II. LES CRÉDITS DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE (FACE) » RESTERONT STABLES EN 2019

1. Le compte d'affectation spéciale FACE permet le financement « péréqué » d'aides à l'électrification rurale

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ) retrace les aides versées aux autorités organisatrices de la distribution d'électricité - AODÉ (communes, établissements publics de coopération intercommunale, syndicats d'électrification) pour le financement des travaux d'électrification en zone rurale dont elles assurent la maîtrise d'ouvrage.

La création du CAS par l'article 7 de la loi n° 2011-1978 de finances rectificative pour 2011 du 28 décembre 2011 a conduit à budgétiser des aides auparavant directement prises en charges par le Fonds d'amortissement des charges d'électrification géré par Électricité de France (EDF) , qui avait été mis en place dès 1936 30 ( * ) .

Elle a nécessité la reprise par les services de l'État de la gestion de ces aides avec la création d'une mission chargée du financement de l'électrification rurale, placée sous l'autorité du directeur général de l'énergie et du climat.

Le CAS-FACÉ, dont notre collègue Jacques Genest a montré dans un rapport 31 ( * ) très documenté présenté à la commission des finances du Sénat le 15 février 2017 combien il demeurait un outil essentiel au service de la qualité de l'électricité dans le monde rural , permet de verser des aides aux AODÉ afin de financer 32 ( * ) :

- des travaux d'électrification rurale , c'est-à-dire des travaux de premier établissement, d'extension, de renforcement et de perfectionnement des ouvrages de distribution 33 ( * ) ;

- des opérations de maîtrise de la demande d'électricité ;

- des opérations de production d'électricité par des énergies renouvelables si ces opérations permettent d'éviter des extensions ou des renforcements de réseaux ;

- des installations de production de proximité à la double dans les zones non interconnectées (ZNI) lorsque ces opérations permettent d'éviter des extensions ou des renforcements de réseaux.

Ces aides sont réparties par département sous forme de dotations affectées à l'électrification rurale , selon des critères précisés par voie d'arrêté, par le ministre chargé de l'énergie et après avis du conseil du FACÉ. Cette répartition se fonde sur les évaluations des besoins en travaux d'électrification rurale par département réalisée tous les deux ans . Une fois les dotations réparties par département, elles sont versées aux AODÉ sur la base des projets de travaux présentés .

Le regroupement des AODÉ, et donc de la maîtrise d'ouvrage, au niveau départemental, a été encouragé par le législateur 34 ( * ) . De même, les modalités de versement des aides du FACÉ incluent depuis 2013 un dispositif financier d'incitation au regroupement à l'échelle départementale , puisque les AODÉ d'un département où le regroupement n'est pas effectif peuvent se voir pénalisées par une diminution de leur dotation 35 ( * ) .

Le financement du CAS-FACÉ repose sur des contributions dues par les gestionnaires de réseaux de distribution , c'est-à-dire principalement Enedis (ex-ERDF) et les autres entreprises locales de distribution (ELD). Cette contribution est assise sur le nombre de kilowattheures distribués à partir des ouvrages exploités en basse tension l'année précédant celle du versement de la contribution.

Ce financement permet une péréquation entre les territoires urbains et ruraux au profit de ces derniers . En effet, le taux de contribution est différent selon que les communes sont urbaines ou rurales : il doit être compris entre 0,03 et 0,05 centime d'euro par kilowattheure pour les communes dont la population est inférieure à 2 000 habitants et entre 0,15 et 0,25 centime d'euro par kilowattheure pour les autres communes . Ces taux sont fixés annuellement par un arrêté des ministères chargés du budget et de l'énergie et ajustés afin de correspondre aux prévisions de dépenses et assurer l'équilibre du CAS.

Pour l'année 2018, l'arrêté du 27 septembre 2018 36 ( * ) fixe le taux de contribution à :

- 0,1891616 centime d'euro par kilowattheure pour les communes urbaines (contre 0,191450 en 2017) ;

- 0,037832 centime d'euro par kilowattheure pour les communes rurales (contre 0,038290 en 2017) 37 ( * ) .

Ces taux ont légèrement baissé pour tenir compte de la diminution des crédits du compte d'affectation spéciale prévue par la loi de finances initiale pour 2018.

2. Le montant des aides versées par le FACE sera maintenu en 2019 au même niveau qu'en 2018 à 360 millions d'euros, soit un montant inférieur de 4,5 % à celui qui avait été voté en 2016 et en 2017

Alors qu'en 2016 et en 2017 le compte d'affectation spéciale FACE s'était vu attribuer 377 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), la loi de finances initiale pour 2018 avait prévu une diminution de ses crédits de 17 millions d'euros (-4,5 %) à 360 millions d'euros .

Le projet de loi de finances pour 2019 propose de reconduire ce même montant de 360 millions d'euros l'an prochain.

Le compte d'affectation spéciale étant équilibré par construction, le taux des contributions dues par les gestionnaires de réseau (voir supra ) devrait être identique en 2019 à celui de 2018 .

Le CAS-FACÉ comprend deux programmes , qui se décomposent en actions correspondant à des catégories de travaux aidés :

- 98,7 % de ses crédits sont portés par le programme 793 « Électrification rurale », qui sera doté de 355,2 millions d'euros en 2019, une somme en légère augmentation de 2,4 millions d'euros (+0,7 %) par rapport aux 352,8 millions d'euros prévus en 2018, mais inférieure de -3,9 % aux 369,6 millions d'euros prévus en 2017.

Ce programme retrace les aides relatives au renforcement des réseaux en vue d'améliorer la qualité de l'électricité distribuée, la sécurisation des réseaux face aux intempéries, ainsi que leur extension et leur enfouissement . 46,2 % des crédits du programme sont consacrés au renforcement des réseaux et 28,5 % à leur sécurisation .

- les 1,3 % restants sont retracés par le programme 794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries », doté de 4,8 millions d'euros , soit une baisse de -33,3 % par rapport aux 7,2 millions d'euros de 2018.

Ce programme regroupe les aides à la production d'électricité à partir de sources renouvelables dans les sites isolés, à la production à partir d'installations de proximité dans les zones non interconnectées 38 ( * ) ainsi qu'aux opérations de maîtrise de la demande en énergie .

Évolution des crédits du CAS-FACÉ entre 2018 et 2019, et exécution 2017

(en millions d'euros)

Source : projet annuel de performances du CAS-FACÉ annexé au projet de loi de finances pour 2019

3. La faible augmentation des crédits du programme 793

Les crédits du programme 793 connaîtront en 2019 une légère augmentation de 2,4 millions d'euros grâce à un transfert de crédits en provenance du programme 794.

Le projet de loi de finances pour 2017 avait renforcé les moyens consacrés aux travaux de sécurisation des fils nus 39 ( * ) (actions 6 et 7) et avait compensé cette hausse par une diminution significative des crédits consacrés aux travaux de renforcement, d'extension et d'enfouissement des réseaux (action 3, 4 et 5).

Ce choix mal maîtrisé a entraîné une surconsommation des crédits de ces actions : 45,0 millions d'euros au titre de l'action 4 et 47,8 millions d'euros au titre de l'action 5 ont été exécutés en 2017 alors que seuls 42,7 millions d'euros et 44,5 millions d'euros avaient été respectivement prévus en loi de finances initiale.

L'exécution de 2018 devrait voir ce phénomène se reproduire, puisque le Gouvernement s'était contenté en loi de finances initiale d'appliquer aux crédits des principales actions du compte d'affectation spéciale un « coup de rabot » de - 4,5 % sans affirmer la moindre ambition stratégique pour le FACE.

Si la très légère augmentation de 2,0 % des crédits de l'action 4 en 2019 est bienvenue, elle ne permettra pas d'éviter que ceux-ci fassent probablement de nouveau l'objet d'une surconsommation l'an prochain. Ce phénomène devrait a fortiori se reproduire pour les crédits de l'action 5.

4. Si le Gouvernement a commencé à prendre en compte la sous-consommation chronique des crédits du programme 794, les sommes transférées au programme 793 demeurent insuffisantes

Le programme 794 reste systémiquement marqué par une sous-consommation des crédits qu'il porte : seuls 16 % des crédits en AE et 12,4 % en CP ont été consommés en 2017.

Cette situation récurrente s'explique par le faible nombre de projets déposés par les AODÉ , qu'il s'agisse des projets d'installations de production d'électricité à partir de sources renouvelables dans les sites isolés, d'installations de proximité dans les zones non interconnectées (ZNI) ou de projets de maîtrise de la demande d'énergie.

S'agissant des opérations de production décentralisées en ZNI , « les difficultés des AODÉ à monter des projets et à les mener à bien dans les délais semblent être le principal problème : les besoins sont avérés, mais les spécificités du terrain (inaccessibilité) ainsi que les difficultés en matière de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'oeuvre donnent lieu à des surcoûts et des retards importants dans la réalisation des projets » 40 ( * ) . La situation est particulièrement délicate en Guyane et, dans une moindre mesure, à La Réunion , où l'étendue des territoires pose de vrais problèmes en matière d'électrification et nécessite d'investir dans la production décentralisée d'électricité.

De même, il semble que, malgré les possibilités larges ouvertes par les textes réglementaires pour financer des projets en matière de maîtrise de la demande d'énergie 41 ( * ) , les AODÉ ne se soient pas suffisamment emparé de cette thématique pour porter des projets éligibles au financement . Il serait utile que la mission FACÉ informe davantage les AODÉ quant aux financements qui existent à ce titre.

Pour la première fois le Gouvernement a tenu compte de ces difficultés à trouver des projets à financer, puisque le programme 794 sera doté, en 2019, d'un niveau de crédits inférieur de - 33,3 % à celui de 2018 . Même si une nouvelle sous-consommation des crédits est hautement probable, elle devrait être moins forte que les années précédentes.

Il est en outre judicieux que les crédits ainsi dégagés puissent utilement contribuer au financement de travaux d'électrification rurale portés par le programme 793 .


* 30 Article 108 de la loi de finances du 31 décembre 1936, confirmé par l'article 38 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz.

* 31 Le FACE : un outil indispensable mais perfectible au service de la qualité de l'électricité dans le monde rural, rapport d'information n° 422 (2016-2017) du sénateur Jacques Genest.

* 32 Article L. 2424-31 du code de l'énergie.

* 33 Article L. 322-6 du code de l'énergie.

* 34 La loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie prévoit que le préfet engage une procédure de création d'un syndicat de communes ou d'un syndicat mixte à l'échelle environnementale lorsque la maîtrise d'ouvrage n'est exercée ni par le département, ni par un groupement couvrant le territoire départemental, ni par un groupement de collectivités territoriales dont la population est au moins égale à un million d'habitants.

* 35 Article 16 de l'arrêté du 27 mars 2013 pris en application du décret n° 2013-46 du 14 janvier 2013 relatif aux aides pour l'électrification rurale. Ces minorations ne peuvent représenter plus de 25 % des droits à subvention des AODE concernées.

* 36 Arrêté du 27 septembre 2018 relatif au taux 2018 de la contribution due par les gestionnaires des réseaux publics de distribution pour le financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale.

* 37 Outre-mer, le taux est celui appliqué aux communes rurales sauf pour les grosses communes de ces territoires listées par arrêté qui sont soumises au taux appliqué en zone urbaine : Abymes, Basse-Terre, Pointe-à-Pitre et Saint-Claude dans le département de la Guadeloupe ; Cayenne dans le département de la Guyane ; Fort-de-France, Schoelcher et Trinité dans le département de la Martinique ; Le Port, Saint-Denis et Saint-Pierre dans le département de La Réunion ; Mamoudzou dans le département de Mayotte.

* 38 Ces crédits doivent notamment permettre de financer des installations de production d'électricité pour l'électrification des villages isolés dans les départements d'outre-mer.

* 39 Les réseaux de basse tension en fils nus sont particulièrement vulnérables en cas de fortes intempéries et, notamment, ceux de faible section. Leur sécurisation passe par leur remplacement par du fil isolé torsadé ou par leur enfouissement.

* 40 Réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial.

* 41 L'article 13 de l'arrêté du 27 mars 2013 pris en application du décret n° 2013-46 du 14 janvier 2013 relatif aux aides pour l'électrification rurale prévoit ainsi : « Le sous-programme « maîtrise de la demande en électricité » a pour objet d'aider à la réalisation d'opérations de maîtrise de la demande en électricité ainsi qu'à la réalisation d'opérations tendant à maîtriser la demande en électricité des personnes en situation de précarité énergétique dans les communes rurales. Ces opérations doivent permettre d'éviter ou de différer durablement le renforcement du réseau public de distribution d'électricité dans de bonnes conditions économiques ».

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