PREMIÈRE PARTIE - LE PRÉLÈVEMENT SUR RECETTES AU PROFIT DE L'UNION EUROPÉENNE EN 2019

Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSRUE) constitue le coeur de la contribution française au budget européen. Il est défini à l'article 6 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 1 ( * ) comme « un montant déterminé de recettes de l'État [...] rétrocédé directement au profit [...] des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ». Comme le prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales, il doit être « dans [sa] destination et [son] montant » défini et évalué « de façon précise et distincte ».

Il est calculé à partir des variables suivantes :

- les ressources rétrocédées au budget de l'UE, à savoir la ressource relative à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) , qui correspond à 0,3 % d'une assiette harmonisée pour l'ensemble des États membres, et la ressource fondée sur le revenu national brut (RNB), dite « ressource RNB » ;

- divers éléments dont la contribution à la correction britannique , les corrections accordées à d'autres États membres ou encore les éventuels intérêts de retard au titre du versement des droits de douane.

Les ressources propres traditionnelles (RPT) - droits de douane et, jusqu'à la fin de l'année 2017, les cotisations sur le sucre qui représentent au total 1,8 milliard d'euros pour la France en 2017 2 ( * ) - sont quant à elles versées directement au budget de l'UE . Depuis 2010, elles ne sont plus intégrées dans le prélèvement sur recettes au profit de l'UE, dans la mesure où il s'agit de ressources collectées par l'État pour le compte de l'Union.

Le périmètre de la contribution totale de la France au budget de l'UE est donc légèrement plus large que celui du prélèvement sur recettes.

Décomposition de la contribution de la France
au budget de l'UE

Source : direction du budget

I. LA CONTRIBUTION TOTALE DE LA FRANCE AU BUDGET DE L'UNION EUROPÉENNE, EN NETTE AUGMENTATION, DEVRAIT S'ÉLEVER À 23,2 MILLIARDS D'EUROS EN 2019

Conformément à l'obligation fixée par la loi organique relative aux lois de finances, le projet de loi de finances initiale fournit chaque année une évaluation du montant du prélèvement sur recettes reversé par la France au budget européen .

A. L'EXERCICE 2019 EST MARQUÉ PAR LA PROGRESSION DE LA CONTRIBUTION FRANÇAISE AU BUDGET EUROPÉEN POUR LA DEUXIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE

1. Un prélèvement sur recettes supérieur de 957 millions d'euros au montant actualisé pour 2018

Évolution du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne

(en millions d'euros)

2014

2015

2016

2017

2018

Crédits votés en LFI

20 224

20 742

20 169

18 690

19 912

Crédits exécutés

20 347

19 702

18 996

16 380

20 558*

Écart LFI/exécution en valeur

123

- 1 040

- 1 173

- 2 310

646

Écart LFI/exécution en %

0,6 %

- 5 %

- 5,8 %

- 12,4 %

3,2 %

*Prévision actualisée pour 2018 prévue dans le projet de loi de finances pour 2019. Le projet de loi de finances rectificative pour 2018, transmis au Sénat ultérieurement, fait état d'une prévision actualisée pour 2018 de 20,65 milliards d'euros, soit 92 millions d'euros supplémentaires.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

L' article 37 du projet de loi de finances pour 2019 évalue le montant du prélèvement sur recettes reversé au budget de l'Union à 21,52 milliards d'euros, ce qui constitue le quatrième poste de dépenses du budget après l'enseignement scolaire, la défense et l'enseignement supérieur et la recherche, et avant la mission « solidarité, insertion et égalité des chances ».

Cette prévision se fonde sur les prévisions de recettes et de dépenses de l'Union européenne , c'est-à-dire :

- d'une part, sur une hypothèse relative au besoin de financement de l'Union, estimée à partir des crédits de paiement prévus dans le projet de budget européen pour 2019, des éventuels budgets rectificatifs et du solde du budget européen 2018 reporté sur l'exercice 2019 3 ( * ) ;

- d'autre part, sur les données prévisionnelles relatives aux ressources propres assises sur la TVA et le RNB et au montant de la correction britannique 4 ( * ) .

La ressource fondée sur le revenu national brut (RNB)

Le RNB est un agrégat proche du produit intérieur brut (PIB) qui mesure le revenu total des agents résidant sur le territoire français . On passe du PIB au RNB en ajoutant les flux de revenus reçus de l'étranger et en retranchant les flux de revenus versés à l'étranger.

Le montant de la ressource RNB versé par chaque État membre est obtenu par l'application d'un taux d'appel à l'assiette RNB de l'État considéré . Les prévisions d'assiette réalisées par les États membres sont confrontées à celles de la Commission européenne et un compromis, généralement médian, est adopté.

La ressource RNB étant la ressource d'équilibre du budget de l'Union , le taux d'appel est fonction de la différence entre les dépenses inscrites au budget de l'Union et la somme des autres ressources de l'Union (TVA, ressources propres traditionnelles et ressources diverses). Il est ainsi obtenu en divisant le besoin en ressource manquant par la somme des assiettes RNB de l'ensemble des États membres. Il est donc susceptible d'évoluer en cours d'exercice si un budget rectificatif modifie le besoin de ressource RNB (majoration ou minoration des dépenses non intégralement compensées par l'évolution des autres ressources ou modification du produit des autres ressources).

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2019 « Relations financières avec l'Union européenne »

Pour l'exercice 2019, le montant de la ressource TVA reversée par la France est estimé à 4,6 milliards d'euros, dont 1,3 milliard d'euros au titre de la correction britannique . Le montant de la ressource RNB versée par la France est estimée à 16,97 milliards d'euros 5 ( * ) , soit 862 millions d'euros de plus qu'en 2018, afin de tenir compte de l'augmentation de 2,7 % des crédits de paiement 6 ( * ) présentée dans le projet de budget pour 2019 par la Commission européenne.

Décomposition du prélèvement sur recettes au profit de l'UE

(en millions d'euros)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

LFI

20 224

20 742

20 169

18 690

19 912

21 515

Ressource TVA

4 368

4 527

4 720

4 368

4 437

4 550

dont correction britannique

1 427

1 494

1 725

1 384

1 303

1 294

Ressource RNB

15 977

15 172

14 268

14 322

15 475

16 965

Autres prélèvements

3

4

8

-

- -

Exécution

20 347

19 702

18 996

16 380

20 558*

Évolution en exécution n-1/n

- 9,4 %

- 3,2 %

- 3,6 %

- 13,8 %

25,5 %

Part dans les recettes fiscales nettes

7,9 %

7,6 %

7,3 %

6,1 %

7,4 %

* Prévision actualisée

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2019 « Relations financières avec l'Union européenne »

Pour la deuxième année consécutive, le prélèvement sur recettes européen augmente et atteint un niveau inégalé depuis le début de l'actuel cadre financier pluriannuel, en 2014. Il augmente de 5,2 milliards d'euros par rapport à l'exécution constatée en 2017 (+ 31,3 %), et de 1,6 milliard d'euros par rapport au montant inscrit en loi de finances pour 2018 (+ 8 %). Au regard de la prévision actualisée du prélèvement sur recettes pour 2018, soit 20,6 milliards d'euros, les recettes reversées par la France au budget européen augmenteront d'un peu moins d'un milliard d'euros en 2019 par rapport à l'année précédente. Cette augmentation est toutefois moins importante qu'entre 2017 et 2018.

La prévision actualisée pour 2018 écarte la perspective d'une sous-exécution telle que celles qu'observées depuis le début de l'actuel cadre financier pluriannuel , à l'exception de l'exercice 2014. Elles avaient donné lieu à l'adoption d'importants budgets rectificatifs en fin d'année. En 2017, la Commission européenne avait proposé de réduire le montant des crédits de paiement de la politique de cohésion via un premier projet de budget rectificatif présenté au Conseil en juin, puis un autre présenté le 9 octobre 2017. Ces deux budgets rectificatifs minoraient les crédits de paiement respectivement de 1,2 milliards d'euros et de 5,9 milliards d'euros. À l'heure actuelle, la Commission européenne n'a pas proposé pour l'exercice 2018 de budget rectificatif allant dans le sens d'une réduction des crédits de paiement alloués à la politique de cohésion .

Enfin, en tenant compte des ressources propres traditionnelles versées directement au budget européen sans transiter par le budget de l'État, le montant total de la contribution française au budget européen s'élèvera à 23,2 milliards d'euros en 2019 , soit une hausse de 5,9 % par rapport à la loi de finances pour 2018.

Décomposition de la contribution totale de la France
au budget de l'Union (PSRUE + RPT)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'annexe au projet de loi de finances pour 2019 « Relations financières avec l'Union européenne »)

En 2019, la ressource RNB, hors participation de la France à la facilité pour les réfugiés en Turquie, devrait représenter 73 % de la contribution totale nette de la France au budget de l'Union européenne.

2. Pourtant, la France perd sa place de deuxième contributeur net au budget européen en 2017

En 2017, la France est le troisième contributeur net en volume au budget de l'Union européenne. Avec un solde net négatif de 5,4 milliards d'euros calculé selon la méthode dite de la correction britannique , elle se place derrière l'Allemagne (- 12,1 milliards d'euros) et le Royaume-Uni (- 7 milliards d'euros) et devant l'Italie (- 4,1 milliards d'euros), alors qu'elle était le deuxième contributeur net en volume en 2016.

Le solde net de la France n'avait cessé de se dégrader depuis le début des années 2000 , principalement en raison des élargissements successifs. Ceux-ci se sont traduits par une réduction de la part des dépenses européennes au profit de la France, même si les dépenses en volume réalisées sur le territoire français restent stables.

Les différentes méthodes de calcul du solde net d'un État membre

La méthode dite comptable calcule le solde net par simple différence entre la contribution d'un État membre au budget de l'Union européenne au titre de l'ensemble des ressources propres, y compris les ressources propres traditionnelles nettes des frais de perception, et le montant des dépenses européennes effectuées dans cet État membre, y compris les dépenses administratives.

La méthode dite de la correction britannique calcule le solde net sans tenir compte du montant des ressources propres traditionnelles qui constituent des recettes de l'Union européenne, directement versées au budget européen.

La méthode dite de la Commission européenne calcule le solde net selon la même formule que celle de la correction britannique, mais en excluant les dépenses administratives, ce qui a pour effet de rendre contributeurs nets le Luxembourg et la Belgique, qui bénéficient fortement de l'implantation des institutions européennes sur leur territoire. C'est cette méthode qui a été utilisée lors des négociations du cadre financier pluriannuel pour les années 2014 à 2020.

Source : l'annexe au projet de loi de finances pour 2019 « Relations financières avec l'Union européenne »

Toutefois, comme votre rapporteur spécial l'a déjà souligné à plusieurs reprises, la notion de « solde net », proche de celle de « taux de retour », rencontre plusieurs limites . D'une part, elle ne permet pas de comptabiliser de façon exacte les dépenses qui bénéficient à plusieurs États membres telles qu'en matière de protection des frontières extérieures de l'Union européenne. D'autre part, elle ne tient pas compte des bénéfices macroéconomiques induits par l'intégration du marché unique, telles que les externalités positives résultant de l'augmentation de la concurrence.

Soldes nets par État membre en valeur en 2017
(selon la définition de la correction britannique)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir du rapport financier 2017 de la Commission européenne)

Si la France est le troisième contributeur net en volume au budget de l'Union européenne en 2017, elle est en même temps le premier bénéficiaire en volume des dépenses de l'Union européenne . En 2017, les dépenses réalisées en France se sont élevées à 13,5 milliards d'euros , soit 12 % du total des dépenses réparties de l'Union. La politique agricole commune représente 67 % du total des dépenses réalisées en France, contre 75 % au début des années 2000.

Dépenses du budget de l'Union européenne réalisées en France

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de l'annexe au projet de loi de finances pour 2019 « Relations financières avec l'Union européenne »)


* 1 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 2 La prévision nette des frais de perception s'établit à 1,8 milliard d'euros en 2018 et à 1,7 milliard d'euros en 2019.

* 3 Ce solde n'est connu qu'au printemps de l'année n+1.

* 4 Ces données sont fournies par la Commission européenne lors du comité consultatif des ressources propres qui se tient chaque année en mai.

* 5 En comprenant la participation de la France à la première tranche de la facilité en faveur des réfugiés (cf. infra ).

* 6 Le projet de budget pour 2019 présenté par la Commission européenne prévoit 166 milliards d'euros de crédits d'engagement et 149 milliards d'euros de crédits de paiement.

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