'existence de périodes d'assurance ayant donné lieu au versement d'un minimum de cotisations sociales. Les périodes d'assurance ouvrant droit à la perception d'une pension ou d'un avantage vieillesse peuvent concurremment faire l'objet d'une assimilation ou d'une majoration .

L' assimilation de périodes d'assurance , historiquement davantage sollicitée, concerne essentiellement des périodes de versement de prestations sociales ou de revenus de remplacement, qui peuvent être assimilées à des périodes d'activité et ainsi ouvrir droit au versement d'une pension équivalente.

La majoration de durée d'assurance (MDA) répond à une logique différente. Contrairement à l'assimilation, elle attribue une période d'assurance supplémentaire limitée pour chaque suspension ou altération de l'activité professionnelle d'une personne consécutive à un événement déterminé. La MDA était initialement réservée aux cas particuliers découlant de la parentalité . Une MDA de quatre trimestres était ainsi attribuée aux femmes assurées sociales pour chacun de leurs enfants, au titre de l'incidence de la maternité sur leur vie professionnelle. Le dispositif a par la suite été élargi à l'un des deux parents au titre de l'éducation de chacun de leurs enfants pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption.

À partir de 2003 12 ( * ) , et au gré des différentes réformes des retraites, le mécanisme de la MDA, dont les incidences budgétaires sont plus facilement contrôlables que celles de l'assimilation de périodes d'assurance, a connu une sollicitation croissante pour la compensation d'arrêts ou de diminutions de périodes d'activité consécutifs à l'accompagnement de personnes handicapées . Une MDA d'un trimestre par période de trente mois, dans la limite de huit trimestres, est accordée aux personnes assurées sociales :

- élevant un enfant ouvrant droit au bénéfice de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ou à la prestation de compensation du handicap pour l'enfant ;

- assumant, au foyer familial, la prise en charge d'un adulte handicapé dont l'incapacité permanente est supérieure à 80 % et dont il est le conjoint, le concubin, l'ascendant, le descendant ou le collatéral.

En cohérence avec l'opinion globalement partagée que les droits de l'aidant de la personne handicapée doivent être rapprochés de ceux de l'aidant de la personne âgée, l'article 3 de la proposition de loi prévoit l'ouverture d'une MDA d'un trimestre par période de trente mois, dans la même limite de huit trimestres, pour l'assuré social qui assume la charge permanente d'une personne atteinte d'une perte d'autonomie d'une particulière gravité .

L'article prévoit par ailleurs le renvoi à un décret pour la détermination de la gravité de la perte d'autonomie, ainsi qu'une entrée en vigueur immédiatement applicable aux pensions liquidables.

II - La position de la commission

Votre commission a adopté une modification rédactionnelle proposée par l' amendement n° COM-10 .

Votre commission a adopté cet article sans modification .

Article 4
(art. L. 381-1 du code de la sécurité sociale)
Affiliation obligatoire à l'assurance vieillesse du régime général

Objet : Cet article élargit l'affiliation obligatoire à l'assurance vieillesse du régime général à tous les proches aidants ayant interrompu leur activité professionnelle.

I - Le dispositif proposé

L'article 4 de la proposition de loi est complémentaire de l'article 3. Alors que ce dernier définit un régime de majoration de durée d'assurance pour renforcer les droits à pension de l'aidant, l'article 4 traite des droits à pension des aidants n'exerçant aucune activité professionnelle et dont la validation des périodes d'assurance est suspendue du fait d'une absence de versement d'une rémunération .

L'article L. 381-1 du code de la sécurité sociale recense les cas de personnes n'exerçant pas d'activité professionnelle mais bénéficiant tout de même d'une affiliation obligatoire à l'assurance vieillesse du régime général au titre de l' assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF).

Aidants bénéficiaires de l'affiliation à l'assurance vieillesse du régime général

Bénéficiaire

Conditions particulières

Durée

Bénéficiaire de l'AJPP

Durée de l'attribution
de l'AJPP

Bénéficiaire du congé
de proche aidant ( salarié )

Durée
du congé de proche aidant

Travailleur non-salarié
qui interrompt son activité professionnelle

S'occuper d'un conjoint, d'un concubin,
d'un ascendant, d'un descendant,
d'un enfant à sa charge ou d'un collatéral présentant un handicap ou une perte d'autonomie particulièrement grave

3 mois, renouvelable dans la limite d'une année

Toute personne,
salariée ou non salariée, qui n'exerce aucune activité professionnelle
ou travaille à temps partiel

Ayant la charge d'un enfant handicapé
de moins de 20 ans vivant à domicile d'une incapacité permanente d'au moins 80 %

Pas de limite

Assumant la charge d'un adulte handicapé vivant à domicile dont la CDAPH a reconnu la nécessité d'une assistance et d'une présence soutenues, d'une incapacité permanente d'au moins 80 %, si la personne est son conjoint, son concubin, son ascendant, son descendant ou son collatéral

Pas de limite

Source : Article L. 383-1 du code de la sécurité sociale

L'article 4 de la proposition de loi apporte plusieurs modifications à ces différents cas, dans le sens général d'une harmonisation .

Le calque la situation des travailleurs non-salariés sur celle des travailleurs salariés éligibles au congé de proche aidant :

- l'affiliation obligatoire, qui ne lui est ouverte que dans le cas où la personne aidée appartient à son cercle familial, est désormais étendue au cas où la personne aidée partage le lieu de résidence ou entretient avec son aidant des liens étroits et stables ;

- par ailleurs, il supprime la durée initiale d'affiliation de trois mois ainsi que la durée maximale d'affiliation d'une année et prévoit la fin de l'affiliation dans l'un des cas de fin anticipée du congé de proche aidant visés à l'article L. 3142-19 du code du travail ;

- enfin, il ouvre cette affiliation obligatoire aux accueillants familiaux .

Le se concentre sur le cas des personnes (salariées ou non-salariées) n'exerçant aucune activité professionnelle ou une activité professionnelle à temps partiel :

- dans le cas de l'accompagnement par l'aidant d'un adulte handicapé, il supprime la condition d'affiliation à la reconnaissance par la CDAPH d'une assistance et d'une présence soutenues, dans un souci de symétrie des droits ;

- il élargit l'affiliation de ces personnes au cas où elles seraient aidantes d'une personne âgée atteinte d'une perte d'autonomie d'une particulière gravité, ainsi qu'au cas où l'aidant et l'aidé partagent le lieu de résidence ou entretiennent des liens stables et étroits ;

- enfin, il ouvre également l'affiliation obligatoire aux accueillants familiaux.

II - La position de la commission

Notre collègue Jocelyne Guidez, lors de l'examen de la loi du 13 février 2018 s'était penchée sur les cas d'affiliation obligatoire des personnes aidantes à l'assurance vieillesse du régime général et en avait constaté les disparités - pas toujours explicables - selon la situation professionnelle de l'aidant. Le dispositif de l'article 4 apporte des modifications bienvenues dans le sens d'un rapprochement des droits des personnes aidantes ayant interrompu leur activité professionnelle.

Votre rapporteur partage pleinement cette intention et a souhaité amplifier la démarche. Il s'est tout d'abord attaché à rendre identiques les durées d'affiliation à l'assurance vieillesse et la durée maximale du congé de proche aidant telle que modifiée par la présente proposition de loi. La commission a adopté un amendement n° COM-6 en ce sens, assorti de quelques corrections de coordination.

Par ailleurs, la commission a adopté un amendement n° COM-7 , retirant les accueillants familiaux, dont l'activité s'exerce à titre onéreux et ouvre donc déjà droit à la validation de périodes d'assurance, du dispositif d'affiliation obligatoire.

Enfin, soucieux de favoriser l'harmonisation des différents congés sociaux indemnisés, votre commission souhaiterait que les bénéficiaires de l'allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie bénéficient de l'affiliation obligatoire à l'assurance vieillesse du régime général, dont ils sont inexplicablement exclus.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié .

Article 5
Expérimentation du relayage

Objet : Cet article propose d'établir une expérimentation du relayage, qui consiste à détacher des salariés d'établissements sociaux et médico-sociaux au domicile de personnes aidées afin de garantir un répit aux aidants.

I - Le dispositif proposé

Cet article est une transposition quasiment identique de l'article 29 du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC) , dont le texte était encore en discussion au moment du dépôt de la présente proposition de loi.

Extraits du rapport de notre collègue Pascale Gruny,
rapporteur du projet de loi ESSOC
13 ( * )

Le présent article vise à permettre, à titre expérimental, à des établissements et services médico-sociaux (ESMS) d'envoyer des salariés au domicile de personnes dépendantes afin de permettre à des proches aidants de prendre du repos.

Le I fixe l'objet de l'expérimentation. Il permet, pour une durée de trois ans, qu'il soit dérogé à certaines dispositions législatives et règlementaires dans le cadre de prestations de suppléance à domicile du proche aidant une personne « nécessitant une surveillance permanente ».

L'expérimentation pourra être menée selon deux modalités.

Selon le mode « prestataire », l'ESMS a recours à son propre salarié, qu'il met à disposition des personnes aidées. Le professionnel demeure salarié de l'établissement ou du service.

Le mode « mandataire » s'inscrit dans le cadre du placement de travailleurs autorisé par le 1° de l'article L. 7232-6 du code du travail. Selon ce régime, c'est la personne aidée (ou le cas échéant le proche aidant) qui est l'employeur du salarié, mais l'établissement ou le service mandataire se charge pour son compte des formalités administratives et des déclarations sociales et fiscales.

Le II prévoit, pour les travailleurs exerçant une prestation de suppléance, des dérogations à un certain nombre de dispositions légales et de stipulations conventionnelles.

Dans le cas du mode « prestataire », il est précisé que les salariés ne sont soumis ni aux dispositions du code du travail ni aux stipulations conventionnelles relatives :

- aux régimes d'équivalence (art. L. 3121-13 à L. 3121-15) ;

- aux durées maximales de travail et aux temps de pause (art. L. 3121-16 à L. 3121-26 et L. 3122-24) ;

- aux durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail de nuit (art. L. 3122-6 et L. 3122-17 et L. 3122-7 et L. 3122-18) ;

- au repos quotidien (art. L. 3131-1 à L. 3131-3).

Dans le cas du mode « mandataire », il est précisé que les salariés ne sont pas soumis aux stipulations de la convention collective du particulier employeur relatives aux mêmes éléments.

Le III du présent article fixe le cadre juridique applicable.

La durée des interventions de suppléance ne pourra ainsi excéder six jours consécutifs ni quatre-vingt-quatorze jours par période de douze mois consécutifs.

Par ailleurs, le nombre d'heures accomplies pour le compte des établissements et services par un salarié ne pourra excéder quarante-huit en moyenne, appréciée par période de quatre mois consécutifs. Ce plafond devra être apprécié en tenant compte de l'ensemble des heures effectuées en établissement ou au domicile de la personne aidée.

Les salariés concernés devront bénéficier d'une période de repos minimale de onze heures consécutives au cours de chaque période de vingt-quatre heures. Dans sa rédaction initiale, le texte prévoyait que cette période de repos pouvait être soit supprimée soit réduite « sans pouvoir être inférieure, dans le cas d'une réduction », à huit heures.

Par ailleurs l'intervention ouvre le droit à un repos compensateur équivalent aux périodes de repos et de pause dont les salariés n'ont pas pu bénéficier, ce repos compensateur pouvant être accordé au cours de l'intervention. Un décret doit préciser les conditions dans lesquelles l'établissement ou le service plaçant le salarié s'assurera de l'effectivité du repos compensateur lorsque celui-ci est accordé pendant l'intervention.

II - La position de la commission

Bien que favorable à l'expérimentation du relayage, votre rapporteur souhaite rappeler les réserves financières émises lors de l'examen du projet de loi ESSOC par notre collègue rapporteure de l'article 29 à l'égard de l'expérimentation du relayage.

En effet, elle ne crée pas de financement spécifique pour les prestations qu'elle propose d'expérimenter. Le « relayage » du proche aidant devra donc être financé par les aides de droit commun existantes, notamment l'APA, la PCH, la prestation compensatrice pour tierce personne (ACTP) ou encore l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH). Dans le cas du mode mandataire, les personnes concernées pourraient en outre bénéficier du crédit d'impôt prévu par l'article 199 sexdecies du code général des impôts.

Selon les informations communiquées par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), le coût pour 24 heures de relayage serait proche de 619 euros en mode prestataire et 312 euros en mode mandataire. À titre de comparaison, le montant mensuel maximal de l'APA varie selon le groupe iso-ressources (GIR) entre 1 719,93 euros pour les personnes les plus dépendantes (GIR 1) et 665,6 euros pour les bénéficiaires les plus autonomes, (GIR 4). Au demeurant, ces plafonds sont rarement atteints, la dépense moyenne d'APA pour les personnes à domicile s'élevant en 2015 à 4 384 euros par bénéficiaire et par an, soit 365 euros par mois.

Votre commission a, par cohérence, adopté un amendement n° COM-8 de suppression de la quasi-totalité de cet article, déjà présent dans le droit en vigueur, mais a conservé la mention faite d'un décret d'application aux agents travaillant dans des établissements médico-sociaux publics.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 6
(art. L. 113-1-4 [nouveau] du code de l'action sociale et des familles)
Dispositions relatives à l'information du proche aidant

Objet : Cet article prévoit l'instauration d'une carte de l'aidant ainsi qu'une identification au dossier médical partagé de la personne de confiance.

I - Le dispositif proposé

L'article 6 de la proposition étoffe de façon substantielle le droit à l'information des personnes aidantes.

Le I établit une carte de l'aidant dont serait destinataire toute personne aidant un bénéficiaire de l'APA, de la PCH, de l'allocation de l'adulte handicapé (AAH), de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) ou de l'AJPP. Cette carte de l'aidant est accompagnée d'un guide détaillant l'ensemble de ses droits et ressources disponibles. Un portail web est également prévu.

Le II étend l'attribution de cette carte aux aidants de personnes d'une affection de longue durée (ALD) ou de maladies nécessitant des thérapeutiques particulièrement coûteuses.

Le III prévoit que soit proposé aux allocataires de l'AAH, de la PCH et de l'APA, ainsi qu'aux assurés visés par le II de nommer une personne de confiance au sens de l'article L. 1111-6 du code de la santé publique, renseignement qui est alors porté dans le dossier médical partagé.

Le IV prévoit qu'en cas de cumul entre la qualité de proche aidant et la qualité de personne de confiance, la carte de l'aidant fasse explicitement mention de ce cumul.

Le V renvoie les modalités d'application à un décret en Conseil d'État.

II - La position de la commission

Le dispositif de cet article est, aux yeux de votre rapporteur, à apprécier à l'aune des traitements et systèmes d'information de l'assurance maladie déjà existants. La commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a rappelé à votre rapporteur que l'article 6, en ce qu'il prévoit la mise en place d'un nouveau traitement de données personnelles (à savoir l'organisation d'un ensemble de données à des fins d'enregistrement, d'exploitation et de consultation), devait avant tout respecter le principe de finalité , l'un des principes fondamentaux du traitement des données personnelles en État de droit.

Le respect du principe de finalité suppose que l'établissement de tout nouveau traitement doit répondre à un besoin qu'aucun traitement existant ne parvient à remplir. Ce besoin doit être précis , explicite et légitime . Une fois ce principe assuré, le périmètre du traitement doit être strictement proportionné à ce besoin, et les données sollicitées limitées à celles dont la pertinence est avérée.

Le besoin auquel l'article 6 de la proposition de loi tente de répondre paraît clairement identifié : la carte de l'aidant doit permettre une identification facilitée de la personne aidante et doit apporter par une preuve matérielle la relation qui l'unit à la personne aidée. En revanche, la lettre même de l'article 6 entretient un doute sur la nature de l'objet qu'il entend créer : s'agit-il d'une simple carte ou d'un support d'informations dématérialisées ?

Dans les deux cas, la solution ne paraît pas la plus adéquate. Dans le cas d'un simple objet matériel, le seul coût lié à l'émission et à l'attribution de cette carte suffit à rendre la mesure dissuasive 14 ( * ) . Dans le cas d'un support de données personnelles dématérialisées, la Cnil a pointé à vote rapporteur l'éventuelle disproportion du moyen par rapport au besoin, étant donné les traitements et systèmes d'informations existants.

C'est pourquoi votre rapporteur a déposé un amendement n° COM-9 de réécriture de cet article proposant l'identification de la personne aidante au sein du dispositif existant de la carte vitale . Il s'agirait d'intégrer aux dispositions régissant cette carte, normalement strictement personnelle, une dérogation concernant l'identité du proche aidant. L'amendement précise que l'intégration ou le retrait de ces données sur la carte de la personne aidée peut se faire sur demande simple de cette dernière ou de la personne agissant en son nom, cosignée par la personne désignée.

Le recours à la carte vitale dispense par ailleurs de mentionner dans l'article comme destinataires spécifiques de ce dispositif les bénéficiaires de l'AEEH ou de l'AJPP (les enfants étant jusqu'à 16 ans automatiquement inclus sur la carte vitale d'un de leurs parents).

La désignation de la personne de confiance pose des problèmes plus délicats.

La personne de confiance

Au sens de l' article L. 1111-6 du code de la santé publique (CSP) , la personne de confiance désigne « un parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin. Elle rend compte de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage. Cette désignation est faite par écrit et cosignée par la personne désignée. Elle est révisable et révocable à tout moment ». Cette personne de confiance peut l'accompagner dans ses démarches et assister aux entretiens médicaux.

Au sens de l' article L. 311-5-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF) , la personne de confiance, définies dans les mêmes conditions et disposant des mêmes prérogatives que précédemment, peut être désignée par une personne accompagnée en établissement ou service médico-social.

Ces deux personnes de confiance peuvent ne pas être les mêmes, et peuvent également ne pas se confondre avec l'aidant.

Le dispositif initial de l'article 6 vise un cas spécifique : celui du proche aidant non explicitement désigné comme personne de confiance, et donc non habilité à accompagner et assister la personne aidée dans les moments normalement strictement individuels de son parcours médical et médico-social.

Le droit existant prévoit l'obligation de proposer au patient admis en hospitalisation à l'usager d'un établissement ou service médico-social de désigner une personne de confiance au sens du CSP ou du CASF. Ainsi, la désignation du proche aidant comme personne de confiance, si elle est souhaitée par la personne aidée, ne rencontre pas d'obstacle. En revanche, la personne aidée qui ne fait l'objet d'aucune hospitalisation ou d'aucun accueil en établissement ou service médico-social peut ne jamais avoir l'occasion de désigner une personne de confiance, ce qui peut compliquer l'accompagnement que lui apporte l'aidant.

Dans ce même amendement n° COM-9 , votre rapporteur propose donc que le droit pour tout bénéficiaire de l'APA, de la PCH ou de l'AAH de désigner une personne de confiance lui soit notifié par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) au moment de la reconnaissance de ses droits, à charge pour lui, ainsi que la personne de confiance, de formaliser cette désignation par un courrier à la caisse d'assurance maladie d'affiliation. L'amendement ne mentionne pas les personnes atteintes d'ALD, puisque l'obligation de leur proposer une personne de confiance est déjà appliquée au début de leur hospitalisation.

Votre rapporteur a souhaité conserver les dispositions enrichissant l'information de l'aidant, compte tenu de la forte demande à laquelle elles répondraient opportunément.

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 7
Gage

Objet : Cet article prévoit le gage des éventuelles conséquences financières du texte.

I - Le dispositif proposé

L'article 7 gage les éventuelles conséquences financières pour les organismes de sécurité sociale et pour les administrations centrales de la présente proposition de loi par la création d'une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs.

II - La position de la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

M. Alain Milon , président . - Nous examinons ce matin le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants. Je rappelle que ce texte est inscrit à l ' ordre du jour du jeudi 25 octobre prochain dans le cadre de l ' espace réservé du groupe Union centriste.

M. Olivier Henno , rapporteur . - C ' est avec une fierté particulière que je présente le rapport sur la proposition de loi de Mme Jocelyne Guidez, fruit de son rapport de janvier dernier sur un texte ouvrant le don de jours de congés payés entre salariés, en faveur de proches aidants.

Un récent sondage le montre, cette question est une préoccupation largement partagée dans l ' opinion publique : 40 % des Français ont entendu parler de la notion de proche aidant, en progression de quinze points par rapport à 2015 ; 23 % des sondés se disent aidants eux-mêmes, en hausse de six points ; 57 % des aidants déclarent s'occuper de proches en situation de dépendance due à la vieillesse, une augmentation de huit points ; et 31 % des aidants négligent leur propre santé et sont victimes de stress, de manque de sommeil, de douleurs physiques.

Le texte que nous examinons aujourd ' hui s ' inscrit dans la lignée d ' un engagement parlementaire constant et indifférent aux clivages politiques. Il succède à la proposition de loi de notre collègue député Paul Christophe, devenue la loi du 13 février 2018, et à la proposition de loi de notre collègue député Pierre Dharréville. Ces textes ont pour préoccupation principale l ' amélioration des conditions de vie des personnes dites proches aidants qui consacrent une partie de leur temps au soutien d ' un proche, dont la perte d ' autonomie rend nécessaire un accompagnement de tous les instants.

Il s ' agit d ' un public divers, discret et difficile à répartir en catégories nettes : c ' est autant l ' époux âgé qui soutient son conjoint, l ' enfant qui accompagne son parent vieillissant dans la perte d ' autonomie que le parent contraint de suspendre son activité pour s ' occuper d ' un enfant en situation de handicap.

On a d ' autant plus de mal à les saisir qu ' eux-mêmes mettent un point d ' honneur à échapper à nos regards. Apportant à leurs proches le soutien sans faille que commande la simple solidarité du foyer, ils ne demandent pas de statut, de revenu ou de droits. Seulement que la société reconnaisse que, même si elle leur est naturelle, leur action ne va pas sans sacrifice.

Le rapport de Jocelyne Guidez avait dressé le panorama de la reconnaissance sociale de l ' aidant, grande oeuvre inachevée, et la présente proposition de loi, au terme d ' un long travail de préparation et d ' auditions, s ' emploie à combler les nombreuses lacunes de cette reconnaissance.

Le principal apport concerne l ' indemnisation du congé de proche aidant. Cette mesure bienvenue ne pouvait plus attendre : une avancée sociale qui autorise le salarié à interrompre son activité professionnelle pour s ' occuper à plein temps d ' un proche sans aucune indemnité est évidemment insuffisante... Du reste, le taux de recours à ce dispositif est très faible.

La proposition de loi prévoit par ailleurs une réaffirmation des droits sociaux des proches aidants, en harmonisant les règles de majoration de durée d ' assurance et d ' affiliation obligatoire à l ' assurance vieillesse du régime général. Il s ' agit surtout de corriger les iniquités et disparités entre aidants, selon que la personne aidée est atteinte d ' une perte d ' autonomie liée à l ' âge ou à un handicap.

Le texte comporte aussi une avancée importante en matière d ' information et de reconnaissance de l ' aidant comme un acteur majeur de l ' accompagnement de la dépendance.

Les modifications que je propose touchent essentiellement la mesure principale : la création de l ' indemnité du congé de proche aidant.

Voilà maintenant près de trois ans que le congé de proche aidant a été créé par la loi portant adaptation de la société au vieillissement, distinguant pour la première fois les droits ouverts aux aidants du régime juridique applicable aux personnes accompagnant des proches en fin de vie. Le congé de proche aidant a donc rejoint le congé de présence parentale et le congé de solidarité familiale au rang des congés sociaux. Contrairement aux deux derniers, il n ' ouvrait cependant aucun droit à indemnité, diminuant fortement l ' incitation à y prétendre.

L ' article 2 de la proposition de loi prévoit l ' instauration d ' une indemnité, dont le financement repose sur un principe original et innovant : le droit de tirage de l ' employeur sur un fonds spécifique alimenté par une surcote portée à un niveau maximal de 1,7 % sur les primes de produits assurantiels. Nous en attendons un produit d ' environ 200 millions d ' euros, largement susceptible d ' absorber le recours escompté.

Voilà qui, en première analyse, peut paraître incongru. Mais, à bien y réfléchir, nous examinons là un précurseur de ce que la réforme de la dépendance annonce sans le dire clairement, à savoir la mobilisation de ressources privées pour le financement du grand âge. Pour ma part, j ' y souscris pleinement.

Les modifications que je vous propose d ' apporter à ce dispositif sont de plusieurs ordres. Premièrement, il me semble préférable de calquer le financement de l ' indemnité de proche aidant sur celui de l ' allocation journalière de présence parentale, essentiellement dans un but de clarification et de simplification. Les publics de ces deux indemnités n ' étant pas confondus, le risque de doublon se trouve donc écarté. Par ailleurs, je vous propose de circonscrire précisément la source du financement de cette indemnité, en la limitant aux encours des contrats de retraite professionnelle supplémentaire.

Un point me paraît capital. L ' indemnité de proche aidant créée par cette proposition de loi ne doit pas se limiter au dédommagement d ' une interruption d ' activité professionnelle. Elle est symptomatique d ' un véritable changement dans l ' accompagnement de la dépendance.

Alors que les pouvoirs publics font la promotion active du virage inclusif, de la désinstitutionalisation de l ' accompagnement et d ' un maintien à domicile prolongé le plus longtemps possible, les financements indemnisant ces nouvelles formes de soutien à la dépendance ont pleinement vocation à se substituer à long terme au suivi médicalisé en établissement médico-social, dont il nous faut dépasser le modèle. C ' est vers ces financements indemnitaires, concentrés sur l ' aide humaine, qu ' il nous faut aller, et non plus vers les financements forfaitaires de structures hyper-médicales, où la forme que prend l ' aidant n ' est plus que celle du soignant.

D ' autres modifications vous seront proposées. J ' en cite trois : à l ' article 1 er , la précision du champ obligatoire de la négociation collective en entreprise, qui devra intégrer la conciliation de la vie personnelle et de la vie professionnelle de l ' aidant ; à l ' article 4, les modalités d ' harmonisation d ' affiliation obligatoire à l ' assurance vieillesse du régime général de tous les proches aidants, quelle que soit la personne qu ' ils accompagnent ou leur statut professionnel lorsqu ' ils ont choisi d ' interrompre leur activité ; enfin, à l ' article 6, j ' apporterai d ' importantes modifications à l ' information et à la reconnaissance de l ' aidant par les traitements et systèmes d ' informations de santé existants.

Aujourd ' hui, l ' autre grande difficulté, à laquelle les proches aidants se trouvent confrontés, concerne leur prise en considération par les professionnels de santé qui interviennent auprès de la personne aidée dans le cadre de son parcours de soins et de vie. L ' article 6, enrichi des modifications que je vous propose, a vocation à permettre ce dialogue, tout en garantissant à l ' aidant comme à l ' aidé l ' exercice de leur consentement mutuel. Je propose notamment qu ' à titre dérogatoire la carte vitale de la personne aidée puisse contenir des informations nominatives relatives à son aidant. Par ailleurs, je propose de faciliter pour la personne aidée les modalités selon lesquelles elle peut nommer une personne de confiance, sans avoir à être hospitalisée ou accueillie en structure médico-sociale.

Vous le voyez, ce texte fait preuve d ' une grande ambition.

Pour autant, malgré les indéniables avancées qu ' il annonce, rien ne nous assure de sa prospérité. Permettez-moi à cet égard de vous faire part du profond étonnement que j ' ai ressenti au fur et à mesure que se déroulaient mes auditions. Les principaux acteurs publics concernés par le sujet, dont les cabinets des deux ministres compétents, ont manifesté leur assentiment, voire leur enthousiasme, quant au contenu de la proposition de loi. Ils ont cependant réservé leur accord, au motif que sa potentielle adoption contrarierait le calendrier et le contenu des réformes d ' ampleur annoncées par le Gouvernement pour l ' année à venir et dont notre commission aura à connaître.

Nos intentions sont donc indéniablement partagées, mais nous sommes poliment invités à les contenir...

M. Alain Milon , président . - Ce n'est pas la première fois !

M. Olivier Henno , rapporteur. - ... puisqu ' elles anticipent les volets relatifs aux aidants que la réforme des retraites, celle de la dépendance et l ' évolution de l ' accompagnement des personnes handicapées ne manqueront pas d ' intégrer.

Je ne partage pas cette opinion. L ' une des causes principales, à mon sens, des lacunes profondes, dont pâtissent les droits sociaux des aidants, est précisément cette habitude que les grands textes sociaux ont prise de n ' en traiter que de manière incidente, subsidiaire et surtout disparate. Ce ne sont pas moins de quatre grands chantiers qui prévoient dans leur feuille de route d ' aborder séparément le sujet des aidants. Quelle avancée des droits des aidants peut-on espérer d ' une approche aussi dispersée qui, sans vision d ' ensemble et sans coordination, ne manquera pas de rater sa cible ?

Le sujet mérite que nous nous en saisissions pleinement. Les aidants nous étaient jusqu ' alors trop peu connus, trop peu identifiés pour être traités autrement que par le prisme des publics auxquels ils apportent leur appui. L ' heure est venue de les considérer tels qu ' en eux-mêmes et de leur consacrer la réforme que l ' urgence de leur situation appelle.

Là où le Gouvernement maintient le séquençage - je doute pour ma part des résultats - la proposition de loi suggère que nous embrassions d ' un seul regard une palette de droits nouveaux pour tous les aidants, leur offrant ainsi le seul vecteur possible de progrès.

Il serait particulièrement dommage qu ' un texte qui recueille l ' avis favorable, explicite ou implicite, de l ' ensemble des acteurs publics compétents, ne trouve pas d ' aboutissement pour de simples motifs d ' opportunité calendaire. En se saisissant de l ' opportunité que lui offrent les espaces réservés des groupes politiques, en conduisant un travail de longue haleine où tous les acteurs concernés, y compris le Gouvernement, ont été reçus et écoutés, en produisant un texte équilibré et raisonnable dont les dispositions sont de simple justice, le Sénat exerce pleinement son rôle de législateur.

C ' est pourquoi je vous invite à donner à ce texte l ' approbation la plus large, afin que la navette parlementaire puisse, dégagée de toute considération secondaire, faire de cette oeuvre utile une oeuvre effective.

Mme Jocelyne Guidez . - Je remercie vivement notre rapporteur pour son excellent travail, qui emporte mon plus grand soutien. En janvier dernier, je rapportais pour le compte de notre commission la proposition de loi sur le don de jours de repos pour les proches aidants. Comme vous vous en souvenez, le Sénat l ' avait adoptée conforme.

Du fait de mon expérience personnelle, mais également des auditions que j ' avais réalisées en vue de l ' élaboration du rapport, j ' avais l ' intime conviction que nous devions poursuivre le travail pour compléter le dispositif adopté.

Je suis loin d ' être la seule convaincue, vous l ' avez constaté, les initiatives parlementaires à l ' Assemblée nationale et au Sénat ont été nombreuses.

Jusqu ' à maintenant, elles ont malheureusement avorté. La proposition de loi de notre collègue Pierre Dharréville, qui faisait suite à la proposition de Paul Christophe, a été renvoyée en commission. L ' amendement, que j ' avais déposé à l ' occasion de l'examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et qui concernait l ' obligation pour les branches de négocier sur l ' articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés proches aidants, a été censuré par le Conseil constitutionnel, qui a malheureusement estimé qu'il s ' agissait d ' un cavalier législatif. Je rappelle que nous avions adopté cet amendement à l ' unanimité. L ' Assemblée nationale avait conservé cet apport en dernière lecture, le Gouvernement donnant un avis défavorable à un amendement de suppression.

Cette liste, non exhaustive, témoigne d ' une dynamique parlementaire forte et transpartisane.

C ' est pourquoi, afin d ' apporter des garanties de sérieux au Gouvernement, j ' ai veillé à élaborer un texte pragmatique, innovant et sobre, qui prévoit notamment une indemnisation du congé de proche aidant financée par un fonds spécifique. Notre rapporteur a également travaillé en ce sens pour perfectionner et adapter le dispositif. Ainsi, nous sommes dans les meilleures dispositions pour que le Gouvernement voie dans ce texte une opportunité plutôt qu ' une contrariété. Toutefois, le rapporteur ne devrait pas me contredire, le travail de persuasion est particulièrement délicat...

L ' objectif de ce texte est simple : répondre enfin aux préoccupations des aidants et leur apporter le soutien nécessaire à la mission qu ' ils assurent.

Au cours de mes travaux préparatoires, j ' ai eu l ' occasion de recueillir de très nombreux témoignages qui, éclairants, parfois poignants, ont confirmé mon intuition : il est urgent de s ' occuper des aidants en tant qu ' individus et de prendre enfin en compte leurs spécificités.

C ' est pourquoi j ' ai présenté un dispositif construit autour de la vie de l ' aidant.

D ' abord, l'identifier pour l ' informer de sa qualité de proche aidant, des droits dont il dispose et des soutiens disponibles et pour lui permettre d ' être reconnu à ce titre par le corps médical qui s'occupe de la personne aidée.

Ensuite, permettre aux salariés proches aidants d'être en mesure d'exposer simplement leur situation au sein de leur entreprise. Pour ce faire, la proposition de loi prévoit que les branches professionnelles négocient les termes de la conciliation entre vie personnelle et professionnelle de l ' aidant.

Par ailleurs, étendre et indemniser le congé de proche aidant.

Enfin, décharger le proche aidant de questionnements sur l ' assurance retraite, en simplifiant et uniformisant les droits sociaux entre aidants de personnes handicapées et de personnes dépendantes.

Les mesures de la proposition de loi sont centrées sur la vie des proches aidants et constituent des réponses logiques, pratiques et novatrices aux témoignages des associations et des proches aidants eux-mêmes.

Vous n ' ignorez pas l ' existence de ces situations. Parfois, la détresse existe ; non exprimée, elle est clairement perceptible. Certains d ' entre nous en ont connaissance pour des raisons personnelles, d ' autres ont pu observer cela à l ' occasion de l ' exercice de leur mandat. Ces situations sont malheureusement très communes et il est urgent d ' agir.

Soyons clairs, les proches aidants n ' exigent rien, ils n ' en ont pas le temps ! Cette mission qu ' ils endurent est un sacerdoce, dont ils ne se plaignent pas. Ils savent qu ' ils sont les soutiens impérieux de personnes ne pouvant vivre sans leur présence. Et pourtant, cette mission est un poids qui devient parfois insupportable et qui aboutit à des situations d ' une extrême gravité. C ' est donc à nous de réagir, de prendre nos responsabilités, car les pouvoirs publics ne se substitueront pas à leurs actions.

Cette proposition de loi parle avant tout de la vie du proche aidant en tant qu ' individu, et non comme le simple accompagnant d ' un tiers. Le Gouvernement entreprend des travaux sur la dépendance et abordera de manière connexe le sujet des aidants. À l ' inverse, dans cette proposition de loi, nous nous concentrons avant tout sur leur vie, nous leur devons bien cela.

La semaine passée a eu lieu la journée nationale des aidants. Présente à plusieurs événements, j ' ai reçu de nombreux témoignages d'associations et de personnes intéressées. Notre démarche est soutenue, attendue, souhaitée de tous.

La proposition de loi initiale a tracé la voie, notre rapporteur en précise utilement les contours et je le remercie chaleureusement pour ses travaux d ' une très grande qualité. Mes chers collègues, je vous fais également confiance. Nous pouvons nous retrouver unis pour soutenir un texte, dont chacun d ' entre nous mesure l ' importance.

Cette question dépasse d'ailleurs celle des aidants, il s ' agit finalement de la société tout entière, car la pyramide des âges ne laisse pas de doute, les proches aidants seront de plus en plus nombreux. Nous nous apprêtons donc à apporter des solutions concrètes et réalistes à un enjeu social et sociétal majeur.

Nous pourrions imaginer des solutions encore plus novatrices, plus coûteuses, plus nombreuses, mais soyons lucides, ce texte apporte déjà de grandes avancées. Il s ' agit d ' adopter un texte sérieux, qui ne soit pas de l ' affichage et qui constitue un véhicule législatif fiable et amendable par le Gouvernement.

Il y a urgence, le front doit être uni et la voix du Sénat doit être claire. C ' est en étant rassemblés que nous serons entendus et que nous pourrons oeuvrer utilement en faveur de ceux qui sont aujourd ' hui largement ignorés, peu considérés et non accompagnés. Une proposition de loi est devant nous, elle est celle du Sénat ; j ' espère que nous la porterons comme telle pour qu ' elle devienne celle d ' une France à la hauteur de la fraternité, à laquelle nous aspirons tous.

M. Philippe Mouiller . - Je salue cette initiative, qui tombe à point nommé, car il est nécessaire de reconnaître le rôle des proches aidants et de les accompagner, y compris sur un plan psychologique. Il est évidemment essentiel que le Sénat soit présent dans ce débat. J ' aurais deux questions. En ce qui concerne l ' indemnité qui est prévue par le texte, est-elle identique quel que soit le type d ' accompagnement, quelles que soient les missions des proches aidants ? Par ailleurs, est-ce que le texte prévoit un droit à la formation pour les aidants ?

Mme Nadine Grelet-Certenais . - Alors que le comité interministériel du handicap a été repoussé pour cause de remaniement ministériel, l'examen de cette nouvelle proposition de loi portant sur les aidants nous donne l'occasion de soulever les difficultés rencontrées par ces personnes, qui ont bien besoin d'être, à leur tour, aidées. Puisque le grand projet de loi promis par le Gouvernement n'arrive pas, il est tout à fait pertinent que les parlementaires se saisissent de cette problématique.

On estime à environ 8,3 millions le nombre d'aidants en France et ce sont majoritairement des femmes. La proposition de Pierre Dharréville avait lancé le débat au printemps dernier. Au regard du vieillissement de la population, il est temps de reconnaître le travail quotidien de toutes les personnes aidantes.

Dans le rapport remis par Dominique Gillot au Gouvernement en juin 2018, il est indiqué que, même si les données existantes sont peu fiables, certaines études estiment que le dévouement des proches aidants équivaut à une économie chiffrée entre 16 et 164 millions d'euros par an pour les finances publiques. Sans aidants, il n'y a donc tout simplement pas de politique d'accompagnement des personnes en perte d'autonomie !

C'est aussi une question de santé publique, car les aidants font régulièrement face à des situations d'épuisement, de « burn-out ». Le même rapport de Dominique Gillot démontre bien ce phénomène, tout comme une récente étude de la Ligue nationale contre le cancer.

Les aidants doivent donc être accompagnés et nous sommes en accord avec les propositions de ce texte, qui améliorera la qualité de vie des aidants, tout en leur permettant d'affronter avec moins d'angoisses leur vie professionnelle.

Mme Florence Lassarade . - Nous sommes tous confrontés à ces problèmes dans nos départements. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur votre proposition d'inscrire sur la carte vitale des personnes aidées des informations nominatives relatives à la personne aidante ?

M. Michel Amiel . - Monsieur le rapporteur, vous indiquez que « les financements indemnisant les nouvelles formes de soutien à la dépendance ont pleinement vocation à se substituer à long terme au suivi médicalisé en établissement médico-social, dont il nous faut dépasser le modèle ». Je ne suis pas entièrement d'accord avec vous sur ce point. En effet, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les Ehpad, reçoivent aujourd'hui des personnes déjà très âgées - environ 83 ans -, si bien que le maintien à domicile, dont je soutiens évidemment le principe, ne peut pas se substituer en pratique à ces structures. C'est l'état physique des personnes hébergées qui entraîne la médicalisation importante des Ehpad.

En ce qui concerne le financement, vous proposez la création d'un fonds spécifique. Avez-vous chiffré le montant global qu'il pourrait atteindre ?

M. Olivier Henno , rapporteur. - Environ 200 millions d'euros.

M. Michel Amiel . - Cette mesure ne peut donc pas constituer un financement de la dépendance... Il ne s'agit pas de financer le cinquième risque, souvent évoqué et qui, à mon sens, ne peut relever que d'un système individuel obligatoire d'assurance privée.

Mme Laurence Rossignol . - Le processus de reconnaissance du statut de proche aidant a été enclenché depuis quelques années, mais il est vrai que nous n'avons pas encore atteint le niveau optimum de prise en compte et d'accompagnement. Cette proposition de loi contribue à ce processus.

Nous pourrions aussi évoquer une autre piste. Le code du travail prévoit un congé de trois jours non rémunéré par an permettant à un salarié de s'absenter si son enfant est malade. Nous pourrions étendre ce congé aux ascendants en situation de perte d'autonomie, d'autant que, souvent, les personnes concernées ne sont pas les mêmes.

Par ailleurs, ne serait-il pas intéressant de traduire cette proposition de loi dans un amendement qui pourrait être déposé sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat . - J'ai été infirmière à domicile pendant plus de trente-cinq ans et c'est aussi à ce titre que je soutiens cette proposition de loi. Lorsqu'une personne doit être aidée, il est évident que les relations entre elle et ses proches, ainsi que celles entre ses proches, deviennent plus difficiles en raison de la promiscuité et du caractère émotionnel de la situation. C'est notamment pour cette raison qu'il est important de prévoir des formations pour les aidants.

Par ailleurs, avez-vous consulté les conseils départementaux sur les mesures de cette proposition de loi ? Ces collectivités sont en effet amenées, notamment au travers de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, à traiter de ces questions.

Mme Patricia Schillinger . - Le Gouvernement prépare actuellement un vaste plan sur la dépendance, qui doit être présenté à la fin de 2019, et il me semble préférable de traiter ces questions de manière globale, plutôt que dans des textes éparpillés. Les situations sont très diverses ; souvent, les proches aidants sont eux-mêmes retraités et chacun constate dans sa vie personnelle que les dispositifs en vigueur ne fonctionnent pas très bien. C'est pourquoi le groupe La République En Marche s'abstiendra sur cette proposition de loi.

Mme Nassimah Dindar . - Il est vrai que le sujet est très complexe et les dispositifs multiples - ils relèvent de la maladie, du handicap et du vieillissement -, mais je ne partage pas ce qui vient d'être dit quant au calendrier et à la nécessité de regrouper les évolutions éventuelles dans une « grande loi ». Il me semble au contraire important d'adopter très vite des avancées à même de clarifier les droits existants et d'en créer de nouveaux.

Je rejoins les interrogations sur la nomenclature des aides prodiguées et le lien entre cette nomenclature et le financement. Il existe déjà différentes grilles de lecture, selon que l'on se situe dans l'APA, dans la PCH, prestation de compensation du handicap, ou dans les autres aides départementales.

Les personnes ont besoin d'être accompagnées et nous ne devons pas ajouter une complexité supplémentaire au système actuel. C'est pourquoi nous devons avancer pas à pas, comme le propose ce texte, sans attendre un éventuel projet global du Gouvernement.

M. René-Paul Savary . - Est-ce que le financement prévu concerne aussi les non-salariés ? Sont-ils concernés par le dispositif ? Par ailleurs, que se passe-t-il pour le proche aidant au moment où la personne aidée entre en Ehpad ? Comment se déroule pour lui la transition, en particulier en termes financiers ?

M. Guillaume Arnell . - Le législateur n'est pas là pour attendre les initiatives du Gouvernement ! Je n'ai pas hésité à cosigner ce texte, car je suis sensible à la détresse, à la solitude, à l'épuisement des aidants familiaux. Nous pouvons évidemment comprendre le calendrier gouvernemental, mais il ne doit pas nous empêcher d'agir.

La question de l'accompagnement des personnes en situation de dépendance est d'autant plus importante dans mon département que les places en Ehpad sont extrêmement coûteuses.

Le groupe RDSE apportera son soutien à cette proposition de loi, même s'il reste des questions en suspens, comme le financement.

Mme Laurence Cohen . - Le Gouvernement doit évidemment jouer son rôle, mais l'initiative législative appartient aussi au Parlement, qui doit pouvoir l'exercer pleinement.

Comme cela a été mentionné à plusieurs reprises, la question des proches aidants a été soulevée par notre collègue député Pierre Dharréville, qui a déposé, dès janvier 2018, une proposition de loi à ce sujet. Le texte que nous examinons aujourd'hui est très proche de celui déposé à l'Assemblée nationale et nous le soutenons, même si certains points peuvent encore être précisés.

Ce débat mérite d'être posé, parce que les proches aidants, qui sont souvent épuisés, ont vraiment besoin d'être soutenus et accompagnés.

M. Olivier Henno , rapporteur . - Je remercie à nouveau Jocelyne Guidez d'avoir déposé cette proposition de loi et il n'est pas impossible qu'un groupe politique demande son inscription à l'Assemblée nationale.

M. Mouiller, nous avons fait le choix, par souci de clarté et de lisibilité, d'une indemnité identique, quelles que soient les missions des proches aidants. Les questions de formation sont en partie renvoyées aux négociations collectives.

Je partage largement les propos de Mme Grelet-Certenais sur les difficultés rencontrées par les proches aidants.

Mme Lassarade m'a interrogé sur la carte vitale. Nous avons beaucoup discuté de cette question durant les auditions, notamment lorsque nous avons rencontré les représentants de la CNIL. Ce dispositif, qui est simple et dérogatoire, permet d'intégrer des informations relatives à la personne aidante sur la carte vitale de la personne aidée, notamment pour accomplir des actes en son nom, comme l'achat de médicaments.

Comme M. Amiel, je connais la situation des Ehpad, mais je crois que nous pouvons encore retarder l'entrée de certaines personnes dans ces structures. Je crois aussi que la piste d'une assurance privée obligatoire est celle que nous devons emprunter si nous parlons du financement de la dépendance, mais tel n'est pas l'objet de cette proposition de loi.

En ce qui concerne la mesure évoquée par Mme Rossignol, je crois qu'elle relève d'abord de la négociation collective de branche. Nous n'avons pas prévu de l'inscrire dans la loi, mais le débat est intéressant.

Divers aspects liés à la formation, sujet évoqué notamment par Mme Bonfanti-Dossat, seront contenus dans le guide de l'aidant prévu à l'article 6 de la proposition de loi. Par ailleurs, nous avons bien auditionné l'Assemblée des départements de France, notamment pour faire le lien avec l'APA. Je souhaiterais toutefois préciser que le financement des structures de répit relève uniquement de l'APA 2, dont les montants distribués par la CNSA sont sous-consommés.

La question de calendrier soulevée par Mme Schillinger est récurrente sous la V e République... Rien n'empêche le Gouvernement de reprendre une initiative du Sénat !

Monsieur Savary, l'indemnité prévue par la proposition de loi concerne exclusivement les salariés. En ce qui concerne la période de transition, au moment où la personne aidée entre en Ehpad, je rappelle que nous parlons ici d'un congé ; la personne aidante est donc censée reprendre son travail, si les conditions ne sont plus remplies.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

M. Olivier Henno , rapporteur . - L'amendement COM-1 fait de la discussion du thème des aidants un sujet obligatoire de la négociation collective de branche, ce qui n'est pas prévu par le droit actuel et relève pourtant de la compétence naturelle de la négociation de branche. Il prévoit également que les modalités de mise en oeuvre du congé de proche aidant figurent à la convention de branche à titre principal, et non à titre subsidiaire. En revanche, il retire le sujet des aidants des champs obligatoires de la négociation collective d'entreprise, afin de conserver à cette dernière une certaine souplesse.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

M. Olivier Henno , rapporteur . - L'amendement COM-2 propose de rétablir la capacité du salarié de décider de la fin anticipée de son congé de proche aidant. Par ailleurs, il rétablit la diminution importante des ressources du salarié au rang des causes de fin anticipée.

L'amendement COM-2 est adopté.

M. Olivier Henno , rapporteur . - Dans un souci de lisibilité et de cohérence globale des dispositifs d'indemnisation des congés sociaux, l'amendement COM-3 calque le montant de l'indemnité de proche aidant sur l'AJPP, avec l'intégration du même plafonnement mensuel à 22 jours par mois.

L'amendement COM-3 est adopté.

M. Olivier Henno , rapporteur . - L'amendement COM-4 clarifie l'assiette de financement de l'indemnité de proche aidant. Il mentionne explicitement l'article du code de la mutualité qui rassemble les contrats individuels et collectifs de retraite professionnelle supplémentaire. Il précise par ailleurs que d'autres sources de financement pourront venir abonder le fond.

L'amendement COM-4  est adopté.

M. Olivier Henno , rapporteur . - L'article 2 de la proposition de loi prévoit la suppression du nombre de renouvellements possibles du congé de proche aidant du champ de la négociation collective, ouvrant ainsi la possibilité d'un renouvellement illimité et d'un risque élevé de soutenabilité. L'amendement COM-5 suggère de revenir sur cette disposition.

L'amendement COM-5  est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

L'amendement rédactionnel COM-10 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

M. Olivier Henno , rapporteur . - L'amendement COM-6 se penche sur la question de l'affiliation obligatoire à l'assurance vieillesse du régime général des aidants travailleurs non-salariés et précise les modalités de leur rapprochement avec les travailleurs salariés éligibles au CPA. Outre quelques modifications de coordination, il s'agit notamment d'aligner la durée maximale d'affiliation sur celle d'éligibilité au CPA, à savoir trois ans.

L'amendement COM-6 est adopté.

M. Olivier Henno , rapporteur . - Outre une correction de clarification, l'amendement COM-7 supprime les accueillants familiaux du dispositif d'affiliation pour les mêmes raisons que pour l'amendement précédent.

L'amendement COM-7 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

M. Olivier Henno , rapporteur . - L'amendement COM-8 tire les conséquences de l'existence du dispositif visé par l'article 5 au sein de la loi pour un État au service d'une société de confiance. Il retient néanmoins le décret d'application de l'expérimentation du relayage pour les agents travaillant en établissement ou service médico-social public.

L'amendement COM-8 est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

M. Olivier Henno , rapporteur . - L'amendement COM-9 rectifié, de réécriture, donne plus de cohérence au dispositif sans lui retirer son esprit initial. Pour des raisons de pragmatisme et de respect du principe de proportionnalité, il propose que l'identification de l'aidant figure au sein de la carte vitale, avec toutes les garanties ouvertes pour la personne aidante et la personne aidée.

M. Bernard Jomier . - J'avais cosigné cette proposition de loi pour apporter une solution, même partielle, à cette problématique importante. Cet amendement me laisse perplexe. Vous nous dites avoir sollicité l'avis de la CNIL. À mon sens, porter de nouvelles informations, même non médicales, sur la carte Vitale, n'est pas insignifiant. Cela revient à révéler des liens affectifs, ou autres, sur un support électronique qui peut être lu par d'autres personnes. Certes, il y a des garanties, mais j'estime qu'il faudrait approfondir les consultations, notamment avec les associations de patients et l'ordre des médecins, pour déterminer sur l'intérêt de cette mesure l'emporte sur ses inconvénients. Pour l'instant, je n'y suis pas favorable.

Mme Florence Lassarade . - Pourquoi l'aidant familial ne se signalerait-il pas comme tel sur sa propre carte Vitale ?

M. Olivier Henno , rapporteur . - Ces questions ont été soulevées lors des auditions, mais cette mesure repose sur le consentement des personnes intéressées - consentement qu'elles peuvent révoquer à tout moment. Elle semble donc une bonne solution, moins coûteuse de surcroît que la création d'une carte de proche aidant.

L'amendement n° COM-9 rectifié est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

L'article 7 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Intégration du thème des proches aidants à la négociation collective

M. HENNO, rapporteur

1

Négociation collective de branche

Adopté

Article 2
Indemnisation du congé de proche aidant

M. HENNO, rapporteur

2

Fin anticipée du congé

Adopté

M. HENNO, rapporteur

3

Montant de l'indemnité

Adopté

M. HENNO, rapporteur

4

Taxe sur les produits assurantiels

Adopté

M. HENNO, rapporteur

5

Renouvellement du congé

Adopté

Article 3
Majoration de durée d'assurance

M. HENNO, rapporteur

10

Rédactionnel

Adopté

Article 4
Affiliation obligatoire à l'assurance vieillesse obligatoire

M. HENNO, rapporteur

6

Durée maximale d'affiliation

Adopté

M. HENNO, rapporteur

7

Accueillants familiaux

Adopté

Article 5
Expérimentation du relayage

M. HENNO, rapporteur

8

Réécriture de l'article

Adopté

Article 6
Dispositions relatives à l'information du proche aidant

M. HENNO, rapporteur

9 rect.

Réécriture de l'article

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

___________

• Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)

Cécile Tagliana , cheffe de service, adjointe au directeur général de la cohésion sociale

Jean-Guillaume Bretenoux , sous-directeur de l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées

Nadia Arnaout , cheffe de bureau «droits et aides à la compensation »

Mélodie Simon , adjointe à cheffe de bureau «droits et aides à la compensation »

Carole Bugeau , chargée de mission

• Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) - Direction de la compensation de la perte d'autonomie

Stéphane Corbin , directeur

• Association française des aidants

Florence Leduc , présidente

• Jocelyne Guidez , sénatrice, auteur du rapport sur la proposition de loi « don de jours de congés payés au proche aidant »

• Secrétariat d'État auprès du Premier ministre, chargé des personnes handicapées

Virginie Magnant , directrice de cabinet

Jean-Guillaume Bretenoux , sous-directeur de l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées

Mélodie Simon , adjointe à la cheffe de bureau des droits et aide à la compensation

• Assemblée des départements de France (ADF)

Geneviève Mannarino , vice-présidente du département du Nord

Jean-Michel Rapinat , directeur des politiques sociales

Marylène Jouvien , chargée des relations avec le Parlement

• Direction de la sécurité sociale (DSS) - Ministère des solidarités et de la santé Ministère des solidarités et de la santé

Denis Le Bayon , sous-directeur Accès aux soins

• Ministère des solidarités et de la santé

Aude Muscatelli , directrice adjointe de cabinet, Solidarités

Margaux Bonneau , conseillère parlementaire

• Commission nationale informatique et libertés (Cnil)

Wafae El Boujemaoui , cheffe du service des questions sociales et ressources humaines (Direction de la conformité)

Tiphaine Havel , conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires


* 1 Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement.

* 2 Loi n° 2018-84 du 13 février 2018 créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap.

* 3 Rapport n° 234 (2017-2018) de Mme Jocelyne GUIDEZ, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 24 janvier 2018.

* 4 Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement.

* 5 Même si, sur les 88 membres que comprend le Conseil de l'âge, seul un membre représente les aidants (au titre de l'Association nationale des aidants).

* 6 L'article L. 544-9 du code de la sécurité sociale dispose notamment que l'AJPP n'est pas cumulable avec l'indemnisation des congés de paternité ou de maternité, l'indemnisation des congés de maladie ou d'accident du travail, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), ou la prestation de compensation du handicap (PCH).

* 7 Rapport d'information n° 341(2017-2018) de M. Bernard BONNE, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat.

* 8 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 9 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 10 Décision n° 2018-769 DC du 4 septembre 2018.

* 11 L'article L. 2241-1 du code du travail prévoit en effet plus largement que les « conditions de travail » sont obligatoirement inscrites au sein des thèmes de la négociation de branche.

* 12 Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

* 13 Rapport n° 329 (2017-2018) de Mme Pascale GRUNY et M. Jean-Claude LUCHE, fait au nom de la commission spéciale, déposé le 22 février 2018.

* 14 À titre indicatif, d'après la CNSA, le coût de fabrication d'une carte mobilité inclusion (CMI) est de 4,50 euros.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page