Rapport général n° 147 (2018-2019) de MM. Claude NOUGEIN et Thierry CARCENAC , fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018

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N° 147

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2019 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 15b

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT

Rapporteurs spéciaux : MM. Claude NOUGEIN et Thierry CARCENAC

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Mme Fabienne Keller, MM. Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » constitue le vecteur budgétaire de la politique immobilière de l'État , sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État. Il vise à financer les opérations structurantes et l'entretien lourd du parc propriété de l'État par le produit tiré des cessions immobilières et des redevances domaniales . Depuis la loi de finances pour 2018, il ne constitue toutefois plus l'unique vecteur budgétaire de la direction de l'immobilier de l'État, qui est également responsable du programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » au sein de la mission « Action et transformation publiques ».

2. Pour la première fois depuis la loi de finances initiale pour 2014, le compte d'affectation spéciale est présenté avec un déficit prévisionnel de 73 millions d'euros en 2019. Ce déficit résulte d'une forte diminution des produits des cessions immobilières, en baisse de 35 % par rapport à la prévision inscrite pour 2018. Parallèlement, les dépenses portées par le compte enregistrent une diminution moins marquée, de 25,4 % en autorisations d'engagement et de 17 % en crédits de paiement .

3. L'inscription d'un déficit prévisionnel correspond à une démarche de sincérité : elle tire les conséquences du déficit constaté en exécution en 2017, non prévu en loi de finances initiale. Elle prend surtout acte de l'attrition structurelle des produits de cession , puisque si la prévision de recettes de 320 millions d'euros à ce titre est la plus faible depuis la création du compte , elle s'établit proche du niveau encaissé en 2017 (339,6 millions d'euros).

4. La constatation d'un déficit se traduit par une mobilisation du solde du compte . Des marges de manoeuvre existent certes à court terme, puisque le solde s'élève à 812,4 millions d'euros fin 2017. Cependant, cette solution n'assure pas la soutenabilité du compte à moyen terme . Compte tenu de la tendance structurelle à la baisse des produits tirés des cessions, il importe de dynamiser les produits tirés des redevances domaniales et d'accroître la valorisation des biens inutiles qui ne peuvent être cédés rapidement, en envisageant leur location. Cette solution, recommandée depuis plusieurs années par la commission des finances du Sénat, est désormais envisagée par la direction de l'immobilier de l'État afin d'éviter les coûts inhérents à la conservation d'un bien inutilisé et de fournir des revenus récurrents pour financer l'entretien du parc.

5. Une telle évolution du modèle de financement correspondrait en outre à la mutation des dépenses du compte vers l'entretien lourd du propriétaire , en lien avec la nouvelle stratégie définie dans la charte de gestion du 4 août 2017. Les crédits destinés aux opérations structurantes ont ainsi été quasiment divisés par deux entre 2017 et 2019. Cette réduction correspond à une double dynamique : d'une part, la nécessité d'apurer les restes à payer de l'ancien programme 309, intégrés au compte avec les dépenses qu'il portait en 2017 et, d'autre part, l'arrivée à son terme d'une première phase de rationalisation des emprises immobilières des administrations centrales.

6. Les opérations structurantes se concentrent désormais sur les services déconcentrés, avec la mobilisation d'un autre levier budgétaire, le programme 348 de la mission « Action et transformation publiques ». Cette évolution traduit la nouvelle appréhension de la politique immobilière de l'État, directement assujettie aux réformes des moyens de l'action publique en région.

7. La programmation proposée pour 2019 correspond au renouvellement nécessaire de la politique immobilière de l'État. Elle traduit le renforcement du rôle transversal de la direction de l'immobilier de l'État , le dépassement de l'arbitrage entre la possession et la cession ainsi que la sanctuarisation des dépenses d'entretien lourd au sein du compte d'affectation spéciale. Plusieurs défis demeurent toutefois à relever , en particulier l'attrition des compétences humaines de l'État en matière immobilière et la définition d'une doctrine de location des biens de l'État.

8. Le projet de loi de finances pour 2019 procède à la suppression des loyers budgétaires , outil historique d'incitation à la rationalisation des surfaces occupées par les administrations. Expliquée par les coûts administratifs et l'inefficacité relative de la procédure, cette suppression ne s'accompagne toutefois pas de la définition d'une réelle alternative . Quoique pertinente, la procédure de labellisation des projets immobiliers, qui conditionne le financement d'un projet immobilier excédant un certain montant par des crédits budgétaires au respect des critères de la politique immobilière de l'État, ne suffit pas. Dans la mesure où elle ne concerne que les projets immobiliers, elle pourrait alimenter un certain immobilisme.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 91 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur spécial en ce qui concerne le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

ANALYSE DES CRÉDITS DE LA MISSION

I. UNE PROGRAMMATION POUR 2019 INÉDITE À DEUX ÉGARDS : STABILISÉ APRÈS PLUSIEURS MODIFICATIONS DE MAQUETTE ENTRE 2017 ET 2018, LE COMPTE EST PRÉSENTÉ EN DÉFICIT POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS LA LOI DE FINANCES POUR 2014

A. OUTIL HISTORIQUE DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L'ÉTAT, LE COMPTE EST STABILISÉ EN 2019

1. Un outil essentiel de l'affirmation de l'État propriétaire, mais une politique immobilière encore largement éclatée du point de vue budgétaire

Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » constitue l' instrument historique de la politique immobilière de l'État .

Créé en 2006, le compte d'affectation spéciale vise à financer la modernisation du parc immobilier par les produits des cessions d'actifs et des redevances domaniales . Les produits de cession sont répartis à parité dans deux enveloppes, une enveloppe propre à l'ancien ministère occupant et une enveloppe mutualisée 1 ( * ) , tandis que les redevances domaniales sont intégralement affectées à l'enveloppe mutualisée.

Depuis 2017, il concentre l'ensemble des vecteurs budgétaires de l'État propriétaire. Il supporte à la fois les dépenses d'opérations immobilières structurantes et les dépenses d'entretien lourd du propriétaire.

Il se compose de deux programmes :

- le programme 721 « Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État » , qui porte les contributions au désendettement de l'État pouvant être appliquées sur les produits de cession et les reverse au budget général. La loi de finances pour 2017 2 ( * ) a supprimé son caractère obligatoire ;

- le programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » , qui finance des dépenses d'entretien à la charge du propriétaire ainsi que des opérations immobilières structurantes réalisées sur le parc immobilier de l'État 3 ( * ) au profit des administrations centrales, des services déconcentrés et des opérateurs de l'État.

Pour autant, la politique immobilière demeure fortement éclatée, puisque 44 programmes budgétaires y concourent .

Comme l'illustrent les secteurs ci-après, le compte d'affectation spéciale ne représente que 7,5 % des crédits de l'État consacrés à l'immobilier en 2018 .

De même, les moyens humains consacrés à l'immobilier se caractérisent par leur éclatement : en 2018, 1 188 ETPT y sont consacrés dans les services centraux et déconcentrés du Domaine, et près de 9 800 ETPT dans l'ensemble des autres programmes budgétaires.

De l'éclatement de la politique immobilière de l'État

Source : commission des finances du Sénat, à partir du questionnaire budgétaire

La répartition est précisée dans le document de politique transversale « Politique immobilière de l'État », associé au projet de loi de finances.

2. Un outil au service de la rationalisation du parc immobilier de l'État

La valeur nette du parc immobilier de l'État au 31 décembre 2017 telle que comptabilisée au compte général de l'État s'élève à 63,8 milliards d'euros , en progression de 4,5 % par rapport à l'exercice précédent. Cette progression résulte essentiellement de la livraison de nouveaux partenariats public-privé (PPP).

Fin 2017, le parc immobilier de l'État représente près de 73,9 millions de mètres carrés de surface utile brute (SUB), en baisse de 5,1 % depuis 2012 4 ( * ) .

Le graphique ci-après illustre l'effort de rationalisation conduit depuis 2012. Il s'accompagne toutefois d'une progression notable des locaux occupés par l'État sans qu'il les possède.

Évolution des surfaces possédées ou utilisées par l'État
entre 2012 et 2017

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données transmises par la direction de l'immobilier de l'État

Parmi le parc dont l'État est propriétaire, près de 20 % des surfaces sont constitués d'immeubles de bureaux. Le reste comprend à la fois des biens regroupés sous le terme générique d'immobilier spécifique - les immeubles répondant à une utilisation particulière, comme les bâtiments scolaires ou techniques - et un parc résidentiel de logements.

Les logements représentent 14,5 % de l'ensemble des surfaces possédées par l'État. Près de 85 % d'entre eux relèvent du ministère des Armées (36 %) et du ministère de l'Intérieur (49 %), ce qui s'explique par les nécessités de service public auxquelles sont soumis leurs agents.

Dans le cadre de la rationalisation de la politique immobilière de l'État, une vague importante de cessions a conduit à réduire de plus de 6 % la surface des biens immobiliers dont l'État est propriétaire entre 2012 et 2017 . Parallèlement, les surfaces utilisées par l'État sans qu'il en soit le propriétaire ont fortement augmenté (23,3 %), ce qui s'explique essentiellement par le recours aux PPP.

Cette évolution illustre bien l'ambiguïté de la première phase de la politique de l'immobilier de l'État et les recommandations anciennes de la commission des finances du Sénat pour un changement d'approche. Comme tout actif, le patrimoine immobilier de l'État doit être envisagé dans une perspective de long terme, dont la logique de cession ne peut constituer l'unique stratégie.

B. POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS 2014, LE COMPTE EST PRÉSENTÉ EN DÉFICIT

1. Un déficit prévisionnel de 73 millions d'euros en 2019

Pour la première fois depuis la loi de finances pour 2014, le compte est présenté avec un déficit à hauteur de 73 millions d'euros en 2019 , comme le détaille le tableau ci-après.

Si cette prévision traduit une démarche de sincérité, elle tire surtout les conséquences de l'exécution 2017 , qui s'est soldée par la constatation d'un déficit de 84 millions d'euros. Le déficit résulte en effet essentiellement d'une attrition marquée et structurelle des ressources du compte , avec des produits de cession prévus en baisse de 35 % par rapport à 2018.

Équilibre prévisionnel en 2019
du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État »

(en euros)

PLF 2019

Recettes

Dépenses

Solde

Programme 721 - Contribution cessions immobilières au désendettement de l'État

AE

0

CP

Programme 723 - Opérations immobilières nationales et des administrations centrales

AE

391 286 587

CP

483 000 000

Produits des cessions immobilières

320 000 000

Produits de redevances domaniales

90 000 000

Total pour le compte d'affectation spéciale

AE

410 000 000

391 286 587

- 73 000 000

CP

483 000 000

Source : projet de loi de finances pour 2019

2. Des recettes en baisse qui changent de nature

Depuis 2017, le compte bénéficie essentiellement de deux types de recettes :

- le produit des cessions de biens immobiliers ainsi que des droits à caractère immobilier attachés aux immeubles de l'État ;

- le produit des redevances domaniales ou des loyers perçus par l'État 5 ( * ) .

Une double logique a présidé à l'affectation au compte du produit des redevances domaniales, jusqu'alors versé au budget général :

- de façon immédiate, elle compensait l'intégration des dépenses portées par l'ex-programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » ;

- de façon plus structurelle, elle actualisait le modèle de financement initial du compte , qui faisait supporter la modernisation du patrimoine immobilier de l'État par le produit tiré des cessions réalisées.

Les recettes prévues du compte diminuent de près de 30 % par rapport à 2018 , en raison de la très forte diminution des produits de cession. Alors que la loi de finances pour 2018 en escomptait 491,7 millions d'euros, seulement 320 millions d'euros sont attendus à ce titre en 2019 .

Il s'agit du montant le plus faible prévu depuis la création du compte , y compris durant la période d'atonie du marché immobilier entre 2008 et 2011.

Une démarche de sincérité doit donc être relevée. Le projet de loi de finances tire les conséquences des recettes de cessions effectivement enregistrées en 2017 (339,6 millions d'euros), inférieures de 32 % à la prévision. De même, les cessions déjà effectuées en 2018 ne devraient pas permettre de réaliser le montant initialement prévu de 491,7 millions d'euros. Au 31 août dernier, seulement 155,5 millions d'euros ont été encaissés sur le compte à ce titre, soit 32 % du montant inscrit en loi de finances initiale, une proportion en retrait par rapport aux exercices précédents.

Parallèlement, un montant identique de 90 millions d'euros au titre des produits de redevances domaniales est inscrit pour 2019.

Ainsi que l'illustre le graphique ci-après , la structure des recettes du compte a profondément évolué depuis 2017 . Les produits de redevances domaniales représentent une part croissante des ressources.

Comparaison de la structure des recettes du compte
entre 2017 et 2019

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

3. Une mobilisation du solde qui n'amortit guère l'atonie des dépenses du compte

Les dépenses proposées en 2019 diminuent de 25,4 % en autorisations d'engagement et de 17 % en crédits de paiement . Comme le détaille le tableau ci-après, elles s'établissent respectivement à 391,3 millions d'euros (AE) et 483 millions d'euros (CP).

Comme l'an dernier, aucune contribution au titre du désendettement de l'État n'est inscrite pour 2019 . Il s'agit d'un choix logique , compte tenu de son caractère essentiellement symbolique et, in fine , coûteux à long terme en raison de son effet d'éviction sur des dépenses d'entretien préventif.

Présentation par programme des crédits demandés pour 2019

(en millions d'euros)

2018

2019

Évolution
2018-2019

• AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 721 - Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État

-

-

-

Programme 723 - Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État

524,6

581,7

391,3

483,0

- 25,4 %

- 17 %

Total

524,6

581,7

391,3

483,0

- 25,4 %

- 17 %

Source : projet de loi de finances pour 2019

Compte tenu du caractère exceptionnel de l'année 2018, l'évolution des crédits doit toutefois être explicitée.

Dans le cadre du déménagement de plusieurs structures vers le plateau de Saclay 6 ( * ) , la mutualisation de 50 % du produit de cession a été écartée. Le produit tiré de la cession des locaux laissés vacants revient intégralement au ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, afin de contribuer au financement des nouveaux bâtiments à Saclay.

C'est pourquoi, en 2018, un montant de 130 millions d'euros en AE et en CP était inscrit dans le compte pour retracer ce fléchage de crédits vers le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Les dépenses immobilières effectives du compte étaient donc amputées de 12 % par rapport à 2017 en raison de ce fléchage de crédits.

En 2019, le montant inscrit au titre de l'opération de Paris-Saclay diminue à 40 millions d'euros, retracé en titre 7 (dépenses d'opérations financières). Selon les informations transmises par la direction de l'immobilier de l'État, « les ventes restant à réaliser sur les prochaines années, s'agissant des biens occupés par AgroParisTech et l'École normale supérieure de Cachan, devraient contribuer aux recettes du compte à hauteur d'environ 130 millions d'euros et d'environ 30 millions d'euros respectivement, pour partie dès 2019 » 7 ( * ) . Cette opération continuera donc à peser sur les dépenses du compte au cours des prochaines années.

Or un effet cliquet peut être constaté en 2019 sur les dépenses du programme 723 , particulièrement notable pour les autorisations d'engagement, comme l'illustre le graphique ci-après. Le niveau des dépenses d'investissement, considérablement rogné en 2018, n'est pas réévalué en 2019, tandis que les dépenses de fonctionnement diminuent à nouveau de 28 % entre 2018 et 2019.

Évolution des titres de dépenses immobilières interministérielles
entre 2016 et 2019

(autorisations d'engagement, en millions d'euros)

NB : les crédits immobiliers interministériels recouvrent, pour 2016, les crédits des programmes 309 et 723, pour 2017, ceux des programmes 723 et 724, et pour 2018 et 2019, ceux du programme 723.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

En neutralisant les dépenses d'opérations financières, l'attrition des crédits de paiement du compte au titre des dépenses d'opérations structurantes (action 11) est particulièrement marquée. Ils sont quasiment divisés par deux entre 2017 et 2019. En regard, la hausse parallèle des dépenses de gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état (action 14) demeure limitée.

Évolution comparée des dépenses immobilières du compte
entre 2017 et 2019

(crédits de paiement, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

À l'aune de cette tendance générale, le caractère opportuniste de la comptabilisation de 34 % des crédits du compte comme contribuant à la réalisation du grand plan d'investissement (GPI) au titre de l'initiative 2 « Réduire l'empreinte énergétique des bâtiments publics », déjà souligné l'an passé, se confirme.

Il ne s'agit pas de crédits supplémentaires ouverts dans le cadre du GPI, mais davantage d'un étiquetage de crédits budgétaires traditionnellement inscrits sur le compte.

II. POUR ASSURER SA SOUTENABILITÉ, LE COMPTE DEVRA ACCOMPAGNER LA MUTATION DE SES DÉPENSES PAR UNE ÉVOLUTION DE SES RECETTES

A. LA STABILISATION DE L'ARCHITECTURE DU COMPTE POUR 2019 CONSACRE LA MUTATION DES DÉPENSES QU'IL RETRACE

1. Un compte désormais concentré sur l'entretien lourd du propriétaire, confronté à la nécessité d'apurer les restes à payer de l'ancien programme 309
a) Une nécessité : apurer les restes à payer de l'ancien programme 309

Outre le transfert des dépenses de l'ancien programme 309 opéré par la loi de finances pour 2017, le compte a également repris les restes à payer qui y étaient retracés, pour un montant de 87,1 millions d'euros .

De fait, comme l'illustre le graphique ci-après, le niveau des restes à payer portés par le compte a considérablement augmenté .

Évolution des restes à payer du compte depuis 2016

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données transmises par la direction de l'immobilier de l'État

À niveau de recettes similaire, il en résulte une modification de la structure des dépenses du compte : depuis 2018, le niveau de CP est supérieur aux AE. Cette tendance s'amplifie en 2019.

La direction de l'immobilier de l'État précise à cet égard que, « en l'absence de reports de crédits en 2017 du programme 309 vers les programmes du compte, les restes à payer du programme 309 sont financés par des recettes encaissées sur le compte spécial . Ils pèsent ainsi sur les crédits mutualisés (la totalité des redevances domaniales encaissées et une fraction de la part mutualisée des produits de cession) dédiés aux dépenses d'entretien du propriétaire » 8 ( * ) .

b) Une stratégie : concentrer les dépenses du compte sur l'entretien lourd du propriétaire

La stratégie d'utilisation des crédits du compte précisée dans la charte de gestion du 4 août 2017 consacre sa mutation au profit d'un « engagement prioritaire des moyens interministériels du compte en faveur des dépenses d'entretien à la charge du propriétaire » 9 ( * ) . Le solde des restes à payer issus de l'ancien programme 309 s'établirait à environ 25 millions d'euros au 1 er octobre 2018.

Cette évolution des dépenses financées par le compte s'accompagne du développement d'outils spécifiques, tel que l'outil de suivi de la consommation des fluides actuellement mis en oeuvre par la DIE. L'objectif est désormais d'améliorer la connaissance qualitative du parc afin d'améliorer les arbitrages et les interventions sur le parc.

Quoiqu'en partie subie en raison de la nécessité d'honorer les restes à payer de l'ex-programme 309, cette mutation s'inscrit dans le cadre du renouvellement de la politique immobilière de l'État pour laquelle votre rapporteur spécial Thierry Carcenac et notre ancien collègue Michel Bouvard avaient formulé une feuille de route en douze propositions en mai 2017 10 ( * ) .

Elle reflète la fin d'une première vague de rationalisation du parc immobilier de l'État ayant conduit à la redéfinition des emprises des administrations centrales parisiennes et à la cession de nombreux biens.

Comme l'a indiqué à vos rapporteurs spéciaux Nathalie Morin, alors directrice de l'immobilier de l'État, l'essentiel des opérations d'envergure a d'ores-et-déjà été réalisé pour les administrations centrales. Les enjeux se concentrent désormais sur la rationalisation des services déconcentrés et sur l'entretien lourd du parc.

2. L'indispensable mais toujours inachevée actualisation du modèle de financement

Le changement de nature des dépenses financées par le compte nécessite d'ajuster la structure de ses recettes.

Deux raisons justifient la redéfinition de ses produits :

- d'une part, de façon logique, la part désormais marginale des grosses opérations structurantes s'accompagne d'une diminution structurelle des produits de cession immobilières , comme l'illustre le graphique ci-après ;

- d'autre part, le financement de dépenses d'entretien lourd, dans une logique de priorisation des interventions, exige de disposer d'un flux récurrent de recettes , ce qui ne correspond guère aux aléas des produits de cession.

Évolution du produit tiré des cessions immobilières
depuis la création du compte

(en millions d'euros)

NB : Jusqu'à 2017, il s'agit des montants effectivement encaissés sur le compte, pour 2018, l'évaluation « prudente » transmise par la direction de l'immobilier de l'État a été retenue.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

De surcroît, la mise en oeuvre du dispositif de cessions décotées dans le cadre de la loi « Duflot » du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement 11 ( * ) a en partie minoré les produits de cessions attribués au compte. Entre 2014 et 2018, un montant total de 197 millions d'euros de décote a été consenti, pour 94 opérations, conduisant à retrancher plus de 8 % du produit des cessions immobilières du compte chaque année. Cette proportion atteint 20 % en 2018, compte tenu de la conclusion de la cession de l' « îlot Saint-Germain » en 2018, pour laquelle une décote de 56,7 millions d'euros, représentant 66 % de la valeur vénale du bien, a été appliquée.

Une surreprésentation des biens situés à Paris doit être relevée, puisque les cinq biens parisiens représentent près de la moitié du montant total des décotes consenties. Il en résulte souvent un coût élevé d'aide par logement construit, atteignant 4 232 euros par mètre carré pour les 251 logements sociaux de l' « îlot Saint-Germain » 12 ( * ) .

Ce dispositif modifie l'équilibre du compte, à rebours des principes le régissant , articulant mutualisation et intéressement des ministères à une gestion optimisée de leur fonction immobilière au travers d'un retour financier.

Au-delà des objectifs poursuivis, la méthode contrevient à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances 13 ( * ) . En effet, les moindres recettes du compte au titre de ce mécanisme, apparenté à des « aides à la pierre », devraient être compensées par un versement de la mission « Cohésion des territoires ».

Du point de vue des recettes du compte , l'exercice 2017 constitue un point de bascule, avec une chute des produits de cession supérieure à 40 %, non prévue en loi de finances initiale. Les recettes attendues en 2018 et 2019 devraient confirmer cette tendance.

Les encaissements réalisés à la fin août 2018 attestent d'une mutation structurelle des recettes du compte , dans la mesure où seulement deux tiers proviennent des cessions immobilières.

La transition vers des recettes récurrentes, recommandée par la commission des finances du Sénat depuis plusieurs années, a été amorcée en 2017 avec l'affectation des redevances domaniales. La nature de ces recettes présente deux avantages essentiels :

- d'une part, elles assurent un revenu récurrent , avec un encaissement régulier chaque mois sur le compte, et pérenne, en cohérence avec l'objectif de programmation pluriannuelle des dépenses. Ils répondent en ce sens à la critique régulièrement formulée par les gestionnaires de programmes de la difficulté à consommer les crédits du compte du fait de leur disponibilité tardive, une fois la cession immobilière effectivement réalisée et son produit encaissé ;

- d'autre part, en matière de gouvernance de la politique immobilière de l'État, ils confortent la direction de l'immobilier de l'État dans la mesure où aucun droit de retour ne s'applique aux redevances domaniales : l'intégralité du produit est reversée à l'enveloppe mutualisée.

Cependant, leur montant annuel de 90 millions d'euros demeure trop faible pour répondre aux besoins de financement constatés sur le compte .

La conjugaison de ces deux facteurs explique la mobilisation du solde du compte , constatée dès 2017 et qui devrait se poursuivre. Le graphique ci-après illustre la mobilisation du solde qui peut être projetée à partir des données disponibles pour 2018 et prévues pour 2019. Il en ressort qu' à la fin 2019, le solde du compte pourrait s'établir à 572,4 millions d'euros , en baisse de 36 % par rapport à son niveau constaté fin 2016.

Évolution du solde du compte depuis 2014

(en millions d'euros)

NB : pour 2018, l'exécution projetée du compte a été calculée sous l'hypothèse d'une consommation de l'intégralité des crédits de paiement prévus en loi de finances initiale et des prévisions de recettes « prudentes » fournies par la DIE ; pour 2019, l'exécution inscrite est celle prévue par le présent projet de loi de finances.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires et des données transmises par la direction de l'immobilier de l'État.

La mobilisation du solde cumulé du compte appelle deux remarques :

- elle peut être analysée comme une stratégie pertinente à court terme , compte tenu, d'une part, de son niveau historiquement élevé et des marges de manoeuvre accumulées au cours des derniers exercices (+ 44 % entre 2010 et 2016) et, d'autre part, de la programmation accrue des dépenses consécutive à leur mutation vers l'entretien lourd ;

- cependant, en raison de son caractère non pérenne , elle ne peut constituer qu'une solution transitoire , inscrite dans le cadre d'une stratégie plus globale de redéfinition des recettes du compte. En considérant un déficit annuel moyen du compte de 100 millions d'euros, les réserves actuelles seraient asséchées en moins de six exercices.

Dans cette perspective, la prévision historiquement faible de recettes tirées des cessions pour 2019 reflète la prise de conscience du Gouvernement de la nécessité d'une action résolue pour dynamiser les revenus récurrents tirés de la location des biens immobiliers de l'État inutilisés , suivant en cela les préconisations anciennes de la commission des finances du Sénat.

La direction de l'immobilier de l'État indique que des réflexions sont en cours pour faciliter la location à court terme des biens inutilisés pour lesquels la cession ne peut être rapidement envisagée. En tout état de cause, il importe qu'une traduction concrète soit rapidement définie afin d'assurer la soutenabilité du compte (cf. infra ).

B. LE RECOURS À DE NOUVEAUX VECTEURS BUDGÉTAIRES ACCENTUE L'ÉCLATEMENT TOUJOURS PLUS FORT DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L'ÉTAT, AU DÉTRIMENT DE SON EFFICACITÉ

1. Des crédits immobiliers interministériels nouveaux : le programme 348

L'analyse des crédits du compte ne suffit toutefois plus depuis la création en loi de finances pour 2018 du programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » au sein de la mission « Action et transformation publiques ».

Placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État, ce programme non pérenne met en oeuvre le grand plan d'investissement, avec un montant total d'un milliard d'euros jusqu'en 2022, pour rénover les cités administratives et autres sites multi-occupants.

L'exercice 2019 devrait voir la quasi intégralité de ce montant être engagé, puisque 900 millions d'euros sont prévus sur ce programme en autorisations d'engagement. De fait, comme le détaille le graphique ci-après, les crédits immobiliers interministériels devraient fortement progresser par rapport aux années précédentes.

Évolution des crédits immobiliers interministériels
depuis 2015

(autorisations d'engagement, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Il s'agit d'un tournant majeur , annoncé par la direction de l'immobilier de l'État à vos rapporteurs spéciaux l'an dernier, puisqu'elle affirmait alors que « la période 2017-2018 constitue une transition, dans la perspective d'un accroissement au cours des prochaines années de la dépense interministérielle d'entretien des bâtiments de l'État » 14 ( * ) .

Ce tournant appelle trois remarques principales :

- du point de vue budgétaire, il confirme la mutation du compte soulignée précédemment : les grandes opérations structurantes des prochaines années sont financées en dehors du vecteur budgétaire historique de la politique immobilière de l'État, par l'inscription de crédits budgétaires et non par des cessions de biens. Il renforce surtout l'éclatement de la politique immobilière de l'État, au détriment de sa lisibilité ;

- du point de vue du périmètre d'action, il se traduit par un effort désormais orienté vers les services déconcentrés , à l'appui des schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR) lancés en 2016 pour recenser les besoins immobiliers actuels et à l'horizon de cinq ans selon une vision transversale de l'ensemble des services ministériels déconcentrés et des opérateurs de l'État ;

- du point de vue de la stratégie globale de la politique immobilière de l'État , il conduit à opérer clairement un lien entre la réforme de l'État et l'actualisation de ses emprises immobilières . Les deux autres programmes de la mission « Action et transformation publiques » en attestent, puisqu'ils portent un fonds pour la transformation de l'action publique (programme 349) et un fonds d'accompagnement interministériel pour les ressources humaines (programme 351).

Les schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR)

Les schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR) , placés sous la responsabilité du préfet, constituent l'outil de mise en oeuvre de la politique immobilière de l'État et d'amélioration du recensement du parc immobilier. Expérimentés depuis le début de l'année 2015 dans cinq régions 15 ( * ) , ils ont été généralisés par une circulaire du Premier ministre du 6 juillet 2015 .

Remplaçant les précédents schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI), ils se déclinent en deux phases :

- un diagnostic préalable des bâtiments à l'échelon régional, des moyens humains et financiers dédiés à l'immobilier ;

- une stratégie devant conduire à un pilotage stratégique du parc à un horizon de cinq ans grâce à la définition initiale du périmètre projeté des implantations, suivi d'une stratégie d'intervention sur le parc cible.

Par rapport aux démarches précédentes, les SDIR opèrent deux changements majeurs :

- ils se fondent sur une approche transversale , puisqu'ils intègrent l'ensemble des services de l'État, à l'exception des services du ministère de la défense et du ministère de la justice, extérieurs au champ de compétence du préfet 16 ( * ) ;

- ils intègrent les opérateurs , dans la mesure où les nouveaux SPSI des opérateurs doivent s'inscrire dans le cadre des SDIR, en vue de disposer d'une vision globale du parc immobilier de l'État à l'échelle régionale.

La phase stratégie définit le périmètre projeté des implantations d'ici cinq années, ce qui conditionne les opérations immobilières à conduire, puis les interventions d'entretien et de rénovation nécessaires.

Source : commission des finances du Sénat

2. La politique immobilière de l'État, outil de la transformation de l'action publique

Ce lien s'inscrit en effet dans le cadre des objectifs du Gouvernement de réduction de 50 000 postes du nombre de fonctionnaires d'État d'ici 2022 et de réorganisation territoriale de certains réseaux , à l'instar de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Les circulaires du Premier ministre du 24 juillet 2018 relatives à l'administration territoriale et à la déconcentration dressent la feuille de route à suivre afin de « renforcer la cohérence et l'efficacité de l'intervention de l'État sur le territoire ». Pour ce faire, il est indiqué que « l'organisation et le fonctionnement des services [doivent évoluer] dans une logique de profonde déconcentration, de plus grande modularité et de mutualisation », avec en particulier le développement des directions départementales interministérielles (DDI).

Le Premier ministre demande à cet effet à « chaque préfet de région, avec les préfets de département, [d'identifier], pour les services placés sous leur autorité, les différentes options de réorganisations envisageables ». Dans cette perspective, l'immobilier est appréhendé comme un « levier de rationalisation » et les SDIR mobilisés comme outil d'optimisation de l'occupation du patrimoine de l'État.

Les instructions précisent que « les mutualisations revêtent plusieurs formes, qu'elles soient de moyens, juridiques ou budgétaires, mais elles n'emportent souvent leur pleine efficacité que si les services situés dans une même agglomération sont regroupés dans une même implantation immobilière. Les SDIR ont précisément pour vocation d'optimiser l'occupation du patrimoine immobilier de l'État par les administrations. [...] Ces mouvements doivent concerner l'ensemble des services, qu'ils soient ou non placés sous l'autorité directe des préfets [...]. S'agissant de sites multi-occupants, la gestion budgétaire et immobilière peut s'avérer complexe. Afin de faciliter leur mise en oeuvre, la direction de l'immobilier de l'État se tient à la disposition des préfets pour faire un examen au cas par cas ».

Concentrer les moyens disponibles sur le programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » constitue donc le levier budgétaire d'un plan plus global de réorganisation de l'administration déconcentrée.

Ce lien est logique compte tenu du caractère de fonction support de la fonction immobilière.

Le débat doit donc avant tout porter sur les objectifs fixés au redimensionnement des réseaux . La recherche d'une mutualisation accrue des services déconcentrés ne doit pas conduire à un éloignement de la présence de l'État dans les territoires . La mutualisation des services ne suppose pas nécessairement leur concentration sur les principaux pôles.

Par ailleurs, vos rapporteurs spéciaux considèrent que la réflexion sur la rationalisation des implantations des services déconcentrés doit prendre en compte les collectivités territoriales . Bien que définie à l'échelle d'une région et déclinée par départements, la démarche des SDIR n'a pas conduit à associer ni même à consulter les collectivités territoriales concernées en amont.

Cette situation est d'autant plus préjudiciable que les services de l'État occupent souvent des sites propriétés des collectivités territoriales, à titre onéreux ou gratuit, et qu' une réorganisation peut conduire à rendre des bâtiments aux collectivités territoriales sans réel préavis.

Vos rapporteurs spéciaux ont pu observer l'intérêt d'une démarche transversale à l'ensemble du patrimoine immobilier public à l'occasion de leur déplacement en Italie. L'Agence du domaine , établissement public industriel et commercial, responsable de la gestion, de la rationalisation et de la valorisation du patrimoine immobilier de l'État, peut également, par convention, assurer la gestion de certains biens immobiliers des collectivités territoriales et d'autres administrations publiques. Ce faisant, elle met à la disposition des acteurs publics volontaires ses compétences au service d'un projet de rationalisation et de valorisation. Les biens inutilisés et pouvant être cédés peuvent ensuite être transférés à la société Invimit, société à capitaux publics, qui en assure la valorisation et génère ainsi des revenus récurrents (voir encadré ci-après).

Fin 2017, pour le seul immobilier de type bureau en France, ce sont ainsi 2,8 millions de mètres carrés propriétés des collectivités territoriales que l'État occupe, ce qui représente plus de 15 % de l'ensemble des surfaces de bureaux occupées par l'État (cf. graphique infra ).

Trois ministères concentrent ce type d'occupation : le ministère de l'Intérieur (45 % des surfaces occupées appartiennent aux collectivités territoriales), le ministère de la Justice (22 %) et le ministère de l'Action et des comptes publics (17,5 %).

Parc immobilier de type bureau occupé par l'État :
une ventilation par propriétaire à la fin 2017

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données transmises par la direction de l'immobilier de l'État

La politique immobilière de l'État en Italie

Quatre acteurs doivent être distingués :

- le ministère de l'économie et des finances , qui exerce la tutelle de l'Agence du domaine et intervient avec la direction chargée des politiques de rationalisation et de valorisation de l'actif immobilier public (direction VIII du département du Trésor) ;

- l'Agence du domaine , créée en 1999 et ayant le statut juridique d'un établissement public industriel et commercial, qui est responsable de la gestion, de la rationalisation et de la valorisation du patrimoine immobilier de l'État. Par l'intermédiaire de conventions, elle peut également assurer la gestion des biens immobiliers des régions, collectivités locales et autres entités publiques. Elle compte plus de 1 000 employés, pour un budget supérieur à 90 millions d'euros et 17 directions régionales, qui constituent l'échelon opérationnel de la gestion du patrimoine immobilier public ;

- la Caisse des dépôts et des prêts (CDP), qui participe à la cession des biens immobiliers et au financement d'infrastructures nécessaires aux administrations publiques. Elle attire également les investissements privés sur des projets de requalification du patrimoine immobilier public. De façon spécifique, elle a mis en place avec l'Association nationale des communes italiennes (ANCI), la plateforme Patrimonio pubblico Italia , qui recense et présente les actifs immobiliers proposés par les collectivités territoriales et met ainsi en relation avec d'éventuels acquéreurs ;

- la société Invimit (Investissements immobiliers italiens), société à capitaux publics détenue par le ministère de l'économie et des finances, qui intervient dans le processus de rationalisation et de valorisation du patrimoine de l'État et des collectivités territoriales à travers la gestion de plusieurs fonds et fonds de fonds.

L'Agence du domaine initie des projets de requalification de l'immobilier public associant le secteur privé , permettant la mobilisation de ressources privées pour la modernisation du patrimoine immobilier public. Ainsi, dans le cadre des projets « Valore paese », l'agence, en lien avec les collectivités publiques propriétaires, contribue à la valorisation du patrimoine sous-utilisé sous différentes modalités juridiques (appels à projets, baux de longue durée, PPP, contrats de concession, etc.). Par exemple, le projet de requalification des phares côtiers a permis de réaffecter 24 structures, ce qui génère 15,4 millions d'euros de redevances annuelles et a permis de mobiliser 17 millions d'euros d'investissements directs pour des retombées économiques estimées à près de 60 millions d'euros.

Depuis 2017, l'Agence du domaine a fait de la protection et de l'entretien de l'immobilier public une action prioritaire , les crédits afférents ayant augmenté de 181 % en trois ans.

De nouvelles ressources lui ont par ailleurs été attribuées pour un montant total de 3,2 milliards d'euros . Dans le cadre du plan de valorisation du patrimoine immobilier public, l'Agence du domaine devra investir 3,2 milliards d'euros au cours des dix prochaines années dans deux directions :

- 1,5 milliard d'euros pour la requalification sismique et énergétique du patrimoine de l'État ;

- 1,7 milliard d'euros pour le développement de bâtiments mutualisés (38 ensembles sont prévus) et pour la rationalisation des surfaces des ministères.

Sur la période 2015-2017, les recettes liées aux ventes de biens immobiliers à propriété publique se sont élevées à 2,55 milliards d'euros .

Sur la période 2018-2020, il est prévu de poursuivre le mouvement important de cessions , avec un montant de recettes générées prévu à hauteur de 690 millions d'euros en 2018, 730 millions d'euros en 2019 et 670 millions d'euros en 2020.

Deux caractéristiques peuvent être relevées :

- premièrement , la répartition des cessions selon les administrations publiques met en évidence la prépondérance des cessions de biens immobiliers appartenant aux collectivités territoriales. Sur les 2,55 milliards d'euros de produit de cessions encaissés entre 2015 et 2017, près de 70 % concernent les biens immobiliers des collectivités territoriales et 28 % les biens immobiliers des administrations de sécurité sociale. La part des biens immobiliers des administrations centrales est essentiellement résiduelle. Dans le cadre du programme lancé en 2013 « fédéralisme domanial », l'État peut transférer gratuitement des biens inutilisés à des collectivités territoriales - environ 5 000 biens ont été transférés, pour une valeur estimée à 1,75 milliard d'euros ;

- deuxièmement , au-delà des cessions, la requalification du patrimoine immobilier s'est conduite à travers l'utilisation de fonds d'investissements immobiliers , et notamment par le renforcement du rôle de la société Invimit, qui gère actuellement six fonds directs et un fond de fonds.

Source : commission des finances du Sénat

Outre les services déconcentrés, le Gouvernement pourrait revoir l'implantation française à l'étranger , en particulier s'agissant du réseau consulaire, dans un contexte de réduction du nombre de fonctionnaires à l'étranger. Le ministre de l'Action et des comptes publics, Gérald Darmanin, avait ainsi dévoilé devant la commission des finances du Sénat au printemps dernier que « le Premier ministre a annoncé, après la réunion interministérielle, la baisse de 10 % des effectifs des fonctionnaires à l'étranger. C'est la plus grande économie que le Quai d'Orsay et les autres services qui concourent à l'action extérieure de la France auront à apporter, indépendamment de l'enseignement, qui devrait faire l'objet d'une réforme sur laquelle travaille le ministre des Affaires étrangères » 17 ( * ) .

En raison du statut à part des biens immobiliers de l'État situés à l'étranger, les traductions immobilières de la baisse d'effectifs de l'État à l'étranger pourraient toutefois soulever des difficultés . À l'instar des biens relevant du ministère des Armées, ils se situent en effet hors du périmètre de la mutualisation, de sorte que l'intégralité des produits de cession est affectée, sur le compte, au BOP du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.

De plus, à partir de 2019, le ministère des Affaires étrangères sera l'unique affectataire de l'ensemble des biens immobiliers de l'État à l'étranger , ce qui inclut en particulier les services de la direction générale du Trésor. Si le ministère des Affaires étrangères devra assurer l'entretien courant de ces biens, il bénéficiera aussi de l'intégralité du produit tiré d'éventuelles cessions opérées sur ces biens sur son enveloppe du compte d'affectation spéciale.

Or vos rapporteurs spéciaux ont relevé les relations difficiles entre la direction de l'immobilier de l'État et le Quai d'Orsay , en raison d'une divergence d'appréciation sur les efforts de rationalisation restant à opérer sur les implantations à l'étranger. Il importe de développer une relation apaisée, susceptible de favoriser la rationalisation des implantations françaises à l'étranger.

3. Le rendement d'occupation des surfaces, ou le symbole de l'atonie de la politique immobilière de l'État

Au-delà de la réduction du nombre de postes dans la fonction publique, les modalités même d'exercice du métier de fonctionnaire sont susceptibles d'affecter la politique immobilière de l'État .

Ainsi, les rationalisations immobilières opérées chez certains de nos voisins européens ont participé également d'un mouvement plus profond d'évolution des modes de travail, développant en particulier le télétravail. Au Royaume-Uni, la rationalisation des implantations des administrations centrales à Londres a été conjuguée à une réduction du nombre de postes de travail, désormais inférieur au nombre d'agents.

C'est ainsi que le ratio de surface utile nette par agent a été réduit sous les 10 mètres carrés en 2017, atteignant même 9 mètres carrés à Londres, avec une cible de 8 mètres carrés à court terme 18 ( * ) .

De ce point de vue, l'indicateur de performance du compte s'attache au rendement d'occupation des surfaces , mesuré en mètres carrés de surface utile nette par poste de travail. Comme le rappelle le projet annuel de performances du compte annexé au présent projet de loi de finances, depuis la définition d'une politique immobilière de l'État, « l'une des mesures principales est axée sur le respect de l'objectif d'un ratio de surface de 12 mètres carrés par poste de travail ». Or, de ce point de vue, force est de constater, à l'appui du graphique ci-après, l'échec à améliorer cet indicateur .

Évolution de l'indicateur de rendement d'occupation
des surfaces depuis 2012

(en mètres carrés de surface utile nette par poste de travail)

NB : à partir de 2017, le taux de complétude de l'indicateur a progressé puisqu'il porte désormais sur 66 % des surfaces de bureau inventoriées, contre 34 % en 2016.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

La réalisation 2017, en légère augmentation par rapport à 2016, doit être nuancée, dans la mesure où elle s'explique par l'augmentation de 66 % du nombre de surfaces prises en compte dans le calcul du ratio. Désormais, l'indicateur porte sur donc sur 56 % des surfaces de bureau inventoriées.

L'amélioration du taux de complétude a été permise par l'inventaire effectué dans le cadre des SDIR. Si elle renforce la pertinence de l'indicateur, elle se traduit immédiatement par une dégradation du ratio.

Dans ce cadre, vos rapporteurs spéciaux soulignent que la cible de 13,4 mètres carrés, fixée pour 2020, n'est pas cohérente avec les objectifs par ailleurs affichés par le Gouvernement en matière de réduction du nombre de postes dans la fonction publique d'État. Les indications de la direction de l'immobilier de l'État elle-même confirment ce décalage, dès lors que « la baisse constante des effectifs dans la fonction publique engendre un mitage des surfaces qui ne peut se résorber que progressivement au moyen, d'une part, d'opérations permettant de regrouper des services émiettés sur le territoire et, d'autre part, de projets de densification d'immeubles ». Or, « ces projets comportent des travaux qui peuvent s'avérer structurants » 19 ( * ) et donc prendre du temps avant d'affecter l'indicateur.

Cette cible n'est donc pas réaliste ; elle devrait être ajustée.

III. INSUFFISAMMENT RENOUVELÉE, LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L'ÉTAT EST POURTANT CONFRONTÉE À DE NOMBREUX DÉFIS

A. LA SECONDE ÉTAPE DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L'ÉTAT RESTE ENCORE ENLISÉE

En juillet 2017, le ministre de l'action et des comptes publics Gérald Darmanin avait reçu votre rapporteur spécial Thierry Carcenac et notre ancien collègue Michel Bouvard pour détailler les recommandations de la feuille de route qu'ils avaient présentée 20 ( * ) .

Ils envisageaient les contours d'une politique immobilière de l'État modernisée autour de deux idées centrales :

- d'une part, un État propriétaire conforté dans ses prérogatives, devant s'appuyer sur un renforcement de la direction de l'immobilier de l'État et un dialogue avec les administrations occupantes ;

- d'autre part, une stratégie patrimoniale du parc : en tant qu'actif, le parc immobilier de l'État doit être entretenu et valorisé, ce qui suppose une approche en comptabilité générale et non plus uniquement en comptabilité budgétaire.

Dans ce cadre, vos rapporteurs spéciaux ont analysé, au cours du premier semestre 2018, l'état d'avancement de la deuxième phase de la politique de l'immobilier de l'État.

Les évolutions intervenues depuis 2017 amorcent le changement d'optique . Plusieurs éléments sont à souligner :

- si la direction de l'immobilier de l'État n'est responsable que de 7,5 % des crédits budgétaires en matière immobilière, ses prérogatives sont renforcées par la procédure de labellisation des projets immobiliers . En effet, tout projet d'un montant supérieur à 5 millions d'euros - ou 8 millions d'euros en région Île-de-France - doit être examiné dans le cadre des conférences nationales de l'immobilier public en vue de sa labellisation. Or cette procédure est obligatoire quel que soit le vecteur budgétaire utilisé pour financer l'opération : elle permet d'apprécier si le projet respecte les objectifs généraux de la politique immobilière de l'État. Expérimentée depuis 18 mois, cette procédure devrait être généralisée dans le cadre de la suppression des loyers budgétaires (cf. infra ) ;

- la baisse désormais réelle des produits de cession a contraint le Gouvernement à rechercher de nouvelles sources de revenus, en dynamisant les redevances domaniales encaissées sur le compte. Il s'ensuit une nouvelle appréhension du parc immobilier , dépassant l'arbitrage historique entre la possession et la cession pour envisager sa valorisation locative ;

- parallèlement, l'intégration des dépenses de l'ex-programme 309 vise à sanctuariser au sein du compte les dépenses d'entretien lourd , à la fois préventif et curatif, qui diminuaient tendanciellement. Selon la direction de l'immobilier de l'État, il s'agit ainsi de « mettre les dépenses de gros entretien renouvellement à l'abri de réductions inappropriées, à cause de la fongibilité des crédits » 21 ( * ) .

B. DE NOMBREUX DÉFIS RESTENT ENCORE À RELEVER

Pour autant, ces changements demeurent modestes compte tenu du temps écoulé depuis l'annonce d'une nouvelle étape de la politique immobilière de l'État en janvier 2016. Près de trois années plus tard, de nombreux défis restent à relever . Trois questions doivent, en particulier, être résolues.

1. Reconstituer les compétences techniques de l'État

La première difficulté tient à l'attrition des compétences techniques de l'État . À de rares exceptions près, l'État n'est bien souvent plus en mesure de conduire des chantiers d'entretien et de construction de grande envergure. Il s'agit d'un problème ancien qui a pu favoriser, avec des considérations budgétaires, le recours à des contrats de partenariat.

Ce problème s'est encore accentué en 2017 avec l'extinction des capacités de conduite d'opérations et de maîtrise d'ouvrage du ministère de la transition écologique et solidaire, alors même que les compétences des directions départementales des territoires (DDT) irriguaient l'ensemble des compétences immobilières des autres ministères.

De fait, comme le souligne la direction de l'immobilier de l'État, « l'État est aujourd'hui confronté à la fois à une insuffisance des moyens dédiés à l'entretien propriétaire, et à une incapacité de consommer les crédits mis à disposition . En effet, en dehors de quelques ministères qui ont conservé des compétences en régie (Armées, Intérieur, Économie et finances, Éducation nationale dans une moindre mesure) ou au travers d'établissements publics dédiés (Justice, Culture, Enseignement supérieur), la plupart des services ne sont plus en capacité de monter des projets immobiliers, puis de les suivre . Cette carence pèse sensiblement, dès aujourd'hui, sur la réussite du grand plan d'investissement (rénovation des cités administratives) » 22 ( * ) .

C'est pourquoi « il est indispensable de reconstituer sans tarder une force interministérielle capable d'intervenir en soutien des administrations porteuses de projet ».

Dans cette optique, il est envisagé de « renforcer les moyens des antennes immobilières du secrétariat général des ministères économiques et financiers, en accentuant leur vocation interministérielle ».

Pour autant, cette solution n'apportera qu'une « réponse immédiate mais partielle au problème rencontré » dans la mesure où ces antennes sont constituées de 90 personnes, avec un maillage territorial, et sont déjà mobilisées pour la réalisation des travaux de rénovation des cités administratives financés par le programme 348.

Une réponse d'envergure pourrait être envisagée avec la création d'un établissement public d'assistance à la maîtrise d'ouvrage à vocation interministérielle , sur le modèle des structures sectorielles préexistantes. Lors de son audition, Marie-Luce Bousseton, directrice générale de l'Agence pour l'immobilier de la justice (Apij) a rappelé à vos rapporteurs spéciaux que l'une des raisons ayant conduit le ministère de la Justice à créer cette agence en 2001 était le besoin de recruter des personnels techniques sous contrat de droit privé, dès lors que l'État ne formait plus ce genre de profils.

Dans ce cadre, une étude approfondie doit être conduite afin de comparer le coût pour les finances publiques du recours à des contrats de partenariat du fait de l'absence de capacités humaines à assurer la maîtrise d'ouvrage avec celui résultant du recrutement d'une équipe spécialisée au sein d'un établissement public dédié.

2. Remplacer les loyers budgétaires

La deuxième question résulte de la suppression des loyers budgétaires dès 2019 pour l'ensemble des ministères à l'exception du ministère des Armées, pour lequel la suppression interviendra en 2020.

Ce mécanisme historique de la politique immobilière de l'État incarne la distinction fondamentale entre l'État propriétaire et les ministères occupants , en leur faisant supporter une charge à raison des surfaces de bureaux qu'ils occupent et dont l'État est propriétaire. Comme le détaille l'encadré ci-après, les loyers budgétaires étaient donc conçus comme un levier d'incitation à la rationalisation immobilière.

Le mécanisme des loyers budgétaires

Après une expérimentation en 2006 portant sur trois ministères (économie et finances, affaires étrangères et justice), les loyers budgétaires ont été progressivement étendus jusqu'à leur généralisation en 2009 pour l'ensemble des immeubles domaniaux de bureaux, y compris les immeubles situés outre-mer et à l'étranger.

Il s'agit d'un loyer acquitté par les ministères en vertu de la convention d'utilisation conclue avec la direction de l'immobilier, dont le montant varie en fonction de la surface d'immeubles domaniaux à usage de bureaux qu'ils utilisent et des caractéristiques locales du marché. Pour les acquitter, ils reçoivent une dotation budgétaire de l'État propriétaire, qui lui revient ensuite par les loyers budgétaires acquittés. L'opération s'opère donc dans un circuit fermé, maintenant l'unité de caisse et traduisant le fait que la distinction État propriétaire et ministère occupant reste une construction théorique.

Lors de leur mise en oeuvre, la dotation budgétaire correspondante a été fixée à un montant équivalent à la somme des loyers du ministère. Ensuite, alors que la dotation budgétaire initiale demeure, le montant des loyers budgétaires évolue en fonction des prix du marché, des surfaces et lieux d'implantations du ministère. Un mécanisme d'incitation et de sanction a complété le dispositif en 2009.

Il s'agit donc, en théorie, d'un mécanisme fort d'incitation à la rationalisation immobilière.

En parallèle, un lien a été établi entre les loyers budgétaires acquittés par un ministère et sa contribution aux crédits de l'ex-programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État », selon un taux de 12 % en 2009, 16 % en 2010 et 20 % entre 2011 et 2016. Ce lien avait disparu avec l'intégration du programme au sein du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » en 2017.

Source : commission des finances du Sénat

À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, la commission des finances du Sénat avait sollicité le point de vue des administrations occupantes sur le fonctionnement des loyers budgétaires. Il en ressortait la mise en oeuvre difficile en pratique , avec l'absence d'utilisation du mécanisme d'incitation et de sanction.

Deux inconvénients étaient en particulier relevés :

- une majoration artificielle de la dépense portée par les programmes en raison de l'effet de ciseaux entre une dotation souvent gelée et des loyers budgétaires évoluant selon le taux d'indexation fixé par la direction de l'immobilier de l'État. Le coût total des loyers budgétaires, retracé dans les différentes missions du budget général comme une mesure de périmètre, s'élevait à 983 millions d'euros en 2018 ;

- une décorrélation entre loyers budgétaires et programmes concernés : 13,5 % des loyers budgétaires étaient ainsi imputés sur le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », alors même qu'ils s'appliquent à des bâtiments utilisés par des services relevant d'autres programmes ministériels.

De fait, l'effet réel des loyers budgétaires sur l'incitation des ministères à rationaliser leurs emprises immobilières pouvait être mis en doute . C'est d'ailleurs la justification retenue par la direction de l'immobilier de l'État à leur suppression dans la mesure où ils « se révèlent aujourd'hui plus lourds au plan administratif qu'efficaces pour favoriser la rationalisation du parc immobilier, dans un contexte où les loyers ne sont plus affectés au compte d'affectation spéciale [mais au budget général] » 23 ( * ) .

Si vos rapporteurs spéciaux partageaient le constat d'une mécanique insatisfaisante, ils soutenaient une remise à plat des loyers budgétaires davantage qu'une suppression pure et simple . Cette position s'inscrivait dans une double perspective :

- associer les administrations à leur rationalisation immobilière ;

-financer la politique immobilière de l'État par la mobilisation des produits de gestion du parc.

À cet égard, en donnant un coût à la fonction immobilière, les loyers budgétaires pouvaient préfigurer la foncière publique imaginable à l'avenir et que d'autres pays européens, comme l'Allemagne, ont mise en oeuvre.

Cette solution n'a finalement pas été retenue et la suppression pure et simple des loyers budgétaires laisse ouvertes deux questions :

- s'agissant des conséquences humaines , dans la mesure où l'une des critiques essentielles et récurrentes portait sur les ressources humaines mobilisées pour la gestion des loyers budgétaires, pour un total estimé à une quarantaine d'ETPT par l'inspection générale des finances en 2016 24 ( * ) ;

- s'agissant de l'incitation des administrations occupantes à rationaliser leurs emprises immobilières.

La direction de l'immobilier de l'État indique à cet effet « s'orienter vers d'autres outils incitatifs [comme] la procédure de labellisation des projets immobiliers ». Si cette procédure assoit la vision transversale de l'État propriétaire, elle ne concerne cependant que les projets immobiliers, à la différence des loyers budgétaires qui s'attachaient à l'ensemble des emprises.

Cet outil ne remplace donc pas réellement les loyers budgétaires. Il pourrait même favoriser un certain immobilisme des administrations occupantes.

Cependant, la référence au coût d'occupation devrait être conservée au sein des conventions d'utilisation (CDU) conclues avec les administrations occupantes. Comme l'a souligné Isabelle Saurat, directrice de l'immobilier de l'État, il importe en effet de conserver la donnée afin de pouvoir étayer les décisions d'arbitrage entre la rénovation et le déménagement.

3. Développer la location à des tiers

La troisième question porte sur le coeur de la stratégie de l'État en matière immobilière . Deux éléments se conjuguent :

- par le passé, le financement de la politique immobilière de l'État par les produits tirés des cessions immobilières depuis plus d'une décennie a fait se constituer, au fur et à mesure, un stock de biens difficiles à céder . Ce sont ainsi 506 biens qui ont été inscrits dans l'outil de suivi des cessions avant le 1 er janvier 2015 et qui demeurent à la vente, dont 83 depuis plus de dix ans et un bien affecté au ministère de l'Action et des comptes publics en Corse à la vente depuis 1991 ;

- à l'avenir, la concentration des moyens budgétaires pour les opérations structurantes sur le programme 348 devrait inciter les ministères à transférer certains services déconcentrés vers les sites mutualisés et, partant, à libérer de nouveaux biens dans des zones où le marché immobilier pourrait être peu dynamique.

Il en résulte une double difficulté, dans la mesure où non seulement les biens non cédés ne génèrent pas de recettes pour alimenter le compte, mais de surcroît ils perdent de la valeur en raison de l'absence d'entretien et génèrent même des dépenses supplémentaires assumées par les services du Domaine (frais de gardiennage, par exemple). Tel est par exemple le cas de l'ancienne école d'architecture de Nanterre qui, bien que située à 1 kilomètre de la Grande arche de la Défense, demeure à l'abandon depuis 2004, occasionnant pour les finances publiques un coût annuel d'environ 50 000 euros en gardiennage.

C'est pourquoi la commission des finances du Sénat recommande depuis plusieurs années d'élargir le spectre au-delà de la domanialité et de la cession, en envisageant la location de certains biens du patrimoine immobilier de l'État.

L'affectation du produit des redevances domaniales au compte peut être analysée comme une première étape. Un processus de dynamisation a d'ailleurs été engagé par la direction de l'immobilier de l'État afin d'accroître cette source de recettes. Un moyen rapide pourrait être le développement d'un outil de mise en valeur des biens proposés par l'État, sur le modèle du site internet développé pour les cessions 25 ( * ) .

Cependant, le projet de loi de finances pour 2019 marque un tournant majeur , puisque le projet annuel de performances qui lui est annexé indique pour la première fois, en justification de la cible fixée dans la maquette de performance du compte, « la mise en place progressive d'un dispositif de location des biens immobiliers de l'État ».

La direction de l'immobilier de l'État a détaillé ce projet à vos rapporteurs spéciaux (voir encadré ci-après).

Vers la location des biens de l'État inutilisés ?

« Dans un contexte de baisse tendancielle des produits de cession, la direction de l'immobilier de l'État a engagé une réflexion afin d'identifier les alternatives aux cessions et ainsi améliorer la gestion du patrimoine immobilier de l'État tout en garantissant des recettes pérennes.

« Partant du principe qu'un bien inoccupé se dégrade très vite (risques de squat, absence de chauffage) et perd de sa valeur, la DIE souhaite mettre en oeuvre des expérimentations ciblées de location d'immeubles pour tester différentes modalités pratiques. Les opérations portent sur des biens dont la cession nécessite du temps, soit en raison de la longueur des procédures (difficultés à faire émerger un projet de reconversion compatible avec les souhaits des élus locaux par exemple), soit en raison des difficultés liées au marché immobilier (biens inadaptés en l'état aux besoins du marché). Il s'agit d'assurer le gardiennage et l'entretien du bien par son occupation, même de courte durée. Mais cette démarche porte aussi sur des biens qui, soit par leur valeur intrinsèque (du fait de leur localisation, ils ne perdront jamais de la valeur), soit par la difficulté locale à céder à un prix correct, doivent rester dans le patrimoine de l'État et représentent des actifs potentiellement productifs de revenus. Ces locations permettront à l'État propriétaire de se constituer des revenus réguliers, pour faire face aux dépenses d'entretien notamment. [...]

« Cette démarche s'articule avec les SDIR et les SPSI qui permettent un diagnostic immobilier stratégique. Elle doit conduire à un arbitrage, au cas par cas, entre occupation par l'État, cession ou location, pour chaque bien qui est remis au Domaine par son occupant. S'agissant des immeubles inutiles ou partiellement inutiles mais présentant un intérêt particulier, en raison de leur situation géographique, de leur configuration, de leur valeur patrimoniale, etc., l'État ne doit pas s'interdire de les conserver en les louant sur une longue durée.

« Enfin, s'agissant des immeubles dont la cession est décidée mais dont la vente est complexe et nécessitera, a priori, des délais de commercialisation longs, le recours à la formule de l'occupation temporaire des biens, permettant d'éviter les coûts de gardiennage et de limiter les coûts de conservation avant vente, semble une bonne solution. La direction de l'immobilier de l'État a eu l'occasion de rencontrer deux acteurs du marché spécialisés dans l'occupation temporaire. »

Source : réponse de la direction de l'immobilier de l'État au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

La modification de l'indicateur de performance du programme 723 s'inscrit d'ailleurs dans cette démarche.

Jusqu'à présent, l'indicateur portait sur la durée moyenne de vente d'un bien immobilier à compter de la date de décision d'inutilité. La portée réelle de cet indicateur était remise en question par la Cour des comptes, considérant qu'il semblait « réduire les possibilités de valorisation des biens immobiliers à leur seule cession, alors que d'autres modalités (mise en location, notamment) pourraient prendre davantage d'importance à l'avenir » 26 ( * ) .

Le nouvel indicateur s'attache désormais aux surfaces de bureaux remis au Domaine inoccupées depuis 36 mois ou plus.

Trois remarques peuvent être formulées :

- la proportion a augmenté entre 2016 et 2017, passant de 21,74 % à 22,55 % des surfaces, attestant l'accroissement progressif du stock de biens inutiles et non cédés ;

- le délai de 36 mois retenu est « celui durant lequel, dans le cadre de la gestion immobilière, une solution viable peut généralement être adoptée » 27 ( * ) , de sorte que pour améliorer l'indicateur, d'autres solutions devront alors être mobilisées, comme la location à un tiers ;

- un biais peut toutefois être identifié , dans la mesure où seules les surfaces de bureaux sont prises en compte, alors même qu'une partie importante des biens remis au Domaine et inoccupés est constituée d'immobilier spécifique. Par exemple, l'ancienne école d'architecture de Nanterre n'entrera pas dans la mesure de l'indicateur.

À ce stade, la doctrine et les moyens de la mise en location des biens inutiles dont la cession ne peut être rapidement envisagée ne sont pas stabilisés.

Au moins deux questions devront être résolues .

La première question a trait aux modes de valorisation du patrimoine de l'État prévus par le code général de la propriété des personnes publiques.

Les règles actuelles permettent la délivrance d'un titre d'occupation sur le domaine public ou privé de l'État donnant lieu au paiement d'une redevance, qui ne peut toutefois être ni modique ou nulle, ni minorée à concurrence du montant des travaux réalisés par le futur occupant. Or, pour certains biens que l'État entend conserver dans son patrimoine mais pour lesquels il ne souhaite pas assumer les frais de remise en état et de conservation, il pourrait être intéressant d'opérer une réfaction sur le prix du loyer en contrepartie d'aménagements opérés par le locataire . Vos rapporteurs spéciaux ont pu constater le succès d'un tel schéma en Italie, en particulier s'agissant des biens culturels.

En outre, le code général de la propriété des personnes publiques soumet l'État à des règles de publicité et de mise en concurrence pour les titres d'occupation accordés en vue d'une exploitation économique. Ces règles participent d'une meilleure valorisation. Cependant, comme l'indique la direction de l'immobilier de l'État, pour davantage de fluidité, « certaines solutions d'occupation nécessiteraient peut-être la désignation d'un opérateur avec lequel l'État contracte de gré à gré » 28 ( * ) .

La seconde question découle directement de la recherche d'une fluidité accrue et d'un partage des tâches entre le Domaine et la valorisation des biens de l'État : il s'agit de la structure chargée d'assurer le portage des biens mis en location.

À cet égard, le rapport de mai 2017 de la commission des finances du Sénat préconisait la création d'une foncière à capitaux intégralement publics , chargée de procurer des revenus récurrents et garantis au compte. Plusieurs de nos voisins européens ont déjà franchi le pas, à l'instar de l'Allemagne ou de l'Italie, tandis que la réflexion devrait prochainement se concrétiser au Royaume-Uni. Ces exemples ont convaincu vos rapporteurs spéciaux de l'intérêt d'une telle structure.

Isabelle Saurat, directrice de l'immobilier de l'État, a confirmé l'évolution de la réflexion du Gouvernement en la matière, se disant convaincue qu'il faille à terme aller vers la création d'une foncière publique.

La direction de l'immobilier de l'État précise dans cette perspective qu'est envisagée la création d'une « structure chargée de la gestion locative des biens inutiles aux besoins de l'État , disposant de l'ensemble des outils et moyens lui permettant de mettre en oeuvre une politique de gestion locative dynamique, en supportant les charges du bailleur. Son existence serait de nature à mieux financer la politique immobilière de l'État en tirant des revenus locatifs réguliers et pérennes (nets des travaux de rénovation, des charges du propriétaire bailleur et des frais de gestion de la structure) lorsque ceux-ci sont préférables à l'encaissement d'un prix de vente. Ces flux locatifs soulageraient le budget général, donneraient aux recettes du compte spécial un caractère récurrent, permettant de mieux entretenir le patrimoine. Cette structure 100 % publique ne serait pas nécessairement détentrice du patrimoine sur lequel elle agit, pouvant ne disposer que d'un mandat lui donnant les prérogatives équivalentes. Ces pistes de réflexion méritent encore des études approfondies, assorties d'un modèle économique précis permettant d'en apprécier les conséquences dans la durée, les avantages attendus, les inconvénients et effets incidents, les coûts économiques et budgétaires, sans oublier une vérification de la compatibilité avec la loi organique relative aux lois de finances, qui reste à démontrer ».

Jusqu'à présent, les foncières publiques n'ont été envisagées que sous l'angle de la mobilisation du foncier pour la construction du logement social. La création d'une telle structure correspondrait donc à un changement majeur.

C. LA CRÉATION D'UNE FONCIÈRE PUBLIQUE DOIT ÊTRE ENVISAGÉE

En Italie, la société Invimit , détenue à 100 % par l'État italien, assure une fonction de portage, en recevant certains biens immobiliers publics pour leur transformation ou leur valorisation .

De tels outils ont existé en France , avec des succès nuancés, à l'instar de la Société de valorisation foncière et immobilière (Sovafim), société anonyme entièrement détenue par l'État et créée en 2006 afin de valoriser les biens immobiliers de Réseau ferré de France (RFF). Elle comprenait également des filiales, dont la SAS Sovapar3, dédiée à l'immobilier pénitentiaire.

La Sovafim est aujourd'hui en voie d'extinction ; une partie de ses activités pourrait être reprise par la Caisse des dépôts et consignations.

Dans le cadre de la réflexion engagée par le Gouvernement en vue de créer une foncière publique, vos rapporteurs spéciaux souhaitent relever deux exemples concrets pour lesquels le recours à un tel outil apporterait une réelle plus-value .

Le premier exemple porte sur l'immobilier pénitentiaire .

Dans le cadre de la campagne des élections présidentielles, Emmanuel Macron s'était engagé à construire 15 000 places de prison supplémentaires . Le plan pénitentiaire présenté par la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, le 12 septembre dernier en Conseil des ministres 29 ( * ) prévoit la construction de 7 000 places avant 2022 , tandis que les 8 000 autres places seraient initiées d'ici cette date, en vue de leur construction effective d'ici 2027.

Au-delà de la création de nouvelles places de prison, plusieurs établissements pénitentiaires devront être entièrement réhabilités .

Dans le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, en cours d'examen par le Parlement, c'est un montant total de 1,7 milliard d'euros de crédits qui serait consacré à la construction de nouveaux établissements pénitentiaires jusqu'en 2022. Des procédures accélérées en matière d'urbanisme sont proposées à son article 51.

Un tel montant risque toutefois de se révéler insuffisant pour atteindre les objectifs annoncés par le Gouvernement, d'autant plus qu'il ne sera plus fait recours aux partenariats public-privés. En effet, selon l'Apij, le coût d'une place de prison dans une maison d'arrêt d'environ 500 places peut être estimé à près de 200 000 euros. Pour atteindre l'objectif de 15 000 places engagées d'ici 2022, environ 3 milliards d'euros seraient nécessaires.

À cet égard, une partie de la difficulté pourrait être surmontée en recourant à une structure de portage immobilier .

En effet, la construction d'un nouvel établissement pénitentiaire s'opère souvent dans le cadre de la fermeture d'anciens établissements, devenus inutiles et pouvant être cédés. En confiant ces établissements inutiles à une structure publique ad hoc , il serait alors possible de dégager des marges de manoeuvre budgétaires en amont.

Le second exemple porte sur les infrastructures d'hébergement qui pourraient être rendues nécessaires par la création du service national universel . Ainsi que le détaille le rapport du groupe de travail remis au Président de la République sur ce sujet au printemps dernier 30 ( * ) , ce sont au moins 80 000 places d'hébergement qui seraient requises pour accueillir l'ensemble d'une classe d'âge à l'occasion de l'engagement obligatoire d'un mois prévu entre 15 ans et 18 ans. Selon les estimations, environ 1,75 milliard d'euros d'investissements en infrastructures serait nécessaire.

À ce stade, la direction de l'immobilier de l'État n'a pas été sollicitée. Néanmoins, si ce projet devait se concrétiser, il sera indispensable de recourir à cette direction afin d'identifier les biens susceptibles de répondre aux besoins d'hébergement ainsi que de procéder aux rénovations et mises aux normes indispensables à l'accueil d'un jeune public.

Les réorganisations territoriales des armées et de la gendarmerie se sont traduites, ces dernières années, par la désaffection de nombreuses casernes dans les territoires, pour lesquelles l'État éprouve souvent des difficultés à trouver une réaffectation ou un acquéreur.

Dans ce cadre, il pourrait être intéressant de créer une structure publique ad hoc chargée de procéder à la transformation des sites identifiés pour accueillir les jeunes et d'en assurer l'entretien. Pour l'État, l'intérêt serait, outre la capitalisation initiale de la structure, de disposer d'une meilleure prévisibilité du coût complet du dispositif.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 84 ter (nouveau)
(Art. L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques)

Encadrement du mécanisme de cession décotée des biens du domaine privé de l'État pour favoriser la construction de logements sociaux

Commentaire : cet article prévoit de plafonner le taux de la décote de droit si la personne morale bénéficiaire dispose de réserves foncières propres et de biens susceptibles de permettre la réalisation d'un programme qui comporte la construction de logements sociaux.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE PRINCIPE GÉNÉRAL DE CESSION DÉCOTÉE DE TERRAINS APPARTENANT À L'ÉTAT

L'article 95 de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale 31 ( * ) a introduit le principe d'une décote applicable en cas de vente de terrains de l'État.

Cette disposition figure au I de l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) .

Elle permet à l'État de procéder à l'aliénation de terrains de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale lorsque ces terrains sont destinés à la réalisation de programmes de constructions comportant essentiellement des logements dont une partie au moins est réalisée en logement social.

La décote est déterminée en fonction des types de logements sociaux prévus par le programme :

- pour la part du programme destinée aux logements sociaux, la décote peut atteindre 100 % de la valeur vénale du terrain. Son niveau est déterminé en fonction de la catégorie à laquelle ces logements appartiennent et prend en compte « les circonstances locales tenant à la situation du marché foncier et immobilier, à la situation financière de l'acquéreur du terrain, à la proportion et à la typologie des logements sociaux existant sur le territoire de la collectivité considérée et aux conditions financières et techniques de l'opération » ;

- pour les logements financés en prêts locatifs sociaux et pour les logements en accession à la propriété, la décote est plafonnée à 50 % de la valeur vénale du terrain. Ce plafond ne s'applique pas aux logements en accession à la propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion qui bénéficient d'une aide destinée aux personnes physiques à faibles revenus, pour financer l'acquisition de logements évolutifs sociaux.

L'article 97 de la loi du 6 aout 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 32 ( * ) a complété ces dispositions afin de prévoir que, pour les communes qui ne font pas l'objet d'un constat de carence, une décote peut être appliquée dans le cadre d'un programme de logements sociaux pour la part du programme relative aux équipements publics destinés en tout ou partie aux occupants de ces logements.

B. UNE CESSION DÉCOTÉE DE DROIT INTRODUITE EN 2013

En complément de ce mécanisme général, une décote de droit a été introduite par l'article 3 de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social 33 ( * ) .

Ce mécanisme, figurant au II de l'article L. 3211-7 du CG3P, prévoit que la cession décotée s'applique de droit dès lors que deux conditions sont réunies :

- d'une part, les terrains sont cédés au profit de certaines personnes morales , en particulier d'une collectivité territoriale, d'un établissement public de coopération intercommunal, d'un établissement public foncier ou d'un organisme d'habitation à loyer modéré ;

- d'autre part, les terrains figurent sur une liste de parcelles établie par le préfet de région et mise à jour chaque année.

L'avantage financier résultant de la décote doit être exclusivement et en totalité répercuté sur le prix de revient des logements locatifs sociaux ; elle doit également l'être sur le prix de cession des logements en accession à la propriété.

Précisées par décret, les conditions d'application de l'article L. 3211-7 sont codifiées aux articles R. 3211-13 à R. 3211-17-9 et R. 3211-32-1 à 3211-32-9 du CG3P.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Jean-Paul Mattei, rapporteur spécial du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », au nom de la commission des finances, et avec un avis défavorable du Gouvernement.

Il complète le II de l'article L. 3211-7 du CG3P afin de plafonner le taux de la décote de droit si la personne morale bénéficiaire dispose de réserves foncières propres et de biens susceptibles de permettre la réalisation d'un programme qui comporte la construction de logements sociaux.

Dans ce cas, le taux de la décote est calculé dans la limite d'un plafond établi en considération du coût moyen constaté pour la construction de logements sociaux à l'échelle de la commune ou de l'agglomération.

Le présent article renvoie à un décret en Conseil d'État pour fixer ses conditions d'application.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UNE MISE EN oeUVRE HÉTÉROGÈNE À PRENDRE EN COMPTE

Le dispositif de cessions décotées dans le cadre de la loi dite « Duflot » du 18 janvier 2013 a eu un impact négatif sur les ressources du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

En effet, entre 2014 et 2018, un montant total de 197 millions d'euros de décote a été consenti, pour 94 opérations, conduisant à retrancher plus de 8 % du produit des cessions immobilières du compte chaque année. Cette proportion atteint même 20 % en 2018, compte tenu de la conclusion de la cession de l' « îlot Saint-Germain » en 2018, pour laquelle une décote de 56,7 millions d'euros, représentant 66 % de la valeur vénale du bien, a été appliquée.

Ce dispositif s'accompagne de surcroît d'une différence selon les collectivités territoriales , puisqu'une surreprésentation des biens situés à Paris doit être relevée. Les cinq biens parisiens représentent près de la moitié du montant total des décotes consenties. Il en résulte souvent un coût élevé d'aide par logement construit, atteignant 4 232 euros par mètre carré pour les 251 logements sociaux de l' « îlot Saint-Germain » 34 ( * ) .

Surtout, compte tenu des compétences d'urbanisme dévolues à la commune, il existe un risque que, pour la construction de logements sociaux, cette dernière privilégie l'utilisation de biens appartenant à l'État et éligibles à la décote à ses biens propres. Ce risque se manifesterait au détriment des intérêts financiers de l'État.

B. UN DISPOSITIF AD HOC PEU SATISFAISANT

À l'appui de ce constat, le présent article envisage de conditionner le mécanisme de décote.

Dès lors que la personne morale bénéficiaire dispose de réserves foncières propres et de biens susceptibles de permettre la réalisation d'un programme incluant des logements sociaux, le taux de la décote serait plafonné en fonction du coût moyen constaté pour la construction de logements sociaux à l'échelle de la commune ou de l'agglomération.

Un tel mécanisme soulève toutefois des difficultés pratiques . Les conditions dans lesquelles le coût moyen de construction de logements sociaux serait calculé ne sont guère précisées. Surtout, il peut être douté de la comparabilité de réserves foncières : les terrains ne sont pas tous susceptibles d'accueillir des logements sociaux dans les mêmes conditions. Cette diversité n'est pas appréhendée par le dispositif proposé.

En pratique, le mécanisme vise exclusivement quelques agglomérations très spécifiques , au premier rang desquelles Paris. Il y a certes lieu de s'interroger sur la cession à prix de marché à l'État ou à des investisseurs privés de biens immobiliers de la commune lorsque, en parallèle, celle-ci acquiert des biens de l'État à prix décoté pour réaliser des logements sociaux.

Toutefois, au-delà de son application complexe, la référence aux réserves foncières ne semble pas la plus adéquate . Dans certaines agglomérations, les programmes de logements sociaux mobilisent en priorité des immeubles dans le cadre d'une réhabilitation.

Surtout, pour ces situations exceptionnelles, vos rapporteurs spéciaux estiment qu'une négociation ad hoc entre le représentant de l'État en région et la commune, sur le modèle de l'accord global conclu en juin 2016 entre l'État et la ville de Paris, est préférable à l'encadrement du dispositif tel qu'il est envisagé.

Dans l'attente d'une évolution du dispositif, vos rapporteurs spéciaux ont recommandé à la commission d'émettre un avis de sagesse.

Décision de la commission : votre commission vous propose de s'en remettre à la sagesse du Sénat.

ARTICLE 84 quater (nouveau)

Autorisation du transfert de la propriété de l'hôtel du commandement de la Marine situé à Papeete de l'État à la Polynésie française

Commentaire : le présent article autorise le transfert de la propriété de l'hôtel du commandement de la marine situé à Papeete de l'État à la Polynésie française.

I. LE DROIT EXISTANT

Par une décision en date du 26 mai 2015, le ministère de la Défense a procédé au déclassement de la parcelle de l'hôtel de la marine sise boulevard Pomare à Papeete, d'une surface totale de 3 276 mètres carrés.

Cette parcelle, qui relève désormais du domaine privé de l'État , a été remise au service du domaine de la direction des finances publiques de Polynésie française pour cession .

Une cession de domaine public à domaine public dans le cadre de l'article L. 3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) n'étant pas applicable en l'espèce, une disposition législative est nécessaire pour organiser les modalités du transfert de ce bien de l'État à la Polynésie française.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article a été adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement et avec un avis favorable de la commission .

Il autorise le transfert en pleine propriété, à titre gratuit, à la Polynésie française de l'hôtel du commandement de la Marine situé à Papeete afin qu'elle y réalise à ses frais un Centre de mémoire des expérimentations nucléaires en Polynésie française.

Une fois l'acte authentique constatant le transfert, la Polynésie française est substituée à l'État dans les droits et obligations liés au bien qu'elle reçoit en l'état.

Deux garanties sont prévues :

- d'une part, si, dans les quinze années suivant la signature de cet acte, la Polynésie française revend le bien transféré , y compris de manière fractionnée, ou cède des droits réels portant sur le bien transféré, elle est tenue de verser à l'État un complément de prix , correspondant à la moitié de la différence entre le produit des ventes et la somme des coûts ayant été supportés par la Polynésie française, y compris au titre de la dépollution ;

- d'autre part, si, dans les cinq années suivant la signature de cet acte, la Polynésie française n'a pas procédé à la réalisation du Centre de mémoire, le bien est rétrocédé de plein droit à l'État à titre gratuit.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Vos rapporteurs spéciaux soutiennent ce transfert , par lequel l'État honore la promesse faite à la Polynésie française de disposer d'un lieu dédié à la mémoire des essais nucléaires réalisés sur ce territoire.

Par ailleurs, le cadre proposé participe d'un certain équilibre , puisque le transfert de propriété est assorti de conditions garantissant l'objectif de l'opération .

C'est pourquoi vos rapporteurs spéciaux vous recommandent d'adopter le présent article sans modification .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 7 novembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », sur les missions « Crédits non répartis » et « Action et transformation publiques », et sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Nous examinons trois missions et le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Nous avons inclus dans notre rapport des éléments relatifs à la gestion italienne du patrimoine immobilier de l'État.

La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est la principale mission du pôle économique et financier de l'État. L'administration fiscale - la direction générale des finances publiques (DGFiP) -, et l'administration des douanes - la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) - représentent les trois quarts cet ensemble.

La suppression du mécanisme des « loyers budgétaires », dont je reparlerai, fait mécaniquement baisser, par un changement de périmètre, le montant des crédits de la mission par rapport à l'année dernière. Après correction, il apparaît que ceux-ci diminuent seulement de 0,7 %, pour s'établir à 10,7 milliards d'euros. La quasi-totalité de l'effort est en réalité portée par les dépenses de personnel, qui reculent de 59 millions d'euros - il est vrai qu'elles représentent plus de 80 % des crédits de la mission. Pour le reste, et malgré quelques gains d'efficience çà et là, les dépenses de fonctionnement courant semblent désespérément rigides.

Au sein de cet ensemble, la DGFiP représente les trois quarts des crédits et les quatre cinquièmes des effectifs. Le budget qui nous est présenté a quelque chose de paradoxal : il ressemble à s'y méprendre aux précédents, et pourtant, il porte en lui les prémices d'une restructuration d'ampleur inédite depuis au moins dix ans, c'est-à-dire depuis la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique en 2008.

En quoi ce budget ressemble-t-il aux précédents ? D'abord, parce qu'il est avant tout construit sur une trajectoire de suppressions de postes, dont tout le reste est censé découler, si tout va bien. Ainsi, 2 130 postes seront supprimés en 2019, soit un rythme comparable à celui des dernières années, exception faite des années 2017 et 2018, au cours desquelles 500 postes avaient été « préservés » dans le cadre de la préparation du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Cette année encore, Bercy est le principal contributeur aux réductions d'effectifs dans la fonction publique d'État, juste devant le ministère de l'éducation nationale et très loin devant tous les autres.

Parce qu'il ressemble aux précédents, ce budget présente aussi les mêmes défauts. J'en citerai trois.

Premier défaut, la navigation à vue dans la réorganisation territoriale. Il ne s'agit pas de mettre en doute sa nécessité - la DGFiP doit adapter sa présence aux réalités économiques, démographiques et technologiques -, ni de sous-estimer l'effort accompli - 890 services comptaient moins de cinq agents en 2012 et ils ne sont plus que 506 aujourd'hui, et sur les 42 services qui ne comptaient qu'un seul agent en 2012, il n'en reste plus que 6. Au total, 782 fusions de trésoreries et services des impôts ont eu lieu entre 2012 et 2018.

Toutefois, ce chantier est mené de façon opportuniste, au gré des départs en retraite et des mutations individuelles, sans stratégie d'ensemble et sans concertation. En pratique, chaque directeur régional est prié chaque année de « rendre » un certain nombre de postes pour atteindre le schéma d'emplois. Il ne serait pourtant pas compliqué d'introduire un peu de visibilité pluriannuelle, au moins pour les structures importantes telles que les trésoreries hospitalières.

Deuxième problème, la pression croissante au sein des services. En dix ans, les effectifs de la DGFiP ont diminué de 16 %, mais le nombre d'entreprises redevables de l'impôt sur les sociétés (IS) a augmenté de 50 %, les personnes accueillies dans les services de proximité de 40 %, et les opérations de publicité foncière de 13 %, avec des délais de publication considérables, parfois au-delà de 120 jours.

On peut certes y voir une capacité - bien réelle - à faire mieux avec moins, notamment grâce à la dématérialisation, mais vient un moment où, à missions inchangées, les agents ne sont plus en mesure de faire leur travail correctement. En outre, cela ne tient pas compte de l'arrivée du prélèvement à la source, de la suppression de la taxe d'habitation, du passage au prélèvement forfaitaire unique (PFU) et à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) ou encore de la révision des valeurs locatives. Le Gouvernement semble pour l'instant faire preuve d'une inquiétante légèreté, ou à tout le moins, d'un sérieux manque de transparence, face à ces échéances - des élections professionnelles auront lieu en décembre, ce qui explique sans doute beaucoup de choses.

Dernier motif d'inquiétude : la baisse continue des résultats du contrôle fiscal, qui n'est sans doute que la traduction de ce que je viens de le dire. On a notifié 13 milliards d'euros de droits et de pénalités en 2017, contre 14 milliards d'euros en 2016 et 16 milliards d'euros en 2015, et encore ce chiffre est-il gonflé par quelques grandes affaires et la dernière année du service de traitement des déclarations fiscales rectificatives (STDR). En outre, on ne recouvre que 65 % de ces sommes, avec de fortes disparités selon les impôts. La création de nouveaux outils ne doit pas nous exonérer d'une réflexion profonde sur les difficultés du contrôle fiscal, sur ses effectifs et sur ses moyens, alors que le Gouvernement a fait de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales sa priorité.

Voilà pourquoi le budget 2019 de la DGFiP ressemble aux précédents. Mais on ne saurait s'en tenir à cet horizon annuel : de fait, il s'agit d'un budget de transition, prélude à un bouleversement inédit des missions et de l'organisation de notre administration fiscale, qui devrait avoir lieu au cours des prochaines années.

Le rapport du Comité Action publique 2022 a donné le cap : généralisation des procédures dématérialisées, intensification du recours au datamining , qui a pour l'instant moins d'existence sur le terrain que dans la communication du Gouvernement, et surtout création à l'horizon de 2022 d'une agence unique du recouvrement regroupant les missions de la DGFiP, de la douane, de l'Union de recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales (URSSAF) et de nombreux autres organismes.

Bien évidemment, si ces réformes sont menées à bien, leur impact sur l'organisation de la DGFiP sera sans commune mesure avec les réformes des dernières années. Le ministre de l'action et des comptes publics l'a d'ailleurs assumé dans son discours du 11 juillet dernier devant les cadres du ministère auquel j'avais assisté : de nombreux postes seront supprimés, et de nombreuses implantations seront fermées, dans une logique de séparation entre l'accueil physique (front office) et la gestion des dossiers (back office) .

Ces perspectives ne trouvent certes aucune traduction budgétaire dans ce projet de loi de finances, mais elles sont bien réelles. Je souhaite dire ici que, dans ces conditions, le pilotage à vue par le rabot ne sera plus possible. Il faudra de la visibilité, c'est-à-dire une stratégie pluriannuelle transparente et concertée avec les territoires. Il faudra de la logique : comment justifier que 61 % des EPCI dépendent aujourd'hui encore de plusieurs trésoreries ? Enfin, il faudra mutualiser : la DGFiP n'est aujourd'hui présente que dans 250 maisons de services au public (MSAP) sur 1 200, c'est trop peu.

Enfin, je veux dire un mot des systèmes d'information, clef-de-voûte des réformes structurelles qui s'annoncent. Les treize grands projets rattachés à la mission représentent un quart du coût total des grands projets de l'État, soit 608 millions d'euros. Leur retard est assez faible - 18 % par rapport à la prévision initiale -, ce qui s'explique en grande partie par le lancement récent de plusieurs d'entre eux, mais leur dérapage budgétaire est très préoccupant, avec un surcoût global de 95 %, contre seulement 31 % pour l'ensemble des grands projets de l'État. Faut-il rappeler le précédent fâcheux de l'Opérateur national de paye (ONP) et ses 346 millions d'euros dépensés en pure perte, pour mettre en garde contre les erreurs de conception et la faiblesse du pilotage ? Les projets SIRHIUS (ressources humaines) et PAYSAGE (paye), qui totalisent à eux seuls dix-huit années de développement et 106 millions d'euros de surcoût, en sont directement issus.

Il semble pourtant que les différentes administrations de Bercy n'aient pas pris la mesure de la tâche qui s'annonce. Le budget informatique de la DGFiP a été divisé par dix en dix ans - les responsables de CAP 22 affirmaient devant nous que les banques investissent beaucoup plus dans l'informatique que l'État -, et 80 % des dépenses d'investissement de la DGFiP vont à la maintenance d'applications obsolètes, dont certaines, pourtant au coeur de l'administration fiscale, datent des années 1980. Il y a une dizaine de ruptures applicatives dans la chaîne du contrôle fiscal.

Pour un projet aussi ambitieux que celui de l'agence du recouvrement, rien ne pourra se faire sans rendre les systèmes interopérables et évolutifs. Peut-être faudra-t-il même tout recommencer à zéro ou presque, tant les 200 traitements de données et les 50 téléservices de la DGFiP et de la DGDDI sont hétérogènes, sédimentés et « défendus » par les services qui les ont conçus et qui les utilisent. Nous ne sommes qu'au début de ce chantier. Le PLF prévoit déjà quelques transferts de recouvrement des douanes vers la DGFiP.

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Comme depuis trois ans, la direction générale des douanes et droits indirects fait exception au sein de la mission : ses crédits et ses effectifs augmentent. Ils s'établissent à 1,6 milliard d'euros pour 2019, en hausse de 2,6 %.

La douane se prépare en effet au Brexit : quelle que soit l'issue des négociations - accord ou non -, beaucoup de choses changeront le 31 mars prochain. Dans ce contexte, 350 postes supplémentaires seront créés en 2019 au titre du Brexit , ce qui se traduit par 250 créations nettes compte tenu des 100 suppressions au titre de la modernisation de la douane, chantier structurel et de long terme. Ces nouveaux postes viennent s'ajouter aux créations de postes précédentes : 285 équivalents temps plein (ETP) en 2016, 250 ETP en 2017 et 200 ETP en 2018. C'est un changement de taille pour une administration qui voyait, depuis le traité de Maastricht, ses effectifs diminuer.

Toutes les missions de la douane seront affectées par le Brexit , du contrôle des voyageurs et des marchandises aux missions fiscales, notamment lors de la détaxe. Les effectifs seront affectés en priorité aux grandes frontières que nous avons avec le Royaume-Uni, à Calais, à Dunkerque et dans les autres ports de la Manche, à la Gare du Nord et dans les aéroports parisiens, mais d'autres parties du territoire sont aussi concernées. Les formalités douanières devront ainsi être rétablies dans les aéroports du Sud-Ouest de la France, qui accueillent chaque année par vol direct des millions de Britanniques.

La deuxième grande priorité assignée à la douane pour l'année 2019 est le soutien aux buralistes et la lutte contre la contrebande de tabac, deux actions d'autant plus nécessaires que le Gouvernement a décidé de porter progressivement le prix du paquet de cigarettes à 10 euros. Le nouveau protocole 2018-2021 signé en février avec les buralistes se traduit par l'inscription de 111 millions d'euros de crédits d'intervention sur le programme 302, en forte hausse par rapport à l'année dernière. Le protocole crée notamment un fonds de transformation pour aider les buralistes à développer de nouveaux services de proximité. Ce fonds est doté de 26 millions d'euros en 2019, avec un effet moindre sur le solde, car cela est financé par une contribution des fournisseurs, les fabricants de tabac.

Je souhaite signaler le rôle des buralistes dans nos territoires, où ils sont parfois les derniers commerçants. À cet égard, l'article 63 du projet de loi de finances, qui permettra à l'administration fiscale de confier à des partenaires l'encaissement des espèces avec un objectif « zéro numéraire » en 2022, pourrait être l'occasion pour les buralistes de diversifier leurs activités, par exemple dans le cadre d'un partenariat avec La Poste.

Le pendant nécessaire à cette politique est une action résolue contre la contrebande. La douane travaille à la mise en place d'un système de traçabilité indépendant des fabricants, ce qui représente une grande avancée.

Cela m'amène, plus généralement, à l'action de la DGDDI en matière de lutte contre les trafics. Les résultats sont bons, quoique très variables d'une année sur l'autre. Toutefois, avec le prisme de la commission des finances, on ne peut que regretter que les indicateurs de performance reposent tous sur des seuils permettant de définir les « dossiers à enjeu » : 2 800 euros pour les cigarettes de contrebande, 1 000 euros pour les stupéfiants, 150 articles pour les contrefaçons, 3 500 euros en matière fiscale etc. Bien sûr, cela incite les douaniers à se concentrer sur les fraudes les plus graves. Toutefois, cette méthode ne paraît pas adaptée à l'un des grands défis actuels de la douane : l'essor du e-commerce , caractérisé par une multitude de petits envois représentant chacun un faible risque ou enjeu, mais dont l'ensemble est très important. À cet égard, une coopération plus étroite avec les plateformes s'impose.

La dernière caractéristique du budget 2019 de la douane est le quasi-achèvement du programme de renouvellement de ses moyens opérationnels. Sa flotte aérienne est maintenant au complet : trois des sept nouveaux avions Beechcraft sont déjà opérationnels, et les autres le seront bientôt. En ce qui concerne le renouvellement des hélicoptères, la douane a finalement fait le choix de louer trois d'entre eux, dont deux aux Antilles. À court terme, cela libère la douane des coûts de maintenance. Le choix de la location explique en partie la forte baisse de 29 % des dépenses d'investissement.

Telles sont les perspectives de l'année à venir. Cela dit, la douane est, comme la DGFiP, engagée dans une transformation de long terme de son organisation et de ses missions. Les progrès de la dématérialisation et de l'exploitation des données, la mise en oeuvre du nouveau code des douanes de l'Union et du « droit à l'erreur », et surtout la mise en place de l'agence du recouvrement auront des conséquences majeures qui appellent plusieurs remarques.

Tout d'abord, si les transformations seront importantes, elles ne devraient pas pour autant avoir l'ampleur de celles de la DGFiP, ne serait-ce que parce que la douane est une administration plus petite, avec environ 17 000 agents, répartis principalement dans les 168 bureaux de douane et les 210 brigades terrestres et qu'elle a une forte dimension opérationnelle. Quelque 44  fusions ont eu lieu depuis 2015, selon un plan stratégique qui devrait s'achever en 2020, avec deux ans de retard. On compte encore 35 bureaux ou brigades avec moins de cinq agents.

Ensuite, les remarques de Thierry Carcenac au sujet de la DGFiP s'appliquent pleinement à la douane : il faudra demain davantage de prévisibilité et de concertation au niveau des territoires. Par ailleurs, la « déconcentration de proximité » voulue par Gérald Darmanin pourrait vite se heurter à la limite du stock de services « déconcentrables ». Le service des ressources humaines de la douane est déjà installé à Bordeaux, celui des finances à Lyon, les écoles des douanes à Tourcoing et à La Rochelle.

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - J'en viens aux crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Dans la mesure où vous trouverez l'essentiel des informations dans notre rapport, je concentrerai mon propos sur un préalable et deux points essentiels.

Le préalable porte sur la suppression des loyers budgétaires à partir de 2019. La question de l'avenir des loyers budgétaires était en suspens depuis deux ans. Plusieurs critiques étaient adressées à cet outil historique de la politique immobilière de l'État, concernant notamment les lourdeurs de leur gestion. Leur objectif était d'inciter les ministères à rationaliser leurs emprises immobilières.

Nous défendions l'idée d'une remise à plat des loyers budgétaires afin de les conforter, dans la mesure où ils permettent aux ministères d'intégrer le coût de la fonction immobilière.

Un choix différent a été fait cet été par le Gouvernement. J'appelle toutefois votre attention sur deux éléments : d'une part, les documents budgétaires intègrent la suppression des loyers budgétaires comme une mesure de périmètre, ce qui réduit artificiellement les crédits portés par les missions ; d'autre part, aucun dispositif alternatif n'est proposé pour inciter les ministères à la rationalisation de leurs emprises immobilières - le taux d'occupation effectif est, avec 14 mètre carrés ou 15 mètres carrés par agent, supérieur à la norme fixée à 12 mètres carrés. Nous serons donc attentifs à la façon dont la Direction de l'immobilier de l'État procédera.

Le compte d'affectation spéciale regroupe 7,5 % des crédits immobiliers ; le reste est réparti dans quarante-quatre programmes, avec près de 9 800 agents. Cela recèle un grand flou.

En 2016, la Direction de l'immobilier de l'État a été créée pour remplacer France Domaine, et elle a été rattachée à la DGFiP.

Cependant, les moyens humains et budgétaires sont éclatés, et l'architecture de la politique immobilière de l'État nous semble baroque. Cet éclatement des moyens est même renforcé avec la création du programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multioccupants », qui représente près de 900 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Parallèlement, la rationalisation des emprises immobilières peine à se répercuter dans la maquette de performance. Le ratio présentant le nombre de mètres carrés par poste de travail demeure au-dessus des objectifs ; au Royaume-Uni, ce ratio atteint 8 mètres carrés par agent. La lisibilité et l'efficacité de la politique immobilière de l'État ne sont donc pas au rendez-vous.

Plus encore, sa soutenabilité n'est pas assurée, avec un déficit de 73 millions d'euros. Il importe donc de faire évoluer les produits du compte vers des recettes pérennes, car on faisait fonctionner le CAS avec les cessions immobilières, qui s'essoufflent, surtout avec la décote Duflot. La nouvelle directrice de la Direction de l'immobilier de l'État souhaite faire évoluer les pratiques vers la signature de baux emphytéotiques.

Nous avons étudié comment d'autres pays procèdent en la matière, notamment l'Italie. Dans ce pays, une société à capitaux publics, l'Invimit, reçoit ainsi des biens immobiliers dont l'État n'a plus l'utilité, afin de procéder à leur valorisation en les mettant en location. Ce modèle nous paraît intéressant, dans la mesure où il procure à l'État des revenus récurrents et assure la soutenabilité de la politique immobilière de l'État.

Un changement semble s'opérer en France, puisque la possibilité de procéder à la location à grande échelle des biens inutiles est envisagée. La semaine dernière, à l'occasion de la présentation des axes de la réforme de l'État, le Premier ministre a annoncé la création future de foncières publiques. Or il en existait déjà une, la SOVAFIM. Elle était critiquable mais elle avait le mérite d'exister.

La SOVAFIM avait ainsi une filiale chargée de gérer l'immobilier pénitentiaire, et qui a permis de rénover d'anciennes prisons de centre-ville. La Garde des sceaux souhaite créer 7 000 places de prison avec 1,7 milliard d'euros ; sans système financier de ce type, on ne pourra pas les financer.

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - J'aborde désormais la mission « Action et transformation publiques ». Les enjeux budgétaires sont d'une moins grande envergure, mais cette mission revêt une importance politique cruciale puisqu'elle constitue un vecteur budgétaire du processus Action publique 2022.

Il s'agit d'une mission nouvelle, créée par la loi de finances pour 2018, et non pérenne, puisqu'elle a vocation à s'éteindre en 2022. Alors que les montants inscrits l'an dernier étaient anecdotiques, l'exercice 2019 consacre sa montée en charge, avec 310 millions d'euros en crédits de paiement et 1,2 milliard d'euros en autorisations d'engagement. La mission comprend deux facettes : la première porte sur la politique immobilière de l'État, avec le programme de rénovation des cités administratives ;  la seconde porte sur le politique de transformation de l'action publique, avec deux fonds.

L'essentiel des crédits prévus cette année porte sur le premier volet. Il est en effet proposé d'inscrire la quasi-intégralité des crédits prévus, avec 900 millions d'euros d'autorisations d'engagement dès 2019. L'objectif est de sélectionner les projets retenus au cours du premier semestre afin de permettre leur réalisation d'ici à 2022.

Ce programme répond à un besoin réel - nous connaissons bien l'état des cités administratives de nos territoires. Toutefois, nous appelons votre attention sur deux éléments : d'une part, tous les projets ne pourront pas être financés, et l'anticipation du calendrier ne doit pas conduire à précipiter la sélection des dossiers au détriment de leur qualité ; d'autre part, un lien direct est opéré avec la réforme des services déconcentrés de l'État, dans une perspective de rationalisation et de mutualisation.

Ce lien désormais explicite entre politique immobilière et réforme de l'action publique est confirmé avec les deux autres programmes de la mission. Ils retracent chacun les crédits budgétaires à destination de deux fonds, le Fonds pour la transformation de l'action publique et le Fonds pour l'accompagnement des agents de la fonction publique.

Le Fonds pour la transformation de l'action publique vise à accompagner les réformes, en soutenant les coûts initiaux devant permettre de réaliser des économies structurelles à moyen terme. Il fonctionne sous forme d'appels à projets, dont le premier au cours du premier semestre a retenu dix-sept projets dans des domaines variés.

Le Fonds pour l'accompagnement interministériel ressources humaines est une création de ce projet de loi de finances. Il s'agit même d'une surprise, car il ne figurait pas dans la maquette budgétaire soumise à l'occasion du débat d'orientation des finances publiques en juillet dernier. Aucune information ne nous a été communiquée ; des éléments ont cependant été apportés par le Premier ministre lundi 29 octobre dernier. Il s'agit en réalité du fonds devant accompagner la réduction de 50 000 postes de fonctionnaires d'État d'ici à 2022.

C'est d'ailleurs l'écueil principal de ces deux programmes : plus qu'un réel vecteur de la transformation publique, il s'agit en pratique d'une incarnation d'Action publique 2022 devant légitimer les économies attendues de ce processus.

En attendant que ces économies se matérialisent, il est proposé un montant de 160 millions d'euros en crédits de paiement au titre du Fonds pour la transformation de l'action publique et de 50 millions d'euros en crédits de paiement au titre du Fonds pour l'accompagnement interministériel ressources humaines.

Je conclus par quelques remarques sur la mission « Crédits non répartis ». Il s'agit de la mission la moins dotée du budget général pour 2019, avec 204 millions d'euros en crédits de paiement et 504 millions d'euros en autorisations d'engagement. L'essentiel des crédits devant être répartis au moment du vote de la loi de finances, en vertu du principe de spécialité budgétaire, il est normal que le niveau de crédits soit minime pour cette mission particulière. Ses deux programmes sont destinés à couvrir des dépenses qui sont ensuite réparties en cours de gestion dans les différentes missions.

Je relève un léger écart de 79 millions d'euros entre les crédits demandés pour 2019 et la programmation triennale, correspondant à la budgétisation du programme 551, « Provision relative aux rémunérations publiques ». Ce programme retrace des dépenses de personnel dont l'absence de répartition est généralement justifiée, dans l'attente de la tenue des négociations salariales dans la fonction publique. Pourtant, cette année, le rendez-vous salarial a déjà eu lieu, deux mois et demi avant le dépôt du projet de loi de finances.

Je m'étonne donc du maintien de 70 millions d'euros inscrits sur ce programme, qui financeront l'an prochain la revalorisation de trois rémunérations : la monétisation des jours épargnés sur un compte épargne-temps, les frais de nuitée et l'indemnité kilométrique.

Par ailleurs, le Gouvernement a inscrit une mesure de transfert de 9 millions d'euros vers le programme 551, à partir de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ». Ce montant correspond au versement du forfait mobilité durable pour la fonction publique d'État. Là-encore, je m'interroge sur l'opportunité de ce transfert, qui aurait pu se réaliser en cours de gestion, comme le permet la LOLF.

La dotation du programme 552, « Dépenses accidentelles et imprévisibles », est strictement égale à celle de 2018, avec 124 millions d'euros. Ce montant, inscrit à titre conventionnel, reste cependant plus élevé que par le passé, afin d'absorber partiellement la baisse du taux de mise en réserve des crédits par mission de 8 % à 3 %, qui s'applique à partir de 2018. Il faudra donc attendre l'examen du prochain projet de loi de règlement pour vérifier que le montant des crédits n'est pas surévalué.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Les constantes sont là. La douane, qui a déjà des difficultés à recouvrer la TVA, fait face à des volumes qui ont considérablement augmenté avec un personnel stable. Nous l'avions constaté lors d'un déplacement à Roissy en 2013 avec Philippe Dallier. Nous y sommes retourné cette année, et les volumes avaient encore augmenté. Cela pose la question de l'informatisation. Je suis très étonné de cette division par dix des crédits d'informatique à la DGFiP.

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Je vous le confirme.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Pourtant, beaucoup de tâches sont encore faites manuellement, je pense par exemple à la publicité foncière ou à la redevance d'archéologie préventive.

Nous sommes à la veille de bouleversements considérables. Bercy semble avoir un plan secret ; s'agit-il de la suppression du réseau, le recouvrement étant fait par les entreprises ou des opérateurs ? On ne pourrait plus se rendre dans une trésorerie sans rendez-vous. L'impôt n'est pas simplifié mais on a une diminution du service public. Je le regrette. On laisse les citoyens seuls face à leurs questions...

Quant à l'immobilier de l'État, il n'existe malheureusement pas de politique en la matière, l'exemple caricatural étant le cas de l'Imprimerie nationale. C'est très coûteux. Le ministère affiche des objectifs de réduction, au détriment du service. Je préférerais que cela passe par une meilleure productivité et que le service public continue d'exister.

M. Philippe Dallier . - La date annoncée de 2022 pour l'agence du recouvrement est-elle contrainte ou peut-elle être décalée ? Je vois mal comment on pourrait être prêt dans moins de 3 ans.

Par ailleurs, Claude Nougein parlait des débitants de tabac et de l'augmentation du prix du paquet de cigarettes. Les douanes ont-elles l'intention de lutter davantage contre la fraude, y compris en plein Paris ?

M. Éric Jeansannetas . - Ma question concerne la réorganisation du réseau de la DGFiP, notamment en zone rurale. On se bat pour installer la fibre optique en zone rurale, afin de permettre l'installation d'entreprises et d'administrations sur le territoire.

Or ce n'est pas le chemin qui semble emprunté ; au contraire, on privilégie la concentration dans les agglomérations plus peuplées - on transfère de Limoges à Bordeaux, de Guéret à Limoges, des petites villes à Guéret. Les maires que nous représentons ont un fort sentiment d'abandon, alors que l'État a les outils pour aménager le territoire. Mais s'il y a un plan secret de fermeture du réseau, tout cela ne sert à rien...

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Philippe Dallier, il y a peu de contrôles des douanes à Paris, c'est plutôt la police qui se charge de ces contrôles. Des mesures sont tout de même prises. Un accord a été signé avec Andorre. En effet, la consommation de tabac rapportée à la population de cette principauté est de trois ou quatre paquets par jour par habitant, bébés compris...

Il s'agit maintenant de faire évoluer le métier de débitant de tabac. Des aides publiques ont été mises en place. La Française des Jeux aide aussi : les meubles, loués jusqu'à présent, seront gratuits. Le « cash back » permettra aux débitants de tabac de servir aussi de banques, dans les bourgs où il n'y a plus de distributeurs et où ils sont parfois les derniers commerçants.

Les débitants de tabac viennent souvent me voir ; ils sont très actifs, bien organisés et ouverts, mais inquiets et on les comprend.

En Creuse, comme en Corrèze, on nous explique qu'il faut une seule trésorerie par communauté de communes. On va dans cette direction.

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Y a-t-il un plan caché ? Je ne le sais pas. Cela pourrait représenter 30 000 emplois en moins, sur 100 000...Le ministre, devant les directeurs, le 11 juillet, a signalé qu'il y aurait des conséquences sur l'organisation territoriale. Il a été demandé aux préfets de région et de département de faire des propositions de déconcentration de services, afin de voir de quelle façon on peut maintenir dans le monde rural certains services. Nous avons reçu un courrier pour nous en informer.

Parallèlement, la capacité d'accueil a augmenté en 10 ans de près de 40 %... On veut faire du front office ! L'Assemblée nationale a adopté un amendement à l'article 3 du projet de loi de finances qui établit des conventions avec la MSAP pour accompagner les citoyens dans le cadre du prélèvement à la source.

Les trésoreries rurales posent aussi le problème des mutations. On sera désormais affecté à l'échelle d'un département. Il sera intéressant de faire venir le ministre pour répondre à nos questions sur la réorganisation comme il l'avait proposé. Après les élections de décembre, on pourra peut-être aller un peu plus loin. Le personnel est un peu dérouté.

J'en viens au contrôle fiscal. Il a tendance à diminuer, alors qu'on veut faire du datamining . Il y a là un vrai sujet. L'objectif est de 20 % de la programmation fin 2019 et de 50 % à terme. On veut en même temps orienter l'activité des services vers le conseil aux entreprises. Je ne suis pas sûr qu'il y ait une vraie volonté de lutte contre l'évasion fiscale... À suivre !

Article 39 - État B

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - L'amendement n°1 a été adopté par notre commission lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016 et par le Sénat l'an dernier. Il réduit les crédits du programme 156 de 2,2 milliards d'euros. Cette économie résulte d'un alignement du temps de travail dans la fonction publique sur le temps de travail des autres Français, soit 37 heures et demie...

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Le groupe socialiste vote contre cet amendement et les deux suivants.

L'amendement n° 1 est adopté.

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - L'amendement n° 2 a été adopté par le Sénat lors de l'examen des projets de loi de finances pour 2015, 2016 et 2018. Il porte le délai de carence dans la fonction publique d'État de un à trois jours. L'économie supplémentaire qui en résultera s'élèvera à 216 millions d'euros.

L'amendement n° 2 est adopté.

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Je m'abstiens pour le vote sur les crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits, ainsi modifiés, de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Article additionnel après l'article 77

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Il s'agit, par l'amendement n° 3, de généraliser la règle de trois jours de carence pour tous. Il tire les conséquences de l'amendement n° 2.

L'amendement n° 3 portant article additionnel après l'article 77 est adopté.

Enfin, les crédits de la mission « Crédits non répartis », les crédits de la mission « Action et transformation publiques » et les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » sont adoptés sans modification.

M. Thierry Carcenac , rapporteur spécial . - Je voudrais faire une dernière observation après ce vote. Le Sénat n'est plus représenté au conseil de l'immobilier de l'État, depuis le renouvellement du Sénat. J'ai adressé une lettre au Président Gérard Larcher à ce sujet.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 22 novembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » sans modification.

Elle a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption de l'article 84 ter , et d'adopter sans modification l'article 84 quater .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

I. PERSONNES ENTENDUES AU SÉNAT

Direction de l'immobilier de l'État (DIE)

Audition du 28 mars 2018

- Mme Nathalie MORIN, directrice ;

- Mme Isabelle SAURAT, directrice ;

- Mme Agnès TEYSSIER D'ORFEUIL, sous-directrice DIE 1 (Sous-direction Gouvernance, financement et supports) ;

- Mme Céline CARTIER, responsable de l'équipe projet de la DIE.

Audition du 16 octobre 2018

- Mme Isabelle SAURAT, directrice ;

- Mme Agnès TEYSSIER D'ORFEUIL, sous-directrice DIE 1 (Sous-direction Gouvernance, financement et supports).

Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ)

- Mme Marie-Luce BOUSSETON , directrice.

Mission pour la réalisation des actifs immobiliers (MRAI)

- Mme Myriam ACHARI, directrice de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la Défense.

Ministère de la justice, Secrétariat général

- Mme Anne DUCLOS-GRISIER, directrice, secrétaire générale adjointe.

Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche

- M. Lloyd CERQUEIRA, conseiller parlementaire, immobilier, collectivités territoriales.

II. DÉPLACEMENT

Déplacement à Rome (Italie)

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Jeudi 31 mai 2018

Ambassade de France en Italie

- M. Christian MASSET, ambassadeur de France en Italie

- M. Vincent GUITTON, ministre conseiller pour les affaires économiques, chef du service économique régional ;

- M. Arnaud GUIGNÉ ; conseiller ;

- Mme Sophie ARGENCE, attachée économique.

Ministère de l'économie et des finances et Agenzia del Demanio

- M. Bruno MANGIATORDI, directeur de la direction VIII en charge de la valorisation de l'actif et du patrimoine public ;

- M. Roberto REGGIE, directeur général de l'Agenzia del Demanio.

Agence INVIMIT

- M. Massimo FERRARESE, directeur d'INVIMIT.

Agenzia del Demanio, région Latium

- M. Massimiliano IANNELLI, directeur régional Latium.

Vendredi 1 er juin 2018

Région Latium

- M. Carlo ABBRUZZESE, directeur de la valorisation des biens domaniaux et du patrimoine.

Caisse des dépôts et des prêts (CDP)

- M. Aldo MAZZOCCO, directeur de la division immobilière de la CDP et président de CDP Investimenti SGR ;

- M. Stefano BRANCACCIO, responsable de la division urbanisation et commercialisation.


* 1 Deux exceptions à ce principe existent toutefois, s'agissant des biens du ministère des Armées et des biens à l'étranger du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, pour lesquels la mutualisation de la moitié du produit de cession ne s'applique pas.

* 2 Article 42 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 3 Ou sur le parc immobilier qui figure à l'actif de son bilan.

* 4 Selon les données transmises par la direction de l'immobilier de l'État.

* 5 Il s'agit du produit des redevances domaniales ou des loyers perçus par l'État et provenant des concessions ou autorisations de toute nature de la compétence du représentant du ministère chargé du budget dans le département, des concessions de logement dont l'État est propriétaire ou locataire, et des locations d'immeubles de son domaine privé, à l'exclusion des redevances ou des loyers de son domaine militaire.

* 6 En 2018, l'École centrale Supélec, la faculté de pharmacie de l'université Paris-Sud (Paris VI) et de l'École normale supérieure de Cachan ont quitté leurs locaux historiques pour rejoindre le plateau de Saclay.

* 7 Réponse de la direction de l'immobilier de l'État au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 8 Réponse de la direction de l'immobilier de l'État au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 9 Réponse de la direction de l'immobilier de l'État au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 10 « De la rationalisation à la valorisation : 12 propositions pour une politique immobilière de l'État soutenable et efficace », rapport d'information n° 570 (2016-2017) de Michel Bouvard et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, 31 mai 2017.

* 11 Article 3 de la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

* 12 Selon la réponse de la direction de l'immobilier de l'État au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 13 Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances.

* 14 Réponse au questionnaire budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2018 de vos rapporteurs spéciaux.

* 15 Haute et Basse Normandie, Pays de la Loire, Rhône-Alpes et La Réunion.

* 16 Sont intégrés au sein des SDIR les directions régionales, les préfectures, les directions départementales, les administrations financières, les services de l'éducation nationale, les services de police et de gendarmerie, ainsi que l'immobilier de la justice hors tribunaux.

* 17 Audition devant la commission des finances du Sénat le mercredi 23 mai 2018 relative au projet de loi et de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017.

* 18 Voir le rapport « S tate of the Estate in 2016-2017 », Cabinet Office , 28 mars 2018.

* 19 Réponse de la direction de l'immobilier de l'État au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 20 Voir le rapport précité « De la rationalisation à la valorisation : 12 propositions pour une politique immobilière de l'État soutenable et efficace », rapport d'information n° 570 (2016-2017) de Michel Bouvard et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, 31 mai 2017.

* 21 Réponse de la direction de l'immobilier de l'État au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 22 Réponse de la direction de l'immobilier de l'État au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 23 Réponse de la direction de l'immobilier de l'État au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 24 Voir le rapport « Rénovation du cadre institutionnel et modernisation des outils de la politique immobilière de l'État », Inspection générale des finances, novembre 2015, page 32.

* 25 https://www.economie.gouv.fr/cessions

* 26 Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2017 du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », Cour des comptes, page 31.

* 27 Selon les précisions du projet annuel de performances du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », annexé au projet de loi de finances pour 2019, page 26.

* 28 Réponse de la direction de l'immobilier de l'État au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

* 29 Voir la communication relative à la politique pénitentiaire en Conseil des ministres du 12 septembre 2018.

* 30 Voir le rapport relatif à la création d'un service national universel, établi par le général de division Daniel Menaouine, rapporteur du groupe de travail, 26 avril 2018.

* 31 Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.

* 32 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 33 Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

* 34 Selon la réponse de la direction de l'immobilier de l'État au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux.

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