B. LES HEURES SUPPLÉMENTAIRES DE LA POLICE NATIONALE : LA NÉCESSITÉ D'ENDIGUER LE FLUX ET D'APURER LE STOCK

Contrairement aux gendarmes, les policiers bénéficient d'une compensation au titre des services supplémentaires effectués (dépassement horaire, permanences, rappels). Sauf pour les compagnies républicaines de sécurité (CRS), dont les heures supplémentaires peuvent être payées, ces services complémentaires sont compensés par l'octroi d'heures récupérables 34 ( * ) .

Le stock des heures supplémentaires à apurer s'élève à 20,9 millions d'heures fin 2016.

Au cours des trois dernières années, les heures supplémentaires au sein de la police nationale ont évolué de manière constante : après une baisse par rapport à l'année précédente de 4,54 %, le volume de capitalisation d'heures supplémentaires au 31 décembre 2014 était de 18,36 millions. Au 31 décembre 2015, cette capitalisation se portait à 19,76 millions d'heures, soit une augmentation de 9,32 %. Enfin, au 31 décembre 2017 la capitalisation atteint 21,764 millions d'heures, soit une augmentation de plus de 18 % depuis 2014.

Au niveau national, tous corps confondus, l'évolution moyenne des heures supplémentaires par agent a été de 133 heures en 2014, de 147 heures en 2015 et de 157 heures pour l'année 2017.

Nombre d'heures et montant théorique moyen par agent concerné

2014

2015

2016

2017

Nombre d'heures moyen / agent

138h27

147h28

155h39

157h37

Coût moyen / agent

1 707 €

1 818 €

1 930 €

1 965 €

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les dépassements horaires sont massivement à l'origine de la création des heures supplémentaires et représentent 36,51 % du volume global. À cela s'ajoute la compensation majorée 35 ( * ) qui, pour 2016, a constitué un coût budgétaire de 2,16 millions d'heures, soit 20,28 % du total des heures acquises.

Évaluation du stock d'heures supplémentaires

(en heures, en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Au 31 décembre 2017, le stock total des heures supplémentaires peut donc être évalué à 271,4 millions d'euros au coût de rachat en 2018. Ces rachats ne peuvent toutefois être effectués que pour les agents des compagnies républicaines de sécurité (CRS). Pour les autres agents, ce stock d'heures supplémentaires constitue, selon les propos du directeur général de la police nationale, une véritable « épée de Damoclès opérationnelle », les fonctionnaires pouvant liquider ces heures avant leur départ à la retraite. Ces derniers étant juridiquement en congés et non en retraite, ils ne sont pas remplacés durant cette période, ce qui contribue à creuser un véritable « trou » opérationnel. Certains services, comme le Service de la protection (SDLP), ont connu une forte hausse de leur activité et disposent d'un stock par agent parfois supérieur à un an 36 ( * ) .

L'activité opérationnelle n'étant pas appelée à diminuer prochainement, un rachat des heures d'agents n'appartenant pas au corps des CRS pourrait utilement être envisagée, plutôt qu'une augmentation du stock, dont l'apurement apparaît peu probable à court-terme.

Ainsi une estimation de l'indemnisation du flux d'un million d'heures supplémentaires, pour un montant de 12,5 millions d'euros annuels, permettrait de résorber le stock d'heures supplémentaires en 16 ans et 8 mois, de libérer 622 ETP par an et d'éviter la création d'environ 270 000 heures de majoration, soit l'équivalent de 168 ETP supplémentaires. Des difficultés pourraient toutefois naître avec les syndicats quant au taux de majoration retenu pour ces heures. Le financement d'un tel apurement n'est, en outre, pas prévu par le présent projet de loi de finances. Des pistes d'autofinancement par le programme n° 176 « Police nationale » sont évoquées pour les années à venir, comme la suppression de la prime de résultats exceptionnels (PRE), qui permettrait une économie annuelle de 24,5 millions d'euros par an 37 ( * ) .

À plus court-terme, il apparait nécessaire de maîtriser le flux des heures supplémentaires créées chaque année par :

- la mise en place de quotas par direction ;

- la responsabilisation des chefs de service, aujourd'hui non comptables des heures supplémentaires créées ;

- la modification de la réglementation afin de permettre d'imposer aux agents l'utilisation de leurs heures supplémentaires .


* 34 Ces dernières correspondent au nombre d'heures supplémentaires, multiplié par un coefficient allant de 1 à 3 selon le moment où elles ont été effectuées.

* 35 Qui s'applique notamment aux heures effectuées de nuit.

* 36 Audition du directeur général de la police nationale.

* 37 Cette prime est souvent mal perçue par les syndicats car elle n'est versée qu'à environ 30 % des effectifs.

Page mise à jour le

Partager cette page