Rapport général n° 147 (2018-2019) de Mme Sylvie VERMEILLET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018

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N° 147

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2019 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 24

RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : PENSIONS

Rapporteur spécial : Mme Sylvie VERMEILLET

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Mme Fabienne Keller, MM. Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

Régimes sociaux et de retraite

Observation n° 1 : La mission « Régime sociaux et de retraite » couvre tout ou partie des besoins de financement de régimes spéciaux de retraite qui diffèrent chacun par leurs spécificités. Certains régimes sont propres à une entreprise (SNCF, RATP), la plupart englobent un à secteur économique (mines, marins). Certains régimes sont « fermés », leurs équilibres étant alors déterminés par le rythme d'extinction des droits, la plupart sont des régimes ouverts, mais, du fait de l'étroitesse de leur champ, ils subissent une dégradation de leurs conditions démographiques, le déséquilibre entre les cotisants et les prestataires tendant à s'accentuer. Il existe un régime complémentaire dans les régimes soutenus par la mission, le régime des non-salariés agricoles, qui a pour singularité d'être un régime en points, à cotisations définies, comme devrait l'être le futur régime universel de retraite, les autres régimes étant des régimes complets. Les règles des régimes ne suivent pas un modèle commun. Cependant, elles tendent à réserver des dispositions dérogatoires aux affiliés des régimes spéciaux par rapport à celles des autres régimes de retraite, même si une banalisation est intervenue ces dernières années. Toutefois, les charges supportées par les régimes spéciaux portent encore la trace des engagements pris sous l'empire du droit préexistant à l'alignement encore partiel des règles des régimes spéciaux sur le droit commun. Enfin, la diversité des régimes spéciaux concerne également leur généalogie. Certains d'entre eux ont répondu à des volontés identitaires fortes, reflétant une forme d'héritage culturel (SNCF, RATP, agriculteurs...), d'autres tout en n'étant pas exempts de ce substrat, ont été par ailleurs marqués par les crises économiques des secteurs concernés : marins, mines, routiers. Tous peuvent se réclamer de singularités accusées des conditions de travail d'une part plus ou moins importante des affiliés, qui justifient dans d'autres régimes l'application de dispositifs correcteurs, rompant avec un principe d'uniformité des rendements contributifs qui représenterait un bouleversement de l'économie du système de retraite et un défi pour les régimes spéciaux.

Observation n° 2 : La tendance à la réduction des subventions aux régimes spéciaux, interrompue l'an dernier à la suite de la revalorisation des pensions de 0,8 % en octobre 2017, reprendrait avec une ampleur, difficile à estimer avec une totale précision à partir des informations budgétaires du fait d'une incertitude ponctuelle sur le dénouement d'un contentieux entre l'État et la SNCF, qui resterait modérée, malgré un contexte plutôt favorable à la réduction des besoins de financement des régimes. Les subventions d'équilibre versées par l'État baisseraient de 0,7 %. Les besoins de couverture des déficits des régimes de la SNCF et de la RATP (près des deux tiers des crédits) augmenteraient mais cette dégradation, particulièrement forte pour le régime de la RATP, serait neutralisée par la baisse des déficits du régime des marins des régimes fermés. Les évolutions constatées peuvent être considérées comme assez décevantes, compte tenu du contexte d'entrée en vigueur d'un nouveau train de mesures des réformes des régimes spéciaux, d'une hausse des taux de contribution des affiliés et de la politique de sous-indexation des pensions adoptée par le Gouvernement. Celle-ci (gel des pensions en 2018 et revalorisation de 0,3 % au 1 er janvier 2019) dégage environ 100 millions d'euros d'économies nettes par rapport à une indexation sur l'inflation, la revalorisation de début d'année 2019 impliquant toutefois une charge supplémentaire de l'ordre de 27 millions d'euros l'an prochain.

Observation n° 3 : Les prévisions à court terme sur lesquelles repose la programmation budgétaire des crédits de la mission sont soumises à des aléas. Les conditions économiques et sociales qui déterminent l'assiette de cotisations mais surtout les comportements de départ en retraite peuvent induire une certaine instabilité. La conjonction de l'entrée en vigueur du relèvement de l'âge de départ en retraite (2017), de l'augmentation de la durée d'assurance conditionnant le taux plein (2019) et des perspectives d'instauration d'un régime universel de retraite crée une zone de flexibilité des comportements de départ en retraite, qui réduit la visibilité des gestionnaires. Dans ces conditions, l'hypothèse d'une réduction des flux de nouveaux pensionnés qui a des effets en dépenses mais aussi en recettes doit être considérée comme fragile. Une accélération des nouvelles liquidations conduirait à une progression des charges d'autant plus marquée que les pensions nouvellement liquidées sont significativement supérieures aux pensions en stock.

Observation n° 4 : Ces incertitudes annuelles demeurent dans le contexte triennal de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Les plafonds de crédits qu'elle a fixés ne sont pas tout à fait respectés par le budget pour 2019, malgré la sous-revalorisation des pensions. Des facteurs accidentels peuvent avoir joué et l'essentiel est ailleurs. Les hypothèses de croissance économique et d'inflation associées à la nouvelle programmation pluriannuelle dessinent un contexte favorable à une baisse significative des besoins de financement des régimes spéciaux. Or, il n'est pas sûr qu'elles soient tout à fait cohérentes, le couple prix-croissance en volume supposant une modération de l'inflation, et donc des revalorisations des pensions, qui peut sembler optimiste. Par ailleurs, la confirmation de la reprise économique est une variable importante de l'équilibre des régimes spéciaux. Toute déconvenue sur ce point exercerait sans doute, malgré les spécificités des entreprises concernées, des effets défavorables à l'équilibre des régimes. Ils seraient amplifiés si les flux de liquidation des pensions devaient, malgré l'application progressive des réformes des régimes, s'accélérer.

Observation n° 5 : Comme les autres organismes de sécurité sociale, les caisses de retraite des régimes spéciaux sont incitées à participer à l'effort de maîtrise de la dépense publique. Dans le cadre des conventions d'objectifs et de gestion, elles s'étaient vues assigner des objectifs de réduction de l'ordre de 15 % de leurs dépenses de fonctionnement sur la période 2014-2017 et de leurs effectifs de 2 % à 2,5 % par an qu'elles ont eu du mal à atteindre. La superposition de centres de gestion n'est sans doute pas optimale et les économies correspondant à une rationalisation, compatible avec l'autonomie des régimes devraient être prises en considération dans les projets de réorganisation en cours d'étude. Les résultats obtenus dans la lutte contre la fraude ressortent comme encourageants et à soutenir.

Observation n° 6 : Les subventions versées par l'État représentent 67 % des ressources des régimes spéciaux financés par la présente mission, une part qui demeure stable depuis 2015. Même si le ratio démographique des régimes spéciaux est nettement plus faible que dans les autres régimes (0,65 à la SNCF, 0,85 à la RATP contre près de 1,3 dans le régime général), les règles spécifiques aux régimes spéciaux, qui ont largement contribué à cette situation, jouent encore un rôle important dans les déséquilibres financiers que l'État est appelé à combler.

Observation n° 7 : L'âge de départ à la retraite dans les régimes spéciaux (57 ans et 5 mois à la SNCF et 55 ans et 5 mois à la RATP en moyenne en 2017) demeure significativement inférieur à celui observé dans le régime général (62,5 ans) et dans la fonction publique de l'État (62,5 ans pour les personnels sédentaires), les mesures de convergence, en particulier l'application à compter de 2019 de de la plupart des mesures d'âge des réformes des retraites, devraient aboutir à réduire un écart qui s'est déjà, plus ou moins, atténué ces dernières années, constituant à terme un puissant facteur de rééquilibrage financier des régimes spéciaux financés par la mission.

Observation n° 8 : Soutenant la perspective d'une diminution tendancielle du montant des subventions nécessaires pour équilibrer les régimes spéciaux, le besoin de financement des régimes financés par la mission est estimé à 164 milliards d'euros à l'horizon 2050 avec un taux d'actualisation négatif (- 0,55 %) mais descend à 121 milliards d'euros avec un taux d'actualisation de 1,5 %. Ces projections, qui reposent sur de nombreuses hypothèses, parmi lesquelles la capacité de la SNCF-Mobilités à relever le défi de la concurrence en passe d'être ouverte en Europe, devront être amplement révisées à la suite de l'adoption du « pacte ferroviaire ». Celle-ci entraîne la création d'un nouveau régime fermé correspondant aux salariés de l'entreprise demeurant au statut dont l'équilibre financier connaîtra à terme une forte dégradation. À l'horizon de 2050, le besoin de financement du régime devrait réclamer autour de 1,5 milliard d'euros de subventions supplémentaires par rapport à une situation au fil de l'eau en raison de la chute des recettes liée à celle des cotisants.

Compte d'affectation spéciale « Pensions »

Observation n° 1 : Après une augmentation entre 1990 et 2012 résultant d'une combinaison de facteurs, en particulier des gains salariaux des agents publics et l'augmentation du volume des pensionnés, les dépenses de pensions de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'État tendent à ralentir sous l'effet d'une diminution des flux de pensionnés et du freinage de l'augmentation de la valeur unitaire des nouvelles pensions. Celui-ci est tel que la base de liquidation moyenne des pensions subit un décrochage par rapport à l'inflation observée ces dernières années.

Observation n° 2 : En 2019, les dépenses de pensions progresseraient sur un rythme nettement ralenti par rapport à la tendance longue des pensions (1 % contre 4,1 % en moyenne au cours de la période 1990-2017), l'impact des dispositions prises par le Gouvernement en matière de revalorisation des pensions en 2018 et 2019 se soldant par des économies substantielles par rapport à une situation de revalorisation au fil de l'eau. La revalorisation de 0,3 % au 1 er janvier 2019 implique un supplément de charges de 147 millions d'euros, mais une revalorisation de 1,3 % au 1 er octobre 2018, conforme aux dispositions antérieures, auraient grevé le seul programme 741 de 629 millions d'euros en 2019, dont 472 millions au titre de l'extension en année pleine de la mesure (157 millions d'effet-base). La perte de valeur moyenne par pension s'élève autour de 250 euros en 2019.

Observation n° 3 : Ces économies sont renforcées par la politique salariale de l'État. L'absence de revalorisation du point d'indice induit un décrochage entre la base de liquidation des pensions et l'inflation qui sans être équivalente à une absence de revalorisation des bases liquidatives concourt à en freiner l'ampleur. Celle-ci est déterminée à court terme par le glissement-vieillesse technicité (GVT) qui renchérit la dépense de pensions. À plus long terme, la revalorisation des carrières joue aussi et par effet de noria détermine une augmentation de la valeur de la pension en stock. Ces dynamiques varient selon les affiliés. En ce qui concerne le GVT, il ne profite pas à l'ensemble des nouveaux liquidants, contrairement à des évolutions générales, de sorte que les avantages correspondants sont concentrés sur les bénéficiaires des promotions. Par ailleurs, les pentes de rémunérations sont diverses dans la fonction publique, comme ailleurs, mais avec des effets discriminants plus forts puisque les pensions sont liquidées sur le salaire moyen des six derniers mois.

Observation n° 4 : Une dépense nette des prélèvements opérés par l'État sur les pensions versées et leur consommation devrait être calculée pour mieux rendre compte des transferts entre l'État et ses retraités. La hausse du taux de la CSG s'est traduite par un supplément de prélèvement de 376 millions l`an dernier au titre du seul premier semestre de sorte que la progression des dépenses de pensions brutes programmée pour 2018 aura été plus que compensée par l'alourdissement de la CSG sur les retraités pris en charge par le CAS. Au taux d'imposition moyen à l'impôt sur le revenu, le produit fiscal provenant de l'imposition des pensions serait de l'ordre de 2,8 milliards d'euros. La mise en oeuvre du prélèvement à la source permettra de disposer d'une vision plus claire sur ce point.

Observation n° 5 : Les contributions totales de l'État et de ses opérateurs au CAS « Pensions » s'élèvent à 49,4 milliards d'euros en 2019 (+ 0,3 % par rapport à 2018). Cette langueur s'explique par l'absence de revalorisation indiciaire et par un léger effet de composition qui voit la part des primes s'accroître. La déformation de la structure d'emplois mobilisée par l'État joue davantage. Le poids des contractuels hors champ des régimes de retraite des fonctionnaires s'est renforcé de plus de 4 points en quelques années, passant à plus de 16 % en 2017. Finalement, les seuls soutiens aux recettes du CAS résulteraient de l'effet du GVT (317 millions d'euros), de la reprise de l'application du protocole PPCR et de l'augmentation du taux des cotisations salariales. Celles-ci progresseraient de 1,4 % prolongeant une tendance au renforcement des cotisations salariales dans la structure de financement du CAS.

Observation n° 6 : Le CAS dégagerait un excédent de 1,6 milliard d'euros en 2019. Le solde cumulé du CAS « Pensions » s'élèverait fin 2019 à 8,4 milliards d'euros, contre 3,2 milliards d'euros fin 2016. Les produits des cotisations retenues sur les salaires des fonctionnaires ont permis au cours des dernières années de couvrir les suppléments de charges du compte si bien que l'augmentation des contributions employeurs au demeurant contenue par la politique d'emploi de l'État n'a pas dégradé le solde du budget de l'État. La gestion financière du CAS reflète le choix du Gouvernement de privilégier la stabilisation des taux des contributions employeurs à moyen terme et de constituer un fonds de réserve utile dans une perspective très longue, qui est celle de tout régime de retraites, mais qui se traduit par l'application d'un mécanisme d'épargne forcée au terme duquel la logique du financement par répartition s'efface au profit d'une logique de fonds de réserve. Cette orientation n'est pas nécessairement à condamner dans la mesure où elle peut permettre un pilotage plus souple du système si les hypothèses sur lesquelles repose la projection de ses équilibres devaient se trouver déjouées par les évolutions réelles. Par ailleurs, il faut tenir compte de la préoccupation d'accompagner les suppléments de cotisations perçus auprès des agents, d'assurer le financement des avantages non contributifs qui est l'un des objets de la contribution de l'État et de ne pas desserrer excessivement la contrainte que cette contribution exerce sur les recrutements.

Observation n° 7 : Les engagements financiers portés par l'État au titre des retraites de ses agents, sont estimés dans une fourchette large comprise entre 1 410 milliards d'euros (taux d'actualisation de 1,50 %) et 2 212 milliards d'euros (taux d'actualisation négatif, de - 0,55 %). Sous ce dernier taux, les conditions monétaires et financières exceptionnelles du moment conduisent à extérioriser une dette hors bilan d'un poids qui tendrait à se réduire considérablement en cas de retour à des conditions plus usuelles. Dans ces conditions, il serait aventureux de considérer que ces estimations puissent rendre compte des actifs patrimoniaux actualisés détenus par les affiliés du régime de retraite. En toute hypothèse, elles ne recouvrent pas les conditions prévisibles d'équilibre du système de retraite qui ressortent, en revanche, de la projection des besoins de financement (voir infra ).

Observation n° 8 : L'équilibre du régime de pensions des fonctionnaires civils et militaires paraît acquis à terme malgré la forte révision à la baisse de son excédent cumulé et un profil temporel évolutif. Dans trois des quatre scenarios de croissance proposés par le comité d'orientation des retraites le poids des dépenses totales de retraite dans le PIB baisse conduisant dans deux de ces scenarios à un excédent du système de retraite à l'horizon de 2070. Pour le CAS « Pensions », le poids de ses dépenses dans le PIB baisserait dans tous les cas. Le résultat cumulé serait plus ou moins bénéficiaire. Ces estimations sont réalisées à législation constante. Celle-ci implique notamment un maintien du taux de contribution de l'État à son niveau de départ et un recul de l'âge effectif de liquidation des droits des fonctionnaires sous l'effet du durcissement des conditions posées pour l'acquisition d'une pension à taux plein.

Observation n° 9 : Les équilibres du système des retraites passent par une réduction de la valeur de la pension moyenne relativement aux revenus d'activité, qui, de 67 % se replierait vers un niveau compris entre 40 % et 50 % du revenu moyen d'activité, conduisant à une baisse prononcée des taux de remplacement assurés par les pensions. Pour le régime de la fonction publique, le taux de remplacement déjà comparativement faible perdrait entre 5 et 8 points pour n'être plus que de l'ordre de 55 % en moyenne. La décroissance du taux de remplacement est moins forte que dans le régime général où celui-ci est aujourd'hui plus élevé de près de 15 points. Ces différences sont largement dues à l'exclusion des primes des fonctionnaires de leur régime de retraite et aux différences dans les conditions de calcul des pensions. L'effet équilibrant de la règle d'une liquidation sur les 25 meilleures années de la carrière revalorisées à l'inflation qui entraîne une réduction forte du taux de remplacement en projection joue beaucoup moins pour les fonctionnaires, dont la base liquidative (les six derniers mois de salaires) bénéficie des revalorisations liées à la croissance économique, du moins en régime sans austérité salariale. Malgré une configuration déprimant les revenus de remplacement offert par les régimes de retraite, la valeur réelle des retraites serait croissante, du fait d'un effet de base de liquidation, les pensions n'étant revalorisées que comme l'inflation. Mais, le niveau de vie relatif des retraités qui comprend aujourd'hui plus de 30 % de revenus autres que les retraites en moyenne chuterait par rapport à celui du reste de la population. Les retraités perdraient entre 10 et 20 points de niveau de vie relatif.

Observation n° 10 : Ni les niveaux très disparates des taux prélèvements nécessaires apparemment nécessaires à la couverture des dépenses des différents régimes, ni l'hétérogénéité des avantages non contributifs au sein d'un même régime, ni les durées relatives de cotisations et de service de la pension, ces deux derniers éléments pouvant aboutir à des rendements contributifs très différents ne peuvent à eux seuls établir le constat d'une rupture d'équité par les régimes de retraite. Au demeurant, la réforme en cours d'élaboration semble quelque peu en retrait de l'application d'un principe d'uniformité des rendements contributifs. Si demain un euro de cotisation pourrait avoir la même valeur pour tous, le maintien d'un étage de solidarité devrait aboutir à un système de retraite présentant une certaine hétérogénéité des droits, comme c'est aujourd'hui le cas. Trois différences peuvent cependant être d'ores et déjà anticipées : la détermination de l'étage de solidarité devra être réenvisagée, perspective de nature à diviser les opinions, le financement des avantages correspondants ne pourra plus recourir à des péréquations internes aux régimes, si bien, notamment que des modifications devront être apportées à la structure de financement de la solidarité, au sein de laquelle l'appel à l'impôt devrait être renforcé, la totalité des revenus du travail devrait être intégrée au régime. L'annonce d'un régime prenant en compte ces revenus jusqu'à trois plafonds de la sécurité sociale paraît exclure, pour l'essentiel, la constitution d'un étage fourni de capitalisation. Cependant, la détermination des revenus entrant dans les salaires peut conduire à des débats. L'inclusion des primes des fonctionnaires parallèle à l'exclusion d'un certain nombre d'éléments de rémunération du travail salarié (les primes d'intéressement et de participation par exemple) peut illustrer les problèmes à venir. L'inclusion des primes des fonctionnaires aura en tout cas des incidences fortes sur le pouvoir d'achat des agents compensées, mais à terme et selon un régime peu prévisible, par la conversion des droits acquis en revenus différés.

Au 10 octobre 2018, date limite fixée par la LOLF, 97 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues à votre rapporteur spécial .

PREMIÈRE PARTIE - MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE »

Dotée de 6,284 milliards d'euros en 2019 (contre 6,33 milliards d'euros en 2018), la mission « Régimes sociaux et de retraite » retrace les subventions d'équilibre versées par l'État à onze régimes spéciaux de retraite (depuis l'intégration au programme 195 du régime de retraite complémentaire obligatoire des exploitants agricoles à partir de l'exercice 2017).

La mission est composée de trois programmes :

- le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres », qui comporte principalement les crédits destinés à assurer l'équilibre des caisses autonomes de retraite de la société nationale des chemins de fer français (SNCF) et de la régie autonome des transports parisiens (RATP), mais aussi des dotations pour financer la fin d'activité des conducteurs routiers ;

- le programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins », qui vise à financer, via l'établissement national des invalides de la marine (ENIM), le régime spécial de sécurité sociale des marins ;

- le programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes ( SEITA ) et divers », qui regroupe, outre le régime des exploitants agricoles plus haut mentionné, plusieurs régimes en (plus ou moins) rapide déclin démographique (caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines, régimes de retraite de la SEITA, des régies ferroviaires d'outre-mer et de l'Office de radiodiffusion et télévision française (ORTF)).

I. UNE QUASI STABILISATION DES DOTATIONS D'ÉQUILIBRE AUX RÉGIMES SPÉCIAUX DE RETRAITE DANS UN CONTEXTE POURTANT PROPICE À LA MAÎTRISE DES DÉSÉQUILIBRES DES CAISSES

La programmation de la mission prévoit une baisse presque imperceptible des crédits nécessaires à l'équilibre des régimes spéciaux qu'elle finance (49 millions d'euros) compte tenu de la masse des dotations concernées (plus de six milliards d'euros).

La modestie du recul de la charge budgétaire de la mission, au surplus, être appréciée au regard d'un contexte volontariste qui, venant s'ajouter aux effets des réformes des régimes spéciaux de ces dernières années, freine les dépenses des caisses dans des conditions dont la reproductibilité n'est pas assurée.

A. UNE CHARGE BUDGÉTAIRE EN LÉGÈRE RÉDUCTION ?

Le projet de loi de finances demande des crédits en légère diminution par rapport à ceux ouverts en 2018.

Cependant, les économies correspondantes sont en totalité attribuables à des réductions de charges « spontanées » des régimes fermés subventionnés par la mission.

En revanche, les crédits programmés pour équilibrer les deux régimes aux enjeux budgétaires les plus élevés, les régimes de la SNCF et de la RATP, connaissent, de leur côté, une augmentation.

Si les informations fournies ne permettent pas de distinguer avec une totale précision la responsabilité respective de l'évolution de l'équilibre du régime de la SNCF et de la dette de l'État envers ce régime résultant de l'issue d'un contentieux ponctuel dans l'alourdissement des dotations prévues, le régime de retraite de la RATP continuerait à peser sur les besoins. Par ailleurs, force est de constater qu'au-delà d'événements ponctuels le déficit structurel du régime de la SNCF demeure encore en 2019 à peu près inchangé.

Au regard d'un objectif d'amélioration structurelle de l'équilibre des régimes spéciaux poursuivi depuis plusieurs années et de la politique volontariste mise en oeuvre en 2019, ces évolutions ressortent comme en-deçà des attentes.

1. Une légère réduction nominale des dotations programmées pour 2019 correspondant à des évolutions divergentes des besoins d'équilibre des régimes spéciaux

Alors que pour l'année 2018, rompant avec une tendance baissière , les crédits de la mission augmentaient de 0,4 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2017 (soit un recul de 3,1 % par rapport aux crédits effectivement consommés en 2015), l'exercice 2019 renoue avec cette tendance avec une légère réduction des crédits, de 49 millions d'euros (- 0,7 %).

Cette évolution reflète une baisse globale des besoins d'équilibre des régimes spéciaux résultant de mouvements nettement divergents.

Comme le montre le tableau ci-après, la répartition des crédits de la mission accorde une place primordiale aux contributions à l'équilibre des régimes constitués dans les entreprises de transport terrestre, qui sont l'essentiel du programme 198 . Ils représentent les deux tiers des crédits , la caisse de retraite du personnel de la SNCF absorbant à elle seule plus de la moitié des dotations .

Le régime social des marins ( programme 197) pèse un peu moins de 13 % du total des crédits tandis que divers régimes regroupés dans le programme 195 , où prédomine largement la caisse autonome de sécurité sociale des mines , concentrent 20,1 % des dotations de la mission.

Les différents régimes que financent ces dotations présentent, chacun, des caractéristiques propres , moins du fait des différences de régime juridique qui les singularisent, que du fait de leurs ratios démographiques et de leur statut.

Sur ce dernier plan, il faut distinguer les régimes ouverts des régimes fermés qui n'accueillent plus de cotisants (ils forment la majeure partie du programme 195).

Ce sont ces derniers qui, en raison de la réduction du nombre de leurs prestataires, et même s'ils ne comptent que très peu de cotisants, voire aucun, enregistrent une réduction progressive de leurs déséquilibres. Ils permettent d'atténuer le recours des régimes spéciaux à la solidarité nationale et, ainsi, d'alléger les crédits de la mission.

Les évolutions des dotations d'une année sur l'autre illustrent cette réalité. Elles correspondent aux évolutions des équilibres financiers des régimes spéciaux.

Évolution des crédits par programme et action

(en millions d'euros)

Intitulé du programme et de l'action

Crédits de paiement

Variation

Exécution 2017

Ouverts en LFI pour 2018

Demandés pour 2019

PLF 2019 / Exécution 2017

PLF 2019 / LFI 2018

Programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres »

4 074

4 120

4 163

2,2%

1,0%

03 - Régime de retraite du personnel de la SNCF

3 271

3 283

3 303

1,0%

0,6%

04 - Régime de retraite du personnel de la RATP

681

709

736

8,1%

3,8%

05 - Autres régimes (2)

123

127

124

0,8%

-2,4%

Programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins »

828

824

815

-1,6%

-1,1%

01 - Pensions de retraite des marins

828

824

816

-1,4%

-1,0%

Programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers »

1 427

1 388

1 305

-8,5%

-6,0%

01 - Versements au Fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines

1 213

1 177

1 101

-9,2%

-6,5%

02 - Régime de retraite de la SEITA

157

153

147

-6,4%

-3,9%

03 - Caisse des retraites de l'imprimerie nationale

0

0

0

0,0%

0,0%

04 - Caisse des retraites des régies ferroviaires d'outre-mer

3

3

2

-16,5%

-10,3%

07 - Versements liés à la liquidation de l'ORTF

0

0

0

0,0%

0,0%

Retraite complémentaire des exploitants agricoles

55

55

55

0,0%

0,0%

TOTAL

6 329

6 332

6 283

-0,7%

-0,8%

(1) Les montants des crédits en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) sont identiques.

(2) Congés de fin d'activité et compléments de retraite dans le secteur du transport routier et pensions des anciens agents des chemins de fer d'Afrique du Nord et d'outre-mer.

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

En dépit du rattachement au programme 195 du régime complémentaire des exploitants agricoles (RCO), dont le besoin de financement nécessite une provision stabilisée à 55 millions d'euros, les autres régimes du programme 195, principalement le régime des mines, apportent une contribution déterminante au recul des crédits de la mission.

Les mesures de suppression des « petites taxes », un effet négatif sur le financement du RCO aux compensations peu transparentes

Le projet de loi de finances pour 2019 comportait au titre de l'article 9 la suppression de la taxe sur les farines. Son produit de 60 millions d'euros en 2017 (64 millions d'euros en prévision pour 2019) est affecté au RCO. La discussion du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale a abouti à la suppression de la taxe sur les huiles. Son produit (130 millions d'euros a minima) est également affecté au financement du RCO. Le régime se voit donc privé de 190 millions d'euros de recettes. Or, les taxes ainsi affectées au RCO financent à peu près le quart de ses charges.

C'est par l'affectation d'une fraction des droits perçus sur les alcools que le Gouvernement entend compenser cette perte de recettes.

L'incidence ultime de cette réorganisation mérite d'être clarifiée.

Il convient de relever que ces droits financent un assez grand nombre de prestations sociales à la charge d'autres régimes sociaux.

Les dotations correspondantes baissent de 76 millions d'euros.

Cette économie est légèrement amplifiée une fois pris en compte les besoins du régime des marins (- 8 millions d'euros).

En revanche, les régimes spéciaux des transports terrestres (SNCF et RATP) regroupés dans le programme 198 amplifient leur pression budgétaire sur la mission (+ 43 millions d'euros) et viennent réduire les économies tendancielles produites par les autres programmes de la mission.

On relève une augmentation du poids prévisionnel de la subvention destinée à la caisse de la SNCF avec un besoin passé de 3,266 milliards d'euros en 2016 à 3,303 milliards d'euros en 2019 (contre 3,283 milliards d'euros en prévision pour 2018) (+ 20 millions d'euros par rapport à l'an dernier).

Les ressorts de cette dynamique méritent cependant une nuance dans la mesure où elle paraît témoigner moins d'une dégradation des équilibres fondamentaux de la caisse que des besoins résultant de l'apurement d'une dette de l'Etat envers la SNCF (voir infra ).

En revanche, c'est sans ambiguîté que, pour le régime de la RATP, le creusement du besoin de financement se poursuivrait. D'un niveau de 636,6 millions d'euros en 2016, il avait atteint 709,3 millions d'euros en 2018 et serait de 736,2 millions d'euros en 2019.

L'alourdissement du besoin de financement du régime s'élève ainsi à 100 millions d'euros depuis 2016 et pèse pour 26,9 millions d'euros en 2019.

2. Une évolution des dotations dont la significativité, en soi toute relative, est régulièrement remise en cause par les évolutions apparues en cours de gestion et se trouve suspendue au sort réservé à une dette de l'Etat envers la SNCF
a) L'exécution du programme 198 devrait une fois de plus être supérieure aux dotations de la loi de finances initiale

La programmation de la mission est régulièrement révisée dans le cadre des projets de loi de finances rectificative de sorte que les évolutions ici exposées, du fait de leur modeste ampleur, ne sauraient être considérées comme pleinement significatives.

À titre d'exemple, le projet de loi de finances rectificative de fin d'année 2017 avait dû demander l'ouverture de 21,8 millions d'euros afin de couvrir les besoins de financement de la caisse de retraites de la SNCF.

Au demeurant, selon les avis du contrôleur budgétaire et comptable ministériel, relatifs au programme 198, des crédits supplémentaires devraient être nécessaires pour financer la caisse de la SNCF en 2018. Les montants envisagés s'élèvent à 32,7 millions d'euros, dont 15 millions d'euros résultant du déficit de cotisations des salariés consécutif aux retenues sur salaires effectuées à la suite des grèves de l'année.

b) Le dénouement financier du contentieux perdu par l'État relativement au taux de cotisation T1 de la SNCF demeure incertain

L'analyse de la programmation budgétaire de la mission pour 2019 est encore troublée par les incertitudes portant sur la prise en compte dans cette programmation d'un événement exceptionnel résultant du dénouement d'un contentieux entre l'État et le groupe ferroviaire au terme duquel celui-ci se trouve titulaire d'une créance sur l'État.

Selon les suites données par l'État à cette dette dans la programmation de la subvention d'équilibre, l'appréciation sur la composante de cette subvention provenant de l'évolution du besoin de financement du régime peut varier entre le constat d'une faible dégradation et celui d'une légère amélioration.

Les contentieux sur les taux des cotisations employeurs de la SNCF

Le taux de cotisation des établissements constituant le Groupe public ferroviaire (GPF) est égal à la somme d'un taux T1 représentant les cotisations qui seraient versées si les salariés relevaient des dispositions de droit commun et d'un taux T2 destiné à financer les droits spécifiques du régime spécial.

À plusieurs reprises, la SNCF a demandé l'annulation de l'arrêté de la direction du budget fixant le taux T1, remettant en cause l'assiette de calcul de ce taux au motif que la répartition des effectifs (entre cadres et non cadres) n'était pas conforme à la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres.

Le Conseil d'État a annulé, par décisions du 20 mai 2016 et du 11 juillet 2016, les arrêtés ministériels du 16 juillet 2014 et du 27 juillet 2015 fixant les composantes T1 définitives pour 2013, 2014 et provisoire pour 2015.

À la suite des annulations prononcées par le Conseil d'État, le taux T1 des années 2013 à 2015 a été revu à la baisse comme le précise l'arrêté du 2 mai 2017 :

En conséquence, une régularisation de cotisations de la CPRPSNCF en faveur du GPF a été effectuée en juin 2017 pour 99,3 millions d'euros au titre de la période 2013 à 2016. La CPRPSNCF a compensé cette baisse de ressources par une nouvelle provision de 99,3 millions d'euros sur l'exercice 2017.

Par ailleurs, le taux T2 a été revu à la hausse à compter du 1 er mai 2017 de 11,81% à 13,85% (décret n° 2017-691 du 2 mai 2017), ce qui procurera un surcroît de recettes pour la caisse d'environ 90 millions d'euros en année pleine.

La SNCF ayant été déboutée de sa demande en annulation de ce décret par le Conseil d'État en juillet 2018, le taux de 13,85% est donc effectif.

Au total, du fait de ces contentieux perdus par lui, l'État se sera trouvé débiteur envers la caisse de la SNCF d'une centaine de millions d'euros.

Il était apparemment envisagé d'assurer le règlement d'une partie de cette dette en 2018 (30 millions d'euros), laissant 69,3 millions d'euros de reliquat réglés en 2019 à partir de la dotation budgétaire. Dans ces conditions, plutôt que d'une dégradation du solde de la caisse, la programmation budgétaire pour 2019 témoignerait de la perspective d'une amélioration. Corrélativement, dans ce scenario de règlement de la dette de l'État, la subvention d'équilibre prévue pour 2019, hors contentieux, témoignerait d'une réduction de la pression exercée par les besoins structurels d'équilibre de la caisse (- 19 millions d'euros par rapport à la subvention nette des charges de contentieux prévue pour 2018).

Or, les conditions de l'exécution budgétaire en 2018 semblent avoir remis en cause ce scénario de sorte que la détermination précise des besoins couverts par la dotation budgétaire reste floue.

3. Une stabilité des besoins de subventionnement alors que le contexte est globalement favorable à une rééquilibrage des caisses

Les évolutions retracées plus haut peuvent apparaître décevantes au vu des choix volontaristes effectués pour 2019 et des importantes réformes des régimes spéciaux adoptées dans le passé.

On rappelle que les dépenses de la mission, qui avaient fortement augmenté entre 2006 et 2012 (41 %), avaient ensuite, sous l'effet d'économies ayant atteint 198,6 millions d'euros en 2015 et 2016 , connu une nette inflexion.

Sans l'inverser franchement, la budgétisation pour 2018 ne l'avait pas prolongé. L'exercice 2019 confirmerait une sorte de statu quo de sorte qu'en 2019 l'appel à la solidarité nationale des régimes en cause demeurerait, malgré une légère réduction, très conséquent (environ 0,26 point de PIB contre 0,28 point de PIB en 2018 sur la base des prévisions de la loi de finances initiale).

Évolution des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des rapports et projets annuels de performances pour 2006 à 2019)

Les crédits demandés pour 2019 s'expliquent par trois facteurs principaux.

a) La « modération des pensions »

L'année 2018 aura été une « année blanche » pour la revalorisation des pensions.

Après que, conformément aux dispositions combinées des articles L. 161-23-1 et L. 161-25 du code de la sécurité sociale, une revalorisation des pensions de + 0,8 % ait été appliquée au 1 er octobre 2017, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a prévu qu'aucune revalorisation n'intervienne avant le 1 er janvier 2019.

Le gel des pensions alors mis en oeuvre a constitué une décision exceptionnelle.

Au cours des années antérieures, le jeu des indexations prévues par la loi avait pu se traduire par l'absence de revalorisation des pensions, ou par des revalorisations modérées du fait du ralentissement de l'inflation dans les années récentes.

Celui-ci avait contenu les dépenses des régimes dans la mesure où les pensions de base n'ont fait l'objet de 2013 à 2017 que d'une revalorisation de 0,9 %, la revalorisation de 2017 comptant pour 0,8 % à elle seule.

Cependant, les règles d'indexation auraient justifié une revalorisation en 2018 de 1,3 %, dont le gel dispense la mission de la charge supplémentaire à laquelle elle aurait été confrontée si elle avait été mise en oeuvre.

En effet, les revalorisations valaient jusqu'à présent à compter du 1 er octobre de l'année de mise en oeuvre. C'est ainsi l'année postérieure à la revalorisation qui enregistre l'essentiel de ses effets puisque c'est alors en année pleine que joue la revalorisation.

En outre, prolongeant une longue série de changements des règles du jeu en matière de revalorisation des pensions (voir l'encadré ci-après), le report arrêté par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 est suivi par l'annonce, consacrée dans le projet de loi de financement de sécurité sociale pour 2019, d'une revalorisation des pensions de retraite totalement découplée de l'inflation.

La revalorisation des pensions, un changement permanent des règles du jeu

Aux termes de la loi du 21 août 2003, le coefficient de revalorisation des pensions était égal à l'évolution prévisionnelle des prix hors tabac pour l'année N, corrigé, le cas échéant, de la révision de la prévision d'inflation de l'année N-1 telle que figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances de l'année N.

Entre 2009 et 2013 , la revalorisation de l'ensemble des pensions est intervenue au 1 er avril de chaque année et non plus au 1 er janvier . La revalorisation pour l'année N était égale à la prévision d'inflation établie par la Commission économique de la Nation, ajustée sur la base de l'inflation définitive constatée pour N-1 (connue en avril N de manière définitive).

En application de la loi du 20 janvier 2014 « garantissant l'avenir et la justice du système de retraites », la revalorisation de l'ensemble des pensions (hors minimum vieillesse et majoration pour tierce personne) doit désormais intervenir au 1 er octobre de chaque année 1 ( * ) .

Dans ces conditions, aucune revalorisation n'est intervenue en 2014 compte tenu de l'application du correctif destiné à compenser les effets d'une surestimation du rythme de l'inflation en 2012 (0,7 % effectif contre une prévision de 1,2 %) dans un contexte où cet écart s'était révélé juste égal à l'inflation prévue dans le rapport économique social et financier annexé au projet de loi de finances de l'année (0,5 %).

Compte tenu des prévisions d'inflation, les pensions de retraite ont été revalorisées de 0,1 % au 1 er octobre 2015 , soit la prévision d'inflation pour 2015 telle que figurant dans le RESF annexé au projet de loi de finances pour 2016, car le gel initialement prévu lors de l'élaboration de la loi de financement rectificative pour la sécurité sociale de juillet 2014 a conduit à ne pas appliquer le correctif entre l'inflation prévisionnelle de 2014 et l'inflation définitive constatée.

Compte tenu du nouveau calendrier d'application des revalorisations des pensions, l'effet en année pleine de la revalorisation des pensions en 2015 peut être estimé à un équivalent-revalorisation entre 0,015 % et 0,025 %.

Les articles 33 du projet de loi de finances et 57 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 ont apporté de nouvelles évolutions. Ils prévoient d'harmoniser et de simplifier les règles de revalorisation de l'ensemble des prestations sociales, y compris des pensions de retraite. Ainsi, les pensions de retraite demeurent revalorisées au 1 er octobre de chaque année mais cette revalorisation se fonde désormais sur l'évolution des prix hors tabac constatée en moyenne annuelle sur les douze derniers mois disponibles .

En cas d'évolution négative des prix, une règle de « bouclier » garantit le maintien des prestations à leur niveau antérieur. Compte tenu de ces nouvelles règles et de l'hypothèse d'inflation retenue dans le projet de loi de finances pour 2016, les pensions de retraite devaient être revalorisées de 0,6 % au 1 er octobre 2016 . Or, les évolutions réelles de l'indice des prix ont conduit à l'absence de toute revalorisation des pensions à cette échéance.

L'article 41 de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a, à nouveau entrepris de décaler le calendrier de la revalorisation des pensions prévu par l'article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale du 1 er octobre 2018 au 1 er janvier 2019.

De fait, l'article 44 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 déroge à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale qui détermine les conditions de la revalorisation annuelle des pensions dans les termes, rappelés plus haut, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Il prévoit que les pensions seront revalorisées de 0,3 % au 1 er janvier 2019 , sans considération de l'inflation mesurée par l'INSEE.

La programmation budgétaire pour 2019 s'affranchit ainsi de la préoccupation d'assurer une compensation à l'inflation, « assumant » une réduction du pouvoir d'achat des retraites servies aux pensionnés.

Les économies résultant des décisions prises en matière de revalorisations des pensions (gel puis sous-revalorisation) peuvent être estimées à environ 90 millions d'euros avec une polarisation sur les deux régimes de transports terrestres subventionnés par la mission.

Simulation d'une revalorisation des pensions de 1 % au 1 er octobre 2018 sur les charges des régimes spéciaux

(en millions d'euros)

Année

2017

2018

2019

Date de revalorisation

1 er oct.

1 er oct.

1 er janvier

Revalorisation instantanée

0,8%

sans

0,3%

Taux de revalorisation annuelle moyen (année N+1 / année N)

0,2%

0,6%

0,3%

Enjeu financier pour la mission RSR

+53

+ 27

dont SNCF

+ 32

+16

dont RATP

+ 7

+4

dont l'ENIM

+ 6

+3

dont CANSSM

+ 8

+4

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

b) La baisse du volume des pensionnés des régimes et des effets de composition jouent à la baisse sur les dépenses des régimes

Dans l'ensemble, les régimes spéciaux perdent des prestataires, en particulier du fait de l'épuisement des régimes fermés .

Par ailleurs, la structure des pensions servies se déforme dans le sens d'une réduction de la part des pensions de droit direct au profit d'un renforcement de celle des pensions de droit dérivé, dont la valeur est moindre . Cet « effet de composition » pèse sur la valeur unitaire des pensions servies, d'autant plus fortement que les pensions nouvellement liquidées sont peu nombreuses.

En 2019, si la baisse du nombre des prestataires toucherait principalement les régimes dits « fermés » 2 ( * ) - tels que les régimes des mines, de la SEITA et des régies ferroviaires d'outre-mer - sous l'effet de la décroissance de leurs effectifs de pensionnés, elle concernerait également les autres régimes subventionnés par la mission.

Le régime des mines , principal régime rattaché au programme 195, devrait notamment perdre environ 10 000 pensionnés entre 2018 et 2019 (soit une baisse en volume de 3,8 %), pour compter un peu plus de 242 000 pensionnés. Le nombre des pensions de droit direct ne serait plus que d'un peu moins de 125 000.

Le total des subventions prévues en 2019 au titre du programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers » qui porte le financement de ce régime enregistrerait l'effet de ces évolutions. Il baisserait ainsi de l'ordre de 83 millions d'euros (- 6,5 %) par rapport à la prévision pour 2018, soit une baisse de plus de 250 millions d'euros par rapport à l'exécution 2015.

Si les économies offertes par l'évolution démographique de ces régimes sont un élément modérateur structurel des dotations consacrées au financement des régimes spéciaux, pour 2019, les autres régimes spéciaux verraient leurs bénéficiaires diminuer , connaissant également, pour certains d'entre eux, une recomposition de la population des prestataires.

Pour le régime des marins , le nombre des pensions servies baisserait de 613 (- 0,78 %), la baisse étant relativement plus accusée pour les pensions de droit direct (- 0,89 %) que pour les pensions de droit dérivé (- 0,61 %).

La population des pensionnés par le régime des marins présente de fortes singularités.

Les pensions relèvent de deux catégories. Aux pensions pour ancienneté, il faut ajouter les « pensions spéciales ». Ces dernières correspondent aux allocations versées aux anciens marins qui ne réunissaient pas une condition de 15 ans de service au moment où est offerte par le régime la possibilité de liquider sa pension à un âge favorable. Les pensions spéciales comptent pour la moitié des nouvelles liquidations de pensions de droit direct (1 010 sur 2 090 en 2019).

Cette situation n'est pas négligeable dans une autre particularité du régime. Il s'agit sans doute du seul régime qui voit les pensions nouvellement liquidées atteindre une valeur inférieure aux pensions en stock 3 ( * ) . Pour ces dernières, la pension de droit direct moyenne s'élève à 11 315 euros ; elle est seulement de 10 067 euros pour les nouvelles pensions de droit direct. Cet écart reflète l'impact du durcissement des règles de liquidation des pensions mis en oeuvre ces dernières années sur des trajectoires professionnelles heurtées, qui sont fréquentes dans le secteur de la marine.

Le régime de la SNCF perdrait 4 669 pensionnés (- 1,9 %) portant la baisse à 8 500 depuis 2016.

Quant aux bénéficiaires du régime de la RATP , ils accuseraient une forte baisse (- 3 805, soit 7,2 % de pensionnés en moins), Cette baisse faisant suite à la forte augmentation enregistrée en 2018, le nombre des pensionnés reviendrait à un niveau (49 177) moins éloigné qu'en 2017 (49 941).

Les évolutions décrites jouent à la baisse sur les dépenses des régimes.

Cependant, d'autres facteurs d'évolution des dépenses doivent être considérés ainsi, que du côté des recettes, les dynamiques enregistrées par les cotisations sociales.

c) L'impact des relèvements des taux de cotisation

La hausse des taux de cotisation découlant de la réforme de 2014 transposée aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP se poursuit 4 ( * ) .

La hausse des taux apparents de cotisations salariales et patronales entre 2014 et 2018 dans les régimes vieillesse de la SNCF et de la RATP , très contrastée entre les deux régimes, a permis de limiter l'impact de la réduction du nombre des cotisants sur les recettes de la SNCF et entraîne une légère hausse des cotisations sociales perçues par la caisse de la RATP avec une hypothèse de maintien du nombre des cotisants.

Pour 2019, dans le régime de la SNCF, la hausse des taux de cotisations salariales est forte (+ 3,1%).

Évolution du taux des cotisations au régime vieillesse de la SNCF

Source : commission des comptes de la sécurité sociale, rapport 2018

De leur côté, les cotisations des employeurs augmentent de 0,32 point.

Le produit des cotisations sociales progresse de près de 1 % (2,9 % pour les cotisations salariales), soit une évolution en ligne avec celle des taux de cotisation.

Dans le régime de la RATP, le taux des cotisations salariales progresse de 0,3 %, le taux des cotisations patronales suivant une dynamique plus forte (+ 1,5 %).

Compte tenu de la progression des salaires, le produit des cotisations progresserait davantage que les taux (de 2,1 %).

Évolution du taux des cotisations au régime vieillesse de la RATP

(*) Taux estimatifs prévisionnels pour 2018 et 2019

Source : commission des comptes de la sécurité sociale, rapport 2018

4. Une augmentation spontanée de la valeur de la pension moyenne en stock

L'amélioration des salaires à partir desquels les pensions des régimes sont déterminées exerce un effet autonome sur la valeur des pensions servies par ces régimes.

Cette évolution reflète les gains de revenus acquis dans un contexte de croissance économique générale qui exerce un impact sur les revenus d'activité des salariés, la question de la justification des gains salariaux de nature plus microéconomique étant ici réservée.

Cependant, il faut également tenir compte, pour ses effets de court terme, du fait qu'au contraire des régimes pris en charge par le compte d'affectation spéciale « Pensions » (voir infra ), le pilotage des salaires n'est pas assuré par la caisse versante. On rappelle que les caisses de retraites des régimes spéciaux sont essentiellement autonomes.

Ces dernières années, l'augmentation de la base liquidative des pensions nouvellement liquidées s'est traduite par une augmentation autonome de la valeur moyenne de la pension en stock.

Évolution de la valeur moyenne de la pension annuelle liquidée SNCF

(en euros)

en euros

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Pensions directes

---

---

---

24 740

25 270

26 100

26 360

26 710

26 740

27 139

27 921

Pensions de réversion

---

---

---

9 800

10 140

10 490

10 720

10 810

10 934

10 942

11 015

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Évolution de la valeur moyenne de la pension annuelle liquidée RATP

(en euros)

en euros

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Pensions directes

---

---

29 225

29 384

29 622

31 498

31 929

32 614

33 766

33 312

34 176

Pensions de réversion

---

---

10 796

9 852

11 166

12 101

11 938

12 006

12 385

11 805

12 417

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Pour la SNCF, la valeur moyenne des pensions nouvellement liquidées a progressé de 12,8 % depuis 2008. Pour la RATP, la croissance a été de près de 17 % depuis 2009.

Ces évolutions ont contribué à élever le niveau de la pension moyenne en stock.

Pour la SNCF, pour les pensions de droit direct, la valeur moyenne de la pension en stock aura progressé de 11,6 % entre 2008 et 2017. Plus récemment, la progression aura été de 1 % entre 2016 et 2017.

Une partie de cette augmentation peut être attribuée aux arrangements salariaux conclus dans le cadre des réformes visant à reporter les âges de départ en retraite (voir infra ).

Évolution de la valeur moyenne de la pension en stock SNCF

(en euros)

en euros

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Pensions directes

---

21 450

21 970

22 320

22 920

23 600

24 140

24 470

24 649

24 759

24 995

Pensions de réversion

---

8 900

9 180

9 380

9 650

9 920

10 140

10 270

10 329

10 334

10 373

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

En ce qui concerne la RATP, la valeur moyenne de la pension en stock a davantage progressé (+ 13,3 % depuis 2009), semblant s'accélérer à court terme (+ 2,2 % entre 2016 et 2017).

Évolution de la valeur moyenne de la pension en stock RATP

(en euros)

en euros

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Pensions directes

---

---

24 987

25 685

26 278

27 200

27 789

27 758

28 106

27 689

28 315

Pensions de réversion

---

---

---

9 745

10 034

10 292

10 495

10 958

11 034

10 700

10 920

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

On relève incidemment que les niveaux des pensions moyennes des deux régimes ressortent comme très différents. La pension moyenne versée par la caisse de retraites de la RATP est supérieure de plus de 13 % à celle versée par la caisse de la SNCF.

Cet écart doit être constaté alors que, le subventionnement apporté par l'État aux deux régimes étant du même ordre, une approche de premier plan, qui mériterait d'être complétée par des analyses supplémentaires, pourrait conduire à établir une identité des efforts contributifs apparents des salariés des deux entreprises.

B. UNE BUDGÉTISATION DE LA MISSION DANS LE PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES À L'HORIZON 2020 QUI REPOSE SUR DES HYPOTHÈSES VOLONTARISTES

La loi de programmation pluriannuelle des finances publiques (LPFP) prévoit une réduction du plafond des crédits de paiement de la mission de 65 millions d'euros en 2019.

La mission régimes sociaux et de retraite dans la loi de programmation des finances publiques

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

6 332

6 265

6 304

Source : loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

Pour 2019, le plafond de la loi de programmation pluriannuelle a été fixé à 6,265 milliards d'euros.

Le projet de loi de finances n'en assure pas le respect. Les crédits dépassant le plafond de 24 millions d'euros à 6,284 milliards d'euros.

Ce dépassement est principalement dû aux régimes de la SNCF et des mines, qui extériorisent des besoins supérieurs aux prévisions, le premier pour près de 1 %, le second pour 0,57 %.

Comparaison entre les plafonds de crédits de la loi de programmation des finances publiques et les crédits du projet de loi de finances pour 2019

Source ; réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Établie à législation à peu près constante (voir supra les développements sur l'indexation des pensions en 2018), la programmation des subventions d'équilibre versées aux régimes spéciaux de retraite est fondée sur des hypothèses, qui peuvent être déjouées.

Pour 2019, on relèvera, en particulier, les impacts suivants relatifs aux régimes de la SNCF et de la RATP, exposés à votre rapporteure spéciale :

« Concernant le régime des agents de la SNCF, les données constatées se sont ainsi avérées sensiblement différentes des hypothèses retenues lors de la LPFP, notamment sur le nombre de départs en retraite (départs en plus grand nombre) et sur l'évolution de la mortalité (plus faible qu'anticipé). Il en été tenu compte pour la construction du PLF 2019. La grande liberté des cheminots quant à leur date de départ en retraite, à partir de 57 ans (52 ans pour les agents de conduite), entraîne un aléa assez important sur les comportements de départ en retraite et donc sur la dépense finale.

Concernant le régime des agents de la RATP, les aléas comportementaux et démographiques expliquent les écarts à la LPFP »

Les explications fournies traduisent l'influence des changements dans les comportements de départ en retraite, qui, à court terme, peuvent modifier significativement, les dépenses des régimes.

À cet égard, les périodes de réforme des retraites suscitent une certaine instabilité des comportements de départ, dont l'ampleur et le sens sont difficilement prévisibles.

Il est à prévoir dans ces conditions que la période couverte par l'actuelle programmation pluriannuelle des finances publiques réserve encore de nouveaux écarts par rapport aux plafonds de crédits fixés par la LPFP.

C. LA PARTICIPATION DES CAISSES DES RÉGIMES SPÉCIAUX AUX EFFORTS DE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE

Le dispositif de performances de la mission intègre des objectifs de maîtrise des coûts de gestion des deux principales caisses financées, la caisse de la SNCF et celle de la RATP, reflets des objectifs contractualisés dans le cadre des « conventions d'objectifs et de gestion » conclues entre l'État et les caisses.

Les résultats obtenus sont en-deçà des attentes correspondantes ce qui ne manque pas de susciter quelques interrogations. Mais c`est au-delà que celles-ci doivent désormais porter.

La perspective de construction d'un régime universel intégrant les régimes spéciaux, si elle est de nature à permettre d'anticiper des économies d'échelle à terme sur les coûts de gestion des prestations, n'en ouvre pas moins une période de grande incertitude sur les conditions d'organisation de caisses avec lesquelles l'État a poursuivi son dialogue de contractualisation en 2018 au point de conclure enfin avec la caisse de la SNCF une nouvelle COG valant pour la période 2018-2021.

1. Des objectifs de diminution des frais de fonctionnement et des effectifs

En contrepartie du financement par la solidarité nationale des déficits structurels des régimes spéciaux, le Gouvernement a renforcé l'encadrement des frais de gestion des différentes caisses dans le cadre des conventions d'objectifs et de gestion (COG). Il a été ainsi demandé à l'ensemble des organismes de sécurité sociale, dont les caisses gestionnaires de régimes spéciaux, de réduire de 15 % leurs frais de fonctionnement sur quatre ans et de 2 % à 2,5 % leurs effectifs par an .

S'agissant de la caisse de retraite du personnel de la SNCF , la COG 2014-2017 prévoyait une baisse d'environ 2 millions d'euros des dépenses de fonctionnement (hors personnel) sur la période. Ces objectifs n'ont pas été tenus. Les dépenses de gestion ont augmenté de 2,1 millions d'euros entre 2016 et 2017.

La nouvelle COG pour la période de 2018 à 2021 prescrit à la caisse un effort d'économie sur les dépenses de fonctionnement de 15 % accompagné par une réduction des effectifs de 2 % par an. Une rénovation du siège marseillais de la caisse est également prévue.

Le projet annuel de performances pour 2019 ne traduit pas moins une perspective d'augmentation des coûts de gestion, qui passeraient de 23,4 millions d'euros en prévision actualisée pour 2018 à 25,8 millions d'euros en 2019 (25,9 millions d'euros en 2020).

Après l'augmentation des coûts de gestion de la caisse de retraite du personnel de la RATP intervenue sous le régime de la précédente COG (2013-2016), du fait des investissements (informatiques, plateforme téléphonique...) l'année 2017 a matérialisé des économies, mais qui, étant essentiellement attribuables à des inscriptions comptables, n'ont pas été durables.

Coûts de gestion de la caisse de retraite de la RATP

(en millions d'euros)

Année

2010

2016

2017

2018

(prévision actualisée)

2019

(prévision)

Écart 2019/2018)

Coûts de gestion

6,59

6,05

4,64

5,88

5,84

-0,04

Source : projet annuel de performances pour 2019

La nouvelle convention pour les années 2017 à 2020 ne traduit pas d'efforts particuliers pour réduire les coûts de gestion de la caisse. La cible annoncée par le projet annuel de performances pour 2020 évoque une réduction très modeste par rapport au coût réactualisé prévu pour 2018 de 130 000 euros.

En tant qu'opérateur de l'État, l' ENIM est également soumis à un encadrement de ses dépenses de fonctionnement, matérialisé notamment par un plafond d'emplois . Ces dernières années, ses effectifs ont nettement diminué. Ils sont passés de 399 ETP en 2011 à 350 en 2016 (- 12,3 %) et devraient connaître une nouvelle baisse en 2017 (335 ETP, soit - 2,6 %) et en 2018 (319 ETP, soit - 4,8 %). Une nouvelle convention d'objectifs et de gestion a été conclue, qui couvre les années 2016 à 2020. Elle implique une diminution des dépenses de personnel de 11 % et des dépenses de logistique de 15 %.

Or, malgré les importants ajustements subis par les emplois, les coûts de gestion ont été plus élevés en 2018 qu'en 2017 (9 millions d'euros contre 8,52 millions d'euros).

Encore convient-il d'observer que la subvention est loin de couvrir les charges de gestion de l'ENIM si bien que le fonds de roulement de l'établissement est amplement sollicité. Après un prélèvement de 26,9 millions en 2016, qui avait ramené le fonds de roulement à 88,65 millions d'euros, de nouveaux prélèvements interviendraient en 2017 (8,7 millions d'euros) et en 2018 (7,1 millions d'euros). Avec 72,85 millions d'euros de disponibilités fin 2018, le fonds de roulement de l'établissement couvrirait 8,8 % de ses charges annuelles, soit à peine un mois de dépenses, témoignant ainsi d'un épuisement des possibilités trouvées par l'État dans les prélèvements des fonds de roulement de ses opérateurs pour financer ses engagements.

Par ailleurs, la question de l'adéquation des effectifs à certains objectifs risque de se poser avec davantage d'acuité. Le taux de recouvrement des cotisations, calculé sur des bases plutôt flatteuses puisqu'elles excluent les situations localement les plus difficiles, extériorise fréquemment des moins-values de recettes, l'écart pouvant atteindre 5 % par rapport à une situation théorique.

Les difficultés économiques du secteur peuvent contribuer à cette situation. Mais il convient de rester attentif à ce qu'une gestion active des ressources soit entreprise.

Par ailleurs, sans aucunement jeter quelque suspicion que ce soit sur ces régimes, se pose inévitablement la question de leur capacité à détecter les fraudes en recettes comme en dépenses. De ce point de vue d'ailleurs, même s'il manque des précisions sur les performances individuelles de chaque organisme gestionnaire et sur les opérations détectées, il faut saluer une réelle amélioration des performances globales des régimes spéciaux. Selon les documents annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, la détection des fraudes aurait permis d'identifier des montants en progression de 146 % entre 2012 et 2026. Il est vrai que le montant concerné au départ était particulièrement faible (2,8 millions d'euros).

2. Quel avenir pour les caisses après l'adoption d'un régime universel ?

L'adoption d'une réforme du régime de retraite passant par la constitution d'un régime unique conduit naturellement à s'interroger sur la pérennité des organes de gestion des régimes spéciaux, qui, par définition, sont appelés à se trouver fondus dans le nouveau régime unique.

Cette question est en réalité double. Elle porte sur les infrastructures techniques qui permettent de gérer les pensions. Elle est aussi celle des organes de gouvernance des régimes.

À l'évidence des clarifications devront intervenir sur ces deux dimensions.

D. UNE CONTRIBUTION DE 6,284 MILLIARDS D'EUROS POUR FINANCER LES DEUX TIERS DES PRESTATIONS DE RETRAITE PRÉVUES EN 2019

1. Une subvention de l'État qui assure en moyenne plus de 67 % des ressources des régimes spéciaux

La participation de l'État continue d'assurer une part prépondérante de leurs ressources aux régimes spéciaux de la présente mission.

Au total, les subventions d'équilibre de l'État apporteront en moyenne 67 % des ressources des régimes spéciaux.

La masse totale des prestations versées y avoisine 9,2 milliards d'euros (0,4 point de PIB).

Le poids de la subvention de l'État diffère d'un régime à l'autre : il couvre quasiment la totalité des pensions versées par le régime de la SEITA qui ne compte plus aucun cotisant en 2019 (pour environ 7 875 pensionnés) et un peu plus de 60 % de celles versées par les caisses de retraite de la SNCF et de la RATP (61 %).

En ce qui concerne le régime minier, il est financé à 84 % par la mission. Les cotisations sociales ne comptent plus que pour une part infime des produits, ce qui n'a rien que de logique pour un régime fermé déjà ancien.

Caisse autonome nationale de sécurité sociale des mines (2015-2019)

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Le régime spécial des marins devrait bénéficier en 2019 d'une subvention d'équilibre de 815,7 millions d'euros, en baisse de 8,6 millions d'euros par rapport à 2018 (- 1%). La subvention couvre près de 80 % des dépenses de pension (1 024 millions d'euros) à la charge de l'établissement national des invalides de la marine (ENIM).

Les cotisations et contributions perçues auprès des armateurs se limitent à 115 millions d'euros.

Établissement national de la marine (2015-2019)

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les deux régimes des transports terrestres couverts par la mission bénéficient d'un taux de subvention identique, qui leur apporte 61 % de leurs ressources.

Régime de la SNCF (2015-2019)

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Régime de la RATP (2015-2019)

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

2. Une justification par l'état des équilibres démographiques des régimes spéciaux mais qui est loin d'épuiser les raisons des soutiens nécessaires à leur financement
a) Un rapport démographique dégradé

Le taux élevé de la contribution de l'État aux dépenses des régimes spéciaux peut se justifier par la situation démographique de ces régimes.

Cependant, une partie des subventions couvre des avantages particuliers en plus de ces déséquilibres démographiques auxquels les règles dérogatoires appliquées dans les régimes spéciaux ne sont évidemment pas étrangères.

Les régimes spéciaux financés par la présente mission connaissent une situation démographique incontestablement dégradée , qui se manifeste par un ratio entre cotisants et retraités plus faible que dans le régime général d'assurance vieillesse et dans celui de la fonction publique d'État et par une baisse du rapport démographique.

Parmi les régimes encore ouverts, le régime des marins compte seulement 0,27 cotisant pour un retraité, le régime de la SNCF 0,67 5 ( * ) cotisant pour un pensionné et le régime de la RATP 0,86 cotisant pour un pensionné tandis que le rapport démographique est de l'ordre de 1,33 dans le régime général.

La dégradation du rapport démographique suit des évolutions propres à chaque régime.

Il paraît à peu près endigué pour la SNCF.

Éléments sur le nombre des cotisants et des pensionnés dans le régime de la SNCF

SNCF

année

2016

2017

2018

2019

nombre de cotisants (1)

145 958

142 943

prévisions

prévisions

141 367

139 686

nombre de pensionnés

263 981

261 033

260 166

255 497

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Mais, le nombre des cotisants avait considérablement baissé entre 2015 et 2016 (près de 4 000 cotisants en moins) et il faut tenir compte des effectifs en contrats d'apprentissage et de formation, qui renouvellent les profils des cotisants au régime. Pour 2019, les prévisions tablent sur une forte réduction du nombre des pensionnés (- 4 669), qui compenserait, par son ampleur, une nouvelle baisse du nombre des cotisants (- 1 681).

Pour la RATP, le nombre des cotisants s'est à peu près stabilisé (-119 depuis 2016), et le nombre des pensionnés après avoir connu une hausse spectaculaire en 2018, retrouverait un niveau plus étal.

Éléments sur le nombre des cotisants et des pensionnés dans le régime de la RATP

RATP

année

2016

2017

2018

2019

nombre de cotisants

42 420

42 301

prévisions

prévisions

42 574

42 301

nombre de pensionnés (1)

49 310

49 941

52 982

49 177

(1) Il s'agit ici des pensions du régime spécial et du régime de coordination. Ces chiffres sont donnés au 31 décembre de chaque année.

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Ces évolutions prolongent une tendance plus ancienne.

Évolution du rapport démographique * dans les principaux régimes de retraite

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet annuel de performances pour 2018, du rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2017, du recueil statistique de la Caisse nationale d'assurance vieillesse et du rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2018)

b) Le poids des singularités des régimes spéciaux

En toute hypothèse, le besoin de financement de ces régimes ne s'explique pas uniquement par leur situation démographique .

Des facteurs institutionnels jouent encore un grand rôle dans les déséquilibres financiers que la solidarité nationale est appelée à combler.

Ce n'est qu'au terme de la montée en charge des réformes du système de retraite intervenues à partir de 2008 que la pression des particularités de ces régimes sur le budget de l'État s'atténuera (voir ci-dessous).

Le régime de financement de la caisse de retraite de la SNCF illustre partiellement le poids des singularités des régimes spéciaux.

Ainsi que le rappelle le conseil d'orientation des retraites (COR), la cotisation patronale de la SNCF est constituée de deux composantes T1 et T2 :

- la composante T1 représente le montant des cotisations qui seraient dues si les salariés de la SNCF relevaient du régime général et des régimes de retraite complémentaire des salariés. Plus précisément, elle vient compléter les cotisations salariales des agents de la SNCF, de façon à ce que le total des cotisations salariales et de la composante T1 soit égal au total des cotisations salariales et patronales qui seraient dues avec les régimes de droit commun ;

- la composante T2 est destinée à contribuer forfaitairement au financement des droits spécifiques de retraite du régime spécial.

Ce dernier taux avait été fixé à 11,26 % en 2011. Devant évoluer comme le taux global des régimes de droit commun pour un salarié non cadre, il a été porté à 11,81 % pour 2016 puis à 13,85 % depuis le 1 er mai 2017. Il serait de 13,99 % en 2019.

Si les réformes intervenues depuis 2003 ont tendu à faire converger les règles applicables à ces régimes avec celles du régime général et celui de la fonction publique (voir ci-après), des différences subsistent du fait des situations de départ, de l'exclusion des régimes fermés et du régime des marins du mouvement d'harmonisation entrepris, et du calendrier d'application des réformes aux régimes spéciaux.

Elle a été différée de quatre ans par rapport au rythme imprimé à la convergence entre les règles de la fonction publique et celles du régime général ce qui explique que ses effets sont encore largement à venir (voir ci-après).

Les principales règles dérogatoires applicables aux régimes spéciaux de retraite

Les trois principaux régimes de retraite « ouverts » subventionnés par la mission, à savoir les régimes des retraites des personnels de la SNCF, de la RATP et des marins se caractérisent par des règles plus avantageuses que celles du régime général en matière d'âge de départ à la retraite et de liquidation.

Parmi les règles dérogatoires applicables au régime des marins , on peut citer :

- l'âge légal d'ouverture des droits à la retraite fixé à 55 ans (contre 62 ans pour le régime général) ;

- la liquidation de la pension de retraite sur la base des 3 dernières années (en fonction du salaire forfaitaire) ;

- l' absence de mécanisme de décote et de surcote .

Les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP se distinguent, quant à eux, du régime général par :

- un âge légal d'ouverture des droits de 50 ans progressivement porté à 52 ans pour le personnel roulant des deux entreprises. L'âge légal d'ouverture des droits est de 55 ans pour les autres catégories de personnels de la SNCF, devant être porté progressivement à 57 ans et de 55 ans ou 60 ans respectivement (progressivement porté à 57 ans ou 62 ans) pour les personnels de la RATP appartenant à la catégorie A active ou aux autres catégories ;

- un mécanisme de bonifications (validations gratuites de trimestres) pour les personnels recrutés avant la réforme de 2008 ;

- une liquidation de la pension sur la base des six derniers mois de salaires .

Par conséquent, l'âge effectif de départ à la retraite des assurés des régimes spéciaux est sensiblement inférieur à celui observé dans le régime général .

II. DES RÉGIMES SPÉCIAUX « OUVERTS » EN VOIE DE « BANALISATION », DES PERSPECTIVES DE RÉDUCTION DES DÉFICITS À MOYEN ET À LONG TERME BOULEVERSÉES PAR LE PASSAGE DU RÉGIME DE LA SNCF AU STATUT DE RÉGIME FERMÉ

Les régimes spéciaux ont fait l'objet de réformes successives depuis 2008 tendant à atténuer leurs spécificités dans un environnement législatif marqué par la succession de plusieurs réformes des retraites.

Si l'impact des modifications intervenues en 2008 a suscité des estimations qui en soulignent le poids tout en faisant valoir l'incidence des mesures d'accompagnement alors décidées, pour les réformes ultérieures, leurs effets, hors ceux liés à la hausse des cotisations, ne sont encore que partiellement saisis.

Les projections disponibles laissent présager un impact favorable des modifications paramétriques apportées aux régimes spéciaux concernés par les réformes qui devrait soulager fortement la mission dans les exercices budgétaires à venir.

Toutefois, à législation courante, un besoin de financement, même réduit, subsisterait, obligeant la solidarité nationale à continuer de s'exprimer en faveur des régimes spéciaux.

Sur ce point, une évolution majeure est intervenue en cours d'année avec l'adoption de la réforme ferroviaire. Elle devrait se traduire par un alourdissement transitoire des besoins de financement du nouveau régime fermé qu'elle a institué.

A. UN RAPPROCHEMENT AVEC LES RÈGLES DE DROIT COMMUN QUI LAISSE DES DIFFÉRENCES SIGNIFICATIVES AUXQUELLES IL FAUT NÉANMOINS APPORTER DES NUANCES

Les réformes des régimes spéciaux 6 ( * ) ont tendu à les faire converger vers les règles de droit commun mais moyennant des nuances marquées.

Certains régimes ont été exclus d'une partie des réformes pour des raisons tenant à leur situation particulière. Il en est allé ainsi des régimes fermés et du régime des marins.

En outre, l'entrée en vigueur des réformes les plus récentes a été décalée et devait être progressive si bien que les réformes n'étaient appelées à exercer leurs effets que dans le temps.

Ce n'est qu'à partir de 2017 que s'est appliquée la réforme de 2010 marquée par le relèvement progressif de 2 ans de l'âge de départ en retraite (selon un rythme de quatre mois par génération).

Ses effets sont difficilement perceptibles dans le présent projet de loi mais ils monteront en puissance à moyen terme à mesure que les relèvements annuels des bornes d'âge se cumuleront.

À l'horizon 2024, l'âge de départ à la retraite aura été relevé de deux ans dans tous les régimes spéciaux.

Quant à la réforme de 2014 , si ses dispositions financières ont été appliquées immédiatement, l'autre volet important, concernant la durée de cotisations nécessaires pour disposer d'une retraite à taux plein , ne rentre en application qu'à partir de cette année.

En bref, pour les deux réformes de 2010 et de 2014, les mesures entrées en vigueur à ce jour portent essentiellement sur les variables financières des régimes - que ce soit du côté des recettes avec le relèvement des taux de cotisation ou, du côté des dépenses, avec des modifications apportées au mécanisme d'indexation - tandis que leur dimension paramétrique (âge de la retraite, durée de cotisation) entreront en vigueur successivement en 2017 et 2019 et selon un calendrier progressif.

Enfin, il faut rappeler ce qui a déjà été indiqué sur le maintien pour certaines situations de conditions préférentielles généralement liées à l'âge de départ à la retraite.

1. Même si elle n'a pas modifié les conditions d'âge pour liquider une retraite spécifiques aux régimes spéciaux, la réforme de 2008 a poursuivi un objectif principal de prolongation de la durée d'activité en introduisant de nouveaux paramètres de liquidation

La réforme de 2008 des régimes spéciaux a été inspirée par le principe d'une harmonisation progressive de leur réglementation avec celle de la fonction publique d'État (les principes de la décote et la surcote, l'allongement de la durée de cotisation, l'indexation des pensions sur les prix et non plus sur les salaires, la suppression de la mise à la retraite d'office, la possibilité de rachat d'années d'études, de départ pour les agents handicapés, etc.), tout en maintenant pour chacun le principe d'un régime spécifique ainsi que les conditions d'âge permettant de liquider une retraite.

Les contreparties salariales négociées accompagnant la réforme de 2008 des régimes spéciaux de retraite se sont concrétisées à la SNCF et à la RATP par les mesures suivantes : création d'un échelon supplémentaire pour les agents prolongeant leur activité, élargissement de l'assiette du salaire brut liquidable, majorations de traitement liées à la prolongation d'activité, diverses mesures d'accompagnement de fin de carrière et prise en compte de la pénibilité. Coûteuses d'un point de vue salariale, elles compensent, au moins partiellement, l'effet de la réforme pour les personnels appelés à en bénéficier et infléchit, mais à terme seulement, l'ampleur des économies attendues.

Les principaux droits des assurés avant et après la réforme des régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP de 2008 figurent ci-après.

Principales composantes de la réforme des régimes spéciaux de 2008

La durée de cotisation

La durée de cotisation nécessaire pour atteindre un taux plein de liquidation a été augmentée si bien que le rendement des cotisations a, toutes choses égales par ailleurs, été réduit. Cette mesure est appelée à entrer en vigueur progressivement.

- Avant réforme : 37 ans et demi

- Après réforme : augmentation progressive de la durée de cotisation pour une pension à taux plein (75 % du salaire de référence) depuis le 1 er juillet 2008 pour passer de 150 à 166 trimestres en 2018 (suppression des bonifications). Le nombre de trimestres varie selon la date de naissance et la nature de l'emploi, sédentaire ou agent de conduite. La bonification de 5 ans d'annuités maximum est supprimée pour les agents d'exploitation et de maintenance recrutés après le 1 er janvier 2009.

Le choix de l'âge de départ en retraite

- Avant réforme : à l'initiative de l'agent ou de l'entreprise.

- Après réforme : à l'initiative de l'agent seulement (la clause « couperet » autorisant l'employeur à recourir à la mise à la retraite d'office a été supprimée).

L'instauration d'une décote et d'une surcote

- Avant réforme : ni décote si surcote.

- Après réforme : décote à partir du 1 er juillet 2010 et surcote à partir du 1 er juillet 2008 ; les assurés qui cotiseront au-delà de la durée nécessaire pour obtenir le taux plein de 75 % verront leur pension majorée et, à l'inverse, ceux qui cesseront leurs fonctions avant de remplir ces conditions verront leur pension minorée.

L'indexation des pensions

- Avant réforme : les pensions évoluent comme les salaires.

- Après réforme : les pensions évoluent comme l'indice des prix à la consommation hors tabac à compter du 1 er janvier 2009.

2. Les réformes de 2010 et 2014 ont à nouveau modifié les paramètres des régimes spéciaux concernés
a) L'application à compter de 2017 du relèvement de l'âge de départ à la retraite prévu par la réforme de 2010

Les régimes de retraite des mines, de la SEITA ainsi que les autres régimes de retraite « fermés » ont été exclus des récentes réformes des retraites dans la mesure où la réforme des droits des affiliés cotisants aurait eu un impact très faible voire nul. Le régime de retraite des marins est également resté, globalement, à l'écart de cette réforme, compte tenu de la forte pénibilité d'une large part des professions affiliées et des difficultés économiques touchant particulièrement le secteur de la pêche.

La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, transposée par voie réglementaire aux régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP 7 ( * ) , met en oeuvre un processus de convergence avec le régime de la fonction publique.

À partir de 2017 , l'âge légal de départ à la retraite est progressivement relevé de quatre mois par an.

Pour la RATP , il sera de 52 ans pour le personnel roulant de catégorie B et de 57 ans (catégorie A active) ou de 62 ans pour les autres catégories de personnel à l'horizon 2024.

Pour la SNCF , le relèvement des bornes d'âge laissera subsister un écart significatif avec le droit commun (52 ans pour les personnels roulants et 57 ans pour les sédentaires).

b) L'augmentation de la durée d'assurance conditionnant le « taux plein » à partir de 2019

Les principales mesures de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système des retraites ont également été transposées par décret aux régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP 8 ( * ) . Outre les mesures déjà mises en oeuvre, en particulier le relèvement des taux de cotisation et le décalage de la date de revalorisation des retraites, restent ainsi à entrer en application :

- l'augmentation progressive de la durée d'assurance requise pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein qui ne rentrera en vigueur qu'à compter du 1 er juillet 2019. Elle passera de 167 trimestres (soit 41 ans et trois trimestres) pour les agents de la SNCF nés entre 1964 et 1965 et pour ceux de la RATP nés entre 1959 et 1960, à 172 trimestres (43 ans) pour les assurés nés à partir du 1 er janvier 1978 à la SNCF et à partir du 1 er janvier 1973 à la RATP. La durée d'assurance sera ainsi identique à celle en vigueur dans le régime général, même si son application sera plus tardive dans le régime de la SNCF ;

- la poursuite de l'alignement des cotisations sur le régime général, dont les conditions pour 2017 ont été exposées, mais qui devrait conduire à des augmentations futures. Le taux de cotisation salariale à la SNCF passerait ainsi progressivement de 8,52 % en 2017 à 10,95 % en janvier 2026.

3. Des différences significatives demeurent

Les réformes des régimes de retraite spéciaux ont laissé subsister des écarts institutionnels significatifs.

C'est tout particulièrement le cas pour les agents de la SNCF, qui bénéficient d'un âge de départ nettement plus précoce que pour les autres régimes.

Contrairement aux conditions prévalant dans les régimes de retraite des salariés ou des fonctionnaires et à celles posées à la RATP, les personnels sédentaires continuent à bénéficier d'une possibilité de départ en retraite dès 57 ans. Ils peuvent même partir plus tôt (52 ans) à condition d'avoir exercé des métiers d'agents de conduite durant une certaine durée. Pour les agents de conduite, l'âge d'ouverture des droits y est uniformément de 52 ans.

Il faut toutefois convenir que ces limites d'âge vont devenir assez théoriques du fait des autres modifications apportées aux régimes et tout particulièrement de l'allongement progressif et très significatif des conditions tenant à la durée d'assurance requise pour bénéficier d'un taux sans décote.

Par ailleurs, l'existence de possibilités de départ plus précoces que l'âge de droit commun n'est pas propre aux personnels des régimes spéciaux. De telles dispositions sont prévues pour certaines catégories de personnel de la fonction publique, les catégories actives et superactives ou des salariés, en lien avec les mesures liées à la prise en compte de la pénibilité.

Au demeurant, la montée en charge des réformes a conduit à une augmentation progressive de l'âge moyen de départ à la retraite. L'âge moyen de départ qui était de 56 ans et 9 mois en 2015 à la SNCF est passé en 2017 à 57 ans et 5 mois, soit un décalage de 8 mois. Pour les agents sédentaires, l'âge de départ était en 2017 de 57 ans et 10 mois contre 57 ans et 1 mois en 2015. Pour la RATP, alors que les conditions générales sont plus rigoureuses, l'âge de départ moyen est plus précoce : 55 ans et un peu moins de cinq mois, mais il a augmenté depuis 2015 où il était de 54 ans et 9 mois. Cette situation vient d'un effet de composition, les personnels roulants de la RATP étant proportionnellement plus nombreux qu'à la SNCF.

Proportion de conducteurs et des personnels roulants parmi les pensionnés de la SNCF et de la RATP

Entreprise

SNCF

RATP

Année

2015

2016

2015

2016

Proportion de conducteurs
et de personnel roulant
parmi les pensionnés (1)

13%

12 %

32,06%

31,82 %

(1) cette proportion est calculée par rapport aux pensions directes

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Jusqu'à présent, le relèvement de l'âge effectif de départ en retraite est resté limité de sorte que l'âge de départ à la retraite observé dans les régimes spéciaux demeure significativement inférieur à celui observé dans le régime général ( 63,2 ans en moyenne en 2016 hors départs anticipés ; 62,4 ans tous départs) et dans la fonction publique de l'État ( 61,5 ans en moyenne en 2015 ; 62,53 ans pour les personnels sédentaires de la fonction publique de l'État).

Un grand nombre des nouveaux pensionnés des régimes spéciaux ayant liquidé leurs pensions en 2016 avaient moins de 56 ans.

Il faut relever néanmoins qu'il apparaît proche de l'âge de liquidation observé chez les fonctionnaires appartenant aux catégories dites « actives » de la fonction publique d'État ou relevant de la CNRACL (par exemple, les policiers, les surveillants de l'administration pénitentiaire, des douanes ou encore les infirmiers n'ayant pas opté pour la catégorie A) qui, en raison de leurs conditions spécifiques de travail, bénéficient de règles d'âge plus favorables. Ces derniers avaient liquidé en moyenne leur pension de retraite à 58,54 ans dans la fonction publique civile d'État en 2015.

Répartition des nouveaux retraités selon leur âge au 31 décembre 2016

Source : DREES, Panorama des pensions 2018

Ces écarts déterminent de fortes différences dans le nombre d'années de service des pensions.

Le nombre d'années de service moyen d'une pension étant de 24 ans et six mois pour les hommes, le nombre moyen de service d'une pension est de près de 29 ans à la SNCF. Il dépasse 40 ans à la RATP.

Les rapports entre la durée moyenne d'activité et la durée moyenne de service de la pension diffèrent également nettement entre ces deux régimes et avec les autres régimes. Il est de 1,13 à la SNCF mais n'atteint que 0,86 à la RATP. Aux différences portant sur les âges de liquidation s'ajoutent les effets des bonifications d'annuité. À la SNCF, l'écart entre les années cotisées et les années validées apporte moins d'un an de validation ; quant à la RATP il fait gagner plus de quatre années de validations.

Il fait peu de doute que l'entrée en vigueur progressive des réformes a limité les changements de comportement de départ en retraite. Le Conseil d'orientation des retraites a pu souligner qu'à ce jour la réforme de 2008, du fait de l'entrée en vigueur progressive des mécanismes de décote et de surcote qu'elle comportait, n'aurait exercé d'effet notable sur l'âge de la retraite qu'à raison des mesures d'accompagnement alors mises en oeuvre, qui, de fait, pour les agents de la SNCF, comportaient une forte incitation à demeurer en activité. 9 ( * )

Cependant, à l'avenir, la perspective d'une profonde dégradation des taux de remplacement en cas de comportement inchangé de départ en retraite suffira à déterminer un décalage de celui-ci, malgré le maintien de conditions d'âge favorables, devenues de fait assez théoriques .

Âge moyen au départ en retraite des sédentaires

Par ailleurs, les comportements de départ en retraite, pour être sans doute sensibles aux conditions paramétriques de liquidation, ou aux perspectives les concernant, sont également dépendants d'autres conditions plus fondamentales, d'ordre socioéconomique.

B. LA BAISSE GRADUELLE DU BESOIN DE FINANCEMENT DES RÉGIMES SPÉCIAUX REMISE EN CAUSE PAR L'ADOPTION DU « PACTE FERROVIAIRE »

Les différentes réformes touchant les régimes spéciaux ont fait l'objet d'évaluations.

Elles attribuent aux réformes un résultat positif en termes de contribution à une meilleure soutenabilité des régimes concernés tout en laissant subsister un besoin d'expression de la solidarité nationale, les régimes n'arrivant pas à l'équilibre.

Les perspectives d'amélioration des soldes financiers des régimes à l'horizon 2050 ressortent totalement bouleversées par l'effet de l'adoption du « pacte ferroviaire ». Si l'impact des réformes n'en serait que peu atténué, en revanche, la « fermeture » du régime de retraite de la SNCF a pour effet d'installer celui-ci sur une trajectoire d'aggravation de son déficit.

Il est vrai que celle-ci illustre davantage l'impact de la fermeture d'un régime que des équilibres fondamentaux.

La dégradation du solde devrait se retourner à terme, mais au-delà de la période de projection.

1. Une réduction tendancielle du besoin de financement des régimes de retraite spéciaux une fois pris en compte tous les effets des réformes des régimes, mais un besoin de financement complémentaire par l'État

Les réformes du régime spécial de la SNCF ont jeté les bases d'une amélioration de ses équilibres financiers appelée à se prolonger en projection, une fois que ces réformes auront déployé tous leurs effets.

Pour la commodité de l'exposé, on retrace les effets des réformes passées tels qu'ils pouvaient être estimés avant l'adoption du « pacte ferroviaire ».

Pour la SNCF , le graphique ci-dessous permet de visualiser les effets des réformes sur la situation actuelle du régime et leur impact en projection, jusqu'en 2050, sur les soldes du régime avant et après les différentes réformes (obtenus par la différence entre la masse des pensions et celle des cotisations hors frais de gestion administrative et de compensations démographiques).

L'impact des réformes de début de période a permis d'améliorer l'équilibre du régime de l'ordre de 700 millions d'euros.

Cet effet de rééquilibrage devrait perdurer.

Projections antérieures à 2018 des soldes du régime dans différentes situations

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

La réforme de 2008 s'est traduite jusqu'à présent par une amélioration du solde proche de 600 millions d'euros. Ses effets devraient s'amplifier jusqu'au milieu des années 2020 pour se réduire dans les années 2034-2045 et reprendre un peu de volume au-delà. La réforme de 2010 exerce des effets plus modérés à l'inverse de la dernière réforme en date, celle de 2014 qui, peu économe en début de période, fait gagner au régime de 200 millions à 350 millions d'euros à partir des années 2030.

Dans la situation antérieure à l'adoption du « pacte ferroviaire », l'impact des réformes résultait de la combinaison d'une hausse des prélèvements obligatoires, et, ainsi, de l'effort contributif des affiliés au régime, et d'une réduction du taux de remplacement et de la durée en pensions qui infléchissait la tendance des dépenses.

Au total, il était plus fort en dépenses qu'en recettes.

Impact des réformes des retraites sur les dépenses de pensions du régime de pensions de la SNCF

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

L'âge de liquidation des pensions est retardé et la pension individuelle est servie moins longtemps.

Les réformes ont également amélioré les perspectives de recettes du régime, en particulier la réforme de 2014.

Impact des réformes des retraites sur les recettes du régime de pensions de la SNCF

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les gains de recettes sont toutefois un peu moins forts.

Ils résultent d'une élévation de l'effort contributif du fait de l'augmentation de la pression des prélèvements obligatoires mais aussi d'une hypothèse d'allongement de la base de cotisations du fait d'un maintien plus long en activité.

Au total, l'effet des réformes avant adoption du « pacte ferroviaire » sur le besoin de financement du régime de la SNCF, et par conséquent de subventionnement du régime par la mission, pouvait se résumer dans un allègement du besoin de financement de l'ordre de 600 millions d'euros à un horizon de 8 ans (2025), de 1,2 milliard d'euros en 2035, de 1 milliard d'euro en 2040 et de 1,5 milliard d'euros en 2050.

Il est intéressant d'observer que l'amélioration du solde du régime résultant des réformes, un temps essentiellement dû aux mesures accompagnant la réforme de 2008 qui, ainsi qu'indiqué par le COR, ont exercé un effet prépondérant dans les années immédiatement postérieures à la réforme sur le maintien en activité des agents, se prolongerait en dépit d'un renversement de l'impact de ces mesures sur la caisse des retraites.

Le bilan de ces mesures pour le régime est illustré par les graphiques ci-après. Le gain en cotisations a été fort et immédiat, le niveau des cotisations étant relevé de près de 75 millions d'euros à l'horizon 2015.

Gains en cotisations

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

En revanche, l'impact sur les dépenses a été plus progressif en raison de l'extension séquencée des mesures de revalorisation aux différentes générations partant en retraite.

Coût sur les pensions

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

Dans ces conditions, les mesures d'accompagnement alors mises en oeuvre qui avaient soulagé le besoin de financement du régime jusqu'en 2015 commenceraient à le dégrader au-delà.

Coût net

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

À l'horizon 2020, le déficit résultant de ces mesures atteindrait 50 millions d'euros. Il serait porté à 200 millions d'euros en 2040.

2. Un contexte totalement différent du fait de l'adoption du « pacte ferroviaire »
a) Le « pacte ferroviaire » réinstalle le régime sur une trajectoire de progression du déficit

L'adoption du « pacte ferroviaire » modifie radicalement les perspectives des équilibres du régime de la SNCF, qui est appelé à se trouver « fermé » à brève échéance.

Cette évolution ne modifie qu'à la marge les estimations de l'impact des réformes passées, mais celles-ci, plutôt que de contribuer à amplifier la réduction du déficit, se traduisent par une limitation de son aggravation.

Projections actualisées en 2018 des soldes du régime dans différentes situations

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure

Dans les projections antérieures à l'actualisation réalisée en 2018, on observait que, tendanciellement, en dehors de toute réforme du régime, son déséquilibre se serait réduit, conduisant à une détente progressive du besoin d'ajustement financé par la mission « Régimes sociaux et de retraite ». De l'ordre de 4 milliards d'euros en 2018 (contre 3,3 milliards dans le projet de budget pour 2018) , il aurait rejoint 3,5 milliards d'euros en 2025 puis, à partir de 2050, 2,5 milliards d'euros .

Les projections actualisées en cours d'année afin de prendre en compte l'adoption du pacte ferroviaire et la fermeture à brève échéance du régime spécial, qui en résulte, modifient très significativement ces perspectives.

Le déficit du régime se creuserait à l'horizon de la projection.

Les réformes passées continueraient à exercer leur impact en dépenses.

Leur impact en recettes serait toutefois moins important compte tenu de l'étiolement de la masse des cotisants.

Mais, l'essentiel est bien que les perspectives de solde du régime s'inversent totalement à l'horizon de la projection.

La réduction du nombre des affiliés entraîne une chute des recettes.

Évolution des recettes du régime à la suite de l'adoption du « pacte ferroviaire »

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Évolution des recettes du régime avant l'adoption du « pacte ferroviaire »

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

La moins-value de recettes à l'horizon de la projection atteint 1,7 milliard d'euros.

b) Une projection tributaire d'hypothèses lourdes

Parmi les variables majeures commandant l'évolution prévisible du besoin de financement de la caisse figure la masse salariale. Les hypothèses posées en ce domaine sont les suivantes. L'évolution annuelle du salaire moyen par tête est fonction de l'âge des individus.

Les hypothèses suivantes ont été retenues.

Avant réforme

Réformes de 2008, 2010 et 2014

On relève que les réformes se traduiraient par une progression plus forte des salaires par tête que dans une situation sans réforme, du fait des mesures d'accompagnement prises alors.

Par ailleurs, le salaire par tête suivrait une tendance assez dynamique, favorable à l'équilibre du régime.

En toute hypothèse, la vérification des hypothèses selon lesquelles les équilibres de la caisse, et par conséquent, la sollicitation de l'État sont calculées, est suspendue à la capacité de SNCF Mobilités, notamment, de dégager un chiffre d'affaires suffisant . Or, à l'évidence, la perspective d'une ouverture à la concurrence du transport de voyageurs constitue un défi de ce point de vue. L'ouverture à concurrence en Europe liée au processus de mise en oeuvre du quatrième paquet ferroviaire va s'accompagner de la cessation du monopole légal pour le transport de voyageurs.

Interrogé sur les perspectives ouvertes par ces évolutions, le Gouvernement a reconnu que « l'ouverture prochaine à la concurrence... modifiera profondément le contexte dans lequel SNCF Mobilités réalise ses activités de transport de voyageurs et a indiqué que, d'ores et déjà, face à l'exacerbation de la concurrence intermodale, SNCF Mobilités est incitée à améliorer son efficacité industrielle et, par conséquent, met en oeuvre différents plans de performance visant à augmenter sa compétitivité et son efficience : réduction des frais de structure, accroissement de la productivité, meilleure allocation de ses ressources... C'est également dans cette perspective de concurrence intermodale accrue que SNCF Mobilités développe de nouveaux services lowcost , tels qu'Ouigo, qui lui permettent de proposer à ses clients une offre plus attractive en matière de prix. L'ensemble de ces efforts devraient lui permettre, à terme, d'être préparée pour faire face à l'ouverture à la concurrence intra-modale ».

Votre rapporteure spéciale ne peut que souligner la cohérence de la réponse ministérielle, dont la mise en oeuvre pratique conditionnera la validité des projections de besoin de financement de la CPRP-SNCF.

3. L'impact des réformes sur le régime de la RATP

Quant à la RATP , le tableau ci-dessous montre que les effets de la réforme de 2010 du régime de retraite spécial de la RATP applicable à partir du 1 er janvier 2017 ne commenceraient à se produire qu'à partir de 2019, date à laquelle le montant des prestations serait inférieur à son niveau sans réforme.

Simulation des réformes de 2008 et 2010 sur les prestations versées par CRP-RATP

(en millions d'euros constants 2011)

Année

Avant réforme des droits 2008 (1)

Après réforme des droits 2008 (2)

Écart
(2) - (1)

Après réforme des droits 2010 (3)

Écart
(3) - (2)

Écart
(3) - (1)

2016

1 094

1 089

-5

1 089

0

-5

2017

1 124

1 110

-14

1 109

-1

-14

2018

1 150

1 125

-24

1 125

-1

-25

2019

1 167

1 137

-30

1 136

0

-30

2020

1 179

1 144

-35

1 135

-10

-45

2021

1 191

1 147

-44

1 134

-12

-56

2022

1 205

1 155

-50

1 133

-22

-73

2023

1 214

1 161

-53

1 133

-28

-81

2024

1 221

1 165

-56

1 133

-32

-88

2025

1 229

1 171

-58

1 133

-38

-96

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

4. Une prochaine confirmation par le compte général de l'État

L'impact de la réforme du Groupe ferroviaire n'est pas encore mesuré dans les comptes de l'État, qui, dans le cadre de l'évaluation du « hors bilan » du compte général de l'État, exposent chaque année des simulations du besoin de financement actualisé des régimes spéciaux subventionnés (SNCF, RATP, mines, marins et SEITA).

Les simulations présentées ci-après seront fortement révisées à l'occasion de la prochaine publication du compte général de l'Etat.

La fermeture du régime de la SNCF se traduira à l'horizon de la projection par une moins-value de recettes de 1,7 milliard d'euros pour la caisse de retraites de l'entreprise augmentant d'autant les besoins financiers de couverture des régimes spéciaux par l'Etat.

On observe que la réforme du pacte ferroviaire se traduit non seulement par une reprise de dette au bilan de l'entreprise, mais également par une reprise d'engagements hors bilan.

Par ailleurs, dans la perspective de la réforme des retraites en cours d'élaboration, qui pourrait se traduire par le maintien des engagements correspondant à certaines générations, équivalent à la constitution de régimes fermés, l'impact de la cristallisation des engagements de retraite correspondant aux personnels sous statut de l'entreprise offre une illustration (qui ne sera peut-être pas le modèle emprunté pour régler le problème de la coexistence maintenu après l'adoption du régime universel)de différents systèmes de droits.

Elles intègrent les effets conjugués des réformes de 2008, 2010 et 2014, y compris l'augmentation de la durée d'assurance requise pour un départ à taux plein.

Financement des retraites des régimes spéciaux subventionnés (hors SEITA)

Source : compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2017

Le graphique ci-dessus présente l'évolution des cotisations salariales et patronales à droit constant et le besoin de financement supplémentaire annuel, compte tenu de l'évolution des prestations.

On observe une diminution de plus de 2 milliards d'euros du besoin de financement des régimes spéciaux à l'horizon 2060 . Le besoin de financement continuerait à se réduire jusqu'en 2070 pour ensuite se stabiliser.

En dépit de la diminution progressive du besoin de financement annuel, les engagements implicites de l'État au titre de l'équilibrage financier de ces régimes spéciaux de retraite demeuraient importants puisque ces régimes n'atteignaient pas l'équilibre sur la période de projection.

Pour les régimes spéciaux subventionnés (SNCF, RATP, CANSSM, ENIM et SEITA), le besoin de financement global à horizon 2116 s'élève à 378 milliards d'euros avec une hypothèse de taux d'actualisation de - 0,55 %, les durations de ces régimes spéciaux étant toutes supérieures à 10 ans.

Sur ce total, plus de la moitié concernait le régime de retraite de la SNCF. La valeur du « besoin de financement actualisé » de chaque régime est très sensible au taux d'actualisation retenu, comme le montre le tableau ci-après.

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Le besoin de financement actualisé - qui correspond aux ressources qui seraient en théorie nécessaires aujourd'hui, en étant placées au taux d'intérêt du marché 10 ( * ) , pour faire face aux déficits anticipés - est estimé à 163,3 milliards d'euros à l'horizon 2050 (avec un taux d'actualisation négatif de 0,55 %) mais descend à 120,7 milliards d'euros avec un taux d'actualisation de 1,5 %.

DEUXIÈME PARTIE - COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS »

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite et d'invalidité des agents de l'État .

Doté de 59 milliards d'euros de crédits contre 58,4 milliards d'euros en 2018 (57,6 milliards d'euros en 2017), soit 2,44 % du PIB (contre 2,49 % du PIB en 2018) et 15,1 % des dépenses nettes du budget de l'État, il est structuré en trois programmes, représentant chacun une section du compte spécial :

- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » (55,4 milliards d'euros contre 54,6 milliards d'euros en 2018) est consacré aux régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'État, gérés par le service des retraites de l'État ( SRE ), créé en 2009. Il représente 93,9 % des crédits du CAS ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » (1,93 milliard d'euros contre 1,92 milliard d'euros en 2018) retrace les opérations du fonds spécial des pensions des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) et du fonds gérant les rentes d'accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM), tous deux gérés par la Caisse des dépôts et consignations. Ils représentent 3,27 % des crédits du CAS ;

- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » (1,72 milliard d'euros contre 1,86 milliard d'euros en 2018) regroupe les pensions dues au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) ainsi que les pensions financées par l'État au titre d'engagements historiques et de reconnaissance de la Nation. Programme-miroir avec les crédits correspondant ouverts dans le programme 169 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », sa part dans les crédits du CAS « Pensions » tend à diminuer (2,9 % des crédits contre 3,2 % en 2018).

La programmation des équilibres du compte pour 2018 est entachée d 'une marge d'incertitude du fait des mesures de réorganisation des prélèvements obligatoires en cours et de la suspension tardivement annoncée de l'application du protocole portant modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations (protocole « PPCR »).

En l'état, elle prévoit un nouvel excédent du compte (1,6 milliard d'euros) à peu près stable par rapport à la prévision révisée pour 2018 (1,7 milliard d'euros) mais en recul par rapport aux prévisions initiales (2,465 milliards d'euros).

Dans ces conditions, le solde cumulé du CAS serait positif à fin 2019 à hauteur de 8,4 milliards d'euros contre 6,8 milliards d'euros en 2018.

I. DES CHARGES DE PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES EN FAIBLE AUGMENTATION

A. DES DÉPENSES TOUJOURS EN PROGRESSION, EN DÉPIT D'UN RÉCENT RALENTISSEMENT

Les dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires de l'État et de ses opérateurs ont très fortement augmenté jusqu'en 2014, sous l'effet des départs à la retraite des générations issues du baby-boom mais aussi du fait de l'amélioration de la valeur de la pension moyenne.

Les réformes apportées au système de retraite ont sensiblement freiné cette progression à partir du début des années 2010.

1. À long terme, une augmentation des dépenses de pensions des fonctionnaires de l'État

Au total, en tenant compte des pensions de retraite des ouvriers d'État, les prestations versées sont passées de 19,1 milliards d'euros en 1990 à 54 milliards d'euros en 2014 , soit une augmentation de 183 % .

Depuis 2014, les charges de pensions ont encore augmenté de 3,2 milliards d'euros, soit de 6 % en cinq ans, mais sur un rythme annuel nettement inférieur à la moyenne annuelle de longue période.

S'agissant des seules dépenses de pensions civiles et militaires de l'État, leur taux de croissance annuel a été en moyenne de 4,1 % entre 1990 et 2016 si bien que leur poids a été multiplié par un peu plus de 2,8 au cours de la période.

Évolution des dépenses de pensions de la fonction publique d'État

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2019

Quant aux dépenses liées aux pensions servies aux ouvriers de l'État , leur augmentation a été inférieure, avec + 2,2 % par an.

La pension moyenne du stock a également progressé, de 2,5 % soit un peu plus que pour les pensions civiles et militaires, mais il faut compter avec la réduction du nombre des bénéficiaires (- 0,3 % en moyenne annuelle).

Évolution des dépenses de pensions des ouvriers de l'État

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2019

2. Une décélération confirmée par le projet de loi de finances pour 2019

Ainsi que le montrent les graphiques ci-dessus, la courbe ascendante des dépenses de pensions de la fonction publique d'État est allée s'aplatissant.

Les dépenses du compte d'affectation spéciale « Pensions » programmées dans le projet de loi de finances pour 2019 confirment cette dernière évolution. Au total, les crédits demandés progressent de 1 % (autour de 600 millions d'euros).

Cette évolution moyenne, qui recouvre des nuances selon les programmes regroupés dans le CAS, serait à peu près en ligne avec la croissance du nombre des pensionnés.

Évolution des crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions » (2018-2019)

(en millions d'euros ; en crédits de paiement)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires ( programme 741 ) augmenteraient de 1,3 % , avec +0 ,7 % pour les pensions des militaires et + 1,5 % pour les pensions civiles.

Les pensions du programme 742, celles des ouvriers de l'État, seraient légèrement moins dynamiques (+ 0,7 %) .

Quant aux dépenses du programme 743 , elles reculeraient de 7,7 % , rejoignant une tendance naturelle à la décrue, qui n'est que suspendue à peu près tous les cinq ans, au gré de revalorisations ponctuelles.

Ces évolutions du budget proposé pour 2019 extériorisent un différentiel très net par rapport aux dynamiques de long terme .

Pour le programme 741, le plus lourd en termes budgétaires, le différentiel atteint presque 2,8 %, écart aux effets considérables compte tenu de l'ampleur des charges, qui permet une économie de 1,5 milliard d'euros en 2019, après 1,4 milliard d'euros en 2018.

On rappelle que l'article 56 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 fixe l'objectif de dépenses des régimes de base de la branche vieillesse à 241,2 milliards d'euros pour 2019, en progression de 1,9 % par rapport à l'objectif révisé pour 2018, dont 136,9 milliards d'euros pour le seul régime général (+ 2,4 % hors transferts nets liés à l'intégration du régime social des indépendants).

Une partie importante du différentiel entre le régime général et l'ensemble des régimes de base est attribuable au ralentissement des dépenses du CAS « Pensions ».

B. LA HAUSSE DES DÉPENSES DE PENSIONS N'EQUIVAUT PAS NÉCESSAIREMENT À UNE HAUSSE DU POUVOIR D'ACHAT DES PENSIONNÉS

La hausse de long terme des dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires de l'État est attribuée pour environ 58,3 % à l'augmentation de la valeur moyenne de la pension (+ 2,4 % par an).

L'autre facteur d'augmentation des dépenses réside dans la croissance des effectifs de pensionnés. Ils ont progressé de 1,7 % par an si bien qu'en 2018 le nombre des pensionnés civils atteignait à peu près 1,8 fois le niveau de 1990.

Évolution du nombre des pensionnés depuis 1990

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2019++

Ces données appellent des analyses complémentaires afin de cerner plus précisément les composantes de la dynamique des dépenses de pensions et d'en suggérer quelques conclusions sur la politique implicitement suivie en la matière.

1. La forte progression du nombre des pensionnés a ralenti ces dernières années

Le nombre des bénéficiaires de pensions civiles a enregistré une augmentation de l'ordre de 800 000 depuis 2000 (soit plus de 80 %) dans un contexte de baisse du nombre des pensions militaires.

On relève néanmoins un ralentissement de la croissance du nombre des pensionnés à partir de 2010, notamment en raison d'évolutions institutionnelles, qui joueraient encore sur la dynamique du volume des pensions l'an prochain (voir ci-dessous).

Depuis 2010, l'ensemble des pensions civiles de droits directs ou dérivés n'a progressé que de 12,5 %, contre une augmentation de 60 % lors de la décennie précédente, les pensions de droit direct augmentant d'un peu plus de 14 %

Évolution du nombre des pensionnés civils de la fonction publique d'État (2010-2019)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Dans la fonction publique militaire, la progression a été encore plus limitée (+ 0,4 %).

Évolution du nombre des pensionnés militaires de la fonction publique d'État (2010-2019)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

2. La hausse de la valeur moyenne des pensions est tributaire d'un effet de noria dont l'impact en valeur réelle est affaibli ces dernières années du fait du décrochage des bases de liquidation de l'inflation

Sur longue période, la pension moyenne servie aux différentes catégories de retraités de la fonction publique a connu des augmentations en valeur plus ou moins fortes selon les types d'emplois concernés.

Évolution de la valeur de la pension moyenne par catégorie et de l'inflation (2000-2017)

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2019

Ces évolutions proviennent de deux facteurs très différents, parmi lesquels il y a lieu de mentionner ici un effet de noria .

Les pensions nouvellement liquidées sont supérieures aux pensions du stock en raison, en particulier, des progrès des rémunérations au fil des générations qui ont élevé la base liquidative des pensions, et conduisent à élever la valeur moyenne de la pension.

Ainsi pour les fonctionnaires de l'État, l'indice moyen de liquidation est passé de 498 en 1992 à 612 en 2010. Il est de 649 en 2017. Pour les fonctionnaires territoriaux, l'indice moyen est passé de 352 en 1992 à 440 en 2010 et 464 en 2017.

Le graphique ci-après qui recense la valeur des pensions liquidées au cours de chacune des années de 2000 à 2017, et les évolutions au cours de la période concernée, montre par exemple qu'en 2017 la valeur moyenne d'une pension nouvellement liquidée au titre de la fonction publique civile de l'État était supérieure à la valeur moyenne des pensions de cette catégorie de 250 euros (soit un montant supérieur de plus de 13 %).

Évolution de la valeur de la pension moyenne des nouveaux pensionnés par catégorie et inflation (2000-2017)

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2019

Cependant, corrigées de l'inflation, ces évolutions, appréciées sur une longue période, se sont traduites par une croissance moyenne annuelle des pensions plus modérée.

Éléments sur la progression de la valeur moyenne des pensions du stock dans différents cas

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2019

Pour les ouvriers de l'État et les fonctionnaires hospitaliers la progression réelle a été de l'ordre de 0,74 % et 0,62 %, plus forte que pour les fonctionnaires civils et militaires (environ 0,34 %) les fonctionnaires des collectivités territoriales fermant la marche avec une croissance de 0,16 %.

Le graphique ci-dessus montre également que la revalorisation des pensions liquidées à partir de 2000 a été beaucoup plus heurtée. La valeur moyenne des pensions liquidées, inversant une nette tendance à la hausse de 2000 à 2011, a stagné depuis 2012.

Le ralentissement, puis le gel entre 2010 et 2016 de la valeur du point d'indice ont pesé sur la progression de la valeur moyenne des pensions nouvellement liquidées.

Pour la plupart des compartiments de la fonction publique, il en est résulté un décrochage de la croissance de la valeur liquidative moyenne par rapport à l'inflation qui s'est accentué au cours de la période la plus récente.

Croissance de la pension moyenne nouvellement liquidée par rapport à l'inflation dans les différents compartiments de la fonction publique

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2019

Au total, l'effet noria, qui a exercé un fort impact à la hausse sur les dépenses de pensions, s'est modéré au cours de la décennie ouverte en 2010 du fait d'un moindre nombre de départs en retraite et d'un ralentissement de la progression des assiettes de liquidation des pensions, qui, pour la plupart des compartiments de la fonction publique, s'est traduit par une augmentation moins forte que celle des prix.

Pour autant, le renouvellement du stock des pensionnés constitue un facteur autonome d'augmentation des dépenses du compte d'affectation spéciale, qui traduit les effets de l'augmentation générale des revenus liée à la croissance économique.

II. UNE BUDGÉTISATION « PRUDENTE » DU CAS « PENSIONS » EN 2019

Le II de l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances 11 ( * ) fixe une obligation d'équilibre pour tout compte d'affectation spéciale. Par conséquent, les dépenses du CAS « Pensions » doivent être strictement équilibrées par ses ressources.

Dans chaque projet de loi de finances, celles-ci sont déterminées, d'une part, par le solde disponible en fonds de roulement résultant du cumul des soldes des exercices passés auquel s'ajoute le solde prévisionnel de l'exercice en cours et celui de l'exercice prévisionnel couvert par le projet de loi de finances.

Le projet de loi de finances pour 2019 respecte amplement ce principe d'équilibre.

Le solde prévisionnel dégagerait un excédent très large du fait d'une progression des recettes sensiblement plus rapide que celles des dépenses du compte.

Par ailleurs, les projections à long terme du besoin de financement du système de pensions pourraient justifier un allègement des contributions destinées à financer les pensions qu'il porte. Cependant, cet allègement, s'il ramènerait le solde du CAS à un niveau plus justifiable financièrement n'aurait pas d'effet sur le solde public sauf à passer par une réduction des contributions des employés, qui romprait avec l'objectif d'un rapprochement entre les fonctionnaires et les salariés du régime général au regard de leur effort contributif.

A. UN FORT EXCÉDENT (1,6 MILLIARD D'EUROS) SANS MODIFICATION DES TAUX DE CONTRIBUTION EMPLOYEURS

En 2019, l'excédent du compte atteindrait 1,6 milliard d'euros.

Il s'inscrirait en quasi-stabilité par rapport à 2018, année pour laquelle l'excédent serait finalement de 1,7 milliard d'euros contre un solde prévisionnel de 2,5 milliards d'euros en loi de finances initiale.

Le projet de loi de finances rectificative récemment déposé prévoit une moins-value de recettes de 509 millions d'euros, qui explique près des deux tiers de la révision de l'anticipation de solde.

La dernière exécution connue, celle de l'exercice 2017, avait dégagé un solde positif record de 1,9 milliard d'euros. Les perspectives pour 2018 et 2019 ne changent pas fondamentalement cette situation, mais les déterminants de ces résultats ont évolué.

Toute prévision de solde est évidemment entourée d'incertitudes. Sensible aux aléas sur les recettes et les dépenses, qu'il faut cumuler, il existe systématiquement un écart entre les prévisions et les réalisations.

En 2019, s'ajoute d'emblée à ces incertitudes l'impact des modifications de comportement que pourraient susciter le cheminement du projet en cours de construction de réforme du système de retraite.

En l'état, cette donnée comportementale n'est pas estimée.

1. Des dépenses en progression de 1 %
a) Une progression des dépenses brutes conditionnée par l'absence de revalorisation des pensions en 2018 et par la faible revalorisation appliquée en 2019

Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit une progression de 1 % des dépenses du CAS « Pensions ».

Les crédits demandés s'élèvent ainsi à 59 milliards d'euros soit un peu moins de 2,5 % du produit intérieur brut (PIB) contre 58,4 milliards d'euros en 2018 (un peu plus de 2,5 % du PIB). Malgré cette réduction minime, ils représentent aussi 4,6 % des dépenses des administrations publiques prévues en 2019, soit un peu plus que l'an dernier, ce qui illustre la rigidité relative des dépenses de pension prises en charge par le CAS.

Les crédits du compte représentent aussi 13,7 % des seules dépenses de l'État.

La prévision pour 2019 repose sur les principales hypothèses résumées dans l'encadré ci-après.

Principales hypothèses retenues pour la prévision de la dépense du CAS « Pensions » dans le PLF 2019

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les principaux déterminants des dépenses de pensions en 2019 seraient ainsi les suivants.

La revalorisation des pensions de 0,3 % au 1 er janvier 2019 augmentera la dépense du programme 741 de 147 millions d'euros en 2019 , dont 120 millions d'euros pour les pensions civiles et 27 millions d'euros pour les pensions militaires. Cependant, cette évolution doit être appréciée à partir d'un contrefactuel basé sur une application des conditions de revalorisation des pensions « au fil de l'eau ».

Si les pensions de retraites avaient fait l'objet d'une revalorisation au 1 er octobre 2018, celle-ci se serait alors élevée à 1,3 % selon les règles actuelles de calcul qui s'appuient sur l'indice des prix à la consommation hors tabac (IPCHT).

En tenant compte d'une hypothèse de revalorisation des pensions de + 1,3 % au 1 er octobre 2018, la dépense du programme 741 aurait augmenté de 629 millions d'euros en 2019 (513 millions d'euros pour les pensions civiles et 116 millions d'euros pour les pensions militaires), correspondant au surcoût de dépense de 2018 (157 millions d'euros) et de l'extension de la revalorisation en année pleine (472 millions d'euros). Ces estimations ne prennent pas en compte une éventuelle revalorisation appliquée en octobre 2019.

L'économie nette procurée par le réaménagement des conditions de revalorisation des pensions décidé par le Gouvernement s'élève ainsi en 2019 à un minimum de 482 millions d'euros., dont au minimum 325 millions d'euros pour le seul exercice budgétaire 2019.

Compte tenu du nombre de pensionnés pris en charge par le programme 741, l'écart moyen entre les transferts effectués et ceux basés sur l'hypothèse d'un maintien des conditions de revalorisation s'élève à 250 euros par tête.

Quant à l'inflation, celle-ci entraînera une perte de pouvoir d'achat correspondant à 1 % de recul de la valeur réelle des pensions perçues par les retraités de la fonction publique l'an prochain, sur la base des prévisions d'inflation du Gouvernement qui, bien inférieures à la norme suivie par la Banque centrale européenne (2 % d'inflation dans la zone euro), sont tributaires d'un scenario de forte reprise économique sans excessive tension sur les prix. Ce scenario, partiellement hypothétique, pourrait laisser place à un autre scenario de retour à des évolutions de prix plus habituelles, qui pourraient conduire à opter pour une politique d'indexation moins défavorable aux retraités que celle annoncée.

b) Un peu plus de départs en retraite du fait de l'épuisement du relèvement de l'âge légal, dont les effets ont été très significatifs

Le nombre des départs à la retraite serait plus élevé que celui observé en 2018, marquant une progression de 2,9 % par rapport à 2018 pour les pensions de droit direct, année 2018 au cours de laquelle les départs en retraite pour les civils se sont fortement contractés 57 700 départs estimés, contre 59 500 observés en 2017, cette diminution étant attribuable aux enseignants.

Le volume des flux de départ, une prévision difficile

Dans le régime des pensions civiles et militaires comme dans le régime général, les flux de départs à la retraite sont heurtés et difficiles à anticiper. Les évolutions réglementaires, comme la montée en charge du relèvement de l'âge légal, ainsi que les perspectives d'amélioration des fins de carrière, conduisent à des changements de comportement. Il faut également tenir compte du climat économique général. La croissance lente de ces dernières années et la montée du taux de chômage des jeunes, qui s'en est suivie, constituent des incitations à demeurer plus longuement dans l'emploi public. Ces dernières années, des reports importants de départ à la retraite d'une année sur l'autre ont pu être observés.

Au total, 59 600 nouvelles pensions civiles de droit direct sont attendues en 2018, soit + 3,3 % par rapport aux pensions nouvelles estimées pour 2018. Pour les militaires, 10 900 nouvelles pensions de droit direct devraient entrer en paiement en 2019 soit un peu moins qu'en 2018 (11 100).

Pour les civils, le relèvement de l'âge légal à 62 ans a atteint son plein régime.

Cependant, les relèvements des autres bornes d'âge (âge d'annulation de la décote et limite d'âge) continuent à limiter le nombre de départs, mais dans de moindres proportions que le relèvement de l'âge légal.

Le relèvement des limites d'âge par la réforme de 2010

La loi du 9 novembre 2010 a augmenté progressivement les trois bornes d'âge légal : l'âge légal d'ouverture des droits et la limite d'âge à partir de la génération 1951, et l'âge d'annulation de la décote à partir de la génération 1947. L'âge légal d'ouverture des droits passe de 60 ans à 62 ans pour les agents de catégorie sédentaire, de 55 ans à 57 ans pour les actifs, et de 50 ans à 52 ans pour les personnels actifs de la police nationale et les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire. La limite d'âge est également reculée pour atteindre 67 ans pour les sédentaires et 62 ans pour les actifs (57 ans pour la police nationale et l'administration pénitentiaire).

L'âge d'annulation de la décote converge vers la limite d'âge et la rejoint à partir de la génération 1958 pour les sédentaires, 1963 pour les actifs et 1968 pour la police nationale et l'administration pénitentiaire.

Les bornes d'âge des actifs se déduisent de celles des sédentaires en effectuant un décalage générationnel de 5 ans. Par exemple, les bornes d'âge d'un actif de la génération 1960 sont celles d'un sédentaire de la génération 1955 auxquelles on déduit 5 années. L'âge légal de départ d'un actif de la génération 1960 est donc de 57 ans, et sa limite d'âge de 62 ans.

Concernant les personnels actifs de la police nationale et les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire, les bornes d'âge se déduisent de celles des sédentaires en effectuant un décalage générationnel de 10 ans. Pour la génération 1965, les bornes d'âge sont celles d'un sédentaire de la génération 1955 auxquelles on déduit 10 années. L'âge légal de départ de cette génération est donc de 52 ans, et sa limite d'âge de 57 ans.

Entre 2010 et 2017, l'âge conjoncturel de départ à la retraite des fonctionnaires de l'État progresse tous les ans, en lien avec le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite. En 2017, il s'élève à 61 ans et 5 mois avec une augmentation annuelle moyenne de plus de 3 mois depuis 2010.

La hausse de l'âge conjoncturel entre 2010 et 2017 est plus importante chez les actifs que chez les sédentaires : pour les actifs elle est de 2 ans et 1 mois (pour atteindre 58 ans et 9 mois en 2017), contre 1 an et 8 mois chez les sédentaires (pour atteindre 62 ans et 5 mois en 2017).

Relèvement de l'âge de départ à la retraite depuis 2010

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite a eu pour effet de décaler les pics de départs constatés à la date d'ouverture des droits.

La génération 1950, dernière génération non impactée par la réforme de 2010, a connu un pic de départs à 60 ans, alors que la génération 1955, qui subit un décalage de 2 ans, a son pic de départs à 62 ans.

L'importance des départs à la date d'ouverture des droits a tendance à baisser au fil des générations.

Parmi les fonctionnaires de catégorie sédentaire, la génération 1950 a eu 46 % de départs l'année d'ouverture des droits, tandis que la génération 1955 seulement 31 %.

Répartition par âge de départ des sédentaires de différentes générations

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Depuis 2011, le relèvement des bornes d'âge a contribué à freiner le nombre de départs à la retraite.

L'impact net maximal a été atteint en 2016 avec -16 800 départs.

À partir de 2017, année marquant la fin de la période de transition du décalage des âges d'ouverture des droits, l'impact net se réduit. Il devrait être de - 1 200 départs en 2022.

Effet du relèvement de l'âge légal du départ en retraite à 62 ans

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

L'impact sur les dépenses aurait été faible en 2012 mais il aurait progressé tous les ans pour atteindre 1,41 milliard d'euros en 2016. À partir de 2017, il continue d'augmenter mais de façon dégressive pour se stabiliser aux alentours de 2,5 milliards d'euros à horizon 2022.

Économies liées au recul de l'âge de départ en retraite résultant de la réforme de 2010

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

La durée moyenne de cotisation au sein du régime de retraite de la fonction publique aura quant à elle progressé d'un trimestre (à 147,89 trimestres de cotisations dans le régime). Cette évolution laisse augurer de la poursuite d'un recul de l'âge de départ en retraite afin d'éviter la forte baisse du taux de remplacement qui résulte du mécanisme de la décote.

De fait, la part des agents concernés par la décote au moment de la liquidation de leur pension s'inscrit en forte baisse, devant passer de 13,08 % en 2015 à 11,25 % en 2018. Cette évolution peut faire l'objet d'interprétations diverses, parmi lesquelles doit figurer une modification des comportements de départ en retraite, un décalage étant décidé pour disposer d'un revenu de remplacement calculé au taux plein. Le taux important des agents partant avec une surcote témoigne de cette préoccupation. Cependant, il suit lui-même une trajectoire à la baisse qui témoigne d'une difficulté à réunir les conditions de cet avantage qui se durcissent avec le temps.

c) Une dynamique de dépenses sensiblement plus faible que celle des prélèvements directs sur les retraités de la fonction publique du fait de la hausse de la contribution sociale généralisée

Si les transferts sociaux versés par le compte « Pensions » ont un poids élevé, il serait cependant justifié de tenir compte des « retours » qu'ils suscitent en termes de recettes publiques afin d'identifier une charge des pensions nette des prélèvements qui leur sont appliqués.

À la question posée sur ce point par votre rapporteure spéciale, il a été répondu qu'en raison d'un certain nombre d'obstacles techniques, parmi lesquels la familialisation de l'imposition sur le revenu, il n'était pas possible d'estimer à l'heure actuelle les produits fiscaux engendrés par les pensions servies aux fonctionnaires civils et militaires, seules les informations relatives aux contributions sociales prélevées étant disponibles.

La hausse du taux de la CSG s'est traduite par un supplément de prélèvement de 376 millions l`an dernier au titre du seul premier semestre de sorte que la progression des dépenses de pensions brutes programmée pour 2018 aura été plus que compensée par l'alourdissement de la CSG sur les retraités pris en charge par le CAS.

En outre, au taux d'imposition moyen à l'impôt sur le revenu, le produit fiscal provenant de l'imposition des pensions serait de l'ordre de 2,8 milliards d'euros.

La mise en oeuvre du prélèvement à la source permettra de disposer d'une vision plus claire sur ce point.

2. Des recettes en décélération du fait de la modération salariale
a) Une nette décélération des recettes (+ 0,42 % pour le programme 741) du fait du retour à la modération salariale

La croissance des recettes serait plus faible que celle des dépenses, (+ 0,14 % au total et + 0,42 % pour le seul programme 741).

Au total, les recettes augmenteraient de 85 millions d'euros, la progression des cotisations employeurs et salariales étant relativement plus forte (+ 400 millions d'euros, pour les cotisations salariales et employeurs de l'État du programme 741).

Évolution des recettes du CAS entre 2018 et 2019

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les recettes du compte sont théoriquement corrélées à la masse salariale, du moins pour ce qui concerne leurs composantes principales, les cotisations salariales et la contribution de l'État au financement du compte d'affectation spéciale.

Mais la masse salariale peut comporter des éléments de dynamique qui ne profitent pas aux recettes du CAS. Par ailleurs, il faut tenir compte de l'évolution des taux de prélèvements (contributions patronales et cotisations salariales- les retenues pour pensions) prévus pour financer les régimes.

L'année 2019 témoignerait de la décorrélation entre les progressions de la masse salariale et des recettes du compte.

En effet, la masse salariale hors contribution au CAS « Pensions » devrait progresser de 2 % entre 2018 et 2019, soit beaucoup plus que les recettes du CAS provenant des cotisations sociales. Pour l'État, le différentiel atteint 1 %.

Évolution par ministère de la masse salariale entre 2018 et 2019

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Le décrochage de la croissance des recettes par rapport à la progression de la masse salariale prévue en 2019 est d'autant plus remarquable que le taux des cotisations sociales salariales enregistrerait un nouvel alourdissement.

Il faut y voir, en particulier, l'effet de la modération salariale appliquée aux rémunérations prises en assiette de cotisations sociales.

Les cotisations qui alimentent le CAS « Pensions » ne sont assises que sur la seule fraction des rémunérations correspondant à leur composante indiciaire, sauf quelques exceptions.

Dans ces conditions, l'assiette est sensible aux choix de revalorisation indiciaire.

De ce point de vue, le gel du point d'indice en 2018 et en 2019 conduit à geler la masse cotisée, toutes choses égales par ailleurs.

Une augmentation de 1 point de la valeur du point d'indice représente environ 544 millions d'euros de recettes pour le CAS. Compte tenu des perspectives d'inflation de 1,3 %, la non-indexation du point d'indice réduit les recettes du CAS de 707 millions d'euros par rapport à une préservation de la valeur réelle du point.

Néanmoins, il y a lieu de tenir compte de l'impact spontané du glissement-vieillesse-technicité (GVT solde) sur les recettes du CAS mais aussi de l'application du protocole « PPCR ».

En 2019, le GVT solde de l'État employeur (budget général et budgets annexes) est estimé à 358 millions d'euros dont 336 millions d'euros pour les fonctionnaires civils et 22 millions d'euros pour les militaires.

Dans ces conditions, l'impact du GVT solde sur les recettes du CAS serait de 317 millions d'euros.

Impact du GVT solde sur les recettes du CAS en 2019

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Il explique la quasi-totalité du supplément de recettes du programme 741.

On relèvera que sans les mesures de revalorisation appliquées en 2016 et 2017, le niveau des recettes du CAS serait inférieur de 664 millions d'euros par rapport aux prévisions pour 2019.

Impact des revalorisations du point d'indice de 2016 et 2017 sur les éléments de l'équilibre du CAS

(en millions d'euros)

Impact hausse du point

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Impact en recettes

153

583

653

664

675

678

680

Impact en dépenses

2

16

37

58

80

102

125

Total - Impact sur le solde

151

567

616

606

595

576

555

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

À cet impact, s'ajoute celui de la mise en oeuvre du protocole sur la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations (PPCR).

Suspendu l'an dernier, le PPCR reprendrait son rythme de mise en oeuvre.

Des estimations des effets à court terme du PPCR avaient été réalisées. N'isolant pas l'impact du protocole sur les recettes du régime de retraite de la fonction publique d'État, elles aboutissaient à un supplément de recettes de 1,5 milliard d'euros en 2019 pour l'ensemble des régimes de la fonction publique, avec un ressaut de recettes de 500 millions d'euros en 2019.

La majeure partie serait attribuée au régime de la fonction publique d'État.

Impact du PPCR sur les éléments de l'équilibre des régimes de retraite de la fonction publique

(en millions d'euros)

Impact en recettes ensemble FP

2016

2017

2018

2019

2020

Hausse des cotisations salariales

13

122

156

216

221

Hausse des cotisations patronales

56

666

876

1 299

1 324

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

b) La poursuite d'un renforcement du taux de contribution directe des salariés à travers la hausse des retenues individuelles sur salaires

Les programme 743 mis à part dans la mesure où ses ressources sont assurées quasi exclusivement par des crédits en provenance de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », les recettes du compte d'affectation spéciale sont constituées de contributions des employeurs (État et opérateurs) et des agents (retenues sur traitement, qui sont l'équivalent de cotisations salariales).

Pour 2019 , en ce qui concerne le seul programme 741, les contributions patronales 12 ( * ) s'élèveraient à 49,4 milliards d'euros (41,8 milliards d'euros pour les contributions de l'État ; 7,6 milliards d'euros pour les autres contributions essentiellement issues des opérateurs ; 39,44 milliards d'euros pour les contributions de l'État au titre des personnels civils ; 10 milliards d'euros pour les contributions au titre des personnels militaires), tandis que les cotisations salariales apporteraient 6,9 milliards d'euros (dont 6,5 milliards d'euros pour les seuls employés de l'État).

En 2019, les taux de cotisation patronale devraient rester inchangés.

Il existe trois taux de contributions employeurs de l'État : un taux pour les pensions civiles, un pour les pensions militaires et un autre pour les allocations temporaires d'invalidité (ATI).

En outre, les taux des cotisations employeurs à la charge des deux anciens monopoles publics (Orange et La poste) sont définis sur la base d'un taux d'équité concurrentiel.

Depuis 2013, ces taux sont stabilisés à un niveau élevé - une mesure exceptionnelle de baisse du taux de la contribution au titre des pensions civiles de 74,28 % à 40,28 % doit toutefois être signalée en décembre 2013.

Évolution des taux des contributions employeurs de l'État

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Ces taux de contributions employeurs sont ensuite appliqués à la masse salariale de chaque ministère et imputés sur les programmes des ministères employeurs en tant que dépenses de titre 2 .

Les besoins nés de la couverture des dépenses ont suscité une augmentation des taux de contribution employeur. De 2006 à 2014, le taux a progressé de 48,9 % dans la fonction publique d'État civile et de 26,07 % dans la fonction publique militaire.

Mais, depuis 2014 la stabilité l'emporte, ce qui n'a pas empêché le CAS de dégager des excédents croissants au cours de cette période.

Évolution des contributions des employeurs au CAS « Pensions » (2014-2019)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Le produit de la contribution employeur aura augmenté de 8,3 % entre 2014 et 2019 (+ 4,2 milliards d'euros).

Toutefois, en 2019, le supplément de recettes résultant de la contribution employeur serait limité (+ 1,4 %, soit 711 millions d'euros).

On observera, à ce stade, que l'augmentation des contributions des employeurs enregistrée depuis 2014, si elle a contribué à augmenter les dépenses du budget général, ne peut être jugée comme équivalant à une dégradation du solde public (voir infra ).

Quant aux cotisations salariales , retenues sur le traitement indiciaire brut des fonctionnaires civils, militaires et des ouvriers de l'État 13 ( * ) , elles suivent également une trajectoire d'augmentation consécutive aux différentes réformes des régimes de retraite, malgré la baisse continue du nombre des cotisants 14 ( * ) et une politique de modération salariale qui limitent la progression de la masse salariale indiciaire.

Le produit des cotisations salariales augmenterait de près de 100 millions d'euros en 2019 (+ 1,44 %). La progression pour les seules cotisations salariales des fonctionnaires de l'État serait de 133 millions d'euros (+ 2,07 %).

La hausse des taux de cotisations salariales, amorcée en 2010 15 ( * ) afin de converger vers les taux de droit commun des cotisants du régime général (CNAV et régime complémentaire de l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés - Arrco), doit se poursuivre jusqu'en 2020. En revanche, le décret du 2 juillet 2012 élargissant les droits au départ anticipé pour carrière longue 16 ( * ) qui a conduit à un relèvement supplémentaire de 0,25 point entre 2012 et 2016 a épuisé son calendrier. Enfin, une hausse de 0,3 point entre 2014 et 2017 est mise en oeuvre dans le cadre de la réforme des retraites de 2014 17 ( * ) .

Évolution du taux de cotisation salariale dans la fonction publique d'État et dans les régimes de droit commun

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2019

En 2019, le taux de retenue sur les traitements des fonctionnaires passerait de 10,56 % à 10,83 %, soit un accroissement relatif de 2,6 %.

L'augmentation des recettes de cotisations serait légèrement moindre du fait de la politique d'emploi des ministères et des opérateurs, en particulier le recours à des agents non couverts par le régime, ainsi que leur politique salariale (voir infra ) peuvent jouer.

Ainsi, pour avoir été constante depuis 2010, l'augmentation de la contribution individuelle directe des agents peut avoir été plus ou moins freinée dans ses effets au cours de la période par les évolutions démographiques et la modération salariale.

Néanmoins, la hausse du taux de retenue agent résultant de ces différentes augmentations dégagerait des recettes supplémentaires comme exposé dans le tableau ci-dessous.

Suppléments de recettes résultant des augmentations des prélèvements dus aux différentes réformes des retraites (2016 à 2022)

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

En toute hypothèse, la convergence des taux nominaux appliqués pour déterminer les cotisations salariales dans la fonction publique avec le taux moyen des régimes de droit commun a progressé.

En 2010 , l'écart entre le taux de cotisation salariale dans les régimes de droit commun et dans le régime des fonctionnaires et ouvriers de l'État s'élevait à 2,70 points de cotisations. Le taux apparent de cotisation des régimes de droit commun était supérieur de plus de 30 % à celui du régime des fonctionnaires.

En 2019, il ne serait plus que de 0,48 point , le taux de cotisation de droit commun n'étant plus supérieur que de 4,4 % au taux des cotisations salariales dans la fonction publique.

Ces données ne sont fournies que pour illustrer les efforts de rattrapage entrepris dans la fonction publique pour converger avec les régimes ordinaires.

Les différences entre régimes sont trop considérables pour que des comparaisons réduites à une composante de la situation salariale soient réellement pertinentes.

Au total, la part des cotisations salariales dans les recettes du CAS « Pensions » aura progressé de 1,3 point entre 2013 et 2017.

Évolution de la structure de financement du CAS « Pensions » (2013-2017)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

3. L'État emploie de plus en plus de personnels non affiliés aux régimes de retraite couverts par le CAS « Pensions »

La déformation de la structure d'emploi de la fonction publique d'État a été très significative depuis 2006, entraînant une forte réduction de l'empreinte des régimes de retraite de la fonction publique sur les agents employés par l'État.

Le CAS Pensions finance trois régimes de pensions distincts :

- Le régime des pensions civiles et militaires de retraite , qui concerne :

1° les fonctionnaires civils auxquels s'appliquent les lois n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, relatives aux titres I er et II du statut général des fonctionnaires ;

2° les magistrats de l'ordre judiciaire ;

3° les militaires de tous grades possédant le statut de militaires de carrière ou servant au-delà de la durée légale en vertu d'un contrat et les militaires servant au titre d'un engagement à servir dans la réserve opérationnelle ou au titre de la disponibilité ;

4° Leurs conjoints survivants et leurs orphelins.

- le régime de retraite des ouvriers d'État , composé de deux fonds, le fonds spécial de pension des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) et le fonds pour les rentes d'accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM) ;

- le régime des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (PMIVG) .

Les autres agents ne sont donc pas affiliés aux régimes de pension retracés dans le CAS Pensions. Il s'agit essentiellement d'agents contractuels, qui sont affiliés au régime général, à l'Ircantec, pour les agents contractuels de droit public à l'Agirc-Arrco, pour les agents contractuels de droit privé.

Évolution des effectifs physiques par statut dans les trois versants de la fonction publique d'État

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

De 2006 à 2016, le nombre des fonctionnaires civils a baissé de 1,5 % par an en moyenne (- 6,4 % pour les ouvriers de l'État). En sens inverse, les contractuels ne ressortissant pas des régimes de retraite de la fonction publique ont augmenté de 2,4 % par an.

Si en 2006, la part des non titulaires était de 11,8 %, elle est de 16,4 % en 2016.

Cette recomposition de la structure statutaire de l'emploi de l'État a limité la dynamique des recettes des régimes, et donc du CAS « Pensions », constituant à plus long terme un facteur de freinage de la progression des charges de pensions de ces régimes.

4. Aperçus sur quelques éléments relatifs à l'équité du régime

La problématique de l'équité des régimes de retraite est au coeur de la réforme appelée à établir un régime de retraite universel fondé sur une uniformité des rendements contributifs, le principe un euro cotisé donne les mêmes droits pour tous...

Les discussions ont tendu à se polariser sur les différences entre les régimes. Il convient d'y ajouter l'examen de différences internes à chaque régime, pouvant ne pas se trouver justifiées par des motifs d'équité.

D'emblée, il y a lieu de considérer que toute différence de situation n'équivaut pas à une rupture d'équité. Au demeurant, le principe de justice recommande, au contraire, d'introduire des différences de traitement proportionnées aux compensations qu'on souhaite mettre en oeuvre pour rétablir une certaine justice.

C'est sans doute la raison pour laquelle le principe « 1 euro cotisé vaut les mêmes droits pour tous » n'est pas compris à cet instant du processus d'élaboration de la réforme comme pouvant être inversé. Il ne devrait pas signifier 1 euro de prestation égale les mêmes cotisations pour tous. Un étage de solidarité devrait demeurer, comme c'est le cas aujourd'hui, avec toutefois une différence (voir infra ).

En ce qui concerne la comparaison entre les régimes, il y a lieu de renvoyer ici au rapport de la Cour des comptes sur les pensions publiques.

À ce stade, il offre l'un des rares documents permettant d'apprécier les efforts contributifs comparés entre le régime des fonctionnaires et le régime général.

Les taux de contribution des différents régimes suggèrent des différences de générosité entre chacun d'eux.

Cependant, les comparaisons entre les ressources nécessaires à l'équilibre des régimes appellent des corrections destinées à neutraliser les différences de champ. Il n'y a pas de commune mesure entre les prestations financées par les cotisations versées au titre du régime général et celle que finance les contributions employeur de l'État. Ces dernières financent le régime de base et le régime complémentaire confondus pour les fonctions publiques ainsi que les avantages non contributifs, qui sont largement couverts par des financements fiscaux ou budgétaires dans le cadre du régime général.

Le comité d'orientation des retraies dans son huitième rapport est revenu sur cette question.

À l'issue des corrections appliquées, les écarts apparents entre les taux de contribution nécessaires pour équilibrer les régimes, qui dessinent le panorama de régimes très diversement « généreux »,sont considérablement réduits.

Taux de cotisation harmonisés et taux de prélèvement d'équilibre des régimes en 2016

La première contribution à la réduction des écarts apparents est attribuable à la neutralisation des différences d'assiette de cotisation. Plus l'assiette est étroite, plus le taux de cotisation doit être élevé. La réduction de l'écart entre taux apparent des salariés privés et taux des fonctionnaires civils atteint alors 30 points.

Une deuxième opération conduit à neutraliser les effets des financements nécessités par les avantages non contributifs des régimes autres que ceux de la fonction publique, pour lesquels les taux de contribution sont fixés à un niveau permettant de les financer. On aboutit à un taux de prélèvement d'équilibre qui rapporte les masses de dépenses des régimes à la masse des rémunérations des affiliés. Cette correction permet de mettre en évidence un écart entre les taux d'équilibre des salariés et des fonctionnaires civils de 15 points.

Enfin les différences de situation démographique des régimes peuvent expliquer des écarts de taux de contribution. Des différences dans les ratios de cotisants sur les prestataires supposent qu'un régime où ce ratio est comparativement faible doit avoir un taux de contribution supérieur.

La correction démographique peut emprunter deux voies selon qu'on souhaite prendre en compte les écarts provenant de conditions d'ouverture des droits différentes (que ce soit pour des raisons institutionnelles ou du fait de choix personnels des pensionnés).

Sans correction des conditions particulières d'ouverture des droits, la différence entre les taux d'équilibre des salariés et des fonctionnaires civils n'est plus que de 4,2 points. Le nombre plus élevé de fonctionnaires à la retraite précoce porte cet écart à 4,3 points. Le besoin de financement des pensions précoces aboutit dans les deux cas à relever le taux de contribution d'équilibre, de 3,1 points pour les salariés du privé et de 3,2 points pour les fonctionnaires civils.

Ces corrections ne sont pas parfaites, mais elles laissent une image plus fidèle que celle dessinée à partir des taux de contribution apparents des efforts contributifs comparés dans les régimes.

Il demeure un écart de l'ordre de 4,2 points, qui n'est pas négligeable. Il correspond à un peu moins de 5 milliards d'euros de prélèvements supplémentaires. Celui-ci suggère que si les prélèvements au profit des régimes de retraite des fonctionnaires devaient être calés sur ceux du régime général, les pensions des fonctionnaires civils de l'État devraient être réduites de l'ordre de 5 milliards d'euros.

Cependant, cette conclusion conserve quelques fragilités, dans la mesure où les différences structurelles entre les emplois des deux régimes peuvent contribuer à des écarts résiduels à l'ampleur aujourd'hui mal appréhendable.

Les questions soulevées par l'équité au sein même des régimes de fonctionnaires de l'État appellent aussi quelques commentaires, notamment parce qu'elles illustrent les limites d'une conception de l'équité qui impliquerait une parfaite uniformité.

La comparaison entre les régimes des fonctionnaires civils et des militaires met en évidence l'appel à une contribution d'équilibre nettement plus élevée pour ces derniers. Cette situation provient largement des caractéristiques particulières de la politique d'emploi du ministère des Armées. Ce cas manifeste bien que le défaut d'uniformité des situations de retraite peut répondre non seulement à des considérations de justice, mais aussi à des conditions d'efficacité.

Beaucoup d'autres exemples pourraient être mentionnés.

Au demeurant alors qu'en application de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, le comité de suivi des retraites (CSR) est chargé chaque année d'émettre des recommandations au Gouvernement, au Parlement, et aux gestionnaires des régimes de retraite afin d'assurer le respect d'un traitement équitable des assurés « au regard de la durée de leur retraite comme du montant de leur pension, quels que soient leur sexe, leurs activités et parcours professionnels passés, leur espérance de vie en bonne santé, les régimes dont ils relèvent et la génération à laquelle ils appartiennent », le comité a régulièrement insisté sur le fait que la mesure de l'équité du système de retraite entre les différents régimes est sans doute la plus délicate à mener . En effet, elle conduit à comparer des régimes qui présentent des différences importantes aussi bien au regard de leurs paramètres (les règles de cotisation et de liquidation différent parfois sensiblement) qu'au regard des déroulements de carrière de leurs assurés.

Néanmoins, malgré ces différences, et en s'appuyant sur les travaux du COR, le CSR effectue des comparaisons sur les âges de départ, sur les montants de pension ou encore sur les taux de remplacement entre régimes, tous indicateurs qui ne sauraient apporter de réponse satisfaisante à la question de l'équité du système de retraite appréciée sous l'angle de la comparaison des rendements contributifs des différents régimes (pour chaque catégorie d'affiliés).

En l'état, force est de constater que la redistributivité du système de pensions des fonctionnaires demeure un sujet peu documenté. En particulier, l'appréciation de l'équité au regard du taux de remplacement atteint suppose des données très fines que les tranches de revenu utilisées dans les quelques études disponibles, trop épaisses, n'offrent pas.

Il conviendrait, en particulier, de disposer d'une vision claire des taux de rendement implicite des cotisations, objectif, qui, de toute évidence, supposerait plus de transparence et d'analyse sur l'ensemble des critères nécessaires à l'appréciation de l'équité du régime des retraites publiques (durée de service des pensions, cotisations horaires des agents, impact du système de financement des retraites sur les taux effectifs de prélèvements obligatoires...).

Ce travail apparaît d'autant plus nécessaire que le projet de réforme des régimes de retraite comporte une inspiration globale d'égalisation des taux de rendement des régimes. Il est donc justifié de disposer d'éléments sur la situation actuelle.

À ce stade, le ministère interrogé par votre rapporteure spéciale, ne lui a fourni qu'une information partielle mentionnant en particulier une étude de l'INSEE de laquelle il ressortait que le taux de rendement interne du régime privé variait assez largement en fonction des générations et selon le sexe.

Taux de rendement interne par génération quinquennale et par sexe

Champ : générations 1950 à 1985, salariés du secteur privé vivants à 60 ans. Législation 2014

Source : Destinie 2 (Insee)

Les courbes figurées qui pourraient ne pas être très différentes dans le régime de l'État montrent que, si une réelle stabilisation des taux implicites servis par le régime des salariés privés s'est installée pour les générations les plus récentes, conduisant à réduire l'urgence d'une réforme radicale des régimes, des écarts par sexe considérables sont certainement un obstacle à une égalisation complète des taux notionnels des régimes de retraite.

Pour les fonctionnaires, l'empreinte du régime de retraite est plus ou moins forte selon la structure des rémunérations.

Le tableau ci-après illustre la part prépondérante des personnels de l'enseignement dans le nombre des pensionnés.

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les contributions des employeurs et les retenues sur salaires sont relativement hétérogènes ainsi que le montre le tableau ci-dessous.

Estimations, pour l'année 2016, des cotisations et contributions versées au CAS « Pensions » rapportées à la rémunération brute totale, par ministère

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

La structure des rémunérations très disparates en fonction du ministère d'exercice de l'activité et du revenu perçu par les agents se prolonge dans une forte dispersion des taux de contribution considérés sous ces deux angles.

Pour un taux moyen de cotisations salariales rapportées à l'ensemble des rémunérations de 7,3 %, on relève que ce taux atteint 9,1 % pour les agents du ministère de l'intérieur et 8,73 % pour ceux évoluant dans l'éducation mais seulement 6,3 % au ministère des affaires étrangères ou encore 5,57 % dans les services ministériels de l'outre-mer. Cette hiérarchie se vérifie également pour les cotisations employeurs. La moyenne de la contribution implicite s'élève à 56,7 % (à comparer avec un taux de contribution patronale de 74,8 %) mais elle dépasse largement ce niveau dans le champ couvert par le ministère de l'éducation (65,2 %) et, hors budget annexe contrôle et exploitation aérien (BACEA) qui bénéficie des dispositions propres aux catégories actives, atteint un point bas dans les services de l'outre-mer, des affaires étrangères et du Premier ministre.

Ces données reflètent un certain nombre d'avantages statutaires et catégoriels mais aussi le partage très variable entre rémunérations indiciaires et primes des rémunérations versées par les différents ministères.

Les taux implicites de cotisation sur la totalité des rémunérations versées par les ministères sont largement différenciés. Dans leur dispersion, ils reflètent des structures de rémunération marquées par d'importants particularismes qui justifient les tentatives d'harmonisation. Dans le passé, elles se sont heurtées à des contraintes financières et ont été limitées par l'invocation de principes de gestion des rémunérations inspirés par la performance.

Le taux moyen des contributions au régime de pensions décroît à mesure que le revenu d'activité augmente.

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Pour un taux moyen de 8,5 % pour les cotisations salariales, on relève que les sept déciles de rémunération les plus bas cotisent au-delà, le taux maximum (8,8 %) étant appliqué jusqu'au cinquième décile de la distribution des rémunérations. Pour le décile supérieur le taux décroche nettement et se situe près de 2 points plus bas que la moyenne. Des remarques analogues s'appliquent pour les cotisations des employeurs.

Plus la rémunération est élevée, moins elle est « cotisée ». Cette situation est largement liée à la composition des rémunérations. Plus on monte dans l'échelle des rémunérations, plus les indemnités, auxquelles les cotisations ne sont pas appliquées, prennent de place dans le total des rémunérations.

Les cotisations salariales prélevées sur les rémunérations des fonctionnaires, qui sont censées être proportionnelles, ressortent comme dégressives, à un niveau relativement élevé de revenu.

L'inégalité des taux de cotisation devrait avoir des prolongements dans les taux de remplacement à raison de la disparité du poids relatif des assiettes de liquidation des pensions dans le total de la rémunération. Plus les taux de prélèvement sont bas, plus les taux de remplacement le seraient également. Ce résultat paraît globalement vérifié.

Mais, les données publiées sur ce point sont trop rares pour confirmer un enchaînement qui reste sans doute à ce jour assez théorique pour une partie des fonctionnaires.

Dans la mesure où l'un des points d'équilibre du système passe par une réduction du taux de remplacement qu'il offre aux pensionnés, dans le but de compenser un allongement présumé de la durée de perception des pensions, il conviendrait d'obtenir sur ce point des éclaircissements.

Un constat est peu contestable.

Les conditions de liquidation des pensions dans la fonction publique tempèrent les effets du décrochage des assiettes de liquidation par rapport à la croissance économique, qui joue plus fortement dans le régime général où l'assiette de cotisation sur les 25 meilleures années de la carrière revalorisée comme l'inflation et non comme la croissance économique implique un décrochage plus fort.

Tel est du moins le cas lorsque les revenus indiciaires des fonctionnaires connaissent une revalorisation supérieure à l'inflation.

Cette différence exerce un assez fort effet dans les projections, notamment sur les perspectives portant sur les taux de remplacement offerts par les pensions (vois infra ).

Au sein même de la fonction publique, la règle de calcul de la base liquidative sur les six derniers mois de traitement indiciaire est susceptible d'impliquer des effets asymétriques, dynamisant le taux de rendement des cotisants bénéficiant de rémunérations ascendantes, que cela provienne de « coups de pouce » ou du déroulement normal des carrières.

B. UN SOLDE CUMULÉ RECORD DE 8,4 MILLIARDS D'EUROS FIN 2019

Lors de sa création par la loi de finances initiale pour 2006, le CAS « Pensions » a été doté d'un fonds de roulement de 1 milliard d'euros. À la fin de l'exercice 2019, il atteindrait 8,4 milliards d'euros, ce qui suppose, rappelons-le, un excédent des opérations réalisées en 2019 de 1,6 milliard d'euros.

Ces dernières années, le solde constamment positif du compte a abouti à la constitution d'un « fonds de réserve » en expansion.

Solde cumulé du CAS « Pensions » en fin d'année

(en milliards d'euros)

Source : projet annuel de performances pour 2019

Depuis 2014, de fait, le solde cumulé du compte ne cesse de croître, passant de 1,6 milliard d'euros alors à 8,4 milliards d'euros, en prévision pour 2019.

Cette dernière prévision inclut la révision de la prévision réalisée l'an dernier pour 2018 (7,6 milliards d'euros) qui a dû être corrigée à la baisse, du fait, en particulier de recettes moins favorables qu'envisagé initialement (voir supra ).

Une amélioration du solde du CAS ne contribue pas nécessairement à améliorer le solde budgétaire

L'existence d'un excédent du CAS « Pensions » n'est pas plus équivalente à une amélioration du solde budgétaire que l'augmentation des dépenses du budget général correspondant au financement du CAS n'équivaut à une détérioration du solde budgétaire.

Le financement du CAS est assuré par un système mixte combinant des prélèvements sur les salaires des fonctionnaires et des transferts entre administrations publiques (notamment dans le cadre des relations entre l'État et la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales CNRACL) et entre le budget général et le compte. Afin de neutraliser des doubles comptes, seules les dépenses de pensions du CAS sont prises en compte pour apprécier les charges de pensions de l'État, application d'un principe élémentaire de consolidation comptable. Dans l'hypothèse où la variation positive de ces charges est inférieure à celle des cotisations salariales, le CAS participe à une amélioration du solde public quelle que soit l'évolution des transferts entre administrations publiques et entre le budget général et le CAS.

Au total, entre 2014 et 2019, les recettes supplémentaires du CAS auront été supérieures à ses charges nouvelles, améliorant le solde du compte de 6,8 milliards d'euros.

Au cours de cette période, l'augmentation du produit de la contribution employeur (4,2 milliards d'euros) a été employée à augmenter le « fonds de roulement » du CAS et non à financer des dépenses supplémentaires, que la progression des cotisations salariales a suffi à couvrir.

Le supplément de charges résultant pour le budget général de l'alourdissement des contributions au CAS « Pensions » ne s'est pas traduit par une hausse des dépenses nettes de l'État, non plus que par une dégradation du solde public.

Le relèvement des prélèvements obligatoires perçus auprès des actifs de la fonction publique a excédé les besoins de financement si bien que les opérations du CAS sur la période ont contribué à améliorer le solde public.

En toute hypothèse, le solde cumulé du compte ressort comme de plus en plus éloigné des préconisations de la Cour des comptes qui, déjà, le jugeait trop élevé quand il atteignait 1,6 milliard d'euros.

En raison des aléas de dépenses et de recettes (évolution des comportements de départ à la retraite, variation de l'inflation, évolution des assiettes des contributions et cotisations), le compte a besoin d'une trésorerie suffisante pour couvrir les éventuels écarts par rapport à la programmation initiale, en plus de la réserve minimale pour faire face au décalage temporel entre les décaissements et les encaissements. Il est évident que cette préoccupation qui est largement satisfaite - la Cour des comptes avait pu juger qu'avec 1,6 milliard d'euros d'excédent, le solde du compte dépassait le niveau prudentiel requis - et que la politique de solde conduite par les Gouvernements répond à d'autres préoccupations que celles fondées sur de simples impératifs de trésorerie.

La justification du solde du compte a d'ailleurs beaucoup évolué au fil des années.

Le projet annuel de performances pour 2016 indiquait encore « il n'apparaît pas souhaitable de modifier, par à-coups, le niveau des taux de contribution au CAS « Pensions » en budgétisation ou en cours d'année , dans la mesure où la dynamique spontanée des dépenses de pension ramènera mécaniquement le niveau du solde cumulé du CAS « Pensions » autour de 1 milliard d'euros . Une stabilisation des taux est donc privilégiée, de manière à atteindre ce niveau à moyen terme sachant que le solde d'exercice du CAS « Pensions » repassera en négatif à compter de 2020, en l'état actuel des dernières prévisions, sous l'effet de la croissance tendancielle de la dépense de pensions ».

En principe, au regard de la forte augmentation du solde cumulé, les taux des contributions pourraient être baissés.

Une telle opération, appliquée aux contributions employeurs, permettrait au Gouvernement d'alléger temporairement les dépenses de personnel des ministères et des opérateurs. Elle présenterait certains inconvénients compte tenu de l'augmentation des prélèvements directement supportés par les fonctionnaires.

La voie alternative qui consisterait à mieux revaloriser les pensions pourrait, de son côté, poser un problème d'équité entre générations. Elle reviendrait à élever le taux de remplacement de générations de retraités qui bénéficient aujourd'hui d'un revenu de remplacement assurant à leurs contributions au système un taux de rendement implicite relativement élevé.

Par ailleurs, les projections longues, qui reposent sur des hypothèses d'allongement de la durée des pensions, fondées ou non, ont conduit à modifier les règles des régimes pour compenser cet allongement par une baisse progressive des taux de remplacement.

Dans ces conditions, la constitution de réserves n'est pas nécessairement illogique. Elle pourrait éviter de rigidifier à l'excès la gestion d'un système qui devra pouvoir s'ajuster aux évolutions réelles.

III. DES PERSPECTIVES FINANCIÈRES DE MOYEN ET LONG TERME PLUTÔT RASSURANTES MAIS QUI REPOSENT SUR DES HYPOTHÈSES DONT LA SOUTENABILITÉ EST DISCUTABLE

A. LE RÉGIME DE LA FONCTION PUBLIQUE D'ÉTAT : UNE CONTRIBUTION POSITIVE À L'ÉQUILIBRE DU RÉGIME VIEILLESSE

À long terme, les dépenses publiques de retraites sont inscrites sur une trajectoire de réduction des prélèvements opérés par les retraites sur le produit intérieur brut, inscription à laquelle les dépenses de retraite des fonctionnaires contribueraient fortement

Les projections réalisées sur ce point par le COR en 2018 font apparaître, dans trois scénarios sur quatre, une réduction plus ou moins forte du poids des dépenses publiques de retraite dans le PIB.

Projections des dépenses de retraites à l'horizon 2070 selon diverses hypothèses de productivité

Source : Comité de suivi des retraites ; 5 e avis

D'un niveau de 13,8 % du PIB en 2017 (316 milliards d'euros, dont 272,3 milliards d'euros de pensions de droit direct et 35,4 milliards d'euros de pensions de droit dérivé), elles atteindraient entre 11,6 % du PIB dans l'hypothèse de croissance la plus forte (une croissance de 1,8 % l'an), soit une réduction de 2,2 points de PIB, (de l'ordre de la progression enregistrée entre 2002 et 2017) et 14,4 % dans le scenario de croissance le moins dynamique (une croissance annuelle de 1 %) équivalant à une augmentation du poids des pensions de 0,6 point de PIB. Dans les scénarios intermédiaires (1,3 % et 1,5 % de croissance) les dépenses publiques de retraite dans le PIB passeraient respectivement à 13,3 % et 12,8 % du PIB (soit un recul de 0,5 point de PIB et de 1 point de PIB).

Le COR complète ces informations 18 ( * ) en prenant en compte l'alourdissement des prélèvements obligatoires sur les revenus procurés par les dépenses publiques de retraite intervenu en 2018 (la hausse de 1,7 point de la CSG) afin de calculer un agrégat de dépenses publiques de retraite nettes des prélèvements effectués.

En 2017, les prélèvements en question (CSG, CRDS, contribution de solidarité pour l'autonomie ou CASA et assurance-maladie pour les retraites complémentaires) atteignaient 21,4 milliards d'euros, les dépenses nettes de retraite s'établissant à 294,6 milliards d'euros (12,9 % du PIB). L'alourdissement de la CSG devrait amputer les revenus nets de l'ordre de 0,3 point de PIB (environ 8 milliards d'euros), ramenant le poids des dépenses de retraite nettes à 12,6 points de PIB.

Ces perspectives ne sont pas suivies dans tous les scenarios par une amélioration des soldes financiers telle que le système de retraite atteindrait l'équilibre. Dans les deux scenarios de croissance relativement forte tel est bien le cas. Dans les deux scenarios de croissance économique plus modérée, le système demeure en déficit, même si dans le scenario de croissance à 1,3 % le déficit se réduit un moment.

Soldes financiers projetés du système de retraite (2000-2070)

Source : rapport du COR Juin 2018

Les perspectives financières des régimes sont affectées, à législation constante, par le vieillissement de la population.

Le rapport démographique en ressort dégradé.

Rapport du nombre des cotisants au nombre des pensionnés

Source : rapport du COR Juin 2018

Dans deux scenarios correspondant aux taux de croissance économique les plus élevés, les besoins de financement supplémentaires seraient « financés », à législation constante, mais selon des modalités différentes.

Dans le scenario à 1,8 % de croissance, la couverture est réalisée à plus des deux tiers par la diminution de la pension moyenne relative due au différentiel entre des revenus d'activité, base des contributions aux régimes, qui augmentent parallèlement au revenu national, et l'augmentation de la valeur moyenne des pensions affectée par un double décrochage (celui de l'assiette de liquidation limitée par les règles de calcul d'une assiette revalorisées en fonction de l'inflation et freinée par une référence historique non actualisée, celui de la revalorisation des pensions limitée à l'inflation). Le reste de l'équilibrage est attribuable pour 30 % à la hausse de l'âge de départ à la retraite et pour 15 % par la hausse du taux de prélèvement global.

Ces deux derniers facteurs de rééquilibrage jouent à peu près de la même manière dans les trois autres scenarios. En revanche, le décrochage de la pension en valeur moyenne même s'il survient dans tous les cas est plus faible et implique une moindre limitation des dépenses de pensions, dont les poids dans le PIB sont alors plus importants (voir supra ).

Le différentiel d'évolution des charges de pensions avec les recettes du système n'est plus suffisant pour en assurer l'équilibre dans deux scenarios sur quatre.

Contributions des trois leviers à la couverture des besoins de financement liés au vieillissement (cumul 2003-2070)

Source : rapport du COR Juin 2018

Par rapport à ces éléments de cadrage général, le régime de la fonction publique d'État contribuerait à l'allègement du poids des pensions dans le PIB et connaîtrait un solde positif dans tous les cas.

Contrairement aux projections concernant l'ensemble des pensions, les prélèvements effectués sur le PIB par les pensions des fonctionnaires de l'État baisseraient dans tous les scenarios.

Ce résultat est acquis malgré la sensibilité des recettes à la croissance économique.

Selon la croissance, les recettes sont plus ou moins fortes, pouvant favoriser une réduction du taux des prélèvements obligatoires nécessaires à l'équilibre du régime.

Recettes du CAS selon les scenarios de croissance

Source : service des retraites de l'État, calculs du COR

Entre un scenario de croissance à 1 % et un scenario de croissance à 1,8 %, l'écart spontané de recettes atteint environ 35 milliards d'euros en 2050.

En outre, le repli du poids des pensions dans le PIB serait relativement beaucoup plus fort que pour les pensions totales.

Pour les pensions directes, le recul atteindrait 1 point de PIB en 2070, pour les pensions de droit dérivé, de 0,6 point de PIB.

Au total, les pensions de l'État baisseraient de 1,6 point de PIB, contribuant pour près des trois quarts à la baisse du niveau relatif des pensions totales dans le PIB.

Évolution du poids des pensions de droit direct du régime de la fonction publique d'État

(en % du PIB)

Source : service des retraites de l'État

Évolution du poids des pensions de droit dérivé du régime de la fonction publique d'État

(en % du PIB)

Source : service des retraites de l'État

B. DES ENGAGEMENTS DE RETRAITE DE L'ÉTAT ESTIMÉS DANS UNE FOURCHETTE LARGE COMPRISE ENTRE 1 410 MILLIARDS D'EUROS ET 2 212 MILLIARDS D'EUROS

L'article 54 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 précise que « le compte général de l'État (...) comprend (...) une évaluation des engagements hors bilan de l'État » dans son annexe. Au-delà de l'appréciation de la charge annuelle que représentent des pensions civiles et militaires de retraite dans le budget général, l'évaluation des engagements en matière de retraite permet de se représenter l'effort financier 19 ( * ) associé aux droits à retraite déjà constitués (au titre des pensionnés mais aussi au titre des actifs affiliés au régime dans les conditions de droits qu'ils ont d'ores et déjà acquis). Les engagements ainsi exprimés ne disent rien de l'évolution prévisible des besoins de financement dans la mesure où les recettes correspondantes ne sont pas considérées.

Les engagements de retraite de l'État sont évalués à ce titre sur la base d'une méthode dite des « unités de crédits projetées », qui consiste à raisonner en groupe fermé. Les droits acquis au moment de l'évaluation sont seuls estimés, à l'exclusion des recettes futures du régime. Pour le calcul des engagements de retraite de l'État en « groupe fermé », le champ retenu a été restreint aux seules charges de pensions des fonctionnaires titulaires et des militaires, à l'exclusion d'autres fonctionnaires (ceux employés par La Poste, par exemple) dont les droits font l'objet d'une évaluation distincte. Les pensions futures des actifs sont prises en compte au prorata des années de service effectuées à la date de l'évaluation.

La dernière estimation des engagements de l'État publiée dans le compte général de l'État pour 2017 a réévalué la dette implicite de l'État de 73 milliards d'euros, soit une aggravation de 3,6 % par rapport à l'estimation du compte général de l'État pour 2016, sans commune mesure avec la réestimation effectuée en 2016 (autour de 35 %).

La révision présentée l'an dernier avait atteint une ampleur inédite du fait de modifications portant sur des paramètres majeurs pour toute estimation de cette nature. Le changement de modèle d'estimation (le passage du modèle ARIANE au modèle PABLO) avait compté pour un peu plus de la moitié (+ 313 milliards d'euros) de la réestimation, tandis que le passage d'un taux d'actualisation positif de 0,18 % à un taux d'actualisation négatif (- 0,49 %) avait, de son côté, alourdi l'estimation de 315 milliards d'euros.

La révision opérée en 2017 s'inscrit, de son côté, dans un exercice au fil de l'eau.

Passage de l'estimation des engagements de retraites de l'État du compte général de l'État pour 2016 à celui de 2017

Source : compte général de l'État 2017

L'essentiel de la révision provient des droits acquis en cours d'année, diminués de ceux parvenus à l'extinction, qui, en solde, aboutissent à une réduction des engagements, et à des éléments plus techniques (baisse du taux d'actualisation notamment, de -0,49% à -0,55 %).

En particulier, l'estimation des engagements de retraite à un moment t dépend fortement du taux d'actualisation retenu. Dans ces conditions, pour éviter d'extérioriser des résultats trop sensibles à des données instantanées, dépendantes de conditions conjoncturelles statistiquement, voire économiquement, aberrantes, il est justifié de produire des estimations en variantes, réalisées sur la base d'hypothèses différenciées.

La présentation des résultats avec des variantes de taux d'actualisation permet de mieux apprécier les enjeux.

Montant des engagements de retraite de l'État au 31 décembre 2017

(en milliards d'euros 2017)

Taux d'actualisation

-0,55 %

0,00%

1,00 %

1,50 %

Retraités

1 088

1 000

868

811

Actifs

1 124

937

690

598

Total

2 212

1 937

1 558

1 410

Source : compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2014

L'estimation des engagements de retraite de l'État réalisée sur une base plus tendancielle où les taux d'intérêt réels sont positifs ramène la valeur des dettes implicites de l'État à un montant compris entre 1 937 et 1 410 milliards d'euros (pour une limite supérieure du taux d'actualisation de 1,5 %).

C. UN BESOIN DE FINANCEMENT NÉGATIF SUR LE LONG TERME (-1,4 MILLIARD D'EUROS) QUI TRADUIT LA SOUTENABILITÉ DU RÉGIME ?

L'appréciation de la soutenabilité du système de pensions de retraites des fonctionnaires oblige à en projeter les équilibres sur le long terme.

Outre la comptabilisation des engagements futurs de retraite du compte général de l'État, dont on a exposé la très forte révision, celui-ci est désormais enrichi par une évaluation, sur les années à venir, de la séquence des soldes futurs du régime des fonctionnaires civils de l'État et des militaires.

Contrairement à l'estimation des engagements de retraites, qui est réalisée en système fermé (elle ne tient compte que des droits acquis aux pensionnés actuels et liés aux carrières des actifs en poste), cette méthode est dite « en système ouvert » c'est-à-dire qu'elle appréhende les besoins de financement futurs inhérents au régime, compte tenu de la masse des prestations et des cotisations anticipées.

Encore estimé à 95 milliards d'euros à l'horizon 2050 dans le compte général de l'État, la capacité de financement actualisée du régime a été ramenée à 2 milliards d'euros dans le compte général pour 2016, puis 1,4 milliard d'euros en 2017.

Les conditions de la révision exceptionnelle intervenue en 2016

Source : compte général de l'État pour 2016

Le changement de modèle de projections des engagements de retraite joue pour 132 milliards d'euros dans la modification des projections de solde. Les mesures nouvelles adoptées en 2016 ont exercé un effet de sens contraire en concourant à l'amélioration des perspectives de solde.

Il s'agit essentiellement du relèvement de la valeur du point d'indice et du PPCR. Cette estimation est dépendante de l'horizon de projection, le PPCR devant conduire à terme, à dégrader la capacité de financement du régime. Si ces mesures exercent un effet favorable sur les recettes du régime, leurs effets sur les dépenses ne sont pas pleinement captés par l'horizon de la projection. A un terme plus éloigné que 2050, quand les fonctionnaires qui en auront bénéficié partiront en retraite, les dépenses correspondantes en seront rehaussées d'autant

Comme pour les engagements de l'État, cet exercice fournit principalement un ordre de grandeur dans la mesure où le résultat est sensible aux hypothèses privilégiées dans la projection et, en particulier, au taux d'actualisation retenu.

Variantes portant sur l'estimation du solde du régime à l'horizon 2050 en fonction du taux d'actualisation

Source : compte général de l'État pour 2017

Le graphique ci-après illustre la projection du solde du compte (correspondant au programme 741) pour la période 2017-2050, compte tenu d'une projection de ses différentes recettes, celles liées aux cotisations salariales (6 milliards d'euros en 2017) et aux contributions des employeurs (46 milliards d'euros en 2017) à droit constant.

Dans un contexte de faible progression des recettes du compte combinant une dynamique des cotisations salariales légèrement plus forte que celle des contributions patronales, le solde resterait positif jusqu'au milieu des années 2020.

Le solde cumulé (de 7,6 milliards d'euros en 2018) dépasserait 30 milliards d'euros à l'aube des années 2030, tout se passant comme si, au cours des prochaines années, le régime accumulait des réserves de financement.

Sous l'influence de déficits entre 2030 et 2045, les réserves accumulées seraient consommées. Un besoin de financement se creuserait temporairement (jusqu'à dépasser 6 milliards d'euros en cumulé) puis, sous l'effet d'un retour à l'excédent, il entamerait une reconstitution.

Besoin de financement des retraites du régime des fonctionnaires de l'État et des militaires

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Ce profil d'équilibre financier, qui traduit l'impact du ralentissement du volume des pensions lié aux réformes des retraites et l'augmentation de la pression fiscale sur les fonctionnaires, reste dépendant d'un raisonnement à législation constante, en particulier de maintien sur toute la durée de la projection du taux de contribution des employeurs à son niveau actuel, historiquement élevé.

D. DES PERSPECTIVES QUI DEMEURENT LIÉES À L'ACCEPTATION SOCIALE DES SCENARIOS SUR LESQUELS ELLES REPOSENT

Une des clefs de compréhension de l'équilibre du régime réside dans la perspective d'une baisse constante des taux de remplacement offerts par les pensions ainsi que des taux de rendement des contributions.

Au-delà des lourdes incertitudes sur l'impact de modifications démographiques pouvant toucher les différents âges de la vie (entrée sur le marché du travail, mortalité, espérance de vie en bonne santé, effets de la natalité), il reste à évaluer la soutenabilité d'un système de base de pensions qui offre une perspective de décrochage du niveau de vie des retraités par rapport aux actifs.

Dans les scenarios portant sur l'ensemble du système de retraite, la pension nette moyenne relative au revenu moyen d'activité se réduit. Cette évolution est une condition majeure pour l'équilibre financier du système de retraite.

C'est logiquement dans le scénario de croissance économique la plus forte que la pension moyenne relative au revenu d'activité moyen décrocherait le plus à législation constante.

Pension nette moyenne par rapport au revenu d'activité net moyen

Source : rapport du COR Juin 2018

D'un peu plus de 60 % du revenu moyen d'activité, la pension moyenne passerait à 40 % dans ce scenario (50 % dans le scenario de plus faible croissance économique).

Pour autant, la valeur de la pension moyenne serait croissante dans tous les scenarios.

Pension nette moyenne en euros constants de 2017

Source : rapport du COR Juin 2018

Logiquement, la croissance de la valeur de la pension serait la plus forte dans le scenario de croissance économique le plus dynamique. Elle atteindrait plus de 50 % entre l'année de départ et 2070.

Le niveau de vie absolu assuré par la pension moyenne augmenterait donc, mais le niveau de vie relatif des retraités chuterait.

Niveau de vie des retraités rapporté à celui de l'ensemble de la population

Source : rapport du COR Juin 2018

Il perdrait plus de 25 points à l'horizon de la projection, sous l'hypothèse d'un maintien des autres revenus des retraités dans le PIB. Cette dernière hypothèse peut évidemment être discutée dans la mesure où le décrochage du revenu des retraités par rapport à celui des personnes en activité peut s'accompagner d'un renforcement du patrimoine des actifs plus important que pour celui des retraités (une partie de ce différentiel se retrouvant toutefois dans les revenus des retraités à mesure que les actifs partent en retraite).

Dans cette configuration, les taux de remplacement assurés par les retraites se replieraient nettement.

Taux de remplacement net moyen sur le cycle de vie pour un salarié non cadre

Source : rapport du COR Juin 2018

Taux de remplacement net moyen sur le cycle de vie pour un fonctionnaire sédentaire de catégorie B

Source : rapport du COR Juin 2018

On observe que les taux de remplacement net moyen sur le cycle de vie reculeraient dans tous les cas de figure, mais plus ou moins selon la croissance économique, et selon l'appartenance au régime des salariés ou des fonctionnaires (pour ces qualifications proches).

La baisse serait plus accusée dans le régime général. Cette différence peut être attribuée à un niveau initial du taux de remplacement supérieur de 20 points dans le régime général, mais elle est surtout le produit des écarts entre les modalités de calcul de la pension dans les deux régimes.

Ils impliquent que le décrochage avec la croissance est plus fort dans le régime général que dans la fonction publique, du moins lorsque les rémunérations indiciaires des fonctionnaires ne sont pas gelées.

Le taux de remplacement assuré par le régime des fonctionnaires demeure inférieur à celui du régime général.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 13 novembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ».

M. Vincent Éblé , président . - Permettez-moi de souhaiter la bienvenue à notre collègue René-Paul Savary, membre de la commission des affaires sociales, qui suit de près ces questions et nous livrera son point de vue sur, notamment, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».

Mme Sylvie Vermeillet , rapporteure spéciale de la mission « Régimes sociaux et de retraite » . - Je salue moi aussi la présence de notre collègue René-Paul Savary, avec qui je partage un certain nombre de préoccupations.

Je vous présenterai brièvement - et peut-être pour la dernière fois... - la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ».

M. Jean-Claude Requier . - Pourquoi ? Il n'y aura plus de retraites ?...

Mme Sylvie Vermeillet , rapporteure spéciale . - Sait-on jamais...

La mission « Régimes sociaux et de retraite » subventionne les déséquilibres financiers des régimes spéciaux, principalement ceux de la SNCF et de la RATP, qui absorbent les deux tiers des dotations, ainsi que ceux des marins et des mines pour l'autre tiers. Il est toutefois à noter le rattachement du régime complémentaire des exploitants agricoles, avec une dotation budgétaire de 55 millions d'euros, qui devrait être maintenue à ce niveau malgré la disparition de taxes à hauteur de 190 millions d'euros, les taxes sur les huiles et les farines, qui finançaient plus de 20 % des dépenses.

Les crédits de la mission baissent un peu, pour s'établir à 6,2 milliards d'euros, mais les incertitudes sont telles qu'il est inutile de commenter une évolution soumise à d'importants aléas. Ceux-ci sont renforcés par l'incertitude liée à la réforme du système des retraites. Par ailleurs, à la suite d'un contentieux, les conditions dans lesquelles une dette de l'État de l'ordre de 100 millions d'euros envers le régime de la SNCF sera honorée ne sont pas précisées. L'essentiel est que les subventions d'équilibre demeurent à un niveau élevé.

Cette stabilisation est quelque peu décevante au vu des réformes passées des régimes, mais, pour l'essentiel, ces dernières entreront en application dans les années à venir. La politique de revalorisation des pensions adoptée par le Gouvernement est de nature à augmenter les dépenses à hauteur de 27 millions d'euros, mais la sous-revalorisation mise en oeuvre en 2018 et en 2019 dégage des économies de près de 100 millions d'euros.

Les régimes spéciaux connaissent une progression spontanée assez significative de leurs dépenses du fait de la revalorisation des bases liquidatives, à l'inverse de ce qui se produit pour l'État.

Les subventions couvrent principalement les déséquilibres démographiques. Le rapport démographique de 1,3 dans le régime général n'est que de 0,65 à la SNCF et de 0,85 à la RATP. C'est l'origine de la majeure partie de la subvention de 3,3 milliards d'euros versée à la SNCF et de celle de 736 millions versée à la RATP. Il en va de même pour les marins, avec une subvention de 815 millions d'euros, et les mines, avec une subvention de 1,1 milliard d'euros.

Cependant, les déséquilibres démographiques ne sont pas indépendants des règles spéciales s'appliquant à ces régimes. Ces dernières ont été partiellement corrigées par les réformes, mais celles-ci n'exerceront leurs effets que dans le temps. Pour le moment, les âges de départ, qui ont augmenté, restent bas (cinquante-sept ans et cinq mois à la SNCF et cinquante-cinq ans et cinq mois à la RATP). Ils sont plus bas encore pour les agents de conduite (cinquante-deux ans), cette situation pouvant être discutée selon l'opinion que l'on se fait de la pénibilité des métiers. Ainsi, les périodes de retraite sont assez inhabituelles (plus de quarante ans avec les réversions à la RATP) : elles sont supérieures à la durée d'activité. La montée en puissance des réformes concernant les conditions d'âge se traduira par des économies substantielles.

Les régimes spéciaux, du fait de cette perspective, mais aussi de l'extinction de certains régimes, comme le régime minier, devraient parvenir à un meilleur équilibre et, par là même, beaucoup moins solliciter la subvention publique. Les engagements de l'État actualisés se situent en cumulé entre 120 et 160 milliards d'euros pour la période allant de 2017 à 2050. Cela correspond à une réduction des besoins de financement projetés. Dans le compte général de l'État, les soldes financiers des régimes se rétablissent et se stabilisent à terme autour de 1,4 milliard d'euros, contre 6,2 aujourd'hui.

Toutefois, cette perspective, qui est évidemment soumise aux aléas de la vie économique, a été remise en cause par l'adoption du « pacte ferroviaire ». Celui-ci instaure un nouveau régime fermé, les nouveaux salariés de la SNCF étant appelés à être recrutés hors statut. Les pertes de recettes du régime des anciens salariés s'accentueront en cours de période, les baisses de dépenses intervenant plus tardivement. L'opération se solde par un alourdissement des engagements de couverture de l'État de 1,7 milliard d'euros par an à l'horizon de 2050.

Le CAS « Pensions », avec des crédits de paiement à hauteur de 59 milliards d'euros, connaît, de son côté, des évolutions très modérées. Les dépenses progressent de 1 %, soit à peu près au même niveau que les recettes toutefois un peu moins dynamiques. Concernant les dépenses, la sous-revalorisation des pensions permet d'économiser plus de 600 millions d'euros bruts, la revalorisation de 0,3 % au 1 er janvier augmentant les dépenses de 147 millions d'euros. Le bilan est positif pour l'État, avec une économie en 2019 de près de 500 millions d'euros. L'écart est sensible pour la pension moyenne avec 250 euros de moins. Les pensions nouvellement liquidées le sont sur une base qui décroche depuis quelques années de l'inflation. C'est l'effet de la faible revalorisation indiciaire. Seuls échappent à celle-ci les personnels bénéficiant du glissement vieillesse-technicité (GVT), ce qui avantage certains hauts fonctionnaires. Les recettes progressent moins que la masse salariale de l'État en raison de la structure de rémunération qui réserve une place importante aux primes généralement non cotisées, mais aussi du fait de la déformation de l'emploi public. Depuis quelques années, la part des contractuels non affiliés a augmenté de plus de quatre points ; elle était supérieure à 16 % en 2016.

Malgré des recettes évoluant très peu, le solde financier devrait demeurer à peu près inchangé, en excédent de 1,6 milliard d'euros. Le solde cumulé atteindrait 8,4 milliards à la fin de l'année 2019. Ces dernières années, la progression des cotisations salariales a permis de couvrir les dépenses supplémentaires, si bien que le supplément de contribution employeur de l'État a contribué à améliorer le solde du CAS.

Les soldes financiers des régimes couverts par le CAS devraient demeurer plus ou moins positifs dans tous les scénarios à l'horizon de 2070, au contraire du solde du régime général qui exigera que la croissance soit supérieure à 1,5 %.

Les perspectives du CAS reposent sur une forte réduction de la valeur relative de la pension servie par rapport au revenu moyen d'activité. La valeur réelle de la pension servie progresserait de 50 % entre 2017 et 2070, même si le niveau de vie des retraités relatif chutait de 25 % par rapport à l'ensemble de la population.

Face à ces perspectives, les conditions de liquidation des pensions dans le régime général et dans la fonction publique sont très différentes. Aujourd'hui, le taux de remplacement est nettement plus élevé dans le régime général en raison de l'exclusion des primes des fonctionnaires de la base de liquidation.

Le pilotage implicite de l'équilibre financier des régimes de retraite passe par une dégradation de l'assiette de liquidation des pensions. Dans le régime général, le calcul sur les vingt-cinq meilleures années de salaires qui ne sont revalorisées que de l'inflation concourt à ce décrochage. Dans la fonction publique, le calcul sur les six derniers mois permet une revalorisation qui tient compte des progressions de carrière. Aussi, le taux de remplacement de la fonction publique ne perdra que de cinq à sept points contre quinze points dans le régime général.

Malgré les différences entre les régimes de liquidation, les avantages relatifs du régime des fonctionnaires ne doivent pas être exagérés. J'observe cependant que plus la rémunération est élevée, moins elle est cotisée. Dans un régime à cotisations définies et à points, comme celui qui est actuellement envisagé, ceci pose question.

Dans le cadre de la réforme, il faut donc évoquer ici le projet d'intégrer les primes des fonctionnaires. Cela impliquera, outre un certain nombre de modifications dans la répartition des droits entre catégories, une réduction du pouvoir d'achat courant, compensée par la constitution de droits nouveaux, mais dont la conversion en revenus sera fortement différée. Combiné avec l'application du prélèvement à la source, l'effet « feuille de paye » s'annonce assez délicat.

Je vous propose d'adopter les crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale.

M. René-Paul Savary . - Je m'exprimerai ici à titre personnel, la commission des affaires sociales n'ayant pas encore examiné cette mission. Nous ferons les mêmes remarques que l'an dernier.

Je note les différentes approches entre le CAS « Pensions » et la mission « Régimes spéciaux et de retraite », avec, d'un côté, des recettes et des dépenses exposées avec une vision réaliste de la situation et, de l'autre, une subvention d'équilibre, à hauteur des deux tiers du financement des pensions des régimes spéciaux, qui ne reflète pas la réalité des problèmes.

Les problèmes sont différents d'un régime à l'autre ; j'ai pu le constater au travers des auditions que j'ai organisées en tant que futur rapporteur du projet de loi sur les retraites. Il faudra pourtant en tenir compte lors de la réforme. Comment ces spécificités seront-elles transcrites ? Comment parvenir à une équité ? Des mesures ont certes déjà été prises concernant l'âge de départ à la retraite : on arrive à une uniformisation.

Aujourd'hui, il y a une part forfaitisée, si je puis dire, au travers d'une subvention d'équilibre, et une cotisation patronale de l'État. À l'avenir, comment clarifiera-t-on la situation d'employeur de l'État pour parvenir à un régime universel ?

Quant aux coûts de gestion des régimes spéciaux, ils sont importants. La réforme concernera 96 % des salariés ; il n'y aura donc plus de place pour les régimes de retraite complémentaires obligatoires. Il conviendra d'améliorer les coûts de gestion (plus de 320 millions d'euros annuellement pour l'ensemble des régimes de retraite de base et complémentaires).

Je partage les observations formulées par votre rapporteur spécial dans leur intégralité.

M. Thierry Carcenac . - Ce rapport nous permet de toucher du doigt la difficulté d'harmoniser les régimes spéciaux, le régime général et les pensions des fonctionnaires. De façon générale, se pose, à nos yeux, le problème de la majoration de 0,3 % des retraites en termes de pouvoir d'achat. Néanmoins, je ne vois pas comment nous pourrions ne pas voter les crédits de cette mission et du CAS « Pensions ».

Concernant les coûts de gestion, j'ai lu que le programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » est géré à Périgny en Charente-Maritime. La situation des personnels a-t-elle été évoquée, alors même que l'on nous parle de déconcentration ?

Par ailleurs, on a tendance à nous dire que les pensions des fonctionnaires de l'État sont importantes en raison du calcul sur les six derniers mois. Mais se pose la problématique des primes. De nombreux départs à la retraite de personnels de catégorie C sont prévus, alors que les personnels de catégorie A et A+ partent généralement après l'âge légal et bénéficient de la surcote. Que sait-on sur ce sujet ? La suppression des 50 000 fonctionnaires au cours de la législature a-t-elle été prise en compte dans l'équilibre global des pensions ? Vous l'avez noté, l'État envisage de recourir plus encore aux contractuels.

M. Jean-Claude Requier . - Un grand chambardement va se produire à la suite du rapport de M. Delevoye, ancien sénateur : on peut être sénateur et réformer !

Je relève le poids des régimes spéciaux, avec une contribution de plus de 6 milliards d'euros, ce qui est considérable. Si l'on peut comprendre cette forme d'héritage culturel, les divers régimes vont devoir s'uniformiser pour ce qui concerne tant l'âge du départ à la retraite que le calcul des retraites. Nous abordons ici ce sujet difficile de manière sereine. L'ensemble des membres du groupe du RDSE sans doute votera ces crédits.

Mme Christine Lavarde . - Je profite de la présence du rapporteur du futur projet de loi sur les retraites pour poser une question relative aux petites retraites de 600 ou 700 euros. Des personnes licenciées à quelques mois ou trimestres de leur départ à la retraite souhaitent bénéficier du dispositif du cumul emploi retraite. Or elles cotisent pour la retraite, sans voir la leur abonder pour autant. Ces personnes se démènent pour vivre des revenus de leur travail et non pas des minima sociaux ou de différentes aides. Ne conviendrait-il pas de faire évoluer cette situation ?

Mme Sylvie Vermeillet , rapporteure spéciale . - Je tiens à souligner que la future réforme est très anxiogène pour les militaires. Il est aujourd'hui difficile de dire aux futurs recrutés ce qu'il adviendra de leur retraite. Or c'est un élément très important dans une carrière militaire.

Thierry Carcenac, la revalorisation de 0,3 % des retraites seulement entraîne un boni de 500 millions d'euros pour l'État. On ne sait pas ce que deviendront les personnels des sites qui gèrent toutes les caisses de retraite, ainsi que les bâtiments. À l'heure actuelle, on est encore bien loin de tout cela. A priori , une seule structure pourrait assurer le pilotage.

On observe effectivement des surcotes dans les personnels de catégorie A, ce qui participe à une certaine iniquité mais résulte aussi de la faiblesse des taux de remplacement. Cette question fait partie des aléas comportementaux dans l'évolution du CAS dont j'ai parlé.

Le départ prévu de 50 000 fonctionnaires induit 50 000 cotisants en moins. Cela correspond toutefois à moins de 2,5 % de la masse salariale publique. Je l'ai dit, on a de plus en plus recours aux contractuels.

Jean-Claude Requier, les régimes spéciaux sont là pour compenser un déséquilibre démographique. Comme l'a souligné René-Paul Savary, dans le cadre de la réforme des retraites, nous ne savons pas comment seront traduits certains avantages réels, comme l'âge de départ à la retraite à la SNCF ou à la RATP. La contribution de 6,2 milliards d'euros n'est pas uniquement due au déséquilibre démographique. Revoir le départ à la retraite à cinquante-deux ans du personnel roulant de la SNCF risque de faire quelques vagues.

Christine Lavarde, le régime à points réglerait le problème du cumul que vous avez évoqué : dès lors que l'on travaille, on cotise et on acquiert donc des points.

Mme Christine Lavarde . - Aujourd'hui, ces personnes sont obligées de cotiser et ne perçoivent rien de plus.

Mme Sylvie Vermeillet , rapporteure spéciale . - La situation n'est pas satisfaisante aujourd'hui, mais la réforme devra résoudre ce problème.

Mme Christine Lavarde . - Il y aurait donc un calcul continu de la pension de retraite.

Mme Sylvie Vermeillet , rapporteure spéciale . - Oui.

M. René-Paul Savary . - Même si une simplification est opérée au travers des points - chaque rémunération donnera des points -, il faudra voir comment s'exercera la solidarité. Se pose notamment le problème des petites retraites, qui sont aujourd'hui compensées par le biais du minimum contributif (MICO), une prestation complémentaire permettant d'avoir une retraite minimale. Demain, la part de solidarité doit rester identique sur le plan macroéconomique (20 % de l'ensemble des prestations), mais on ne sait pas comment elle se déclinera.

J'ajoute que la commission des affaires sociales proposera de décaler de six mois, dès 2020, l'âge du départ à la retraite pour arriver à soixante-trois ans, levier incontournable pour équilibrer le régime des retraites en assurant des pensions décentes. Concernant le pouvoir d'achat des retraités - nous n'avons pas été insensibles à cette préoccupation -, nous proposerons un amendement visant à indexer, dès 2019, les pensions sur l'inflation selon un mécanisme identique à celui qui était en vigueur avant 2015, de façon à limiter la diminution du pouvoir d'achat.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'âge du départ à la retraite nettement plus précoce des cheminots tient à des raisons historiques. À l'époque, beaucoup mouraient malheureusement de maladies professionnelles et ne bénéficiaient pas de leur retraite. Au regard des évolutions techniques, ces avantages sont aujourd'hui beaucoup moins justifiés. Un conducteur de bus a même une plus grande responsabilité individuelle qu'un conducteur de train automatisé. Ces avantages sont encore moins justifiés pour les personnels administratifs : du fait de la bonification pour enfants, certaines employées de cinquante-trois ou cinquante-quatre ans partent à la retraite. Même si l'âge a été relevé, on sait que l'âge effectif ne correspond pas à l'âge légal. Il s'agit d'arriver progressivement à faire converger l'âge du départ à la retraite avec la réalité actuelle. D'ailleurs, connaissez-vous l'âge effectif de départ à la retraite des non-roulants à la RATP ?

Mme Sylvie Vermeillet , rapporteure spéciale . - L'âge moyen est de cinquante-sept ans et cinq mois. À la page 48 du rapport, vous trouverez un tableau établissant la répartition des retraités selon leur âge.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je note que 53 % des personnels de la RATP de moins de cinquante-six ans partent à la retraite !

Mme Sylvie Vermeillet , rapporteure spéciale . - J'ajoute que les réformes successives ayant fait passer l'âge de départ à la retraite pour les roulants de cinquante à cinquante-deux ans et cinquante-cinq à cinquante-sept ans pour les non-roulants se sont chaque fois accompagnées d'avantages salariaux relativement coûteux.

Par ailleurs, avec les mécanismes de décote et de surcote, mécaniquement, l'âge légal de départ à la retraite est plutôt de soixante-quatre ans pour avoir une retraite décente ; les projections à long terme intègrent d'ailleurs la perspective d'un report de l'âge effectif de départ à la retraite bien au-delà de 62 ans.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 22 novembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'action et des comptes publics

Ø Direction générale des finances publiques (DGFiP)

- M. Alain PIAU, chef du service des retraites de l'État (SRE).

Ø Direction du budget

- M. Philippe BRIARD, chef du bureau des retraites et des régimes spéciaux (6BRS).


* 1 En pratique, compte tenu des délais de paiement, le versement effectif de la pension revalorisée n'intervient qu'en novembre, dans la plupart des cas.

* 2 Un régime de retraite est dit « fermé » lorsqu'il n'accueille plus aucun nouvel affilié.

* 3 Soit un « effet de noria » négatif.

* 4 Décrets n° 2014-668 du 23 juin 2014 relatif au régime spécial de retraite de la RATP et n° 2014-772 du 27 juin 2014 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF.

* 5 Ratio pondéré des pensions de réversion ; 0, 55 hors réversion.

* 6 Voir l'annexe n° 1 pour une présentation détaillée des mesures concernant la RATP et la SNCF

* 7 Décrets n° 2011-292 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la RATP et n° 2011-291 du 18 mars 2011 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF.

* 8 Décret n° 2014-712 du 27 juin 2014 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF et décret n° 2014-668 du 23 juin 2014 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la RATP.

* 9 Document de travail n° 9 examiné lors de la séance plénière du conseil du 25 mai 2016.

* 10 Représenté par les différents taux d' actualisation sélectionnés pour les imlations

* 11 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 12 Contributions aux seules pensions.

* 13 Hors cotisations salariales des agents d'Orange société anonyme (SA) et de La Poste.

* 14 Le nombre des cotisants civils a baissé de 48 000 entre 2011 et 2017. Pour les ouvriers de l'Etat, la baisse est d'à peu près 16 000 au cours de la même période.

* 15 Article 42 de la loi n° 210-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites et décret d'application n° 2010-1749 du 30 décembre 2010.

* 16 Décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse.

* 17 Décret n° 2013-1290 du 27 décembre 2013 modifiant les taux des cotisations d'assurance vieillesse de divers régimes de sécurité sociale et des cotisations d'allocations familiales.

* 18 Il est d'autant plus nécessaire de procéder à cet enrichissement de l'information que les dépenses publiques de retraites sont partiellement financées par des prélèvements sur les revenus des retraités.

* 19 Cet effort recouvre les prélèvements obligatoires nécessaires pour couvrir les engagements quelle que soit la forme qu'ils doivent prendre.

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