EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE 1er
(Art. L. 2335-17 du code général des collectivités territoriales)

Fonds de maintien et de création des distributeurs automatiques de billets dans les communes rurales

. Commentaire : le présent article prévoit de créer un fonds dédié au maintien et à la création de distributeurs automatiques de billets dans les communes rurales, financé par l'affectation d'une fraction du produit de la taxe au profit du fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des produits structurés, des dons et une participation de la Caisse des dépôts et consignations, qui serait chargée d'en assurer la gestion.

I. LE DROIT EXISTANT

A. TROIS MOYENS GÉNÉRAUX D'ACCÈS AUX ESPÈCES SONT PERMIS

L'accès aux espèces fait l'objet d'un encadrement strict dans un double objectif de lutte contre le blanchiment de capitaux et de sécurité publique.

En application de l'article L. 141-5 du code monétaire et financier, la Banque de France a pour mission d'assurer l'entretien de la monnaie fiduciaire et de gérer la bonne qualité de sa circulation sur l'ensemble du territoire.

Le retrait d'espèces sur un compte de paiement constitue un service de paiement au sens de l'article L. 314-1 du code monétaire et financier. La définition des prestataires de paiement est précisée à l'article L. 521-1 du même code : sont visés « les établissements de paiement, les établissements de monnaie électronique, les établissements de crédit et les prestataires de services d'information sur les comptes ».

Trois moyens d'accès doivent être distingués :

- les distributeurs automatiques de billets proposés par les établissements de crédit, La Poste, les établissements de monnaie électronique, les établissements de paiement et leurs prestataires, dans le cadre de la mission générale de gestion de la monnaie fiduciaire confiée à la Banque de France. En application des articles R. 122-4 à R. 122-11 et R. 123-1 à R. 123-3 du code monétaire et financier, ces établissements doivent respecter les normes de conditionnement et de versement édictées par la Banque de France et procéder à la vérification des billets de banque. Ils doivent distribuer des billets prélevés directement auprès de la Banque de France. À défaut, les établissements de crédit doivent conclure au préalable une convention avec la Banque de France pour définir les conditions dans lesquelles ils alimentent un automate délivrant des billets. Le nombre de distributeurs automatiques de billets s'élève à environ 56 000 sur le territoire national ;

- en application de l'article L. 523-1 du code monétaire et financier, certains établissements bancaires passent une convention avec des commerçants pour qu'ils exercent pour leur compte des activités de services de paiement consistant en l'installation au sein de leurs locaux d'un distributeur automatique de billets . Environ 4 000 commerçants proposeraient ce service ;

- la délivrance d'espèces par un commerçant à l'occasion d'une opération de paiement pour l'achat d'un bien ou d'un service, souvent désignée sous le terme anglais de « cashback ». Cette faculté proposée aux commerçants volontaires est prévue à l'article L. 112-14 du code monétaire et financier, introduit par la loi du 3 août 2018 16 ( * ) . Elle n'est toutefois pas encore applicable , dans la mesure où un décret doit encore intervenir pour préciser le montant minimal de l'opération de paiement ouvrant droit à la délivrance d'espèces ainsi que le montant maximal pouvant être décaissé dans ce cadre. Ce décret pourrait être publié d'ici la fin de l'année.

B. UN MOYEN SPÉCIFIQUE EST PROPOSÉ POUR LES DÉTENTEURS D'UN COMPTE POSTAL

Par ailleurs, un moyen d'accès spécifique existe par l'intermédiaire du réseau de points de contacts de La Poste . Cet accès résulte de la conjonction des deux missions de service public confiées d'une part à La Poste, relative à l'aménagement du territoire , et d'autre part à La Banque Postale, relative à l'accessibilité bancaire .

L'article 6 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France télécom oblige La Poste à disposer d'un réseau de 17 000 points de contact répartis sur le territoire national .

En parallèle, une mission historique d'accessibilité bancaire est confiée à La Banque Postale ; elle a été confirmée lors de l'ouverture à la concurrence du Livret A en 2008 17 ( * ) . S'exerçant au travers du Livret A, elle repose sur l'universalité, la gratuité du Livret A et la possibilité de l'utiliser comme quasi compte courant, en y rattachant certaines opérations. Environ deux millions de personnes utiliseraient ce dispositif de bancarisation .

En pratique, La Poste propose aux clients de La Banque Postale, dans chacun de ses points de contact, un service d'accès aux espèces permettant une gamme complète de services dans les agences postales. Pour les agences postales communales et les relais postaux commerçants, un retrait d'espèces dans la limite respectivement de 350 euros et de 150 euros par semaine est possible.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article vise à créer un fonds de maintien et de création des distributeurs automatiques de billets dans les communes rurales.

Il complète à cet effet le code général des collectivités territoriales (CGCT) en créant une section 7 comprenant un article unique au sein du chapitre dédié aux dotations, subventions et fonds divers à destination des communes.

Le nouvel article L. 2335-17 du CGCT créé par le présent article institue un fonds dédié au maintien et à la création des distributeurs automatiques de billets dans les communes rurales.

A. LES RESSOURCES DU FONDS NE SONT PAS PRÉCISÉMENT DÉFINIES

Son I précise les ressources du fonds , composé de trois types de recettes :

- l'affectation d'une fraction du produit de la taxe pour le financement du fonds de soutien aux collectivités territoriales, acquittée par les établissements de crédit et autres établissements financiers, prévue à l'article 235 ter ZE bis du code général des impôts ;

- des dons de personnes physiques ou morales ;

- une participation de la Caisse des dépôts et consignations .

Le montant de la fraction de la taxe pour le financement du fonds de soutien aux collectivités territoriales n'est toutefois pas précisé par le présent article. En l'absence de modification de l'article 235 ter ZE bis du code général des impôts, cette affectation s'opérerait sans modification du taux de la taxe et donc à produit constant . Une partie du produit serait donc détourné du fonds de soutien aux collectivités territoriales vers le fonds dont la création est proposée par le présent article.

Surtout, cette disposition soulève des difficultés au regard de l'article 36 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 18 ( * ) , qui précise que « l'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'État ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ». Le produit de la taxe prévue à l'article 235 ter ZE bis du code général des impôts fait l'objet d'une affectation au fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des produits structurés. Or les dispositions de l'article 36 de la LOLF concernent également le changement d'affectation d'une taxe affectée.

Le montant de la participation de la Caisse des dépôts et consignations n'est pas non plus précisé par le présent article.

Par ailleurs, en l'absence de précision, les dons des personnes physiques ou morales au fonds ne seraient pas éligibles à une réduction d'impôt sur le revenu.

Il en résulte une double difficulté :

- s'agissant de la composition du panier de recettes du fonds, dès lors que le changement d'affectation d'une partie de la taxe prévue à l'article 235 ter ZE bis du code général des impôts n'est juridiquement possible qu'en loi de finances ;

- s'agissant de l'enveloppe financière dont le fonds disposerait : faute de précisions, il n'est pas possible de déterminer son montant et donc la capacité d'action du fonds.

B. LES MODALITÉS DE L'ACTION DU FONDS NE SONT GUÈRE DÉFINIES

Le II du nouvel article L. 2335-17 du CGCT créé par le présent article confie la gestion du fonds à la Caisse des dépôts et consignations .

Il prévoit également que le fonds est administré par un conseil de gestion, dont la composition serait, aux termes du troisième alinéa du III du nouvel article L. 2335-17 du CGCT, précisée par un décret en Conseil d'État. La composition du conseil de gestion - nombre de membres, présence de personnalités qualifiées, n'est pas déterminée.

Le III du nouvel article L. 2335-17 du CGCT créé par le présent article détermine les modalités du soutien apporté par le fonds.

Le premier alinéa précise que le soutien financier du fonds serait conditionné à la conclusion préalable d'une convention entre la commune et un établissement de crédit pour la maintenance et l'approvisionnement du dernier distributeur automatique de billets ou, dans le cas où un tel distributeur n'existerait pas, pour l'installation puis la maintenance et l'approvisionnement de l'unique distributeur. La convention devrait répondre à des conditions fixées par un décret en Conseil d'État.

Il est également précisé que plusieurs communes ayant conjointement conclu une telle convention pourraient bénéficier du soutien du fonds.

Il doit être relevé qu' aucun critère géographique, démographique ou économique n'est prévu s'agissant des communes pouvant solliciter une aide du fonds. En dépit du nom du fonds, il pourrait donc être loisible à une commune non rurale de solliciter une aide de sa part.

Le deuxième alinéa indique que la liste des communes bénéficiaires du fonds serait arrêtée conjointement par les ministres en charge de l'économie et des collectivités territoriales.

Le troisième alinéa renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de préciser les modalités de calcul des subventions versées aux communes bénéficiaires.

*

Le II du présent article prévoit que ses dispositions, et donc le fonds dédié au maintien et à la création des distributeurs automatiques de billets dans les communes rurales, entrent en vigueur à partir du 1 er janvier 2019 .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. LE FONDS PROPOSÉ N'EST PAS ABOUTI

L'article ne précise ni le cadre général du soutien apporté par le fonds ni son enveloppe financière .

Il en résulte plusieurs incertitudes :

- s'agissant du montant total de son soutien : il n'est pas indiqué si l'enveloppe est déterminée en fonction des demandes déposées par les communes ou si l'enveloppe est fixée en amont, conditionnant ensuite la capacité de subvention du fonds ;

- s'agissant de l'ampleur de son soutien : il n'est pas précisé si le fonds a vocation à soutenir intégralement les communes ou à intervenir par cofinancement ;

- s'agissant de la durée de son soutien : il est indiqué que le recours au fonds est assujetti à la conclusion préalable d'une convention entre la commune et un établissement de crédit pour la maintenance et l'approvisionnement du dernier distributeur automatique de billets ou, dans le cas où un tel distributeur n'existerait pas, pour l'installation puis la maintenance et l'approvisionnement de l'unique distributeur. Cependant, il n'est pas déterminé si le fonds intervient de façon ponctuelle , soit pour accompagner les coûts d'investissement liés à l'installation d'un distributeur, soit pour aider ponctuellement une commune dans les coûts de fonctionnement de l'unique distributeur, ou de façon récurrente , pour supporter annuellement une partie de ces coûts.

Il en résulte un type d'action et un effort financier distincts. Le coût d'investissement d'un distributeur automatique de billets s'élève environ à 90 000 euros et les coûts de fonctionnement à 14 000 euros par an, montant toutefois modulé à la hausse pour des territoires faisant face à des difficultés spécifiques d'accès.

B. LA CRÉATION D'UN FONDS SOULÈVE DES DIFFICULTÉS RÉELLES

Au-delà de ces lacunes, votre rapporteure relève que la création même d'un tel fonds soulèverait plusieurs difficultés.

Il prend mal en compte les démarches locales déjà mises en oeuvre par de nombreuses communes par voie de convention avec certains établissements bancaires bien implantés dans nos territoires. Élaborées au cas par cas pour répondre aux besoins identifiés, ces conventions devraient être renégociées pour respecter les critères définis par le décret en Conseil d'État et ainsi devenir éligibles au soutien du fonds.

De plus, la mise en oeuvre à grande échelle d'une aide publique à destination d'un nombre réduit d'acteurs économiques devrait conduire à une notification à la Commission européenne au regard de l'encadrement des aides d'État afin de sécuriser juridiquement le mécanisme. Sans même s'interroger sur l'issue de cette notification, la procédure prendrait en tout état de cause du temps.

Au regard du problème qu'elle entend résoudre, la solution proposée présente donc un double inconvénient tenant à la durée avant que le fonds soit opérationnel et à la rigidité de son action .

Or, pour les territoires concernés, il existe un besoin de souplesse et de rapidité .

Par rapport aux alternatives existantes, l'utilisation d'un distributeur automatique de billets se justifie en effet dans certaines situations exceptionnelles tenant soit à l'absence de couverture par les réseaux de télécommunication, soit à la présence importante de personnes n'utilisant pas les nouveaux moyens de paiement.

C. LE RECOURS AUX OUTILS EXISTANTS AURAIT PU ÊTRE PRIVILÉGIÉ

De façon plus générale, votre rapporteure s'inquiète de l'engrenage que le fonds proposé pourrait mettre en oeuvre . Alors que les établissements bancaires s'interrogent sur l'évolution de leur réseau d'agences, la création d'un soutien public à grande échelle pour l'installation et le maintien de distributeurs automatiques de billets pourrait conduire nombre d'entre eux à accélérer leur désengagement .

Une situation classique d'aléa moral serait de facto instaurée, le soutien public prenant progressivement le relai des établissements bancaires.

C'est pourquoi votre rapporteure estime qu'une solution rapide et adaptée aurait dû être privilégiée à la création du fonds .

La cartographie à laquelle travaille actuellement le groupe de travail formé sous l'égide de la Banque de France permettra, dès le premier semestre 2019, d'établir un constat exhaustif et fiable des situations de défaillance avérée dans l'accès aux espèces.

Pour ces situations, les acteurs politiques et économiques seront donc fortement incités à définir conjointement une réponse adaptée aux besoins des populations locales, en recourant à la palette d'outils prévus.

À cet égard, l'article L. 2251-3 du code général des collectivités territoriales permet à une collectivité territoriale d'aider financièrement à l'implantation de distributeurs automatiques de billets ou de distributeurs internes de banque placés chez des commerçants, voire dans les maisons de services au public 19 ( * ) .

Pour certaines petites communes, il importe toutefois qu'un soutien financier leur soit apporté dans cette démarche. Aussi votre rapporteure insiste-t-elle sur la nécessité de préserver les moyens d'action du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) , comme le propose la commission des finances du Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2019.

En effet, les missions actuelles du Fisac, prévues à l'article L. 750-1-1 du code de commerce, lui permettent de subventionner la création, la modernisation ou l'adaptation des entreprises de proximité afin de conforter le commerce notamment en milieu rural.

Votre rapporteure considère que relève donc de ses missions l'accompagnement d'un commerce désireux d'ouvrir un distributeur interne de banque afin de pallier l'absence d'accès aux espèces dans son territoire.

Sous le bénéfice de ces analyses et afin de permettre un débat en séance publique, votre commission des finances a finalement adopté le présent article.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 2
(Art. 6 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France télécom)

Extension de la mission d'aménagement du territoire de La Poste

Commentaire : le présent article prévoit de compléter l'étendue de la mission d'aménagement du territoire de La Poste, en précisant que chacun des 17 000 points de contacts du réseau de l'entreprise doit comprendre un distributeur automatique de billets.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA POSTE EST INVESTIE D'UNE MISSION D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

L'article 2 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom 20 ( * ) prévoit que La Poste remplit quatre missions de service public et d'intérêt général :

- le service universel postal ;

- la contribution, par son réseau de points de contact, à l'aménagement et au développement du territoire ;

- le transport et la distribution de la presse ;

- l'accessibilité bancaire.

Les modalités dans lesquelles La Poste exerce la mission d'aménagement et de développement du territoire sont précisées à l'article 6 de cette même loi.

Il prévoit que La Poste doit disposer d'un réseau comprenant au moins 17 000 points de contact répartis sur le territoire français en tenant compte de ses spécificités, notamment dans départements et collectivités d'outre-mer.

La loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales 21 ( * ) a complété ces dispositions en introduisant un critère permettant de garantir que la plupart des habitants de chaque département sont situés à une distance raisonnable d'un point de contact de La Poste. En pratique, il est interdit que plus de 10 % de la population d'un département se trouve éloignée de plus de cinq kilomètres et de plus de vingt minutes de trajet automobile, dans les conditions de circulation du territoire concerné, des plus proches points de contact de La Poste.

Les conditions que doivent remplir les différents types de point de contact sont définies dans un contrat pluriannuel de la présence postale territoriale. Le contrat de présence postale territoriale actuellement en vigueur a été signé le 11 janvier 2017 entre La Poste, l'Association des maires de France (AMF) et l'État ; il couvre les années 2017 à 2019 22 ( * ) .

En pratique, le réseau de La Poste compte, fin septembre 2018, 17 365 points de contact , dont 8 314 bureaux de poste (48 %), 6 305 agences postales communales et intercommunales (36 %) et 2 746 relais postaux commerçants (16 %).

B. CETTE MISSION FAIT L'OBJET D'UNE COMPENSATION, SOUMISE AUX RÈGLES EUROPÉENNES EN MATIÈRE DE CONCURRENCE

Le II de l'article 6 de la loi du 2 juillet 1990 détermine les modalités de la compensation à La Poste au titre de la mission d'aménagement du territoire qui lui est confiée.

Cette compensation est assurée par le fonds postal national de péréquation , prévu par la loi et dont les modalités sont arrêtées par le contrat pluriannuel mentionné ci-avant.

Les ressources du fonds proviennent de l'abattement de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties dont La Poste bénéficie en application de l'article 1635 sexies du code général des impôts.

Le 3° du II de cet article prévoit que « les bases d'imposition de La Poste font l'objet d'un abattement égal à 85 % de leur montant, en raison des contraintes de desserte de l'ensemble du territoire national et de participation à l'aménagement du territoire qui s'imposent à cet exploitant. L'abattement ne donne pas lieu à compensation par l'État. En ce qui concerne la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la valeur ajoutée retenue pour l'application de l'article 1586 ter fait l'objet d'un abattement de 70 % de son montant ».

De surcroît, il est précisé que « chaque année, le taux des abattements est fixé par décret, dans la limite de 95 %, de manière à ce que le produit de ces abattements contribue au financement du coût du maillage territorial complémentaire de La Poste tel qu'il est évalué par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ».

Par une décision du 20 septembre 2018, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a fixé ce coût à 203 millions d'euros pour 2017 23 ( * ) .

Conformément aux dispositions de l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) relatif aux services économiques d'intérêt général ainsi qu'aux règles définies dans le « paquet Almunia » de décembre 2011 24 ( * ) , la compensation prévue à ce titre doit faire l'objet d'une notification aux autorités européennes de la concurrence .

Dans ce cadre, la Commission européenne a approuvé le 6 avril dernier la compensation accordée à La Poste pour sa mission de présence territoriale pour la période 2018-2022 pour un montant total maximal de 900 millions d'euros 25 ( * ) .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article prévoit de compléter l'article 6 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom qui détermine les obligations de La Poste au titre de sa mission d'accessibilité du territoire.

Il prévoit de compléter les critères pris en compte par le décret en Conseil d'État précisant les modalités d'application selon lesquelles les règles d'accessibilité au réseau de la poste par la voie des 17 000 points de contact sont déterminées au niveau départemental, afin que chaque point de contact offre un distributeur automatique de billets.

Le présent article prolonge cette extension des services offerts dans les points de contact de La Poste en précisant la règle selon laquelle, sauf circonstances exceptionnelles, plus de 10 % de la population d'un département ne peut pas se trouver éloignée de plus de 5 kilomètres et de plus de 20 minutes de trajet automobile, dans les conditions de circulation du territoire concerné, des plus proches points de contact de La Poste offrant un distributeur automatique de billets.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

L'objectif du présent article tient essentiellement à assurer un maillage territorial minimum en distributeurs automatiques de billets.

Pour atteindre cet objectif, il propose de recourir à l'article 6 de la loi du 2 juillet 1990, qui détermine en particulier des critères permettant de garantir que la plupart des habitants de chaque département sont situés à une distance raisonnable d'un point de contact de La Poste.

Cependant, votre rapporteure estime qu'il n'est pas utile de prévoir que chaque point de contact de La Poste comporte un distributeur automatique de billets.

En effet, il doit être relevé que La Poste assure déjà un service de mise à disposition d'espèces dans ses différents points de contact , quelle que soit leur déclinaison. Le montant proposé , allant de 150 euros par compte et par semaine pour un relais postal commerçant à 350 euros par compte et par semaine pour une agence postale communale, soit respectivement environ 0,5 SMIC et 1,2 SMIC par mois, suffit à couvrir des besoins quotidiens

Surtout, votre rapporteure estime que le dispositif proposé soulèverait des difficultés pratiques, juridiques et financières pour les collectivités territoriales.

En pratique, l'installation d'un distributeur automatique de billets dans les agences postales communales ne semble guère souhaitable pour des raisons évidentes de sécurité . La volonté des maires de procéder à cette installation peut d'ailleurs être mise en doute.

De surcroît, la mission d'aménagement du territoire confiée à La Poste par la loi ne vise pas La Banque Postale. Il en résulte que, pour les distributeurs automatiques de billets qu'elle devrait proposer dans ses différents points de contact, La Poste serait tenue de recourir à un appel d'offre auprès de l'ensemble des établissements bancaires. Le caractère pour le moins incongru d'un distributeur automatique de billets installé par un établissement concurrent de La Banque Postale ne serait donc pas exclu.

D'un point de vue juridique, l'extension de la mission d'aménagement du territoire nécessiterait de prévoir une compensation complémentaire . Or, ainsi que cela a été rappelé précédemment, la compensation versée à La Poste à ce titre est assujettie au cadre européen relatif aux aides d'État, dont le principe actuel a été validé par la Commission européenne en avril dernier jusqu'en 2022. Compléter cette mission reviendrait donc à ouvrir la boîte de Pandore et à remettre en cause la sécurisation juridique de cette compensation.

De plus, cette compensation consiste en un allègement de fiscalité locale, non compensé par l'État. Le dispositif proposé serait donc supporté par les collectivités territoriales.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteure estimait préférable de privilégier les solutions existantes et de ne pas adopter le présent article .

Malgré ces analyses et afin de permettre un débat en séance publique, votre commission des finances a adopté le présent article.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification.

ARTICLE 3

Gage « tabac »

. Commentaire : le présent article prévoit de compenser la perte de recettes résultant, pour l'État, de la présente proposition de loi, par la création d'une taxe additionnelle aux droits sur le tabac.

Décision de la commission : votre commission a adopté cet article sans modification.


* 16 Article 2 de la loi n° 2018-700 du 3 août 2018 ratifiant l'ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur.

* 17 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie.

* 18 Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances.

* 19 Voir la réponse du ministère de la cohésion des territoires à la question écrite n° 04924 du sénateur Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, publiée dans le Journal officiel du Sénat du 2 août 2018.

* 20 Loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom.

* 21 Loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales.

* 22 Voir le contrat de présence postale territoriale 2017-2019.

* 23 Décision n° 2018-1136 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes du 20 septembre 2018 relative à l'évaluation pour l'année 2017 du coût net du maillage complémentaire permettant à La Poste d'assurer sa mission d'aménagement du territoire.

* 24 Voir les règles relatives aux services d'intérêt économique général du 20 décembre 2011.

* 25 Voir la décision du 6 avril 2018 de la Commission européenne.

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